Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Il est 8h20 et exceptionnellement, ce face-à-face qui commence donc tout de suite parce que nous avons une heure, une heure. Bonjour François BAYROU.
FRANÇOIS BAYROU
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Parce qu'il y a de très nombreux sujets. Vous êtes Premier ministre depuis bientôt six mois et vous avez donc accepté de répondre à toutes mes questions sur BFM TV et RMC. D'abord, merci d'avoir choisi le face-à-face. Les colères sociales qui s'accumulent et qui virent parfois au blocage, le déficit qui est abyssal. On est en train de perdre le contrôle, c'est même le mot de la Cour des comptes. Inquiétude aussi sur le front de la sécurité, du narcotrafic, révélation du rapport sur l'antisémitisme des Frères Musulmans et puis la loi sur la fin de vie. La loi sur la fin de vie dont le vote solennel devrait avoir lieu dans la journée. Le tout dans un pays fébrile et avec une majorité fragile. Le macronisme qui s'essouffle, les ambitions qui se réveillent à l'approche de 2027. On a donc une heure et je voudrais commencer par ces quarante milliards à trouver. Parce qu'au fond, je me dis peut-être qu'en une heure, on va y arriver, ces 40 milliards. Mais quand je regarde que sur les quarante milliards, vous voudriez déjà commencer avec simplement 300 millions d'efforts à demander aux taxis et que ça bloque, je me dis que ce n'est pas gagné.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, si c'était gagné, depuis longtemps, ça ne serait pas notre équipe qui serait au Gouvernement, parce que comme vous savez, nous sommes arrivés, il n'y avait pas de budget. Le Gouvernement de Michel BARNIER avait été renversé. Il n'y avait pas de majorité et pas de perspective. Les Français disaient : "Ce Gouvernement ne durera pas deux semaines". Le plus profond, le plus important, c'est la situation du pays. Comme vous l'avez dit, depuis des décennies, on a laissé tout courant politique confondu. On a laissé s'accumuler les déficits. On a laissé s'accumuler une montagne de dettes. Le pays est en situation de surendettement. Et plus grave à mes yeux encore, si on peut dire plus grave, c'est que la France est un pays qui ne produit pas autant que ses voisins. Et donc, vous vous trouvez dans une situation où tous les mois, on dépense 10 % de plus que ce qui rentre dans les caisses. Et comme vous savez, cette situation-là, pour les familles, pour les entreprises, c'est une situation insupportable et qui ne peut pas durer. Le Gouvernement a choisi d'affronter, les yeux ouverts, cette situation. Et donc, j'ai indiqué, comme vous savez, on a fait une grande conférence pour dire aux Français quelle était la situation. Avec un horizon qui est au début du mois de juillet, je proposerai aux Français un plan de retour à l'équilibre des finances publiques sur trois ou quatre années. Un plan pluriannuel.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais encore une fois, François BAYROU, on va prendre le temps de tout ça. Mais quand on regarde là ce qui se passe dans la rue, vous avez rendez-vous tout à l'heure avec des taxis. Il y a encore une réunion. Vous les avez vus samedi. Les taxis, vous leur demandez, c'est simple, 300 millions d'économies. La sécurité sociale dit : "Le transport sanitaire, c'est 6,8 milliards d'euros, dont 3,1 milliards pour les taxis qu'on mentionnait". Ça a augmenté de 45 % en cinq ans. Et l'économie que vous leur demandez, dans ces milliards, c'est en réalité 300 millions sur trois ans. Donc ça va commencer par 150 millions, avec un forfait de prise en charge. En fonction des départements, ce ne serait plus au compteur. Et ça bloque. On en est au tout petit début.
FRANÇOIS BAYROU
Est-ce que vous voulez me laisser expliquer cette situation-là ? Donc je dis, le Gouvernement va proposer aux Français un plan de retour à l'équilibre des finances publiques. Et ce plan de retour à l'équilibre des finances publiques, il va demander un effort à tous les Français, le plus juste possible. Mais un effort suffisant pour que la France sorte de cette situation dans laquelle on est montré du doigt. Et qu'on a laissé grandir au travers du temps. Peut-être que vous vous souviendrez qu'il y a un homme politique, un seul, qui a essayé de faire du sujet de la dette un grand sujet national.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous. C'est le moment du fishing for compliments, comme on dit. Vous faites la pêche au compliment.
FRANÇOIS BAYROU
Non, Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est tout à fait vrai. Et je me souviens bien que pendant les différentes campagnes présidentielles, vous avez toujours dit la dette, la dette, la dette. Sauf que là, vous avez les manettes et vous n'arrivez pas à faire 300 millions d'économies. Est-ce que vous ferez mieux que les autres ?
FRANÇOIS BAYROU
Est-ce qu'on pourrait faire une interview dans laquelle on écoute les réponses quand on a posé les questions ?
APOLLINE DE MALHERBE
Je les écoute mais, sur les taxis, je ne vois pas comment vous allez vous en sortir.
FRANÇOIS BAYROU
Très bien, vous avez fini de poser la question. Alors, je vais vous répondre de la manière la plus simple. Il n'est pas question de ne pas aller dans cette économie-là. Mais les taxis disent : "Mais pourquoi ne nous a-t-on pas associés à la décision qu'il faut prendre ?". Et cette méthode-là, qui est une méthode que je résume en quatre mots : Jamais sans les Français, jamais sans la base, jamais sans ceux qui sont au travail. Cette méthode-là, c'est la seule qui permet d'avancer. Est-ce que nous allons maintenir la date d'application de cet effort pour les taxis ? Oui. Ce qui était prévu, c'était le 2 octobre. Le 1er ou le 2 octobre. Le 1er ou le 2 octobre, le plan sera en place. Je vous le dis.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce sera appliqué. Au 1er octobre. Vous ne repoussez pas ?
FRANÇOIS BAYROU
Non mais parce que c'est bien qu'on écoute. Donc, 1er ou 2 octobre, le plan sera en place. Est-ce que ce plan va demander moins d'efforts que ce qui était prévu avant-hier ? Non. Je suis persuadé qu'on peut faire mieux. Qu'on peut faire…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez faire plus d'économies ?
FRANÇOIS BAYROU
Qu'on peut atteindre des économies qui seront plus substantielles encore que ce qui avait été demandé dans le premier plan. Mais nous aurons travaillé avec eux à la manière de faire les choses. Les taxis, ils disent : "Mais nous on veut bien faire des économies". Alors, je sais bien, les taxis n'ont pas bonne presse. Il n'y a pas grand monde qui les soutient. Et moi, je regarde ces femmes et ces hommes qui travaillent, qui bossent des heures beaucoup plus importantes que beaucoup d'autres, qui ont monté des entreprises, et je veux les écouter. Jamais sans les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais j'ai du mal à comprendre.
FRANÇOIS BAYROU
Mais vous allez comprendre.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez leur demander plus d'efforts. Vous allez faire effectivement la réforme au 1er ou au 2 octobre comme prévu. Et vous pensez que ça va bien se passer ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'ils vont accepter ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Et qu'ils vont même d'eux-mêmes vous proposer davantage d'économies ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire moins de sous pour eux ? Je ne vois pas comment ça peut…
FRANÇOIS BAYROU
Non mais parce que... On n'écoute pas ce que ceux qui connaissent la situation disent et ce qu'eux disent. Est-ce qu'il faut lutter contre des fraudes ? Oui. Il y a probablement des gens qui abusent de la situation parce qu'on les a laissés faire aussi. Et donc, cette question de la convention avec la sécurité sociale, est-ce qu'on peut transporter, répondre à la demande des patients et en même temps ne pas gaspiller l'argent public ? Ma réponse est oui. Je pense qu'on peut faire plus d'économies que ce qui avait été prévu. Mais on va définir ces économies avec eux. Mais ce n'est pas leur seul problème, les taxis. Je dirais même que ce n'est probablement pas le problème le plus important.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est un problème important pour certains qui ont une majorité de leurs chiffres d'affaires qui reposent désormais sur ce transport sanitaire, notamment en province.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, c'est important. Et je répète, cette convention-là, on peut tout à fait obtenir une situation... C'est ma conviction, j'ai passé trois heures avec eux. On peut tout à fait obtenir une situation dans laquelle on obtienne les économies demandées et même davantage que ce qui était demandé. Ils sont d'accord pour ça. Ils sont d'accord pour proposer des idées. Et j'ai moi-même des idées. Je ne suis pas sans idées en face de la situation. Je pense qu'une méthode de Gouvernement, de conduite des affaires différente... Ils ont tous, pendant la réunion, dit : "Mais c'est la première fois qu'on nous écoute comme ça. Que le Premier ministre vient, que les ministres viennent, et que..." Jamais sans eux. Et donc, première question. Ils ont une deuxième question qui est très lourde pour eux.
APOLLINE DE MALHERBE
Le rapport notamment aux UBER…
FRANÇOIS BAYROU
Au VTC, comme on dit, aux véhicules de tourisme avec chauffeur. Aux VTC, dont ils disent que les règles qui ont été fixées par la loi ne sont pas respectées. Par exemple, ils disent : "Il y a des organisations qui ne paient pas de charges et ne paient pas d'impôts". Est-ce que c'est acceptable ? Non, ça ne l'est pas. Ils disent mais il y a des organisations…
APOLLINE DE MALHERBE
Les plateformes devront payer leurs impôts en France.
FRANÇOIS BAYROU
Mais égalité de traitement pour tous. On le demande pour les agriculteurs mais on va le demander aussi pour eux. Il n'y a aucune raison de ne pas faire respecter les règles qu'on a fixées. Et donc, ce travail-là, nous allons le conduire avec eux dans les trois ou quatre semaines qui viennent. Et je vous dis, l'engagement du Gouvernement, c'est qu'on obtiendra les économies attendues et que même, j'espère, on obtiendra plus avec eux, pas contre eux.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est donc le début de ces fameux quarante milliards, donc, on est d'accord. Vous nous dites : "Les 300 millions d'efforts demandés aux taxis, ce sera même un minimum". Et vous le ferez simplement avec une autre méthode de dialogue. On va revenir aussi tout à l'heure sur la trajectoire financière hors de contrôle de la sécurité sociale. C'est ce que nous dit la Cour des comptes. Mais vous avez dit, et je viens d'entendre, je vais demander en juillet un effort à tous les Français.
