Rationalisation des interventions des opérateurs de l'État au profit des collectivités en matière d'ingénierie territoriale

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Dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, une mission interministérielle (IGF, IGA, IGEDD, IGAS) a évalué les dépenses d'ingénierie territoriale de trois opérateurs d'État (Cerema, ANCT, ADEME) au bénéfice des collectivités locales, en particulier du bloc communal.

Ces dépenses sont de nature très variées, puisque la mission a recensé près de 400 dispositifs déployés par ces opérateurs visant à faciliter la définition de stratégies territoriales ou la réalisation de projets locaux de toute nature, par une aide financière (co-financement d'un chef de projet ou recours à un bureau d'études privé…) ou des prestations (réalisation d'un diagnostic, assistance à la réalisation…).

Compte tenu de cette dispersion, leur coût de gestion est élevé, puisqu'il se monte à 55 M€ soit plus d'un quart de la dépense totale estimée à 200 M€ en 2024. De plus, l'offre, développée en silo à l'échelle nationale, est marquée par une forte redondance et une absence de  coordination avec l'offre d'ingénierie locale existante, tant publique que privée. Cette dernière s'est pourtant développée fortement depuis la décentralisation, à tous les échelons territoriaux. La dépense totale de 200 M€ d'ingénierie des opérateurs de l'État doit ainsi être rapportée aux 7,7 Md€ que les communes et EPCI ont consacré en 2023 à leurs achats d'ingénierie. Au final, l'offre d'appui des opérateurs de l'État apparaît très peu lisible pour les maires concernés qui ont été près de 7 200 à répondre à un questionnaire de la mission. Seulement 10 % des maires jugent l'offre des opérateurs de l'État accessible ou pertinente, alors qu'ils plébiscitent une ingénierie de proximité, plus réactive et adaptée, avec laquelle les dispositifs nationaux peuvent entrer en concurrence.

Trois scénarios

Au regard de ce diagnostic, la mission propose trois scénarios de rationalisation. Le premier vise la suppression partielle ou totale des programmes d'aide à l'ingénierie les plus généralistes, portés par l'ANCT (économies de 22 M€ à 55 M€). Le deuxième prévoit l'arrêt des programmes d'ingénierie de ces trois opérateurs nationaux, avec réaffectation partielle de leurs moyens vers certains départements identifiés comme moins bien dotés en ingénierie locale, pour une économie nette de 125 M€. Le troisième acte la fin complète de l'ingénierie territoriale des opérateurs d'État, recentrant leur action sur l'expertise stratégique, pour une économie de 200 M€.

La mission recommande également une clarification de la gouvernance nationale. Tout d'abord un pilotage plus cohérent des opérateurs par les ministères de l'aménagement du territoire et de la transition écologique, ceux-ci devant s'appuyer sur les orientations d'une politique nationale d'aménagement du territoire ; une simplification et une rationalisation des dispositifs de planification ; et enfin un renforcement du pilotage territorial par les préfets, fondé sur les principes de subsidiarité et de complémentarité aujourd'hui souvent méconnus.

Introduction

1. Intrinsèquement liés à l'exercice de leurs compétences par les collectivités, les besoins d'ingénierie sont aussi divers que les offres y répondant, qui se sont multipliées sans coordination locale suffisante

1.1. Le besoin d'ingénierie des collectivités, amplifié par le développement des réglementations, s'exprime de manière différenciée selon leur taille
1.1.1. La complexité du cadre normatif, régulièrement présentée comme facteur de coûts, alimente le besoin d'ingénierie
1.1.2. Des besoins d'ingénierie différenciés selon la taille des collectivités

1.2. L'offre d'ingénierie, portée par de nombreux acteurs publics et privés, est foisonnante
1.2.1. L'offre d'ingénierie territoriale locale est disponible dans l'ensemble du territoire métropolitain, malgré des moyens inégalement répartis
1.2.2. Les préfectures et services déconcentrés de l'État constituent des interlocuteurs privilégiés pour les communes et les EPCI, qui peuvent également mobiliser l'appui de nombreux opérateurs de l'État

1.3. Ignorant souvent le principe de subsidiarité et pouvant susciter un effet d'aubaine, l'offre d'ingénierie des opérateurs nationaux ne répond pas pleinement aux demandes des élus
1.3.1. Les offres développées par les opérateurs nationaux remettent en question le principe de subsidiarité et peuvent susciter un effet d'aubaine
1.3.2. La gouvernance territoriale ne permet pas de garantir le respect de la subsidiarité de l'appui en ingénierie de l'État
1.3.3. Peu satisfaits de l'offre apportée par les opérateurs de l'État, les élus locaux sont d'abord en attente d’un renforcement des capacités en proximité
1.3.4. Le soutien attendu d'une offre locale d'ingénierie devrait aller de pair avec le renforcement de sa coordination

2. Peu lisible, parfois redondante et insuffisamment coordonnée au niveau national, l'offre des opérateurs de l'État est marginale au regard de l'effort global d'ingénierie du bloc communal

2.1. L'ingénierie territoriale des opérateurs de l'État est peu lisible, parfois redondante, et insuffisamment coordonnée au niveau national
2.1.1. La multiplicité des offres et modes d'intervention des opérateurs de l'État nuit à la lisibilité de leurs actions en faveur de l'ingénierie territoriale
2.1.2. Les opérateurs de l'État investissent de nombreux champs thématiques, au risque de proposer des offres d'ingénierie redondantes et mal identifiées par les élus
2.1.3. Ne pouvant s'appuyer sur une politique nationale d'aménagement du territoire formalisée, la gouvernance actuelle, éclatée et insuffisamment coordonnée, ne permet pas un pilotage satisfaisant de l'ingénierie
territoriale de l'État

2.2. Les offres en ingénierie territoriale proposées par les opérateurs de l'État sont en décalage avec les attentes des maires

2.3. Estimée, en l'absence de comptabilité analytique, à 200 M€, la dépense d'ingénierie des opérateurs au profit des collectivités est coûteuse en gestion et marginale au regard de celle des collectivités qui s'élève au moins à 3,9 Md€
2.3.1. L'évaluation précise des coûts d'ingénierie territoriale des opérateurs de l'État se heurte à l'absence de comptabilité analytique
2.3.2. Le coût complet de l'ingénierie territoriale proposé par l'ANCT, le Cerema et l'ADEME est estimé par la mission à 200 M€ en 2024, dont 55 M€ de coûts de gestion
2.3.3. L'effort d'ingénierie des opérateurs de l'État est marginal (5 %) rapporté à celui des seuls EPCI (3,9 Md€)

3. Prenant en compte une assiette de l'ordre de 200 M€, la mission propose trois scénarios d'économies allant jusqu'à la totalité de la dépense que les opérateurs consacrent à l'ingénierie territoriale

3.1. Un premier scénario "socle" supprime a minima les marchés d'ingénierie de l'ANCT, voire tous ses programmes d'ingénierie pour des économies allant de 22 M€ à 55 M€ sur 200 M€

3.2. Un deuxième scénario maintient une capacité de soutien de l'État déconcentré à l'ingénierie territoriale de proximité pour une économie nette de 125 M€

3.3. Un troisième scénario acte la décentralisation en arrêtant l'ingénierie territoriale des opérateurs de l'État pour une économie de 200 M€

Annexe
Pièces jointes

  • Type de document : Rapport d'inspection
  • Pagination : 432 pages
  • Édité par : Inspection générale des finances : Inspection générale des affaires sociales : Inspection générale de l'environnement et du développement durable : Inspection générale de l'administration