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Le dispositif des affections de longue durée (ALD) permet le remboursement par l'assurance maladie obligatoire des tickets modérateurs afférents aux soins et prestations en rapport avec ces affections. Créé dès l'origine de la sécurité sociale, ce dispositif a pour objectif de protéger les assurés contre des restes à charge élevés, notamment dans le cas des maladies chroniques et des pathologies nécessitant des thérapeutiques particulièrement coûteuses.
En 2021, 13,7 millions de personnes étaient reconnues en ALD, leurs dépenses de santé s'élevaient à 123 Md€, soit 60 % des dépenses prises en charge par l'assurance maladie. Toutefois, les investigations menées par la mission ont permis d'estimer que le coût spécifique du dispositif ALD représentait 12 Md€ en 2021. Fortement concentrées sur quatre groupes de pathologies, les dépenses des assurés en ALD sont dynamiques depuis 2010, notamment du fait du vieillissement de la population.
La mission établit que le dispositif ALD a été très peu modifié depuis 1986 alors que sa cohérence s'est affaiblie dans le temps, en s'adaptant peu aux évolutions thérapeutiques, et en reposant davantage sur l'appréciation des médecins. Désormais peu contrôlé par l'assurance maladie, le dispositif ALD joue un rôle insuffisamment incitatif en matière de prévention et de réduction des dépenses de santé.
Enfin, la mission :
- Identifie des mesures permettant des gains d'efficacité, en partie mobilisables à court terme. La plupart de ces mesures conduisent à un transfert de charges direct ou indirect (via les primes des assurances complémentaires santé) vers les assurés ;
- Formule des propositions activant des leviers plus structurels. Ces propositions sont jugées nécessaires par la mission pour piloter plus efficacement le dispositif afin d'en garantir la soutenabilité financière et l'acceptabilité sociale. La mission estime par ailleurs que ces propositions sont de nature à recentrer le dispositif sur ses objectifs initiaux et à ralentir la dynamique de dépenses, tout en améliorant la prévention et la pertinence des soins.
INTRODUCTION
1. CONÇU POUR LIMITER LE RESTE À CHARGE DES PATIENTS ATTEINTS DE PATHOLOGIES LOURDES, LE DISPOSITIF ALD PERMET UNE PROTECTION GLOBALEMENT EFFICACE POUR UN NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES EN HAUSSE
1.1. Le dispositif ALD permet une prise en charge renforcée, mais non intégrale, des soins délivrés aux assurés atteints de maladies graves et coûteuses
1.1.1. Limitée à certaines pathologies, la reconnaissance en ALD fait l'objet d'un fort attachement des assurés et des professionnels de santé
1.1.2. Grâce à une exonération de ticket modérateur et d'autres spécificités réglementaires, le dispositif ALD est protecteur, sans pour autant assurer une prise en charge des soins à 100 %
1.2. Le nombre d'assurés en ALD, qui sont plus âgés, croît en lien notamment avec le vieillissement de la population, et s'élève à 13,7 millions en 2021
1.2.1. Sur le champ du régime général, le nombre d'assurés en ALD a augmenté de 2,7 % par an en moyenne entre 2010 et 2022, et ils relèvent, à près de 75 %, de quatre groupes de pathologies
1.2.2. Les assurés en ALD sont sensiblement plus âgés que la population générale et, à âge identique, plus modestes
1.2.3. Malgré un effet fortement protecteur du dispositif, les assurés en ALD supportent, jusqu'à 80 ans, des restes à charge plus élevés que la population générale
1.3. Si les dépenses de soins des assurés en ALD s'élèvent à 122,8 Md€ en 2021, le coût du dispositif représenterait de l'ordre de 12 Md€