FRANÇOIS BAYROU
C'est la même chose, c'est tous les mêmes. Sans exception, oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi ? Ça va passer par quoi ? Un effort, ça veut dire quoi ? C'est plus d'impôts ? C'est des niches fiscales qui seront réduites ?
FRANÇOIS BAYROU
Ça veut dire qu'au début du mois de juillet, avant le 14 juillet, le Gouvernement proposera aux Français de manière transparente. C'est sans précédent. D'habitude, les budgets, ça se fait au mois de septembre, au début octobre. C'est là que le Parlement fait sa rentrée et qu'on rencontre les débats habituels sur le budget. Nous avons décidé de prendre de l'avance sur ce calendrier pour que tout le pays réfléchisse à la situation dans laquelle on se trouve. On ne peut pas en rester là. Je ne sais pas si tout le monde entend ce que je dis. Il serait irresponsable, il serait scandaleux et il serait une traîtrise de l'intérêt du pays qu'on en reste à la situation actuelle. Et le Gouvernement est prêt. Vous savez, j'avais évoqué l'idée d'un référendum, qui est une décision du président de la République.
APOLLINE DE MALHERBE
Je n'ai pas trop compris cette histoire de référendum. Est-ce que c'était pour nous faire plaisir, aux Français, en nous disant : "Je vais vous consulter", ou est-ce que vous y avez vraiment cru ?
FRANÇOIS BAYROU
Mais d'abord, j'y crois.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous y croyez toujours ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui. Alors, c'est une décision du président de la République. Qu'est-ce que je cherche…
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'a pas l'air convaincu.
FRANÇOIS BAYROU
Qu'est-ce que je cherche en évoquant cette idée ? Je cherche la prise de conscience des Français. Ma certitude que j'ai exprimée cent fois, c'est que ce sont des problèmes si graves que si on veut les résoudre contre les Français, sans s'occuper d'eux, en leur imposant par l'épreuve de force, on n'y arrivera pas. Et donc le seul allié que le Gouvernement puisse avoir dans cette affaire si difficile, si exigeante, si impressionnante, j'ai évoqué l'idée d'un Himalaya, vous savez, quand j'ai été nommé dans cette fonction.
APOLLINE DE MALHERBE
Et depuis, vous avez dit : "Je vais y aller colline par colline". Donc ce n'est pas tout de suite un Himalaya, quand même.
FRANÇOIS BAYROU
Un peu de géographie, Apolline de MALHERBE, parce qu'il n'y a pas que la littérature française.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, tout à fait. Vous savez que la géographie me passionne. Mais en l'occurrence, je pense que c'est surtout de la politique.
FRANÇOIS BAYROU
L'Himalaya, c'est une chaîne de montagne. Et l'Himalaya est composée d'une dizaine peut-être de sommets de plus de 8 000 mètres. Et donc, ce n'est pas colline, comme vous avez dit. C'est des défis qui sont des défis impressionnants. Et ces défis-là, nous allons les affronter un à un. Et nous n'allons en négliger aucun. Et on va faire le tour de ces défis-là.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais j'ai besoin de comprendre, François BAYROU. Vous nous avez dit – et ça fait partie aussi, je pense, de ce que vous voulez que les Français entendent – que vous dites que vous allez tous faire des efforts. Tout le monde va faire des efforts. Et on n'a pas le choix. Concrètement, ces efforts, c'est quoi ? J'ai l'impression qu'à chaque fois que des pistes ont été évoquées, elles ont toutes été refermées. Par exemple sur la niche fiscale, l'abattement fiscal des retraités de 10 %. Est-ce que ça, ça pourrait être mis sur la table ?
FRANÇOIS BAYROU
Je ne ciblerai pas une catégorie de Français à l'exclusion des autres. Dire on va concentrer sur les uns…
APOLLINE DE MALHERBE
Je ne dis pas concentrer, mais je dis vous pouvez faire ça et d'autres choses. Donc vous ne toucherez pas les retraités.
FRANÇOIS BAYROU
Non. Vous ne m'attirez pas dans ce genre de déclaration. Je vous dis : tout le monde va devoir faire des efforts. La situation du pays... Vous avez utilisé les mots qui ont été utilisés hier, hier lundi, par la Cour des comptes.
APOLLINE DE MALHERBE
Hier par la Cour des comptes, qui parle d'une situation qui est hors de contrôle.
FRANÇOIS BAYROU
La Cour des comptes, sur la situation de la sécurité sociale, dit : "C'est aujourd'hui hors de contrôle. Les dépenses dérapent". Je vais vous dire une règle simple. Un pays comme le nôtre ne devrait pas pouvoir dépenser plus que la croissance. S'il y a une croissance de 1,5 %, on ne devrait jamais dépenser plus…
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf qu'au moment où on se parle, la croissance sera sans doute en plus de 0,5, 0,6 grand maximum.
FRANÇOIS BAYROU
Non, parce qu'il y a l'inflation en plus. Donc on ajoute les deux. Et donc cette règle-là, nous ne pouvons pas dépenser plus que ce qui rentre dans les caisses. Nous ne pouvons pas avoir une croissance des dépenses plus grande que la croissance des recettes. Et ceci est une orientation élémentaire de bon sens que chaque famille et que chaque entreprise a en tête au moment où l'année commence.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, vous dites : "Tout le monde va devoir participer, mais je ne veux cibler personne plus que les autres". La TVA ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, tout le monde…
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais la TVA est un impôt qui toucherait tout le monde.
FRANÇOIS BAYROU
Est-ce que vous pouvez me donner acte de ce que je vous ai dit ? C'est au début du mois de juillet que je donnerai dans un plan d'ensemble les choix que nous faisons pour revenir en trois ou quatre ans à un certain équilibre.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais, vous ne pouvez pas nous dire ce matin : "Vous allez tous faire un effort – très bien – et en même temps, je ne ciblerai personne," parce que ça crée presque une angoisse.
FRANÇOIS BAYROU
Est-ce qu'on peut se mettre d'accord sur une chose ? Je ne déforme pas ce que vous dites. Ne déformez pas ce que je dis. Je répète, je ne dis pas que je ne ciblerai personne. Je dis que je ne prendrai pas une catégorie de Français que je prendrai pour cible en épargnant les autres. Et donc, je dis que c'est un plan d'ensemble dont je ne ferai pas fuiter les mesures et les décisions, parce que c'est l'ensemble du plan qu'on a besoin de prendre en compte.
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai parfaitement compris. C'est clair qu'il faudra faire un effort. C'est clair que ce sera un effort qui ne sera ciblé sur personne en particulier. Évidemment, moi, spontanément, vous pourrez refuser d'y répondre. Mais j'entends éventuellement CSG, TVA, c'est-à-dire une sorte d'assiette large qui permet que tout le monde contribue d'une manière ou d'une autre. Il y a une autre option, François BAYROU, qui est le fait de dépenser moins et donc, d'avoir aussi un modèle social qui soit peut-être revu. Est-ce que c'est une autre option ?
FRANÇOIS BAYROU
Le rééquilibrage des dépenses publiques pour l'action publique et des dépenses sociales, nous ne pouvons pas y échapper. J'ai dit une chose lorsque j'ai fait la conférence de presse que vous avez évoquée. J'ai dit : "Aucun Gouvernement, ni celui-ci, ni ceux qui viendront nécessairement après ne pourra désormais éluder la situation créée". Et mon but, c'est que chacun des Français qui nous écoute ou nous écouteront se disent : "Mais c'est vrai, on ne peut pas faire autrement". La question qui est posée, c'est : quel peuple nous sommes ? Est-ce que nous sommes des individus qui décident que peut-être il y a un effort nécessaire, mais pas pour eux ? Ce qui est répété à longueur de temps par tous mes interlocuteurs. Ils viennent et ils disent : "Bon, vous avez raison de faire des économies, mais alors pas pour moi, pas chez moi, pas dans mon secteur. Ça n'est pas possible pour nous". Il faut que tout le monde ait en tête et je le dis, ceci est un enjeu national, c'est-à-dire que nous n'avons aucune possibilité comme Gouvernement ou comme société…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais lorsqu'Emmanuel MACRON, François BAYROU, dit... Je vous demande pardon, j'ai une quinte de toux. Lorsqu'Emmanuel MACRON dit : "Il faut revoir le financement de notre modèle social", ça ne peut pas peser uniquement sur le travail. Qu'est-ce que vous vous dites ?
FRANÇOIS BAYROU
Il a raison intégralement. Et c'est ce qu'il aurait fallu faire depuis longtemps. Et lorsque les partenaires sociaux sont autour de la table... Vous savez que je leur ai demandé de travailler sur la question des retraites dans ce qu'on a appelé un conclave. On ne savait pas que, historiquement, ça serait un moment où ce mot…
APOLLINE DE MALHERBE
Il avance, ce conclave ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Moi, je me souviens, vous aviez dit : "Il n'y aura pas de tabou", y compris sur l'âge. Depuis, il y a un tabou sur l'âge.
FRANÇOIS BAYROU
Mais non. Mais il n'y a pas de tabou. Il y a une règle qui est simple, que nous avons déterminée ensemble. C'est qu'on allait sauvegarder l'équilibre du système de retraite. Il n'y aura pas de réforme du système de retraite si on sort de l'équilibre. Et les entreprises d'un côté et les salariés de l'autre, les organisations de salariés ont dit : "D'accord, ceci est notre règle". Et ça ne s'accommode donc pas d'un retour à la situation d'avant la réforme des retraites, mais on peut adapter, on peut réfléchir à la manière dont ça va s'appliquer à condition que l'équilibre soit pour 2030 garanti.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, sur la question du financement de notre modèle social, est-ce qu'on maintient notre modèle social tel qu'il est ou est-ce qu'on en change simplement le financement en faisant moins peser ce financement sur les cotisations salariales et patronales ?
