Texte intégral
Mesdames, messieurs,
L'an dernier, ici même, devant vous, j' avais dit mon engagement à faire que citoyens et justice de notre pays se parlent une langue commune. Réconcilier nos concitoyens avec la justice de leur pays, cela ne pouvait pas se faire, me semble-t-il, sans un travail de l'institution judiciaire sur elle-même, institution qui disait son mal être.
Parole, échange, écoute ont désormais droit de cité. Valoriser le débat, créer les conditions de son expression, accepter la critique, tels ont été mes repères pour avancer et je peux vous dire qu'il fallait ces repères pour faire face au doute, inévitable. A leurs yeux la justice avait comme perdu l'envie de voir le monde et de découvrir la modernité. Un an plus tard, c'est cette vision de l'institution qui est dépassée et non l'institution elle-même.
La nécessité de réconcilier l'institution avec elle-même s'est cristallisée autour des manifestations qui ont eu lieu à la fin de l'année 2000 et jusqu'au printemps 2001, celles des personnels pénitentiaires, des greffiers, des magistrats, des avocats. Ma lecture de ces mouvements n'était pas, comme l'ont dit certains, que la justice était en faillite et avait perdu toute foi en son action. Au contraire, je crois qu'il fallait y voir une volonté farouche de faire vivre l'institution en accord avec son temps et, pour cela, oser prendre le pari de la faire bouger.
Trois réalisations fortes sont venues au cours de l'année 2001 concrétiser ce renouveau.
Tout d'abord le dialogue social :
ARTT
Négocier la réduction du temps de travail dans une maison comme la nôtre n'est pas chose aisée, ne serait-ce qu'en raison de la très grande diversité des personnels et des tâches qu'ils accomplissent. Il a permis de renouer le dialogue social. Il reste que les discussions entamées au mois de juin ont abouti à une série d'accords.
Ces accords concernent une frange importante des personnels du ministère : ceux de l'administration centrale, des services judiciaires, de la PJJ où il faut d'ailleurs signaler qu'il s'agit du premier accord signé depuis de très nombreuses années. L'administration pénitentiaire également a vu ces discussions aboutir à un relevé de propositions signé par FO et l'UFAP. Les magistrats, enfin, qui bénéficient aussi de la réduction du temps de travail dont l'organisation a été fixée par une circulaire bien accueillie.
D'autre part, nous avons donné à la justice les moyens qui lui manquaient.
Je ne reviendrai pas sur le détail du budget 2002 de la justice.
Avec une hausse des crédits de 5,7% et 2800 emplois créés, vous savez que c'est le plus ambitieux des budgets que notre institution ait connu.
Depuis cinq ans, ce gouvernement a ainsi inscrit la justice dans ses priorités d'action et s'y est tenu, avec un véritable changement d'échelle dans les moyens accordés.
Il fallait combler le déficit structurel des moyens de la justice, confinant à un véritable abandon de ce ministère, avec pour conséquences : des prisons et des palais de justice inadaptés et un effectif qu'il fallait manifestement renforcer.
Ce constat affligeant, fait par des parlementaires et avec eux des acteurs de la société civile ou encore des justiciables anonymes, aurait pu rester lettre morte. Le premier ministre a vite compris combien il pouvait être dangereux pour la démocratie de notre pays de laisser les choses en l'état.
Grâce aux moyens donnés par ce gouvernement, nous avons ainsi pu bâtir un plan d'action pour la justice qui s'inscrit dans la durée, que ce soit avec 1200 nouveaux magistrats d'ici 2005 ou plus de 1,5 M d'euros sur 6 ans pour construire 35 établissements pénitentiaires et rénover ceux existant.
Nous avons enfin donné la parole aux acteurs de l'institution judiciaire et tracé des perspectives pour en améliorer le fonctionnement
Ce plan d'action a été annoncé le 30 mars 2001.
Pour qu'il prenne tout son sens nous avons voulu que sa mise en place soit le résultat d'une véritable démarche collective.
Nous avons enfin donné la parole aux acteurs de l'institution judiciaire et tracé des perspectives pour en améliorer le fonctionnement.
Ce sont les entretiens de Vendôme qui ont traduit dans les faits cette volonté, en faisant participer et parler des professionnels trop habitués au cloisonnement.
Bien sûr, nous avons manqué de temps. Bien sûr, il aurait été fructueux de faire également participer les non-professionnels. Mais cela ne doit pas masquer la forte mobilisation dans de nombreuses juridictions : sur 200 sites concernés, plus des 2/3 ont répondu et nous ont adressé leur contribution. Les forums ouverts dans chaque TGI et dans chaque cour d'appel ont souvent été un succès.