1.3.1. Le coût du régime des ALD est pour l'essentiel constitué de l'exonération du ticket modérateur, qui peut être évaluée de plusieurs manières
1.3.2. Légèrement plus dynamiques que pour les assurés sans ALD, et tirées par la hausse des effectifs, les dépenses remboursées des assurés en ALD ont progressé de 3,4 % par an en moyenne entre 2018 et 2021 et leurs dépenses totales pourraient s'établir à 140 Md€ en 2027
1.3.3. Pour les assurés en ALD, les dépenses hospitalières sont surreprésentées ainsi que les dépenses de médicaments, de soins infirmiers et de transport parmi les soins de ville
2. LE RÉGIME DES ALD, QUI S'ÉLOIGNE PROGRESSIVEMENT DE SES PRINCIPES INITIAUX, EST PEU PILOTÉ ET CONTRÔLÉ DE MANIÈRE TRÈS PARTIELLE
2.1. Faisant l'objet d'un cadrage médical a priori, le dispositif ALD est mis en oeuvre selon une approche extensive des critères et de leur appréciation
2.1.1. Depuis 1986, les modifications du cadre des ALD, en particulier juridiques, ont été très rares, en dépit de propositions structurantes formulées par la HAS en 2007
2.1.2. Les critères médicaux pour la reconnaissance en ALD sont parfois imprécis, et les référentiels de la HAS ne sont pas opposables
2.1.3. La condition de thérapeutique particulièrement coûteuse ne caractérise pas la totalité des situations reconnues en ALD
2.2. Le dispositif ALD contribue peu à l'amélioration des pratiques médicales et à l'engagement des patients, contrairement à certains pays étrangers
2.3. Un dispositif peu contrôlé dans un contexte de rareté des ressources médicales
2.3.1. Les admissions et renouvellement en ALD font l'objet de contrôles ciblés, dans une logique de simplification administrative et de confiance vis-à-vis des médecins
2.3.2. L'ordonnancier bizone comme les prescriptions de transport sont très peu contrôlés, malgré des écarts aux référentiels médicaux
2.3.3. L'accès difficile à l'information sur le numéro d'ALD, à l'exception des médecins traitants, est un obstacle au respect rigoureux de l'ordonnancier bizone
3. SANS RÉFORME STRUCTURELLE DU DISPOSITIF ALD, DES MESURES DE COURT OU MOYEN TERMES POURRAIENT LIMITER SON COÛT
3.1. Les pistes d'économies à court terme sont limitées, sauf à dénaturer le dispositif ALD
3.1.1. L'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités journalières perçues au titre de l'ALD
3.1.2. L'évolution des franchises sur les transports sanitaires pour accroître la participation des assurés à cette dépense
3.1.3. La suppression de l'exonération du ticket modérateur pour certains actes et prestations, dans une logique de recentrage du dispositif
3.1.4. La création d'un ticket modérateur sur les dépenses en lien avec les ALD peut générer d'importantes économies mais rompt avec le principe du régime ALD
3.2. Des mesures de moyen terme permettraient de compléter l'effort d'économie
3.2.1. À défaut de mise en œuvre d'une réforme plus structurelle, une mesure d'ajustement des critères de sévérité aux situations médicales les plus graves et aux traitements les plus onéreux pourrait être envisagée
3.2.2. L'expérimentation d'un "partage des gains" entre assurés et assurance maladie afin de réduire la dépense liée aux prescriptions de transport sanitaire
4. DES ÉVOLUTIONS SONT SOUHAITABLES POUR AMÉLIORER LA LISIBILITÉ ET L'EFFICACITÉ DU DISPOSITIF ET AMÉLIORER LA PERTINENCE DES DÉPENSES DE SANTÉ LIÉES AUX ALD
4.1. Plusieurs règles de gestion doivent être simplifiées
4.1.1. Contrôler l'imputation correcte de l'ordonnancier bizone, notamment en confiant cette vérification aux pharmaciens, en fonction de listes "positives" ou "négatives" automatisées
4.1.2. Distinguer plus clairement ALD et « ALD non exonérantes » et conforter les assouplissements du régime des indemnités journalières pour les patients en ALD
