Armement

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Quand le projet d’une politique de défense voit-il le jour en Europe ?

Alors, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'Europe était fortement liée, comme c'est le cas aujourd'hui aux États-Unis, à travers la création de l'OTAN, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, où un certain nombre de pays européens sont entrés dans une 
organisation pour l'essentiel dominée par les États-Unis, et notamment par le fait que les États-Unis disposaient, étaient les premiers avec la Russie naturellement, la Russie soviétique, à disposer de l'arme nucléaire.

La garantie de sécurité européenne après la Deuxième Guerre mondiale était offerte par les Américains.

Et puis, rapidement s'est posée la question de savoir comment les Européens pourraient être autonomes ou pourraient en quelque sorte disposer d'une capacité à se défendre à l'échelon européen, pas seulement par les États-Unis.

Et donc, c'est le projet de la Communauté européenne de défense qui a été initié en 1950, mais qui s'est soldé par un échec, puisque le Parlement français n'a pas voté ce projet de Communauté européenne de défense en 1954, projet qui consistait à créer une armée 
européenne.

Un projet extrêmement ambitieux mais dont il ne faut jamais oublier que cette armée 
européenne était placée sous la direction ou sous la férule de l'OTAN.

Donc, de ce point de vue, il ne faut pas dire que c'est l'Europe de la défense première version, qui est morte en quelque sorte avec la Communauté européenne de défense, parce que ça restait une défense européenne sous contrôle américain.

Et ensuite le véritable point de départ le renouveau de la défense européenne après, en quelque sorte, ce moment difficile de la CED, c'est en 1992, avec le traité de Maastricht, qui dispose d'un volet en matière de politique étrangère et de politique de défense avec la 
politique européenne de sécurité et de défense, la PESC, qui donne lieu à des aspects 
militaires.

Donc la politique européenne de sécurité et de défense, devenue depuis le traité de Lisbonne en 2007, la politique de sécurité et de défense commune, qui définit en quelque sorte une ligne pour l'Union européenne en matière de défense et de sécurité.

Et bien entendu, la question d'une défense européenne, est devenue encore plus pressante avec la dégradation des relations internationales, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Mais en réalité, les questions se posaient déjà dès les années 1990 avec la guerre en 
ex-Yougoslavie, avec la guerre au Kosovo décidée sous la bannière de l'OTAN, là encore.

Et ce qui apparaissait déjà dans les années 1990, avant même la guerre en Ukraine, c'était la capacité de l'Europe à être une puissance.

Que recouvre la notion d’autonomie stratégique européenne ?

L'autonomie stratégique européenne, on peut la définir de façon étymologique, autonomie, se donner à soi-même sa propre loi, se gouverner soi-même en quelque sorte.

C'est ça le sens du mot autonomie.

Et donc l'autonomie stratégique européenne, c'est en matière stratégique, c'est-à-dire dans la capacité militaire, mais au-delà, dans la capacité à être une puissance extérieure, à se 
défendre et à se projeter à l'extérieur, c'est l'idée que l'Europe ne dépend pas des autres pour définir non seulement sa doctrine, mais ses actions.

Et donc cette idée d'autonomie stratégique européenne est une idée qui a suscité des 
interprétations diverses dans le sens où la France, d'emblée, a considéré que l'Europe, c'était la France en grand.

C'était une manière, au fond d'inspiration gaullienne, de développer un grand projet 
européen et d'avoir une capacité à être en quelque sorte l'équilibre entre la puissance 
américaine et d'autres puissances, hier la Russie, aujourd'hui la Chine, alors que les autres puissances européennes pour l'essentiel, ont certes défendu l'idée européenne, y compris en matière de défense, mais dans le cadre de l'OTAN.

Qu'en aucun cas l'autonomie stratégique européenne devait être interprétée comme une forme de défiance vis-à-vis des États-Unis.

Ça ne veut pas dire naturellement que la France exprime une défiance vis-à-vis de l'OTAN, mais ça veut dire que la France, depuis longtemps et d'une certaine manière, l'histoire lui donne raison, l'Ukraine lui donne en un sens raison, a besoin, quand bien même elle reste dans le giron otanien et qu'elle maintient ce lien transatlantique, a besoin de développer ses propres capacités.

Et donc, c'est la raison pour laquelle, notamment le couple franco-allemand constitue un des éléments essentiels, un des leviers essentiels de l'autonomie stratégique, à travers 
effectivement la brigade franco-allemande, à travers les Battlegroups, donc les groupements tactiques au niveau européen et qui concernent, en particulier l'Allemagne et la France.

Mais ça pose de façon générale la question d'une culture stratégique européenne, 
c'est-à-dire une capacité à penser ensemble des instruments aussi bien au plan industriel qu’au plan, disons, de la politique étrangère.