FRANÇOIS BAYROU
En tout cas, c'est nécessaire. Le travail, en France, n'est pas récompensé comme il devrait l'être. Et les partenaires sociaux disent cela. Ils disent même – si je les entends bien, mais ils me l'écriront – on est prêts à revoir la totalité de la question du financement du modèle social français. On est prêts à revoir la question de la place du travail dans le financement du modèle social français et je dis, c'est une bonne idée. Pourquoi c'est une bonne idée ? Toujours pour la même raison. C'est parce que ça ne peut pas être le pouvoir politique qui prend seul la responsabilité d'un défi aussi important.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, jamais sans les Français.
FRANÇOIS BAYROU
Jamais sans les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai bien compris. Vous savez quoi ? Ce que je vous propose, François BAYROU, ce matin, j'ai Xavier qui m'a appelé. Xavier, il m'a appelé de MENTON. Il est jardinier, paysagiste à la tête d'une entreprise qu'avait créée d'ailleurs son père. Ils étaient à une époque sept salariés. Ils ne sont plus que quatre et il va vous expliquer pourquoi. Bonjour, Xavier.
XAVIER, JARDINIER, PAYSAGISTE À LA TETE D'UNE ENTREPRISE
Bonjour, Apolline. Bonjour, Monsieur le Premier ministre.
APOLLINE DE MALHERBE
Le Premier ministre vous écoute.
XAVIER
Bonjour, monsieur le Premier ministre. J'ai juste une question simple. C'est quand est-ce qu'elle va vous comprendre que les entrepreneurs en France et les chefs d'entreprise, ils n'en peuvent plus ? Nous sommes chargés au maximum et si on doit faire encore plus d'efforts, ça sera encore plus difficile pour les entreprises.
APOLLINE DE MALHERBE
Il me disait tout à l'heure, Xavier, qu'il avait parfois même l'impression de travailler pour l'État et pas pour ses salariés et pas pour ses clients.
FRANÇOIS BAYROU
Alors, prenons note de cela. Ce qu'il faut sauvegarder, c'est les entreprises. Je disais les efforts pour tous les Français, mais en même temps, là où se crée la richesse, là où se crée l'activité, là où on a besoin que les Français soient en confiance, c'est précisément dans cet environnement de l'entreprise, parce que c'est là que se résoudra la question si importante que j'évoquais en commençant. Il y a les finances publiques. Mais il y a une question au moins aussi importante. C'est la production du pays. La France est un pays où la production nationale, si on la divise par le nombre des habitants, est une des plus faibles. Si vous prenez tous nos voisins, nos voisins des Pays-Bas, nos voisins allemands, nos voisins italiens, même, tout le monde a une production par personne qui progresse. Et donc…
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous écoute parfaitement. J'ai juste besoin d'une pastille pour la toux. Donc c'est vraiment... Ça n'est absolument pas pour vous couper.
FRANÇOIS BAYROU
J'aurais dû vous en apporter.
APOLLINE DE MALHERBE
Exactement. François BAYROU, est-ce qu'on peut être encore plus concret ? Xavier qui nous écoute. Est-ce que vous êtes en train de lui dire : "Demain, vous pourrez réembaucher parce que oui, les charges salariales et patronales vont baisser" ?
FRANÇOIS BAYROU
Les entreprises doivent être mises à l'abri pour le long terme, pour que chacun puisse se dire : "Je me projette dans l'avenir. Je vais créer une activité. Je vais créer des salaires. Je vais embaucher". Et ça ne peut pas se faire si on a le sentiment d'une menace qui pèse sur chacune des entreprises.
APOLLINE DE MALHERBE
Pouvez-vous lui dire : "Nous allons vers cet allègement de charges" ?
FRANÇOIS BAYROU
Je n'ai pas dit ça. J'ai dit : "Les partenaires sociaux sont prêts à réfléchir ensemble, à prendre ensemble la question du financement du travail". Et pour moi, on peut même aller encore plus loin. On peut imaginer qu'à l'avenir, les partenaires sociaux soient les responsables du financement.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le savez bien, la question, c'est de rapprocher ce qu'on appelle le brut du net. C'est la question... Tous les chefs d'entreprise vous le diront. Et je pense que Xavier ne me contredira pas. Si vous voulez augmenter de cent euros, ils sont obligés, eux, de sortir 200 euros. Et à la fin, ça ne fait même pas cent euros dans la poche du salarié. Et donc, il y en a qui renoncent.
FRANÇOIS BAYROU
Et donc, vous répétez en d'autres termes ce que je dis et ce que les partenaires sociaux disent. Nous avons un problème de financement de notre modèle social. Ce problème repose trop sur le travail. Et nous allons apporter des réponses à cette question, y compris avec la participation des partenaires sociaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez encore me dire non, mais la TVA sociale qui était quand même une idée qui a régulièrement été avancée, l'idée de faire payer davantage sur la consommation que sur le travail, on va vers ça. En tout cas, si les partenaires sociaux s'emparent de cette question-là, vous les soutiendrez.
FRANÇOIS BAYROU
Je souhaite que les partenaires sociaux puissent s'emparer de cette question. Je souhaite que tous ceux qui ont la responsabilité du monde du travail, du monde de l'entreprise et du monde des salariés acceptent de poser ensemble cette question. Vous remarquerez au passage qu'il y a combien de décennies que ça n'a pas été fait. Il y a combien de décennies qu'on a laissé ces questions s'enliser, déraper, que personne n'a eu le courage de les poser.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne serez pas opposé à une augmentation de la TVA pour pouvoir alléger les charges sur le travail.
FRANÇOIS BAYROU
Non, je ne suis pas opposé. Et je suis même favorable à ce qu'on cherche un financement différent de notre modèle social. Vous demandiez est-ce que notre modèle social, on peut l'abandonner. Non, je ne crois pas qu'on puisse l'abandonner. Je pense que la France, elle est en partie dans ce modèle social.
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'est pas trop généreux aujourd'hui ?
FRANÇOIS BAYROU
Il est très généreux. Et c'est même le plus généreux.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, ma question n'était pas est-ce qu'il est très généreux. C'est est-ce qu'il est trop généreux.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, j'espère que non. Mais je sais que la situation est extrêmement exigeante. Je reviens à la question. Le modèle social, c'est une partie de ce que la France a voulu faire. Nous sommes le seul pays dans le monde dans lequel, depuis la maternelle jusqu'à l'université pour ce qui est de l'école et de la formation, depuis la santé jusqu'à ce qui est les retraites et l'assurance chômage, nous sommes le seul pays dans le monde qui a réussi à faire ou qui a construit un modèle dans lequel la puissance publique prend tout en charge.
APOLLINE DE MALHERBE
On a commencé cette interview il y a un peu plus de 20 minutes, François BAYROU. Je n'ai pas le début des 40 milliards.
FRANÇOIS BAYROU
Non mais vous êtes gentille mais vous n'êtes pas la Cour des comptes.
APOLLINE DE MALHERBE
Ah ben la Cour des comptes, elle dit qu'il y a urgence. Elle parle d'une trajectoire financière hors de contrôle. Elle parle d'une situation où on pourrait faire face à une crise de liquidité.
FRANÇOIS BAYROU
Excusez-moi. Je suis venu chez vous pour mettre un certain nombre de choses au point.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais je pense que les Français ont vraiment besoin de réponses. Vous leur dites : "On va faire 40 milliards d'euros d'économie", et on ne sait pas où.
FRANÇOIS BAYROU
Alors vous m'écoutez ? Donc je vous donne le calendrier de ce que nous allons faire. La situation est telle que nous ne pouvons que mettre en place un plan sérieux de retour à l'équilibre des finances publiques. Vous avez reçu combien…
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai compris l'objectif. J'ai compris la méthode. Je n'ai toujours pas compris où.
FRANÇOIS BAYROU
Depuis le temps que vous êtes derrière ce micro, combien avez-vous reçu de ministres de l'Économie et de Premiers ministres ?
APOLLINE DE MALHERBE
De très nombreux qui m'ont fait beaucoup de promesses.
FRANÇOIS BAYROU
Voilà. Et non, vous ne leur avez pas posé la question de cette manière-là. Moi, je vous dis avant le 14 juillet. Et le Gouvernement a besoin et les partenaires sociaux ont besoin de ce temps de préparation pour mettre au point un plan qui n'a jamais été présenté devant les Français. Jamais. Et donc j'ai tout à fait l'intention de le faire sans subir la pression de ceux ou celles qui voudraient que j'annonce des décisions avant même que ces décisions n'aient été préparées, négociées et mesurées dans l'ensemble de la collectivité nationale.
APOLLINE DE MALHERBE
Et éventuellement mises en référendum, puisque vous ne renoncez pas à cette idée de référendum pour pouvoir impliquer les Français.
FRANÇOIS BAYROU
Alors encore une fois, le référendum, ça appartient au président de la République.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur proposition du Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU
Et c'est à lui de prendre une décision de cet ordre. Je pense que la question que nous posons là, ça n'est pas une question pour le monde politique. Ce n'est pas une question pour le monde social. C'est une question pour chacun des foyers français, pour chacun des travailleurs et pour chacun des retraités. Et cette question-là, je veux la traiter avec eux. Ça signifie une prise de conscience nécessaire. Alors après, nous avons besoin que dès cette année, on ait une décélération des dépenses. Nous avons besoin dès cette année un rééquilibrage entre recettes et dépenses.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous imaginez, François BAYROU, pouvoir demander aux Français : "Êtes-vous prêts à faire des efforts ?" 40 milliards, et qu'ils vous répondent oui ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Et qu'ils vous répondent oui à cette question du référendum ?
FRANÇOIS BAYROU
C'est exactement ce que je crois. Et si ça n'est pas par le vote direct des Français, il y aura forcément les représentants des Français au Parlement qui vont s'exprimer. Et donc oui, je pense que la clé de la situation, c'est que ce sujet devienne si important dans l'esprit des Français, dans l'esprit public, qu'eux disent : "Oui, nous acceptons les efforts. Oui, nous allons chacun prendre notre part de cette remise à l'équilibre".
