Dans un rapport publié le 10 juillet 2023 (le premier issu d'une initiative citoyenne), la Cour des comptes formule des recommandations pour mieux encadrer le recours par l'État à des cabinets de conseil privés après avoir analysé les dépenses de prestations intellectuelles des ministères et de leurs établissements publics.
Des dépenses en forte croissance
L’essentiel de l’augmentation des dépenses des cabinets de conseil a concerné des prestations informatiques (pour lesquelles l'État ne dispose pas d'une expertise suffisante).
Mais les dépenses de prestations intellectuelles (au sens strict du terme) ont augmenté dans des proportions plus fortes, avec une accélération notable en 2021. D'après les calculs de la Cour, elles sont passées pour les ministères civils de 11 millions d'euros en 2014 à 100 millions environ en 2018 et plus de 230 millions en 2021, soit plus qu’un triplement entre 2017 et 2021, avant de redescendre à 200 millions d'euros en 2022.
Toutefois, ces dépenses de conseil ont constitué en 2022 une part minime des dépenses de l’État : 0,04% environ des dépenses totales (0,06% en 2021) et 0,25% des dépenses de fonctionnement (0,36% en 2021).
Des externalisations injustifiées
Selon la Cour, "aucune explication d’ensemble, cohérente et générale, ne peut être fournie de l’augmentation du recours à des cabinets privés au cours de la dernière décennie".
Le recours à des prestations externes peut se justifier lorsqu'il s'agit de répondre à un besoin ponctuel, non prévisible, urgent ou pour lequel l’État n’a pas l’expertise nécessaire. Cela n'a pas toujours été le cas ces dernières années. Dans de nombreux cas, des cabinets de conseil remplissent des tâches qui pourraient ou devraient l’être par des agents publics.
La Cour déplore également l’intervention de cabinets dans le processus de décision ou au titre de missions régaliennes : "Le recours à des cabinets de conseil privés [...] s’effectue en outre parfois dans des conditions – notamment de concentration sur un nombre limité de partenaires – qui peuvent favoriser une perte de maîtrise par les services et un risque de dépendance à leur égard".
Dans le cas du ministère de la justice, la Cour a relevé :
- l’externalisation massive des tâches induites par son projet transformation numérique, dans des conditions parfois proches de l’emploi de salariés ;
- la présence au sein du ministère, pour des périodes très longues et à temps plein, de salariés des prestataires, positionnés sur des postes à responsabilité dans les projets.
Elle estime que le risque pénal de prêt illicite de main-d’œuvre ne semble pas toujours maîtrisé.
Pour éviter ce type de dérives, la Cour recommande :
- de faire appel à l'expertise interne à l'administration : inspections générales, hauts fonctionnaires en attente d'affectation ;
- ou de recruter des agents spécialisés en "contrat de projet".