Une chose est sûre : l'impulsion du dialogue était donnée.
Nous avons tiré de ces échanges une synthèse que j'ai rendue publique, ainsi que je m'y étais engagée. Les propositions qui y figurent dressent un projection du mode de fonctionnement possible de la justice de demain. Parmi elles, on pourrait citer le rapprochement des TGI et des TI, la simplification des procédures, la valorisation de la justice de proximité ou encore la signature de contrats d'objectifs.
Mais il nous reste beaucoup à faire pour restaurer la confiance des Français dans leur justice, et construire une justice forte.
Le citoyen
La justice ne change pas les faits, elle n'a aucun pouvoir pour effacer ce qui a été commis. En ce sens, elle n'est pas réparatrice. Mais en créant un espace serein où chacun peut être entendu et où le préjudice subi est pris en compte, au nom de la société, elle aide à supporter et à se reconstruire.
Affirmer le droit des victimes, lui donner un cadre dans lequel la dignité est préservée, c'est un devoir pour tout humaniste et c'est l'un des rôles fondamentaux de la justice. Cela passe par une justice qui doit être aussi diligente que possible mais aussi par l'information des victimes dès lors que cela ne nuit pas à l'enquête en cours.
Les victimes ont droit à réparation, ce qui signifie qu'aucun acte de délinquance ne doit rester sans réponse. Mais il convient d'apporter une réponse équilibrée.
Nous travaillons à cela.
Savoir, aussi, respecter le délinquant est sans doute une tâche difficile. Pourtant, la véritable justice s'exprime bien là, quand elle ne devient pas l'instrument d'une sorte de vengeance collective mais au contraire un lieu d'apaisement où il devient possible d'examiner les faits et de les sanctionner justement, sans entrer dans un processus d'escalade qui nourrit la violence et la haine.
C'est pourquoi il faut défendre la présomption d'innocence, comme l'expression d'une justice adulte, dépassionnée. Que n'a-t-on pas dit sur le sujet et sur la loi du 15 juin 2000. Pour autant, il faut savoir tirer profit de la pratique et faire évoluer les textes quand cela s'avère nécessaire.
Enfin, celui qui est coupable et qui est condamné, ne doit pas sortir du champ de la citoyenneté parce qu'il est enfermé. Au contraire, la peine qui lui est infligée ne peut prendre son sens que si elle aboutit à sa réinsertion. On ne se débarrasse pas d'un coupable en l'envoyant en prison. Au contraire, penser ainsi n'aboutit qu'à figer les choses. Il me semble essentiel aujourd'hui de prendre conscience que le temps de la prison est un temps limité et que ce temps est vain s'il n'est pas utilisé pour construire un autre avenir au délinquant.
La loi pénitentiaire est un texte majeur.
Il existe, à quelques virgules près, dans sa version finale et il sera soumis au Conseil d'Etat dans les jours qui viennent pour être ensuite présenté au Conseil des ministres, début mars. Bien sûr, c'est la prochaine assemblée qui en débattra. Sur ce point, je suis confiante. Quelle que soit la majorité qui sera désignée par les urnes, il sera impossible de faire comme si ce projet n'existait pas.
Les dispositions qu'il contient s'attachent à traiter de la situation de l'ensemble de ceux qui sont concernés, personnels, détenus mais aussi victimes. En instaurant un contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, il rompt avec l'isolement traditionnel de l'institution et crée un nécessaire dispositif de médiation.
Surtout, il inscrira dans le droit que la prison n'est pas un territoire où dignité, respect et avenir n'ont pas de sens. Il y a en France 48.000 personnes détenues et 150.000 autres bénéficient de mesures dites de milieu ouvert. Il faut pour leur bien mais aussi pour notre bien à tous, que le mot réinsertion vienne inexorablement effacer le mot récidive.
L'accès au droit
Pour que la justice puisse jouer son rôle de régulateur social, l'accès au droit doit être possible pour tous, en tout point du territoire. On ne doit pas accepter que pour des raisons matérielles, une victime soit laissée seule face au préjudice subi, sans recours possible, sans que la collectivité ne prenne le relais. Cela reviendrait à ajouter un autre préjudice au premier.
C'est inacceptable parce que cela peut être évité.
C'est une question de volonté politique qui se traduit par la décision de permettre l'accès au droit à tous. Concrètement, cela passe par une aide juridictionnelle élargie et une simplification des procédures sans que cela signifie une perte de qualité.