APOLLINE DE MALHERBE
Le tout dans un contexte, vous dites, sinon, ce sera les représentants des Français. On le sait, cette majorité, elle est extrêmement fragile. Vous allez à nouveau faire face à une motion de censure cette semaine, puisque LFI a annoncé hier soir qu'ils allaient tenter d'en déposer une. Pensez-vous pouvoir durer ?
FRANÇOIS BAYROU
Ah ben ça, ça dépend du Parlement. C'est entre les mains des parlementaires. Mais en réalité, c'est entre les mains des Français. Vous parlez de motion de censure. Je ne sais pas si elle aura lieu, mais je sais avec certitude que ça sera la septième depuis que nous sommes arrivés, c'est-à-dire une espèce de record du monde des motions de censure.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous en avez vu d'autres, donc ?
FRANÇOIS BAYROU
J'en ai vu d'autres. Et donc on en a déjà surmonté 6 de ces motions de censure. Et ça serait la septième. Ça n'a aucune importance. Si les Français, au fond d'eux-mêmes, comme citoyens, comme femmes et hommes au travail, si les Français sont persuadés que oui, on ne peut pas faire autrement, que oui, il est d'intérêt national pour leurs enfants, parce que le plus – j'allais dire – le plus dégueulasse dans cette affaire, c'est qu'on laisse s'accumuler les déficits, on laisse s'accumuler la dette. Et qui va payer la dette ?
APOLLINE DE MALHERBE
Ce sont nos enfants, ce sont nos petits-enfants, ce sont les générations qui viennent.
FRANÇOIS BAYROU
Non. Ce sont d'abord ceux qui sont au travail qui vont devoir assumer une charge accrue sur leur revenu. Et c'est ensuite ceux qui, au fur et à mesure des générations, vont prendre leur place dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans. Eh bien un pays, une famille qui décide qu'elle va continuer à vivre dans la facilité, mais que ce sont ses enfants qui, un jour, paieront la dette accumulée, n'est pas digne de ce nom, n'est pas digne de ses responsabilités.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, il est 8h50. J'ai encore de très nombreuses questions à vous poser. Sur les agriculteurs, d'abord, ce paradoxe. Vos députés ont rejeté leur propre texte pour mieux l'adopter, pour échapper à ce qu'ils ont estimé être une obstruction du débat, les 3 000 amendements qui avaient été déposés notamment par LFI et par les Ecologistes. C'est un 49.3 déguisé ?
FRANÇOIS BAYROU
Non. C'est tout simplement le dérapage continu auquel on a assisté de la situation parlementaire française. Il y a une Assemblée nationale, il y a un Sénat. C'est à l'Assemblée nationale que se concentrent ces difficultés-là. On ne peut plus examiner des textes sans qu'il y ait une obstruction généralisée. 3 500 amendements avaient été déposés. Pourquoi ? Pas pour corriger le texte. 3 500 amendements avaient été déposés pour empêcher l'examen du texte, parce que comme il faut au moins 2 minutes par amendement, alors on se trouve avec des jours et des jours d'examen, ce qui fait qu'on ne peut pas examiner un seul autre texte. Donc on est dans le blocage généralisé. Il y a d'autres textes qui sont en attente.
APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir, puisque c'est aujourd'hui notamment qu'aura lieu le vote solennel sur la loi sur la fin de vie.
FRANÇOIS BAYROU
Et donc l'obstruction qui consiste non pas à utiliser le Parlement pour exprimer des idées, des analyses, pour faire changer les orientations, mais pour l'empêcher d'examiner les textes.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que la France est devenue ingouvernable ?
FRANÇOIS BAYROU
Non. Je ne crois pas ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Non ?
FRANÇOIS BAYROU
Moi, je ne serai pas là autrement. Je ne crois pas ça. Je pense que depuis des décennies, on est entré dans une vision bloquée de la situation. La société française est entièrement fracturée les uns contre les autres.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ils vous ont tous mis des lignes rouges, François BAYROU. Chacun vous observe. Chez vos partenaires, notamment LR, ils ont mis des lignes rouges. S'il y a la moindre augmentation d'impôts, ils disent : "Nous sortirons". Est-ce que vous pensez qu'ils vous suivront sur les 40 milliards, sur les efforts, par exemple, que vous vous apprêtez à demander aux Français ?
FRANÇOIS BAYROU
Je ne demande pas qu'on me suive. Je demande qu'on suive l'intérêt national. Je ne demande pas qu'on me suive, moi. Ce n'est pas une question personnelle. Ça n'est même pas une question partisane. Nous sommes devant une situation de menace immédiate sur l'avenir du pays.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais je crois, François BAYROU, que Michel BARNIER tenait le même discours.
FRANÇOIS BAYROU
Bien peut-être la méthode est-elle différente. Je vous rappelle que nous avons réussi à faire adopter les budgets. Et Michel BARNIER, qui est un homme que j'estime et que je connais depuis longtemps, chacun après l'autre apporte sa pierre à cet édifice. Cet édifice, c'est la prise de conscience par les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ferez la proportionnelle ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui. En tout cas, je proposerai à l'Assemblée nationale, qui est souveraine, je proposerai qu'elle examine cette question qui traîne depuis des décennies. Vous voyez, si on s'arrête un quart de seconde, tout ce que nous traitons là, il y a des décennies que la question est posée et que personne ne la traite ou qu'on n'arrive pas à la traiter.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur la question de la proportionnelle, du scrutin à la proportionnelle, ça a déjà été fait. Ça a été fait notamment en 86, avec une prime au premier.
FRANÇOIS BAYROU
Non.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors est-ce que vous, vous seriez favorable à une prime au premier pour qu'il y ait une majorité plus solide ?
FRANÇOIS BAYROU
Non. Il n'y avait pas de prime au premier en 1986.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc vous feriez pareil ?
FRANÇOIS BAYROU
Et le texte qui a été adopté en 86 est peut-être un des textes d'arrivée sur lequel on puisse trouver un accord de l'Assemblée nationale.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est ce que vous souhaitez. Vous souhaitez une possibilité de cette proportionnelle équilibrée, qui ne donne pas de prime au premier, qui ne donne pas une sur-majorité au premier.
FRANÇOIS BAYROU
Voilà. Exactement.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour que tout le monde comprenne bien.
FRANÇOIS BAYROU
Ben c'est très simple. La proportionnelle, parce que ce sont des mots un peu abstraits, tout ça, qu'est-ce que c'est ? C'est on vous donne le nombre de sièges que vous donne le nombre de voix que vous avez obtenues. Il n'y a pas de ces vagues d'un côté ou de ces vagues de l'autre qu'on a connues trop souvent. Et ça oblige à réfléchir différemment à la politique. Vous savez, il y a 27 pays dans l'Union européenne. Tous les autres, en dehors de la France, ont un scrutin proportionnel. Est-ce qu'ils marchent moins bien que la France ? Si vous regardez les résultats actuels, tous les pays qui nous entourent, quel est leur niveau d'équilibre des finances publiques, quelle est l'ambiance…
APOLLINE DE MALHERBE
Ils ont souvent été plus courageux que nous là-dessus.
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien pourquoi ont-ils été plus courageux ? Poussez votre réflexion. Pourquoi ont-ils été plus courageux ? Parce qu'ils avaient un système politique qui permettait le courage. Quand vous êtes au scrutin majoritaire, la question, c'est est-ce que vous êtes pour ou contre ? Et c'est tellement plus confortable d'être contre. Dans le problème que nous exposons ce matin ou par lequel nous avons commencé ce matin, problème des finances publiques et problème de la production du pays, dans ces problèmes-là, bien sûr, ça demande des changements. Et c'est tellement plus simple de dire : "Moi, je suis contre".
APOLLINE DE MALHERBE
Donc François BAYROU, vous ferez en sorte qu'il soit possible d'aller vers la proportionnelle au risque éventuellement d'avoir une majorité RN. Vous prenez ce risque ?
FRANÇOIS BAYROU
Pourquoi une majorité RN ?
APOLLINE DE MALHERBE
Et pourquoi pas ?
FRANÇOIS BAYROU
La majorité à la proportionnelle, elle est donnée à ceux qui ont le plus de voix. Si vous avez 35 % des voix, vous avez 35 % des sièges. Ça n'est pas une majorité.
APOLLINE DE MALHERBE
Si en partant, François BAYROU, si après votre mandat, c'est le RN qui arrive au pouvoir, Marine LE PEN ou Jordan BARDELLA, comment vous le vivrez ?
FRANÇOIS BAYROU
Je le vivrai comme la poursuite d'un échec qui est entretenu depuis des années, sur lequel les réponses n'ont pas été apportées. Mais je suis persuadé que le seul scrutin qui permette de ne pas basculer dans les extrêmes, c'est précisément le scrutin proportionnel.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est une réponse pour vous précisément. Pourtant, le RN le demande. Alors, il le demande avec effectivement une prime au premier, ce que vous, vous refusez pour l'instant de faire.
FRANÇOIS BAYROU
Pas pour l'instant.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que le macronisme, c'est fini ?
FRANÇOIS BAYROU
Ce sont des mots que je ne partage pas. D'abord, je ne suis pas sûr que faire un "isme" avec un nom propre en dehors du gaullisme qui honnêtement était un ressaisissement national porté au travers de l'histoire... Je n'ai jamais fait de la politique en référence à des hommes. Je fais de la politique... Je l'ai souvent dit au président de la République. Il sait très bien ce que je pense de ce sujet. Je fais de la politique en référence à des principes.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais les principes, les idées, les volontés d'Emmanuel MACRON pourront-elles lui survivre ?
FRANÇOIS BAYROU
À des idées politiques. Je suis persuadé que le président de la République, il appartient au courant politique auquel je crois le plus, c'est-à-dire la démocratie, démocrate, c'est-à-dire ceux qui pensent que le progrès d'un pays, il dépend de la responsabilité des citoyens.
