En avril 2024, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne (UE) ont adopté une directive européenne sur la protection des personnes qui participent au débat public contre les demandes en justice manifestement infondées ou les procédures judiciaires abusives. Cette directive doit être transposée dans le droit national au plus tard le 7 mai 2026.
Dans un avis rendu le 13 février 2025, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) demande que soit inscrite une "définition large et protectrice" dans le droit français de la notion de procédure-bâillon. La CNCDH formule une série de recommandations qui portent notamment sur des mesures pédagogiques à destination des professions judiciaires et des entreprises.
Protéger le débat public
En 2023, la CNCDH faisait état, dans le contexte français, de campagnes de harcèlements judiciaires de la part d’autorités publiques et d’acteurs privés pouvant être identifiées comme des "procédures-bâillons".
Parmi les voies de droit utilisées à cette fin, la CNCDH évoque la plainte en diffamation, la dénonciation calomnieuse, le faux et usage de faux, la violation du secret de l’instruction ou encore l’apologie du terrorisme, et, dans le domaine du droit civil et commercial, la violation du secret des affaires ou encore les infractions au code monétaire et financier.
Depuis l'adoption de la directive européenne, d’autres instances internationales ont exprimé la nécessité de lutter contre "l’instrumentation de systèmes de justice à des fins de promotion d’intérêts privés au détriment de droits humains" : le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, en avril 2024, la Rapporteure spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats en septembre 2024.
Au niveau national, en septembre 2024, le rapport des États généraux de l’information préconisait une "transposition rapide, complète et ambitieuse de la directive sur les procédures-bâillons".
Quelles sont les recommandations de la CNCDH ?
La CNCDH souligne qu’il n’existe pas aujourd’hui de définition précise des procédures-bâillons en droit français.
En ce sens, la Commission demande que soient intégrées dans la définition au niveau national :
- la référence à l’intention de harceler ou d’intimider la cible ;
- et une liste d'indicateurs à prendre en compte pour identifier les procédures-bâillons (tentative d’exploitation d’un déséquilibre de pouvoir, d'un avantage financier ou encore d’une influence politique ou sociale pour faire pression sur le défendeur, caractère disproportionné, excessif ou déraisonnable de la demande en justice formulée par le demandeur...).
Dans son avis, la Commission propose quatre axes majeurs d'action pour lutter contre les procédures-bâillons :
- instaurer une garantie financière pour le défenseur en agissant sur les frais de procédures et les amendes civiles et rendre publiques les sanctions à l'encontre d'auteurs de procédures-bâillons ;
- mettre en place un mécanisme de rejet rapide permettant au juge de statuer sur les procédures identifiées comme des procédures-bâillons ;
- mieux réparer les préjudices subis par les victimes de ce type de procédures ;
- développer des formations pour les magistrats afin de mieux identifier les procédures-bâillons et sensibiliser les entreprises sur l'illégalité de ces procédures.