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Zone euro : pourquoi la BCE a-t-elle enregistré des pertes records en 2024 ?

Temps de lecture  4 minutes

Par : La Rédaction

Pour la deuxième année consécutive, la Banque centrale européenne (BCE) a terminé son année comptable avec une perte. Après celle d'environ 1,3 milliard d'euros en 2023, la perte de 2024 s'élève à près 8 milliards d'euros. Quelles sont les raisons de cette évolution ? Ces pertes peuvent-elles fragiliser l'action de la BCE ?

Lors de la publication de ses comptes annuels 2024 le 20 février 2025, la BCE a fait état d’une perte record : elle a terminé son exercice comptable avec un déficit de 7,944 milliards d’euros. Il est d’un même niveau qu’en 2023 (7,89 milliards d'euros) mais, il y a un an, la BCE a pu activer sa provision pour risque à hauteur de 6,6 milliards d'euros et ainsi clôturer l’année avec une perte limitée à 1,266 milliard d’euros. D’où viennent les nouvelles pertes ?
 

 

L'évolution des taux a pesé sur les actifs et a renchéri le passif

"Ces pertes surviennent après de nombreux exercices clos par des bénéfices substantiels et résultent de mesures de politique monétaire que l'Eurosystème a dû prendre pour accomplir sa mission principale de maintien de la stabilité des prix" précise la BCE le 25 février 2025

En effet, lors des années de crise (zone euro, sanitaire, énergétique), la BCE a - dans le cadre de son action stabilisatrice - acquis des actifs financiers (des obligations d'États européens notamment), inscrits du côté de ses actifs. La taille de son bilan a considérablement augmenté. Ces titres représentent aujourd'hui près de 60% de ses actifs. Datant d'années de taux d'intérêts très bas, les sommes récoltées sont faibles et les taux fixés à long terme.

De l'autre côté, celui de passif, le principal poste à côté des billets en circulation sont les dépôts des banques commerciales que la BCE rémunère au taux en vigueur. Celui-ci était entre 3% et 4% en 2024… mais ce taux était négatif encore en 2021. La hausse des taux entre 2022 et 2024 a eu pour effet d'augmenter fortement la charge des intérêts sur ces engagements.

Ces pertes peuvent-elles fragiliser l'action de la BCE ?

La BCE est consciente de ce problème structurel et elle précise même qu'elle "pourrait encore subir des pertes dans les années à venir". Le Fonds monétaire international (FMI) a dès 2023 pointé ce risque résultant de la juxtaposition de positions à taux fixes et à taux variables. La BCE se montre pourtant rassurante et précise que, s'il y avait des pertes dans le futur, elles devraient être plus faibles à cause de l'actuel mouvement de détente monétaire qui allège la facture pour la BCE du côté de son passif.

Et, malgré les pertes records, la BCE fait état d'une hausse de ses fonds propres nets : ils ont augmenté de 12,1% à 50 milliards d'euros par rapport à 2023. La raison principale en est la hausse en valeur de son stock d'or. Le cours de l'or a nettement progressé en 2024.

Les pertes de la BCE ne sont cependant pas sans risques. D'abord, elles impliquent l'absence de dividendes versés aux banques centrales nationales et donc aussi aux trésors nationaux. Ensuite, ces pertes peuvent aussi fragiliser la confiance en la capacité de la banque centrale de lutter efficacement contre l'inflation. La juxtaposition taux fixe-taux variables ne va pas rapidement disparaître, ce qui peut peser sur la conduite de la politique monétaire : la rendre plus restrictive peut paraître moins attractif car une nouvelle hausse des taux risquerait d’alourdir les pertes de la BCE.