APOLLINE DE MALHERBE
Avoir dans votre Gouvernement, François BAYROU, une porte-parole du Gouvernement qui, elle, dit au fond : "On arrive au bout du macronisme", un ministre de l'Intérieur comme Bruno RETAILLEAU, dont on voit bien que son élection à la tête de LR est une étape qui va vers une ambition présidentielle, est-ce que tout cela, c'est une force ou c'est une faiblesse ?
FRANÇOIS BAYROU
C'est une force. Alors je n'approuve pas les déclarations déséquilibrées.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous n'appréciez pas les déclarations de la porte-parole de votre Gouvernement ?
FRANÇOIS BAYROU
Je lui ai dit que ça n'était pas les déclarations les plus justes qu'on pouvait trouver. La ligne politique du Gouvernement, c'est une ligne politique qui a deux caractéristiques. Elle est centrale et elle est de rassemblement. Elle veut s'appuyer sur les Français pour porter les réformes du pays. La définition de ce courant démocrate auquel j'appartiens et dont j'ai porté le drapeau dans ma vie pendant longtemps, cette définition a été donnée par un philosophe qui s'appelle Marc SANGNIER. Et il a dit : "La démocratie, c'est l'organisation de la société qui permet de porter au plus haut la conscience et la responsabilité des citoyens." On s'arrête à ces deux mots, la conscience, la prise de conscience que j'évoquais, et la responsabilité des citoyens. Il y a des gens qui pensent que pour faire bouger un pays, il faut le faire par l'obligation. On va les forcer à bouger par l'épreuve de force. Je ne crois pas ça. Je pense qu'aujourd'hui, les temps dans lesquels nous sommes…
APOLLINE DE MALHERBE
On l'a bien compris. C'est à la fois, jamais sans les Français, d'un côté. Et de l'autre, dans le dialogue. Mais lorsque vous entendez un Marc FESNEAU qui est proche de vous, qui dit chez nos confrères de La Tribune Dimanche qu'il estime qu'il y a aujourd'hui une surenchère régalienne, une forme même de trahison de l'esprit du départ, vous partagez cette idée ?
FRANÇOIS BAYROU
D'abord, c'est quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'estime et d'affection. Et donc, forcément, quand je l'entends, je suis plutôt en harmonie avec ce qu'il dit.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, il y a aujourd'hui une surenchère ?
FRANÇOIS BAYROU
Je n'approuve pas le mot Régalien. Régalien, c'est très important, c'est très noble.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est la défense, la sécurité.
FRANÇOIS BAYROU
C'est ce qu'un État doit faire pour les citoyens.
APOLLINE DE MALHERBE
Il faut comprendre qu'est-ce qu'il dit derrière. Quand il dit régalien, il dit RETAILLEAU ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, pas du tout.
APOLLINE DE MALHERBE
Non ? Ah non, ce n'est pas là la surenchère pour vous ? La surenchère régalienne, ce n'est pas RETAILLEAU ?
FRANÇOIS BAYROU
Je pense que ce n'est pas du tout ce qui est visé.
APOLLINE DE MALHERBE
Ah bon. DARMANIN alors ?
FRANÇOIS BAYROU
Mais vous lui poserez la question.
APOLLINE DE MALHERBE
DARMANIN alors ?
FRANÇOIS BAYROU
Je ne crois pas. Mais vous lui poserez la question. Il est beaucoup mieux adepte que moi pour répondre.
APOLLINE DE MALHERBE
Tout à fait, je lui poserai, mais enfin, il se trouve que vous êtes Premier ministre et que je vous ai face à moi ce matin.
FRANÇOIS BAYROU
Qu'est-ce qu'il veut dire ? Qu'est-ce qu'il veut dire ? Il veut dire : il ne faut pas perpétuellement se livrer à des surenchères qui dressent les Français les uns contre les autres. Et Dieu sait que ces temps-ci, l'air est plutôt saturé, les ondes sont plutôt saturées de ce genre de surenchères.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le rapport sur l'entrisme des frères musulmans, vous ne l'auriez pas rendu public ?
FRANÇOIS BAYROU
Il a été rendu public. Et c'est un rapport qui présente des faits inquiétants dont je pense qu'on peut regarder tous ensemble quel est l'ampleur de ces risques-là. De quoi il s'agit ? Il s'agit de l'idée qu'il y a des organisations qui cherchent à imposer à la France une loi qui est une loi religieuse, ou d'essence religieuse. Or, ceci n'est pas la laïcité. J'aime beaucoup le mot de laïcité. Laïcité, ça veut dire le peuple. Laos en grec, la racine de laïcité, c'est le peuple. Qu'est-ce que ça veut dire ?
APOLLINE DE MALHERBE
Mais concrètement, on fait quoi ?
FRANÇOIS BAYROU
Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que nous sommes là pour vivre tous ensemble. Et qu'il y a une loi en France, qu'il y a une règle en France, un principe en France. La loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que les conclusions de ce rapport vous laissent entendre que cette laïcité est aujourd'hui menacée ?
FRANÇOIS BAYROU
En tout cas, si ces faits sont confirmés…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous en doutez ?
FRANÇOIS BAYROU
Si ces faits sont confirmés, je pense qu'il est nécessaire d'avoir les réactions de précaution et de limitation, qui s'imposent.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous en doutez ? Vous doutez des conclusions de ce rapport qui a été quand même été mené pendant un an par deux hauts fonctionnaires qui ont fait 200 auditions dans tout le territoire ?
FRANÇOIS BAYROU
Je n'ai pas envie de faire de l'islam un sujet de fixation de la société française. Je sais que c'est la mode. Je sais que ça a probablement du succès dans un certain nombre de cercles. Mais nous devons vivre ensemble.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est la mode ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, je pense que c'est un peu ce que FESNEAU disait, non ? Et que vous citiez.
APOLLINE DE MALHERBE
Cette surenchère régalienne.
FRANÇOIS BAYROU
Surenchère. Je pense qu'en France, les athées, les chrétiens, les musulmans, les juifs, les bouddhistes, nous allons devoir vivre ensemble.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais précisément, est-ce que ce rapport…
FRANÇOIS BAYROU
Tous ceux qui entretiennent la montée des tensions sur l'origine, sur, je ne sais pas, la couleur de peau…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc les coupables, c'est l'entrisme des frères musulmans ou c'est ceux qui veulent utiliser ce rapport ?
FRANÇOIS BAYROU
Je pense que tous ceux qui veulent faire que la loi religieuse devienne plus importante que la loi civile, cela ne respecte pas les principes français.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, il faut faire quelque chose ?
FRANÇOIS BAYROU
Et donc, il faut le prendre en compte et l'empêcher.
APOLLINE DE MALHERBE
Lorsqu'Emmanuel MACRON dit : "Je suis saisi par la gravité des faits établis. Et je demande au Premier ministre François BAYROU et à son équipe de formuler de nouvelles propositions pour un prochain Conseil de défense, début juin." Avez-vous de nouvelles propositions ?
FRANÇOIS BAYROU
Les propositions, elles ont été exposées dans le Conseil de défense. Et elles étaient des propositions sérieuses. Et je suis sûr que le Président de la République le sait. On peut aller plus loin. On peut le rendre plus concrète, un certain nombre de ces orientations. Mais Bruno RETAILLEAU, qui portait une partie de ces propositions, a tout à fait proposé, annoncé un certain nombre de décisions.
APOLLINE DE MALHERBE
Il a votre confiance, Bruno RETAILLEAU, pour régler ces questions-là ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, il est membre du Gouvernement. Il a ma confiance.
APOLLINE DE MALHERBE
Lorsque Gabriel ATTAL dit : "Il faut aller jusqu'à interdire le voile aux jeunes filles de moins de 15 ans", c'est là, la surenchère ?
FRANÇOIS BAYROU
Je ne sais pas ce que ça veut dire.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi ? Je ne sais pas ce que ça veut dire.
FRANÇOIS BAYROU
Je travaille beaucoup avec Gabriel ATTAL. Comment vous faites ? Ça veut dire que dans la rue, les policiers disent à une jeune fille : "Montrez-moi votre carte d'identité pour savoir si vous avez l'âge" ? Donc, je ne crois pas. Et je crois que Bruno RETAILLEAU a dit à peu près la même chose que vous citiez tout à l'heure. Je ne crois pas que ce soit en dressant sur des sujets qui sont des sujets d'irritation et de montée des tensions. Je ne crois pas que ce soit de cette manière qu'on puisse traiter de la question de la vie en commun des différentes communautés, des différentes sensibilités religieuses en France.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, celui qui était visé, ce n'était ni Bruno RETAILLEAU, ni Gérald DARMANIN, mais bien Gabriel ATTAL. Il fait de la surenchère. Vous ne comprenez même pas d'où ça sort en fait.
FRANÇOIS BAYROU
Je comprends qu'un certain nombre d'observateurs, dont vous êtes en ce moment le porte-parole, essaient de dresser les uns contre les autres, les membres du Gouvernement, les communautés religieuses.
APOLLINE DE MALHERBE
Je ne dresse personne les uns contre les autres, François BAYROU. Je constate simplement que vous dites : "On a fait des propositions, elles sont sages, en revanche, celles-ci..." Ce n'est même pas que vous la rejetez, c'est que vous ne comprenez même pas.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, je ne comprends pas comment, pratiquement, on peut poser cette question-là.
APOLLINE DE MALHERBE
Et lorsque Bruno RETAILLEAU dit qu'il souhaite inscrire dans la Constitution cette phrase : "Que nul ne peut se prévaloir de sa religion, de ses croyances, de ses origines pour échapper à la règle commune", est-ce que vous considérez que c'est une piste sérieuse ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, je pense que c'est déjà dans la Constitution.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, on n'a pas besoin de le rajouter.
FRANÇOIS BAYROU
C'est dans les principes français.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, il n'y a pas besoin de le rajouter.
