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Proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques

Temps de lecture  7 minutes

Cette proposition de loi transpartisane, issue des préconisations d'une commission d'enquête sénatoriale, entend mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil privés par les administrations et limiter leur influence croissante sur les politiques publiques.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Dépôt au parlement

    21 juin 2022

  2. Étape 2 en cours

    Examen et adoption

    28 mai 2024

    2ème lecture

  3. Étape 3 à venir

    Promulgation

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Le 28 mai 2024, le Sénat a adopté en deuxième lecture, avec modifications, et à l'unanimité la proposition de loi. L'Assemblée nationale doit désormais l'examiner.

Le texte vise à mettre en oeuvre les recommandations de la commission d'enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dont le rapport a été publié en mars 2022. Cette commission d'enquête avait mis au jour l’ampleur du phénomène du recours aux cabinets de conseil par l’État sur des questions stratégiques (crise sanitaire, stratégie nationale de santé...) et les risques liés à cette pratique, en particulier pour la démocratie et la légitimité des responsables publics.

La proposition de loi avait, en première lecture, été enrichie par les sénateurs avant d'être largement amendée par les députés et le gouvernement. En deuxième lecture, le Sénat est revenu sur une partie de ces modifications et a rétabli plusieurs ambitions de son texte initial.

L'article prévoyant l'application immédiate de la loi aux contrats en cours, supprimé à l'Assemblée nationale, a été réintroduit.

Les administrations, cabinets et prestations concernés

Côté administrations, le texte tel qu'amendé en dernier lieu, s'appliquera à l'État, à ses établissements publics administratifs (dont les dépenses de fonctionnement dépassent 60 millions d’euros), aux centrales d'achat (comme l'UGAP) ainsi qu'aux autorités administratives et publiques indépendantes

Les établissements publics industriels et commerciaux et la Caisse des dépôts et consignations ont été retirés du périmètre du texte. De plus, l'amendement du gouvernement qui avait inclus les collectivités locales de plus de 100.000 habitants a été supprimé. Il prévoyait qu'elles soient soumises à l'essentiel des mesures de la loi, avant une éventuelle extension à toute la loi. 

Côté privé, les nouvelles règles s'adresseront aux prestataires de conseil, à leurs sous-traitants et aux consultants pour une série de prestations : stratégie, organisation, gestion des ressources humaines, juridique, communication, finances, élaboration, mise en oeuvre et évaluation des politiques publiques, certains conseils informatiques contenant une dimension stratégique... 

Les sénateurs ont supprimé le décret prévu par les députés afin de préciser la nature des prestations de conseil devant être encadrées par la loi.

Plus de transparence et un meilleur encadrement des cabinets de conseil

De nouvelles obligations de transparence sont imposées aux cabinets de conseil et aux consultants. Ils ne pourront prendre aucune décision administrative. 

Pour éviter toute confusion des genres, ils auront l'interdiction d’utiliser tout signe distinctif (logos...) de l’administration (sauf pour les campagnes de communication). Il leur sera également interdit de se voir attribuer une adresse courriel comportant le nom de domaine d'une administration (sauf exception en matière informatique). Cette dernière règle avait déjà été posée par une circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles.

D’autres dispositions visent à mettre fin à la pratique des prestations gratuites (pro bono) des consultants ou à leur imposer l’usage du français dans leurs échanges avec l’administration et dans leurs documents.

De nouvelles obligations pèsent aussi sur les administrations. Lorsqu’un document a été rédigé avec la participation de consultants, l'administration devra mentionner cette information, préciser la prestation de conseil réalisée et son cadre contractuel. Par ailleurs, les administrations devront systématiquement évaluer les prestations des consultants et cabinets. Un décret déterminera le modèle de ces évaluations, qui seront publiées en données ouvertes. 

Le gouvernement devra présenter au Parlement, dans les un an suivant la promulgation de la loi, et ensuite chaque année, un rapport sur le recours aux prestations de conseil (bilan des moyens de conseil interne de l’État, liste des prestations de conseil réalisées au cours des cinq années précédentes et leur montant...). Ce rapport devra également être adressé au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État. À l'origine, les auteurs de la proposition de loi souhaitaient un "jaune budgétaire" consacré aux recours aux conseils extérieurs. Ce document annexé au budget a depuis été créé par l’article 164 de la loi de finances pour 2023. Deux rapports sur ce sujet ont déjà été publiés par l'exécutif en 2022 (par anticipation de l'obligation) et 2023.

Un nouveau cadre déontologique pour les cabinets de conseil

La proposition de loi pose de nouvelles règles déontologiques. Les cabinets de conseil et les consultants devront prévenir ou faire cesser tout conflit d'intérêts. Avant chaque prestation, ils devront s'engager sur un code de conduite avec l'administration concernée et lui adresser une déclaration d’intérêts. Sur amendement des sénateurs en 2e lecture, seuls les consultants ayant une fonction d’encadrement ou de supervision seront tenus à cette déclaration. Les éléments devant figurer dans cette déclaration sont détaillés par le texte.

Les référents déontologues dans les administrations pourront répondre aux demandes d'avis sur les prestations de conseil et devront être saisis en cas de doute sur une déclaration d'intérêts.

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) se voit confier une nouvelle mission de contrôle déontologique des prestations de conseil. Elle pourra se saisir d'office ou être saisie par l'administration en cas de doute persistant sur une déclaration d'intérêts, le Premier ministre, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et les associations de lutte contre la corruption.

Les sénateurs ont rétabli la possibilité de saisine de la HATVP par un syndicat de fonctionnaires, qui avait été supprimée par les députés. 

La HATVP pourra effectuer des contrôles sur pièces et sur place dans les locaux professionnels ou au domicile des consultants. Elle pourra adresser des mises en demeure aux prestataires de conseil et leur infliger des sanctions administratives : amende jusqu'à 2% du chiffre d'affaires annuel mondial, publicité de la décision d'amende et exclusion de 3 ans maximum des marchés publics en cas de faute professionnelle grave. Ces sanctions seront prononcées par une commission des sanctions créée au sein de la Haute autorité. Ces mesures avaient été supprimées par un amendement du gouvernement en 1e lecture. Seuls certains secrets protégés (secret de l'instruction...) pourront lui être opposés dans l'exercice de son contrôle. 

Les sénateurs ont ajouté à la liste des infractions qui entrainent l'exclusion de la commande publique, les auteurs de faux témoignages.

Des dispositions instaurent en outre un contrôle spécifique de la HATVP sur les allers-retours entre l'administration et les cabinets de conseils (pantouflage et rétro-pantouflage). Elles avaient été supprimées par les députés en 1e lecture.

Les données de l'administration mieux protégées

La proposition de loi interdit enfin aux cabinets de conseil et aux consultants de réutiliser les données collectées auprès de l'administration ou de tiers dans le cadre de la mission de conseil et les oblige à supprimer les données confiées, un mois après la fin de la prestation. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pourra contrôler ces obligations.

Cette mesure répond à une alerte de la commission d'enquête sénatoriale sur le "paradoxe de la donnée" : les cabinets de conseil assurent que les données recueillies dans le cadre de leurs prestations pour l'État ne sont pas réutilisées au profit d'autres clients, mais proposent en parallèle des parangonnages ou benchmarks réalisés en un temps record, ce qui suppose de détenir des masses de données.

Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Dépôt au parlement

    21 juin 2022

  2. Étape 2 en cours

    Examen et adoption

    28 mai 2024

    2ème lecture

  3. Étape 3 à venir

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