Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté - rapport 2021

Remis le :

Auteur(s) : Louis Schweitzer ; Marine de Montaignac

Auteur(s) moral(aux) : France Stratégie

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Le Président de la République a présenté le 13 septembre 2018 la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. La stratégie s’inscrit dans la continuité du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale 2013-2018, dont plusieurs mesures sont reconduites à l’identique ou poursuivent des orientations très similaires. France Stratégie s’est vue confier l’évaluation de cette stratégie. France Stratégie a mis en place en septembre 2019 un comité d’évaluation présidé par Louis Schweitzer. Le comité a engagé deux démarches participatives : il consulte, d’une part, le 5e collège du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) et, d’autre part, un panel de trente citoyens représentatifs de l’ensemble de la population française (dit « panel citoyen »), tout en s’appuyant sur les administrations et les organismes publics concernés. Il s’appuie également sur des experts et a ainsi auditionné entre avril 2020 et février 2021 neuf personnalités qualifiées, onze présidents ou dirigeants des grandes associations de lutte contre la pauvreté, quatorze commissaires à la lutte contre la pauvreté dont onze de régions de France métropolitaine et trois de départements d’Outre-mer.
Le comité a conçu une démarche d’évaluation associant une dimension analytique et une dimension stratégique afin, d’une part, d’évaluer les effets de chacune des mesures sur les objectifs établis et identifier d’éventuels effets non prévus et, d’autre part, d’analyser l’effet global de la Stratégie sur la pauvreté et sa pertinence. Il a retenu trois grands objectifs pour évaluer cet impact : tout d’abord les deux objectifs visés par la stratégie, à savoir éviter la reproduction sociale de la pauvreté et permettre aux gens de sortir de la pauvreté, auquel il a ajouté un troisième objectif, qui fait l’objet depuis 2015 d’un engagement de la France devant les Nations unies : ne laisser personne en situation de grande pauvreté. Le comité présente dans le présent rapport l’état d’avancement de la mise en oeuvre des mesures de la stratégie, les éléments disponibles sur l’effet de chaque mesure et de la stratégie dans son ensemble sur les objectifs poursuivis, les premiers éléments d’évaluation de la gouvernance et du volet territorial de la stratégie, ainsi que les travaux de recherche lancés et prévus. Il précise également un certain nombre de points d’attention qui lui semblent mériter l’attention des pouvoirs publics dans leur politique globale de lutte contre la pauvreté.

Synthèse
Introduction

PARTIE 1 – ÉTAT D’AVANCEMENT DE LA MISE EN OEUVRE

1. Des mesures lancées pour la plupart mais des informations trop parcellaires pour donner une vue précise sur le déploiement de la Stratégie
1.1. Évolution de la Stratégie
1.2. Retards dans la mise en oeuvre de mesures
1.3. Éléments budgétaires
1.4. Contractualisation

2. Synthèse sur l’état d’avancement des mesures par thématique
2.1. Mesures en matière de petite enfance et d’éducation
2.2. Mesures en matière de santé
2.3. Mesures en matière d’accompagnement, de formation et d’emploi
2.4. Mesures en matière de logement
2.5. Mesures en matière de droits sociaux

3. Avis du comité sur l’état d’avancement de la mise en oeuvre de la Stratégie

PARTIE 2 – ÉVALUATION DE L’EFFET DES MESURES

1. Un manque de données qui compromet la capacité du comité à évaluer les mesures

2. Synthèse sur l’évaluation des effets des mesures par thématique
2.1. Mesures en matière de petite enfance et d’éducation
2.2. Mesures en matière de santé
2.3. Mesures en matière d’accompagnement, de formation et d’emploi
2.4. Mesures en matière de logement
2.5. Mesures en matière de droits sociaux

3. Les effets attendus à long terme des mesures en matière de santé et d’accompagnement de la Stratégie
3.1. Quels sont les effets attendus à long terme sur la pauvreté des mesures en matière de santé de la Stratégie ?
3.2. Quels sont les effets attendus à long terme sur la pauvreté des mesures en matière d’accompagnement de la Stratégie ?