FRANÇOIS BAYROU
Je vais vous dire, je ne prends pas de leçon sur ce sujet. Celui qui a interdit le voile à l'école, c'est moi. Et il y a une très bonne étude d'un sociologue qui s'appelle Éric MORIN, qui dit que c'est par la circulaire que j'ai prise dans les années 90, que le voile a disparu dans les écoles. Et on a fait ça sans avoir à mettre un affrontement entre les différentes sensibilités. Je veux que la France conserve ses principes, et je veux que ces principes-là ne servent pas à l'affrontement entre les uns et les autres. Vous comprenez ce que je veux dire ?
APOLLINE DE MALHERBE
Vous aviez dit d'ailleurs, François BAYROU, vous aviez dit : "Je veux lancer un grand débat sur ce que cela signifie d'être Français."
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
On en est où ?
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, le Conseil économique et social et environnemental a pris la responsabilité de l'organiser et je l'aiderai de toutes mes forces.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ce débat aura lieu ?
FRANÇOIS BAYROU
Aura lieu.
APOLLINE DE MALHERBE
Sous quelle forme ?
FRANÇOIS BAYROU
Partout en France, organisé par les conseils économiques et sociaux et par les conseils économiques et sociaux régionaux.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, je précise pour ceux qui nous rejoignent, il est 9h08, on est bien sur RMC et BFM TV, et vous répondez à toutes mes questions. Il y a des questions aussi sur la sécurité. Cette annonce, par exemple, d'une prison en Guyane, avec un quartier de très haute sécurité. Vous disiez : "Jamais sans les Français". Les élus guyanais disent : "On n'a pas été consulté". Était-ce la mauvaise méthode ?
FRANÇOIS BAYROU
En tout cas, je sais qu'il faut les consulter. Alors, reprenons les choses, parce qu'il y a eu plein d'interprétations. Je vous dis ce que j'ai compris après avoir parlé avec le garde des Sceaux. Il y a une prison en construction en Guyane qui fait 500 places ou 550 places. Sur les places de cette prison, on peut en prendre quelques dizaines pour faire un quartier de haute sécurité. Est-ce que c'est possible ? Oui. Est-ce qu'il faut en discuter avec les élus de Guyane ? Assurément.
APOLLINE DE MALHERBE
Il vous avait prévenu, vous ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, mais il est dans l'exercice de sa mission.
APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, vous y êtes favorable. Si c'est fait en accord avec les élus.
FRANÇOIS BAYROU
Si c'est fait en accord avec les élus. Et dans le projet de cette prison qui est en construction, qui commence à peine. Vous voyez une des difficultés que nous avons…
APOLLINE DE MALHERBE
La méthode, quand même, François BAYROU, c'est-à-dire que vous, vous dites "Jamais sans les Français". Mais il y a certains de vos ministres qui font des trucs sans le Premier ministre.
FRANÇOIS BAYROU
Non, ils avancent des idées. Et puis on regarde après si ces idées sont acceptées, et comment on les fait entrer dans la réalité.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais cela vous convient ? Vous avez confiance en eux ?
FRANÇOIS BAYROU
Un Gouvernement, c'est des sensibilités différentes. Et ces sensibilités différentes, elles doivent pouvoir vivre ensemble, là encore. Et qu'on fait en sorte que les idées soient validées une fois qu'elles sont lancées, c'est une méthode nécessaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Et pardon, j'en profite, quelle est votre méthode avec Emmanuel MACRON ?
FRANÇOIS BAYROU
Il est Président de la République, je suis Premier ministre, nous nous connaissons depuis longtemps. Il est dans l'exercice de ses responsabilités, je suis dans l'exercice des miennes. Et nous avons une relation, pas seulement de confiance, mais une vision en commun de ce que doit être l'avenir du pays.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand je vous écoute, je me dis qu'au fond, la cohabitation, elle n'est peut-être pas entre vous et le Président, mais elle est peut-être entre vous et vos ministres ?
FRANÇOIS BAYROU
Pas du tout.
APOLLINE DE MALHERBE
Pas du tout ?
FRANÇOIS BAYROU
Pas du tout. J'ai voulu des ministres poids lourds. Et j'ai voulu que ces ministres poids lourds puissent s'exprimer, parce qu'ils portent chacun une part de la sensibilité du pays. Simplement, lorsque le moment de la décision vient, pas de la proposition, de la décision vient... Vous avez vu qu'il y a eu beaucoup d'annonces sur l'économie, les finances, les impôts et que j'ai rappelé que ce n'était pas la multiplication des annonces qui était nécessaire. C'était qu'on vérifie la faisabilité de tout ça, avec des principes. Et donc, chacun existe dans le Gouvernement avec sa sensibilité, mais il y a un chef du Gouvernement et il y a une équipe.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez lu la lettre de la mère d'Elias ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Elias, c'est ce jeune garçon qui est mort, donc, le 24 janvier dernier, tué par deux autres adolescents à peu près du même âge, dans le 14e arrondissement de Paris. Elle l'a écrite le jour de la fête des mères. Elle dit : "Mais qui s'est moqué d'Elias ? Est-ce ces deux adolescents de 16 et 17 ans qui, en toute impunité depuis 2021, réitèrent des vols avec violence ? Ces deux adolescents qui, malgré une interdiction juridique d'entrer en contact, se retrouvent régulièrement autour du stade Jules-Noël pour commettre des délits. Est-ce leurs parents et l'instabilité des cellules familiales ? Est-ce cette maire qui n'a pas jugé bon de sécuriser les abords du stade qu'elle savait pourtant mal fréquenter ? Est-ce les médias, qui n'ont pas eu l'honnêteté d'écrire les mots Machette et Hachette qui ont tué son fils ? Est-ce, au fond, les juges, les juges des enfants, qui ordonnent à deux reprises, en 2023 et en 2024, une interdiction d'entrer en contact, de deux délinquants, sans même vérifier leurs adresses et sans s'apercevoir qu'ils habitent dans la même résidence ? Les différents ministres de la Santé, de l'Éducation nationale, de la Justice de l'Intérieur, qui n'ont pas pris la mesure, depuis des années, de la dérive d'une partie de la jeunesse, de son ensauvagement, de l'impact des réseaux sociaux et de la banalisation de la violence ?" Qui s'est moqué d'Elias ?
FRANÇOIS BAYROU
Je suis du côté de sa maman. Et vous aussi. Quand on lit ces mots-là et qu'on pense au jeune garçon qu'il était et à qui la vie a été arrachée par armes blanches...
APOLLINE DE MALHERBE
Je dirais les mots de machette et d'hachette qui sont utilisés par sa mère.
FRANÇOIS BAYROU
On a laissé faire tout ça, n'est-ce pas ?
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ça va changer ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, ça va changer. En tout cas, j'ai réuni, sur l'arme blanche, des décideurs différents et nous allons prendre un certain nombre de décisions, ne serait-ce qu'une décision d'interdiction. Qu'il ne soit plus accepté que des adolescents puissent se promener avec des couteaux, des lames, des hachettes ou des machettes. Ceci... C'est la France qui est en jeu. Et donc, oui, nous allons avoir... Le groupe de travail va me rendre ses conclusions dans les heures qui viennent.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pouvez dire ce matin à la maman d'Elias ?
FRANÇOIS BAYROU
En tout cas, je peux dire à la maman d'Elias que sur ce sujet-là, sa parole, son cri de douleur et de rage ne sera pas inutile. Mais évidemment…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais elle décrit une France à peu près. Une France à peu près, où les choses ne sont pas vraiment appliquées, où les choses ne sont pas vraiment vérifiées.
FRANÇOIS BAYROU
Une France, un monde à peu près.
APOLLINE DE MALHERBE
Il va falloir. En l'occurrence, c'est la France.
FRANÇOIS BAYROU
Non, mais ce n'est pas seulement la France.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que quand vous dites ça, il y a quand même une manière de se déresponsabiliser, et de dire : "Bon, bah, c'est l'époque. C'est le monde."
FRANÇOIS BAYROU
Quand la maman d'Elias dit, les réseaux sociaux, quand elle dit…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais quand elle dit "Les juges qui, 2023-2024, ne vérifient pas les adresses." Ils disent : ils n'ont pas le droit de se parler, mais ils habitent à 20 mètres.
FRANÇOIS BAYROU
Elle a intégralement raison. Mais la société dans laquelle on est une société de violence perpétuelle. Et tout le monde y participe, y compris les réseaux sociaux, y compris les médias. Parce que ce qu'on préfère mettre en valeur, c'est évidemment ce qui est le plus brutal et ce qui est le plus plein d'affrontements.
APOLLINE DE MALHERBE
Là, en l'occurrence, c'est l'inverse. Nous avions minimisé. Nous n'avons pas utilisé les mots machette et hachette.
FRANÇOIS BAYROU
Parce qu'on ne l'a pas su.
APOLLINE DE MALHERBE
Aurions-nous dû le faire ?
FRANÇOIS BAYROU
Parce qu'on ne l'a pas su.
APOLLINE DE MALHERBE
Pas sûr. Je ne suis pas sûr.
FRANÇOIS BAYROU
Moi, en tout cas, j'ai demandé le rapport. Et ces mots n'étaient pas dans le rapport.
APOLLINE DE MALHERBE
Ces mots n'étaient pas dans le rapport. Je voudrais qu'on pose aussi la question de la sécurité. Je voudrais que vous écoutiez Thierry. Thierry, il est gérant d'un magasin d'articles de golf, avenue Marceau, dans le quartier des Champs-Elysées. Alors, pourquoi Thierry ? Parce que son magasin, il a déjà été dégradé il y a trois semaines, après la qualification du PSG, par des individus cagoulés qui étaient venus, dit-il, fêter la qualif. Il redoute que ça recommence samedi. Et je voudrais que vous l'entendiez et qu'on se pose la question, simplement de savoir si on peut se réjouir autrement qu'en allant casser des vitrines. Écoutez.
THIERRY
Voilà l'outil qui a été utilisé pour vandaliser notre vitrine. C'est un pavé qui ne fait pas loin de trois, quatre kilos. Différents commerçants ont retrouvé également devant leur commerce ce type de pavé. Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : pouvez-vous nous garantir que l'avenue sera suffisamment protégée pour que nous n'ayons pas à craindre d'un autre acte de vandalisme dans notre commerce ? Et quelles sont les ressources que vous souhaitez mobiliser pour éviter que les commerçants ne soient à nouveau impactés par ce vandalisme ?
