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Pornographie en ligne : quelle législation pour protéger les mineurs ?

Temps de lecture  6 minutes

Par : La Rédaction

Pour protéger les mineurs, la loi française et le droit européen prévoient des obligations pour les sites qui diffusent des contenus pornographiques. En France, la vérification de l'âge pour accéder à un contenu pornographique est obligatoire. L'Arcom a adressé des mises en demeure à 5 sites pornographiques pour non-respect de cette obligation.

Par une décision du 15 juillet 2025, le Conseil d'État a définitivement rejeté la demande d'une société fournissant des contenus pornographiques de suspendre l'obligation de vérification de l'âge, désormais imposée en France pour en interdire l'accès aux mineurs. La question de la conformité au droit européen se posait notamment.

L'occasion pour Vie publique de faire le point sur les obligations résultant des législations française et européenne en matière de protection des mineurs face aux contenus pornographiques

La vérification de l'âge : une obligation depuis la loi du 21 mai 2024 sur la régulation de l'espace numérique

En France, depuis le 1er mars 1994, il est interdit d’exposer des mineurs à un contenu à caractère pornographique (article 227-24 du code pénal, introduit par une loi du 22 juillet 1992). 

La loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (SREN) du 21 mai 2024 interdit l'affichage sur écran de contenus pornographiques sans que la majorité de l'utilisateur (18 ans) n'ait été contrôlée par un système robuste et protecteur en "double anonymat". Le double anonymat signifie que l'âge de la personne est contrôlé, mais sans révéler son identité. 

La loi confie à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) le soin d'établir un référentiel fixant les exigences techniques minimales auxquelles doivent se conformer les systèmes de vérification d’âge des sites pornographiques, sous peine de lourdes amendes pouvant aller jusqu'à 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende, ou même 6% du chiffre d’affaires des profits tirés par le délit. L'Arcom ayant publié ce référentiel en octobre 2024, elle peut contrôler les sites pornographiques qui diffusent leurs contenus en France. 

Après mise en demeure, l'Arcom a le pouvoir d'ordonner :

  • le blocage des sites ne respectant pas l'obligation de contrôler l'âge des utilisateurs, pour deux ans maximum ;
  • leur déréférencement des moteurs de recherche sous 48 heures. 

Le 11 juin 2025, l’Arcom a envoyé un courrier à cinq sites pornographiques installés dans l'Union européenne (UE), dépourvus de système de vérification d'âge. Le 4 août 2025, en l'absence de mise en conformité des sites avec la législation sur la protection des mineurs dans le délai imparti, l'Arcom les a mis en demeure de se conformer à leurs obligations, dans un délai de 3 semaines. Si les sites ne répondent toujours pas à leurs obligations passé ce délai, l'Arcom pourra les déréférencer et les bloquer. 

Les règles imposées au niveau de l'UE

L'UE a également pris des mesures à l'encontre des sites pornographiques.

Le règlement sur les services numériques (RSN) ou Digital Services Act (DSA) du 19 octobre 2022 fixe un nouveau cadre juridique pour protéger, entre autres, les enfants des sites malveillants. Les grandes plateformes du numérique s'exposent à une amende pouvant aller jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires annuel si elles ne respectent pas les exigences du DSA.

Dans ce secteur d'activité, c'est le principe du pays d'origine qui détermine le droit applicable : lorsqu'il opère dans un autre État-membre de l'UE, un fournisseur de service doit respecter les exigences d'exercice de son activité édictées dans son pays d'origine (et non dans le pays de destination du service). En revanche, un État ne peut donc contrôler la diffusion de contenus que pour les seules plateformes installées sur son territoire. Ce principe est notamment affirmé dans une directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, ainsi que par la directive Service de médias audiovisuels (SMA), en vigueur depuis 2020.

Ces textes prévoient néanmoins des dérogations au principe du pays d'origine. Un État-membre peut notamment interdire des contenus diffusés depuis un autre pays de l'UE s'il est démontré que les contenus sont contraires à la protection des mineurs ou présentent des "violations manifestes et graves de la dignité humaine". L'exposition de mineurs à des contenus pornographiques entrent dans ces cas de figure. L'interdiction ainsi prononcée s'applique uniquement sur le territoire de l’État-membre qui applique cette exception, et non à l'ensemble du territoire de l'UE.

La compatibilité des récentes mesures françaises avec le droit européen

Un arrêté du 26 février 2025 oblige 17 sites pornographiques établis dans d'autres États membres de l'UE à contrôler l'âge de leurs utilisateurs pour empêcher les mineurs d'accéder à leurs contenus. Une exception, donc, au principe du pays d'origine, qui avait été notifiée à la Commission européenne, conformément aux exigences de la directive de 2000 sur le commerce électronique. 

Saisi par l'un des prestataires visés par cet arrêté, le juge des référés du tribunal administratif de Paris avait temporairement suspendu son application, dans l'attente d'un jugement définitif. La question de la conformité de l'arrêté contesté avec le droit européen se posait notamment. 

Par sa décision du 15 juillet 2025, le Conseil d’État a définitivement rejeté la demande de suspension de l'obligation de vérification de l'âge formulée par l'un des prestataires visés par l'arrêté, en l'absence d'atteinte grave et immédiate à sa situation économique. Le Conseil d’État a également pris en compte l'intérêt public s'attachant à la protection des mineurs contre l'exposition à des contenus à caractère pornographiques, sa consécration n'entravant pas la liberté d'expression de la société ni le droit au respect de la vie privée des utilisateurs majeurs du site. Enfin, l'arrêté ne contrevient pas au droit de l'UE.

La vérification de l'âge, également recommandée par la Commission européenne

Le 14 juillet 2025, la Commission européenne a publié des lignes directrices sur la protection des mineurs en ligne, à destination de l'ensemble des États de l'UE. Dans la continuité de l'esprit de la loi SREN, la Commission y recommande des méthodes de vérification de l'âge des utilisateurs de plateformes destinées aux adultes, parmi lesquelles les sites pornographiques. 

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