Une capacité à penser ensemble la défense, pas seulement l'addition de cultures nationales qui viendraient s'agréger dans une logique d'alliance assez classique, mais fonder une 
véritable culture stratégique européenne.

Ça, c'est un élément important qu'on trouve à travers un certain nombre de textes, comme, par exemple « la boussole stratégique » en 2022, qui était déjà évoquée en 2020, mais que la guerre en Ukraine a mis en quelque sorte sur le devant de la scène dès mars 2022, moins d'un mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Parce qu’en fait, il y a vraiment besoin d'une doctrine européenne qui puisse exister à côté, en quelque sorte, de ce que l'OTAN propose.

Quels sont les objectifs du livre blanc à l’horizon 2030 en matière de défense ?

Un livre blanc, c'est un document d'orientation stratégique qui est en quelque sorte le Bescherelle ou la grammaire pour définir des actions militaires, des actions stratégiques, une politique extérieure, une politique militaire.

Alors la plupart des Livres blancs se décide au niveau national.

Là, l'idée, c'est de se dire qu'on va rédiger une doctrine au sein de l'Union européenne pour définir des capacités d'action et des idées qui soient communes, qui ne soient plus 
simplement décider en concertation avec les autres, mais décidées en amont sur la base d'une doctrine commune.

Alors, qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?

Ça veut dire surtout la dimension capacitaire.

En fait le point clé aujourd'hui, on le voit avec la guerre en Ukraine, c'est l'armement ou le 
réarmement, c'est-à-dire se doter des capacités militaires qui permettraient à l'Europe de se défendre en cas d'attaque massive, par exemple de la Russie sur le flanc est.

Ce qui est arrivé avec l'Ukraine, qui n'est pas dans l'Union européenne mais qui est très proche de l'Union européenne.

Donc on peut imaginer des attaques dans le voisinage ou directement dans l'Union 
européenne.

Donc encore faut-il pouvoir se défendre.

Et un des problèmes aujourd'hui en fait, au sein de l'Union européenne, ce sont par exemple les doublons.

Le fait qu'il y a des programmes d'armement qui sont menés dans chacun des pays et qui font doublons.

Donc c'est pour ça, qu'on parle d'une BITD européenne, une base industrielle et 
technologique de défense européenne qui réfléchisse de manière cohérente à une politique d'acquisition d'armements qui ne soit plus dépendante des États-Unis.

Ça ne veut pas dire qu'il faut se détacher des États-Unis, mais qui soit européenne et qui soit concertée.

Ça, c'est vraiment l'enjeu essentiel.

Ensuite, il y a au fond, quelles sont les priorités de l'Union européenne en matière de défense ?

Qu’est-ce qu’elle cherche à faire exactement ?

Quel poids elle compte avoir sur la scène mondiale ?

On ne le sait pas vraiment aujourd'hui parce que l'Union européenne reste encore 
relativement indéterminée, même si elle a pris conscience.

Ça, c'est peut-être le point clé de ce fameux livre blanc à horizon 2030, que les dividendes de la paix, c'est-à-dire cette période sans guerre ou sans guerre majeure, était terminée.

Et ça, c'est une première partie du travail.

La deuxième partie du travail, c'est de définir au fond une vision commune, une culture 
stratégique commune.

Pendant très longtemps, les Européens ont fait comme si les États-Unis seraient toujours là.

Comme si la garantie de sécurité américaine était un socle qui ne disparaîtrait pas.

Avec l'élection de Donald Trump, et son arrivée au pouvoir en début d'année 2025, les 
déclarations qu'il a pu faire sur la guerre en Ukraine, la manière dont il a reçu le président Zelinski et le discours de son vice-président à Munich, expliquant au fond que les Européens étaient en situation de déclin, que la démocratie était en péril.

Les Européens doivent penser l'autonomie stratégique européenne peut-être pas sans les Américains, mais avec l'hypothèse qu’un départ des États-Unis, la fin de la garantie de 
sécurité américaine est possible.

La fin du soutien américain ou cette espèce de retrait américain, paradoxalement, peut être une opportunité pour l'Union européenne, de faire, par exemple de « la boussole stratégique » pas seulement un mot d'ordre, mais un cap, disons réel, d'action, notamment en matière budgétaire.

On le voit par exemple à travers les 800 milliards d’euros d'investissements militaires qui sont envisagés au niveau européen et qui permettraient disons d'entamer cette mue européenne en matière capacitaire, avec l'idée donc d'une base industrielle technologique de défense 
véritablement européenne, qui puisse progressivement, sans nécessairement sortir des 
alliances, et notamment de l'Alliance atlantique, permettre à l'Europe de compter.