4. Avis du comité sur l’évaluation des mesures de la Stratégie

PARTIE 3 – ÉVALUATION DE L’ATTEINTE DES OBJECTIFS GLOBAUX

1. Une évolution de la pauvreté en France métropolitaine entre 2018 et 2019 qu’on associe assez peu aux mesures de la Stratégie

2. Des indicateurs par groupes de mesures qui permettent de faire un état des lieux sur la situation avant Stratégie ou avant crise sanitaire

2.1. Mesures en matière de petite enfance et éducation
2.2. Mesures en matière de santé
2.3. Mesures en matière d’accompagnement, de formation et d’emploi
2.4. Mesures en matière de logement
2.5. Mesures en matière de droits sociaux

3. Avis du comité sur l’évaluation de la Stratégie dans son ensemble

PARTIE 4 – ÉVALUATION DE LA GOUVERNANCE ET DU VOLET TERRITORIAL DE LA STRATEGIE

1. Le pilotage de la Straégie : un déploiement satisfaisant mais un portage et des moyens limités au regard des ambitions nationales
1.1. L’organisation adoptée par l’État
1.2. Les actions
1.3. L’animation interministérielle

2. La contractualisation : un engagement crédible de l’État vis-à-vis des collectivités, des effets encore à évaluer

3. Une appropriation de la Stratégie par les acteurs qui reste inférieure aux ambitions

4. Les résultats d’un projet de recherche et d’une mission de l’IGAS pour le prochain rapport du comité

5. Avis du comité sur l’évaluation de la gouvernance et du volet territorial de la Stratégie

PARTIE 5 – POINTS D’ATTENTION SOULEVÉS PAR LE COMITÉ

1. Mieux comprendre et mieux suivre l’évolution de la grande pauvreté
2. Lutter contre les effets sur la pauvreté de la crise du coronavirus
3. Tendre vers le zéro non-recours
4. Mettre en place un système d’aide pour les jeunes de 18 à 24 ans les plus démunis
5. Évaluer l’efficacité de l’accompagnement dans sa globalité
6. Mettre en oeuvre pleinement le plan quinquennal « Logement d’abord »

PARTIE 6 – CALENDRIER ET POURSUITE DES TRAVAUX

1. Projets de recherche lancés par le comité d’évaluation : présentation générale et calendrier
2. Projet de programme d’étude pour l’année 2021

PARTIE 7 – RECOMMANDATIONS

ANNEXES

Annexe 1 – Lettre de mission
Annexe 2 – Composition du comité d’évaluation
Annexe 3 – Personnes auditionnées
Annexe 4 – Les 35 mesures de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté
Annexe 5 – Liste des compléments au rapport
Annexe 6 – Sigles

  • Type de document : Rapport d'étude
  • Pagination : 142 pages
  • Édité par : France Stratégie

 Quelle est en France la définition de la pauvreté et qui sont les pauvres ?

Sont comptés comme pauvres les personnes et les ménages, leurs familles, qui vivent sous un seuil de pauvreté. Seuil de pauvreté en termes monétaires, en termes de revenus, qui est fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie. Plus concrètement, sont comptées comme pauvres ces dernières années les personnes qui vivent, pour une personne seule, avec moins de 1 000 € par mois ou, pour un couple avec deux enfants, avec moins de 2 500 € par mois. Les pauvres, sous cette approche qui est aujourd’hui la plus commune, étaient auparavant les personnes âgées. Quand on est en 1945-1950, quand on lance le projet de sécurité sociale, quand on met en place le projet de systématisation généralisation des retraites, les personnes qui meurent dans la misère sont celles qui n’ont plus de ressources après leurs activités professionnelles. Plus clairement les pauvres, c’étaient les personnes âgées. Aujourd’hui ce sont les jeunes. Vous avez un taux moyen de pauvreté en France, c’est-à-dire la part de la population française qui vit sous le seuil de pauvreté, qui est à peu près de 14 %. Cela fait près de 9 millions de personnes mais vous avez moins de 10 % des retraités qui sont concernés, ou plutôt les retraités sont pour moins de 10 % d’entre eux concernés quand, à l’inverse, pour les enfants, vous avez 20 % des enfants qui vivent dans des familles comptées comme pauvres. Les pauvres ce sont d’abord des jeunes, quand auparavant c’était d’abord des personnes âgées même s’il demeure des personnes âgées qui sont concernées. Les pauvres, auparavant, étaient dans des zones rurales. Comme il y a eu une urbanisation de la France, vous avez des pauvres qui sont d’abord dans les zones urbaines et souvent concentrés dans ce qu’auparavant on baptisait les zones urbaines sensibles. Autre et dernière transformation importante, avec beaucoup de transformations, mais qui est très significative, c’est qu’auparavant on trouvait d’abord des pauvres dans des familles nombreuses. Maintenant on trouve d’abord des pauvres dans des familles monoparentales. Pourquoi cela ? C’est parce qu’il y a de moins en moins de familles nombreuses et de plus en plus de familles monoparentales. Dans les approches les plus communes en France, les plus traditionnelles, on se concentre sur cette approche de pauvreté relative. On regarde ce qu’est le niveau de dénuement par rapport à ce qu’est le niveau de richesse générale en France. Les approches de pauvreté absolue, qui sont les approches utilisées aux États-Unis ou même à l’échelle internationale, font qu’on regarde un seuil sous lequel il est, sinon impossible, du moins extrêmement difficile de se vêtir, de se loger et de se nourrir.

