Quel cadre légal pour la PMA en France ?
La PMA (procréation médicalement assistée), aussi appelée AMP (assistance médicale à la procréation - expression privilégiée par l’Agence de la biomédecine), désigne l’ensemble des techniques médicales permettant de concevoir un enfant lorsque la conception naturelle est difficile, voire impossible.
Elle fait appel à différentes techniques :
- l'insémination artificielle du sperme du conjoint ou d’un tiers donneur ;
- la fécondation in vitro (FIV) d’ovules et de spermatozoïdes des conjoints ou de tiers donneurs afin d’obtenir des embryons qui seront ensuite implantés dans l’utérus de la femme ;
- l'accueil d'embryon qui consiste à transférer dans l'utérus d'une patiente les embryons provenant d’un couple ou d'une femme donneurs qui les avaient fait congeler dans le cadre d’une FIV.
Jusqu'en 2021, la PMA n'était autorisée en France que pour les couples hétérosexuels (mariés, pacsés ou en concubinage depuis au moins deux ans) en âge de procréer et présentant une infertilité pathologique médicalement constatée ou risquant de transmettre une maladie grave à leur enfant.
La révision de la loi de bioéthique, la troisième depuis 1994, a modifié ces règles. La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a élargi la procréation médicalement assistée à toutes les femmes qui ont un projet parental, aux couples homosexuels comme aux célibataires. Le critère médical d'infertilité, qui conditionnait l'accès à la PMA, a donc été supprimé. Une femme a la possibilité de congeler ses ovocytes, sans motif médical, pour préserver la possibilité de devenir mère.
La loi autorise le recours à un double don de gamètes (ovocytes et spermatozoïdes). Les couples dont les deux membres sont stériles peuvent désormais avoir recours à la PMA.
La loi précise que l'accès à la PMA "ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs". Les hommes et les femmes souhaitant bénéficier d'une PMA doivent cependant répondre à des conditions d’âge définies par un décret du 28 septembre 2021.
La loi institue un nouveau mode de filiation permettant la reconnaissance conjointe de l'enfant issu d'une PMA pour les couples de femmes. Par ailleurs, un nouveau droit est créé pour les enfants nés d’une PMA : le droit d’accès à des informations non identifiantes (âge, caractéristiques physiques...) et à l'identité du donneur à l’origine de leur conception.
PMA : les évolutions du droit
Dans les années 1970, avec la technique de congélation du sperme, apparaissent en France les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS).
En 1982, naît Amandine, premier bébé français né après une fécondation in vitro.
La législation relative à la PMA est fixée par les lois bioéthiques du 29 juillet 1994. L’assistance médicale à la procréation désigne "les pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle ainsi que de toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel". Les conditions pour y avoir accès sont fixées par la loi.
La nouvelle révision de la loi de bioéthique en 2011 redéfinit les modalités et les critères permettant d’autoriser les techniques d’assistance médicale à la procréation et d’encadrer leur amélioration. La congélation ovocytaire ultrarapide (ou vitrification) est autorisée.
La loi du 6 août 2013 permet les recherches à partir d’embryons surnuméraires conçus dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (fécondation in vitro), ne faisant plus l’objet d’un projet parental, après information et consentement écrit du couple concerné.
La PMA, victime de son succès
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de bioéthique de 2021, les demandes de procréation médicalement assistée ont fortement augmenté, selon le ministère de la santé. Le nombre de demandeurs est resté stable du côté des couples hétérosexuels. Mais, le nombre de demandes de première consultation pour les couples de femmes et les femmes célibataires est devenu 7,5 fois supérieur à celui des couples hétérosexuels avec 15 000 demandes recensées en 2022.
Afin de répondre à l’afflux de ces nouvelles demandes dans les centres de PMA, les pouvoirs publics ont dégagé des crédits exceptionnels d’un montant de 7,3 millions d’euros en 2021 et de 5,5 millions d'euros en 2022.