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pouvez le rassurer ?
FRANÇOIS BAYROU
Je peux garantir que l'avenue sera protégée. Je peux garantir que les services de police, la préfecture de police, et la sécurité sont mobilisés pour éviter ce genre de d'insupportables désordres. Et je lui dis que oui. Mais je sais très bien que partout, ce n'est pas seulement l'avenue Marceau, n'est-ce pas ? C'est que partout, hélas, ce genre de chose se produit. On a mobilisé des milliers de policiers. Le ministre de l'Intérieur, le préfet de police ont mobilisé des milliers de policiers pour que l'ordre soit maintenu. Mais on a affaire à forte partie, n'est-ce pas ? Et donc, je ne prétends pas que tout soit réglé. Je ne prétends pas qu'il n'y ait pas de risque. Je dis que nous nous préparons au risque.
APOLLINE DE MALHERBE
Nous nous préparons au risque. Mais vous ne pouvez pas garantir à 100 %. C'est-à-dire que vous avez quand même l'impression qu'il y a quelque chose d'un peu hors de contrôle dans cette façon de se réjouir, entre guillemets.
FRANÇOIS BAYROU
Chaque fois qu'il y a ce genre de célébration, si j'ose dire, chaque fois, vous avez des incidents de cet ordre, chaque fois, il y a des black blocs, chaque fois, on les arrête. Chaque fois, on les met en prison et puis ils ressortent de prison. Et donc, cette nécessité, cette exigence de sécuriser, elle n'est pas sans aucun risque.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, aujourd'hui aura lieu le vote en première lecture des deux textes sur la fin de vie. Vous avez d'ailleurs voulu deux textes. Un premier texte sur l'accès aux soins pour soulager la souffrance, les soins palliatifs, un autre texte pour autoriser un droit à mourir. Est-ce que vous souhaitez que ces deux textes soient adoptés ?
FRANÇOIS BAYROU
Ces deux textes sont soumis au vote séparément pour que nul ne soit obligé de voter pour l'un pour obtenir l'autre. Et c'est le sens de la décision que j'ai prise de séparer les deux textes. Le texte sur la fin de vie, je pense qu'il devrait être adopté à l'unanimité, ou en tout cas la plus large majorité possible. Pourquoi ? Parce que les soins palliatifs, c'est un devoir à l'égard des malades, à l'égard de la société.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez dit le texte sur la fin de vie. Non, vous vouliez dire le texte sur les soins palliatifs.
FRANÇOIS BAYROU
J'ai dit, le texte sur les soins palliatifs, je pense qu'il devrait être adopté à l'unanimité.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez et vous souhaitez ?
FRANÇOIS BAYROU
Je souhaite. Et l'autre texte, je pense qu'il commence son parcours parlementaire. Le débat a été extrêmement dit, extrêmement intéressant, et a d'une certaine manière honoré le Parlement dans les temps où ça n'arrive pas tous les jours. Après, il y a des questions qui continuent à se poser.
APOLLINE DE MALHERBE
Lesquelles ?
FRANÇOIS BAYROU
Une question très, très, très simple : est-ce que toutes les précautions sont prises pour que le texte, pour que ce type de pratique ne devienne pas très large ? Je vous donne un chiffre. Le Canada a adopté un texte comme celui-là, et on disait qu'il y aura à peu près 200 personnes par an qui seront l'objet de cette fin de vie.
APOLLINE DE MALHERBE
Et aujourd'hui, c'est 5 217.
FRANÇOIS BAYROU
Non, aujourd'hui, c'est 15 000.
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est même 15 000 en tout.
FRANÇOIS BAYROU
C'est 15 000 au Canada.
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est près de 10 % aujourd'hui, 10 % des morts, des décès, sont aujourd'hui sur ce point au Québec.
FRANÇOIS BAYROU
Et aux Pays-Bas, c'est 10 000, ce qui, pour la France, voudrait dire 35 000.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, pour vous, ça n'est pas souhaitable.
FRANÇOIS BAYROU
Je pense qu'il y a une question. Et que cette question, les parlementaires se la sont posée. Ils vont continuer à se la poser. Et les décisions qui vont être prises, elles vont partir au Sénat. Et le Sénat apportera lui-même sa lecture. Puis elles reviendront à l'Assemblée. J'ai confiance dans la démarche parlementaire pour que toutes les interrogations soient levées. Mais vous sentez bien que ce que j'exprime, c'est qu'il y a là quelque chose d'infiniment précieux pour l'idée que nous nous faisons de la vie et de la mort. Et autrement dit, pour l'idée que nous nous faisons de la nature humaine. Ça n'est pas parce que tu es malade que tu es moins digne de soins, d'attention, de respect. Ça n'est pas parce que tu es handicapé que tu es moins digne de soins, d'attention et de respect. Chez nous, la vie est honorée comme la chose la plus précieuse.
APOLLINE DE MALHERBE
Si je vous entends, François BAYROU, j'entends un doute chez vous.
FRANÇOIS BAYROU
Je n'ai pas un doute, j'ai des interrogations sur ce texte.
APOLLINE DE MALHERBE
Et quand il y a des interrogations sur un texte, est-ce que vous vous dites, "dans le doute j'y vais quand même", ou "dans le doute je n'y vais pas" ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, je me dis, heureusement le Parlement, dans son organisation, va pouvoir poser toutes ces questions. Il y a une deuxième question qui se pose autour d'un mot dont je crois qu'il est ambigu. Le délit d'entrave. On a sanctionné sévèrement l'entrave. Qu'est-ce que ça veut dire ? Et qu'est-ce qu'avaient en tête ceux qui vont voter le texte ? Vous vous souvenez, ces agressions qui ont eu lieu contre les services d'IVG. Et ça, ça n'est pas acceptable. Une fois que c'est entré dans la loi, ça n'est pas acceptable. Mais ça n'est pas une entrave que d'essayer de persuader quelqu'un de vivre. Et les services de soins palliatifs, tous les jours, par milliers en France, ils tiennent la main de ceux qui sont au bout de leur vie et qui voudraient cependant continuer à vivre. Et c'est ce souci du plus faible, ce souci du plus fragile, ce souci de celui qui est seul, c'est ça la marque de la société que je souhaite pour la France.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire, François BAYROU, que tenter de convaincre quelqu'un, même s'il a exprimé une fois, deux fois, son souhait de mourir, ça n'est pas une entrave ? Il faut pouvoir le faire.
FRANÇOIS BAYROU
Tenter de le convaincre, ça n'est pas une entrave.
APOLLINE DE MALHERBE
Il faut pouvoir tenter de convaincre jusqu'au bout. Vous avez vu les mots des évêques d'Île-de-France qui se sont adressés aux députés hier et qui disent qu'à leurs yeux, le problème, c'est que la mort va désormais apparaître presque comme un soin. Ils parlent des unités de soins palliatifs, ils disent dans ces unités de soins palliatifs, des femmes et des hommes qui demandaient à mourir changent d'avis. On est exactement sur ce que vous dites à l'instant. Parce qu'ils sont regardés non pas comme des presque morts, mais comme des toujours vivants à écouter, à soigner, à soutenir et à soulager dans leurs douleurs et leurs angoisses. Le problème, c'est que vous avez fait deux textes. Mais aujourd'hui, au moment où on se parle, est-ce que vous pouvez dire, François BAYROU, que tous les malades français dont on pourrait soulager la souffrance, on le fait vraiment ?
FRANÇOIS BAYROU
Non.
APOLLINE DE MALHERBE
Non ?
FRANÇOIS BAYROU
Non.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc est-ce que la liberté du choix est réelle ?
FRANÇOIS BAYROU
Il y a une trentaine de départements, si ma mémoire est fidèle.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y en a 22 départements en France où il n'y a pas de services palliatifs. Et les autres, il y a des services de soins palliatifs, mais qui sont souvent déjà saturés.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, c'est vrai. Mais c'est déjà un immense progrès. J'ai beaucoup travaillé avec les médecins et les infirmiers de soins palliatifs. Ils sont ce que l'humanité fait de plus compréhensif, de plus généreux. Et je ne veux pas qu'ils se sentent abandonnés. Alors j'entends très bien ceux qui disent : "mais moi, dans mon état, je veux pouvoir accéder à la mort si je ne peux plus faire autrement." Je comprends ça. Il y a eu de très grands combats dans l'humanité pour tout ça. Mais simplement, ce que je veux, c'est qu'il n'y ait pas de détournement de la loi pour faire de ce qui devrait être un acte ultime, un acte normal et banal.
APOLLINE DE MALHERBE
Si je vous écoute, François BAYROU, en l'état, vous député, vous ne le voteriez pas.
FRANÇOIS BAYROU
Non, ce n'est pas ce que je dis.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce soir, je veux dire. Vous le feriez évoluer éventuellement, mais tel qu'il est aujourd'hui, non ?
FRANÇOIS BAYROU
Je pense que ce soir, je m'abstiendrai, oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce soir, vous ne le voteriez pas ?
FRANÇOIS BAYROU
Je pense que c'est le début d'un processus. Je pense que les soins palliatifs, on doit les organiser partout, que ça devrait être une obligation morale de la nation. Et pour ce qui est de l'intervention pour faire mourir quelqu'un, y compris à sa demande, y compris avec les vérifications nécessaires, alors il faut qu'il n'y ait plus d'ambiguïté sur le sujet. Et j'ai absolument confiance dans le Sénat et puis le retour à l'Assemblée pour que les deux questions que j'ai posées, c'est-à-dire que ça ne devienne pas un acte de régulation de la société, un service public.
APOLLINE DE MALHERBE
Certains disent, Claire FOURCADE, qui est à la tête des représentants de certains soins palliatifs, dit qu'il y a même un enjeu économique. C'est-à-dire qu'à un moment, la question pourrait se poser, face aux dérives des comptes publics…
FRANÇOIS BAYROU
Il y a des gens qui disent ça.