4.1.3. Une réforme des mécanismes de participation des assurés aux soins hospitaliers apparaît par ailleurs nécessaire pour en simplifier les règles et limiter les restes à charges de certains assurés
4.2. Des bonnes pratiques documentées par les comparaisons internationales peuvent générer des bénéfices importants en termes de santé publique et de maîtrise des dépenses
4.2.1. Il existe pour certaines pathologies des leviers d'amélioration de la prise en charge et de réduction des coûts qui appellent un renforcement des actions de maîtrise des dépenses
4.2.2. L'éducation thérapeutique reste peu développée, en dépit d'un impact de santé publique positif, et du coût élevé de la non-observance des patients atteints de maladie chroniques
5. UNE RÉFORME DU DISPOSITIF EST NÉCESSAIRE POUR RELEVER LES ENJEUX DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION ET DU DÉVELOPPEMENT DES MALADIES CHRONIQUES
5.1. Une réforme introduisant deux niveaux de reconnaissance en ALD renforcerait la cohérence du dispositif, et permettrait de préserver sa vocation initiale en le complétant par une approche préventive
5.1.1. Introduire deux niveaux de reconnaissance en ALD, selon la sévérité des pathologies et l'intensité des soins, permettrait de tenir compte de la diversité des patients et de leurs besoins en soins
5.1.2. Définir des paniers de droits adaptés à la sévérité des pathologies et à l'intensité des soins pour un meilleur suivi des maladies chroniques
5.1.3. Renforcer l'information, l'accompagnement et l'implication du patient en ALD dans son parcours de santé en lien avec la création de deux niveaux de reconnaissance en ALD
5.1.4. Ajuster en conséquence la liste des ALD 30, leur durée et les critères de reconnaissance des ALD
5.1.5. Évaluation de l'impact financier de la réforme
5.1.6. Synthèse des effets et des principales conditions de mise en œuvre de la réforme
5.2. Une réforme structurelle consistant à substituer au régime ALD un mécanisme de plafonnement des restes à charges pour l'ensemble des assurés serait simplificatrice mais ses effets dépendent de nombreux paramètres
5.2.1. Le dispositif ALD constitue une exception française au niveau international quand plusieurs pays étrangers minimisent les restes à charge totaux de
l'ensemble des assurés
5.2.2. Une réforme du type « bouclier sanitaire » serait plus lisible et, d'après de premières estimations, pourrait générer des économies pour l'assurance
maladie au détriment des assurés en ALD
ANNEXES
ANNEXE I : PRÉSENTATION DU DISPOSITIF ALD ET DE SON CADRE JURIDIQUE
ANNEXE II : LES ASSURÉS EN AFFECTIONS DE LONGUE DURÉE
ANNEXE III : DÉPENSES DE SANTÉ ET RESTE À CHARGE DES ASSURÉS EN ALD
ANNEXE IV : ESTIMATION DU COÛT DE L’EXONÉRATION DU TICKET MODÉRATEUR ASSOCIÉE AU DISPOSITIF ALD
ANNEXE V : GESTION ET CONTRÔLE DU DISPOSITIF ALD
ANNEXE VI : ANALYSE DES MESURES VISANT À MODIFIER LES RÈGLES DE PRISE EN CHARGE DES ASSURÉS
ANNEXE VII : PROPOSITIONS DE RÉFORMES DU DISPOSITIF ALD POUR RENFORCER SON ÉQUITÉ ET SA SOUTENABILITÉ
ANNEXE VIII : ENSEIGNEMENTS INTERNATIONAUX POUR MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES ASSURÉS EN ALD ET MAÎTRISER LES DÉPENSES DE SANTÉ ASSOCIÉES
ANNEXE IX : IMPACT D’UNE ÉVOLUTION VERS UN MÉCANISME DE REMBOURSEMENT REPOSANT SUR LE PLAFONNEMENT DES RESTES À CHARGE
ANNEXE X : PRÉSENTATION DES DONNÉES DISPONIBLES POUR L’ÉVALUATION DU DISPOSITIF ALD
ANNEXE XI : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
PIÈCE JOINTE : LETTRE DE MISSION
- Pagination : 429 pages
- Édité par : Inspection générale des finances : Inspection générale des affaires sociales