Malgré la mise en place de ces moyens, les délais d'attente restent élevés pour entamer un parcours de PMA en France. Selon les chiffres du comité de suivi de la mise en œuvre de la loi de bioéthique, il faut 14 mois en moyenne entre la prise de rendez-vous et la première tentative pour une PMA avec don de spermatozoïdes, et 23 mois pour un don d'ovocytes. Le délai moyen de prise en charge pour une autoconservation des ovocytes est de 7 mois à l'échelle nationale et de 24 mois pour l’Île-de-France qui représente 25% des demandes.
Pour réduire ces délais, le gouvernement prévoit d'autoriser de nouveaux centres à conserver les ovocytes afin de libérer du temps pour les parcours de PMA dans les centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS). Les dons de gamètes ne peuvent être pratiqués que dans une trentaine de ces centres publics répartis sur le territoire. Certaines associations réclament l'ouverture des dons de gamètes aux centres privés, ce qui pose des questions concernant la transparence et la protection des données des patients.
Depuis 2013, le chemin vers l'ouverture de la PMA à toutes les femmes
C'est la promulgation de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe qui modifie les termes du débat autour de la PMA. La loi ouvre l’adoption aux couples homosexuels et reconnaît ainsi qu’un enfant peut avoir deux parents du même sexe. En revanche, le recours à la PMA reste impossible pour ces couples.
Par deux avis de 2014, la Cour de cassation juge que le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. Pour la Cour, le fait que des femmes y aient eu recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français.
En 2015, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) publie un avis recommandant au gouvernement et au Parlement d’étendre l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, au nom de l’égalité des droits entre tous et toutes. Les stratégies de contournement actuellement mises en place par les femmes qui ne peuvent avoir recours à une PMA en France les exposent à des risques sanitaires (moindre suivi gynécologique, infections sexuellement transmissibles, etc.) et à des fortes inégalités sociales, eu égard au coût d’une PMA à l’étranger.
Lors des états généraux de la bioéthique, organisés de janvier à mai 2018, dans le cadre de la nouvelle révision de la loi de bioéthique, les personnes favorables à l’ouverture de la PMA font valoir une demande d’égalité. À l’opposé, les personnes qui y sont défavorables mettent en avant "la notion de nature" et les droits des enfants ainsi que leur crainte qu’une évolution législative sur la PMA n’ouvre la voie à la gestation pour autrui (GPA) pour les couples d’hommes. Dans sa contribution terminale à la révision de la loi de bioéthique, présentée en septembre 2018, le Comité consultatif national d’éthique se déclare favorable à l’ouverture de la PMA.
Le 25 septembre 2018, le CCNE remet son avis sur les priorités qui pourraient figurer dans la future loi de bioéthique. Il se déclare de nouveau favorable à l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules. Il est également favorable à l’ouverture de la PMA en post mortem (transfert in utero d’un embryon conservé après le décès de l’homme) sous réserve d’un accompagnement spécifique de la conjointe.
De son côté, le Conseil d’État, dans une étude publiée le 11 juillet 2018, considère que l’ouverture de la PMA ne saurait être justifiée par le principe d’égalité ou par un prétendu "droit à l’enfant". Le législateur, dans ses choix, doit prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. En cas d’extension de la PMA, le Conseil d’État recommande d’instituer un mode d’établissement de la filiation spécifique permettant une double filiation maternelle. Il suggère, par ailleurs, si une PMA hors pathologie devait être autorisée, de prévoir son remboursement par l’assurance maladie, "compte tenu de la difficulté d’objectiver une différence entre les bénéficiaires et de l’enjeu financier modeste".
Un rapport de l’Assemblée nationale de janvier 2019 va dans le sens d’une reconnaissance : "l’ouverture de l’accès à la PMA apparaît comme une nouvelle étape sur le long chemin de l’émancipation des femmes par le renforcement de l’autonomie des choix reproductifs et sur celui de la reconnaissance de toutes les familles".
Le 24 juillet 2019, la ministre de la justice et la ministre des solidarités et de la santé présentent au conseil des ministres le projet de loi relatif à la bioéthique.