APOLLINE DE MALHERBE
… De se dire au fond, ça coûtera moins cher quand, quelqu'un…
FRANÇOIS BAYROU
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
… On cesse de le soigner mécaniquement, que de devoir pendant des années lui apporter des soins très coûteux.
FRANÇOIS BAYROU
Il y a des gens qui disent ça. Ils ont même un calcul économique, ils disent "Ce qui coûte le plus cher à la Sécu, c'est les six derniers mois de la vie humaine. Et donc si on peut raccourcir après tout, pourquoi ne le ferait-on pas ?" Je suis en désaccord complet avec une approche aussi instrumentalisée. Je ne veux pas employer de mots excessifs. La vie humaine, c'est ce que nous avons de plus précieux et c'est ce dont nous avons la charge. La vie des malades, la vie des handicapés, la vie des fragiles, la vie de ceux qui ne peuvent plus. On est là pour les aider. J'ai beaucoup aimé la phrase que Jean LEONETTI, l'auteur de la première loi, a eue. Il a dit "Cette loi, elle dit deux choses très simples. Un, on ne te laissera pas tout seul. Et deux, on ne te laissera pas souffrir". Et c'est sur cette ligne que je suis.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, vous avez été entendu par la commission sur Notre-Dame-de-Bétharram. Vous avez dit que vous n'aviez pas menti. Est-ce que vous avez, malgré tout, des regrets ?
FRANÇOIS BAYROU
J'ai des regrets que cette affaire ait été instrumentalisée. Cette affaire qui est un drame pour des dizaines et des dizaines, partout en France maintenant. On sait bien qu'il y a des exemples partout en France. C'est un drame pour eux. Et ça a été instrumentalisé comme un homme politique, comme une affaire politique.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais votre premier regret, François BAYROU, ce n'est pas de ne pas avoir vu ?
FRANÇOIS BAYROU
J'ai vu et je suis intervenu.
APOLLINE DE MALHERBE
Suffisamment ?
FRANÇOIS BAYROU
Vous savez, j'ai mis en ligne, peut-être qu'on peut s'arrêter une seconde à ça. J'ai mis en ligne tous les documents.
APOLLINE DE MALHERBE
Je sais ce que vous allez me dire. J'ai cliqué dessus. Ça ne s'ouvre pas. Ça bug. Donc vous nous dites que vous avez mis les documents, mais j'avoue, je n'y ai pas accès.
FRANÇOIS BAYROU
Mais parce que vous ne m'écoutez pas. Alors si vous m'écoutez, je vous explique ce qui s'est passé. Nous avons mis ces documents en ligne, vendredi soir. Et puis dimanche, il y a eu une attaque massive, une cyberattaque massive pour faire sauter le site.
APOLLINE DE MALHERBE
Le site Bayrou.fr ?
FRANÇOIS BAYROU
Et le site a sauté. Et puis on l'a remis en ligne. Et il y a eu une attaque encore beaucoup plus massive.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais qui fait ça ?
FRANÇOIS BAYROU
Et notre hébergeur, hier, nous a dit "Mais je ne peux pas continuer à héberger votre site parce que tous mes clients sont victimes des attaques qui sont dirigées contre vous."
APOLLINE DE MALHERBE
Mais qui attaque votre site pour avoir les preuves ?
FRANÇOIS BAYROU
Je n'en sais rien. Pourquoi ? Parce que ça doit gêner quelqu'un. Puisque j'ai mis en ligne la preuve absolue par des documents que toutes les accusations étaient fausses.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, vous nous dites ce matin que ce n'est pas un bug, c'est une attaque informatique.
FRANÇOIS BAYROU
Mais je ne dis pas, j'affirme, et nous allons porter plainte, j'affirme que ce site qui était simplement la mise en ligne de tous les documents a été l'objet d'une cyberattaque pour faire sauter le site.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez porter plainte, vous pensez quoi ? Que c'est vos opposants politiques ?
FRANÇOIS BAYROU
Je ne sais pas.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, ça me frappe quand même. Je vous demande si vous avez des regrets. Vous me dites je regrette que ce soit instrumentalisé. Vous dites j'ai vu, j'ai fait ce qu'il fallait. Pour votre fille, vous n'avez pas vu. Comment vous avez vécu ça ? Comment vous vous l'avez vécu ? Comment vous en avez parlé avec elle depuis ?
FRANÇOIS BAYROU
D'abord, je n'ai jamais cessé de parler avec mes enfants. Y compris quand les enfants se taisent. Et elle, elle s'est tue.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle le dit.
FRANÇOIS BAYROU
Et pas seulement elle. Mais dans toutes les familles, il y a des enfants qui se taisent. Vous savez, vous vous souvenez des mémoires de Marcel PAGNOL ? Un des mémoires d'enfance de Marcel PAGNOL. Un des trois volumes s'appelle "Le temps des secrets". Simplement, il faut des secrets quand on est adolescent, quand on est enfant. C'est naturel. Mais les secrets ne devraient pas toucher les atteintes à l'intégrité.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que si on vous avait dit, vous pensez, si elle vous avait dit, vous l'auriez entendu, vous l'auriez sorti de cette école ? En l'occurrence, c'était des camps d'attention vocale.
FRANÇOIS BAYROU
Oui, sans aucun doute. Je crois d'ailleurs qu'elle n'y est pas retournée.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous, vous avez tout dit. Vous n'avez plus rien à cacher.
FRANÇOIS BAYROU
Mais je n'ai jamais rien caché. Peut-être c'est pour ça que ces attaques font que notre site saute. Vous vous rendez compte dans quel pays on vit, dans quelle démocratie on vit ? Un responsable politique, Premier ministre de surcroît, qui est attaqué ignominieusement pendant des mois avec des gens qui prétendent qu'il a caché qu'il a protégé le pire du pire du pire et qui apporte la preuve que tout ça, c'est faux. Et vous avez des gens qui montent des attaques numériques massives pour qu'ils ne puissent pas montrer les documents. Qu'est-ce que c'est ce pays-là ? C'est du totalitarisme ?
APOLLINE DE MALHERBE
Vous estimez que c'est du totalitarisme ?
FRANÇOIS BAYROU
J'estime que ce genre d'attaque…
APOLLINE DE MALHERBE
Demander des preuves, des éléments, c'est du totalitarisme.
FRANÇOIS BAYROU
Ecoutez, n'essayez pas de détourner.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, le fait qu'on vous demande, qu'on vous redemande…
FRANÇOIS BAYROU
Je dis que les cyberattaques qui sont conduites, et pas seulement ça, parce que des attaques numériques, il y en a mille sur les réseaux sociaux, je dis qu'empêcher un homme et un responsable politique d'apporter les preuves…
APOLLINE DE MALHERBE
Donnez-les-nous. François BAYROU, donnez-moi les preuves. Donnez-les-moi, moi je les montrerai sur BFM, je les montrerai sur RMC. Si votre site internet bug… Ce que je veux dire, c'est que si votre site internet bug, il y a d'autres moyens de les donner. Le Pays n'empêchera pas que des documents puissent être montrés.
FRANÇOIS BAYROU
Eh bien, je vous transmettrai la totalité des documents, et vous les mettrez en ligne aussi, et vous donnerez tous les textes et tous les documents…
APOLLINE DE MALHERBE
Que les choses puissent être vues, dites et commentées.
FRANÇOIS BAYROU
Vues, dites, et montrées à tous, pour montrer que toutes ces attaques-là étaient absolument le contraire de la vérité et de la réalité. Je donne tous les documents, je donne toutes les preuves de l'action que j'ai conduite, y compris comme ministre, à l'égard de tout ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Et nous nous engageons à les montrer.
FRANÇOIS BAYROU
Et pourquoi veulent-ils empêcher qu'on les montre ? Pourquoi ?
APOLLINE DE MALHERBE
François Bayrou, vous pensez quoi ? Qu'est-ce que vous dites ? Pourquoi vous laissez, cette question ?
FRANÇOIS BAYROU
Je pense que ce qu'ils ne supportent pas, c'est que la vérité s'impose. Ce que-ils, je ne sais pas qui est "ils", français ou extérieur, mais ils ne supportent pas que la vérité s'impose.
APOLLINE DE MALHERBE
Extérieur, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça peut être une ingérence extérieure ?
FRANÇOIS BAYROU
On a l'habitude maintenant.
APOLLINE DE MALHERBE
François BAYROU, ça fait une heure dix que vous répondez à mes questions, très nombreuses questions, et notamment, en effet, puisque vous estimez que c'est le nerf de la guerre sur la question du budget, si j'ai bien compris, vous ouvrez le débat sur la TVA sociale ou en tout cas, sur un financement autre que par le seul travail pour le modèle social.
FRANÇOIS BAYROU
Pour améliorer le rendement du travail, pour que le travail paie plus et que les entreprises ne soient pas limitées dans leur développement.
APOLLINE DE MALHERBE
Et avant le 14 juillet, vous donnerez ce plan et tous les Français, mais vous arriverez à les en convaincre, accepteront de faire des efforts.
FRANÇOIS BAYROU
Alors ça, votre dernière phrase est quand même assez optimiste. Tous les Français, j'espère une majorité de Français, j'espère un nombre substantiel de Français, mesureront qu'on ne peut pas continuer comme ça et que les seuls alliés qu'ils trouvent dans la situation présente, c'est ceux qui leur disent on va en sortir. On va revenir en 3 ou 4 ans à un pays estimable qui fait face à ses obligations et notamment à ses obligations à l'égard de ses enfants.
APOLLINE DE MALHERBE
Allez-vous tenter à nouveau de convaincre Emmanuel MACRON d'un référendum sur les finances ?
FRANÇOIS BAYROU
Je vous promets que je vais en parler avec lui.
APOLLINE DE MALHERBE
Écoutez, ce ne sera déjà pas mal. Merci beaucoup François BAYROU en tout cas d'avoir répondu à mes questions ce matin et d'avoir accepté d'y répondre sur RMC et BFM TV. Il est donc 9h34 sur RMC et BFM TV.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 mai 2025