Quels sont les principaux outils à la disposition des pouvoirs publics pour lutter contre la pauvreté ? Sont-ils efficaces ?

À l’échelle nationale, c’est quelque chose de neuf que d’avoir une politique parfaitement labélisée « lutte contre la pauvreté ». Cela date des années 1980, un sujet qu’à l’époque on avait baptisé « nouvelle pauvreté ». Les principaux instruments à la main des pouvoirs publics, donc en l’espèce de l’État, c’est un ensemble de prestations sociales que l’on baptise les minima sociaux. Que ce sont les minima sociaux ? Ce sont des prestations pour lesquelles vous ne cotisez pas, c’est financé par les impôts. Si cela s’appelle minima sociaux, c’est parce que ces prestations visent à vous amener à un niveau minimum de ressources. Il y en a une dizaine, parce que la France, parmi ses richesses, est riche de sa protection sociale. Sans faire un cocorico trop poussé en la matière, qui serait illégitime au regard du maintien de situations qui sont absolument inacceptables dans un pays d’abondance, cela c’est un jugement c’est vrai que quand on se compare à l’échelle de l’Union européenne et dans la zone des pays riches, la zone de l’OCDE, nous avons un des États providence les plus performants en matière de réduction de la pauvreté. Comment calcule-t-on cette performance ? On regarde ce qu’est le taux de pauvreté avant les transferts sociaux fiscaux, c’est-à-dire avant le paiement des impôts et avant le versement des prestations sociales et on a un taux de pauvreté qui est, grosso modo, divisé par deux.

D’autres approches existent-elles, notamment à l’étranger ? Sont-elles transposables en France ?

On regarde souvent en matière de politique sociale les pays scandinaves, c’est la voix du nord. On regarde le nord en cherchant à s’en inspirer. Ce ne sont pas des pays qui luttent très spécifiquement contre la pauvreté mais qui plutôt mettent l’accent sur la lutte contre les inégalités, donc, si on doit le dire d’une manière concrète, sur la prévention aussi. Peut-être davantage que dans le contexte français, même si c’est la volonté récente du gouvernement que de justement, dans le nouveau plan qui a été annoncé en 2018, de se centrer d’une part sur la logique de prévention, et la logique est évidente : il vaut mieux prévenir que guérir, et d’autre part de se concentrer sur le cas de la pauvreté des enfants. Ce plan qui est en cours de mise en œuvre contient à mon sens trois annonces importantes. La première, c’est que le président de la République s’est engagé c’est parfaitement ambitieux à, je cite, mettre fin à la pauvreté des enfants sur le temps d’une génération. Mettre fin, plus précisément et pour le citer, « à la grande pauvreté sur le temps d’une génération ». Deuxième dossier qui a été avancé, c’est la création d’un service public de l’insertion, terme barbare et bureaucratique pour désigner le fait qu’on cherche quand même à mieux organiser un système qui a ses vertus, je le répète l’ensemble des transferts sociaux fiscaux permet de diminuer considérablement la pauvreté, et qui n’est pas d’une totale efficacité puisqu’entre autres problèmes vous avez des gens qui passent à travers les mailles du filet. Et la dernière mesure, la troisième mesure qui me semble importante dans ce plan, c’est celle qui d’ailleurs a été la plus discutée, c’est l’annonce de la création d’un revenu universel d’activité, qui est un chantier qui vient de s’ouvrir, puisque cela consiste à fusionner une partie des prestations sociales et cela n’est jamais simple. L’ambition est de simplifier, tout le monde peut comprendre qu’il soit nécessaire de simplifier, mais c’est toujours compliqué de simplifier.