Un projet de loi, fondé sur ces principes, sera déposé au Conseil d'Etat dans les prochains jours. Des discussions ont lieu en ce moment avec les représentants des avocats sur le décret d'application de cette loi sur les modalités de leur rémunération.
Améliorer le regard des citoyens sur la justice.
L'image brisée de la justice.
Tous les jours, les citoyens voient dans les médias des décisions de justice présentées, à tort ou à raison, comme des décisions incompréhensibles, voire scandaleuses.
Nous sommes entrés dans une ère qui voit l'autorité de la chose jugée remise en question à coup de sondages " à chaud ".
C'est une dérive à laquelle il faut être vigilant.
L'image la plus véhiculée de la justice est celle qui la désigne comme une justice laxiste, loin des réalités, incapable de répondre à la délinquance quotidienne dans les quartiers difficiles, incapable également de répondre à la criminalité organisée.
Il y a aussi ce fort a priori sur l'irresponsabilité des magistrats, sur, parfois, leur indifférence face aux actes commis, à tel point que l'indépendance de la justice peut être ressentie comme une menace.
Je veux faire ces constats.
Ils sont durs à faire pour qui croit que la justice est une valeur structurante de la démocratie. Il faut pourtant les faire pour agir et modifier ce regard critique. C'est pourquoi je n'ai pas hésité - l'affaire des disparus de l'Yonne en témoigne - quand il s'est agi de mettre au grand jour les dysfonctionnements réels de l'institution, aussi rares fussent-ils.
Cette exigence de vérité me permet d'autant plus de dénoncer cette remise en cause trop systématique de toute décision de justice, comme si n'importe quel citoyen était plus capable de juger qu'un professionnel formé à cela, comme si juger ne relevait d'aucune règle, d'aucune procédure, d'aucun droit.
Ce qui me frappe, au fond, dans tout cela, c'est qu'il n'y a plus personne pour défendre la justice. Les rares voix qui s'élèvent ne sont pas entendues. Les syndicats de policiers critiquent régulièrement les décisions de justice. Les syndicats de magistrats, en critiquant la loi et leur institution, affaiblissent son image et remettent en cause sa propre fonction. Certains politiques de l'opposition se sont illustrés en flagellant une loi qu'ils avaient applaudie, en regrettant qu'elle n'aille pas assez loin. La polémique autour de l'arrêt Perruche est à mon sens tout aussi symptomatique de ce dénigrement et de la prééminence de l'interprétation d'une décision sur la décision elle-même.
Je ne suis pas dupe de la tentation d'instrumentalisation politique ou corporatiste de la justice. Pour autant, les nombreuses polémiques ne doit pas occulter les réelles incompréhensions de nos concitoyens à l'égard du fonctionnement de la justice. Nous avons le devoir, responsables politiques ou acteurs de l'institution judiciaire de rendre compte à nos concitoyens du sens et de la portée des décisions de justice d'une manière lisible et compréhensible par tous. Nous ne devons jamais oublier à quel point il s'agit d'une matière complexe, évolutive dont les clés échappent au plus grand nombre.
Il faut restaurer l'image de la justice.
L'image de la justice ne peut être restaurée que par un engagement collectif et un souci constant de clarté, que ce soit celui de la justice en ce qui concerne son fonctionnement ou que ce soit celui des médias quand ils se font l'écho des décisions rendues.
Il faut faire connaître les décisions qui sont prises.
L'idée de la justice laxiste, notamment envers les mineurs, vient souvent de l'ignorance que l'on a de l'existence d'une action de la justice. Dans ce domaine, ce préjugé ne résiste pas face à la réalité de la réponse pénale.
Il faut aussi expliquer les décisions et dissiper les malentendus lorsqu'il existent.
Je pense à nouveau à l'affaire Perruche. Je suis certaine que ce débat est né en grande part des malentendus auxquels l'interprétation trop rapide de la jurisprudence a donné lieu.
Ensuite, il faut faire de la pédagogie.
Le lien entre liberté - justice - sécurité est trop souvent malmené. Cela n'est possible que parce que le rôle et les interactions de chaque institution ne sont pas claires pour tous.
Il faut dire que ce n'est pas la justice qui crée la délinquance, contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là. Il faut expliquer comment on peut préserver et pourquoi l'équilibre entre la sécurité publique et la garantie des libertés individuelles.
Les images de violence auxquelles nous sommes confrontés tous les jours, directement ou indirectement, sont pour le moins déstabilisantes et contribuent à créer un sentiment d'insécurité, sentiment qui n'est pas directement lié à la réalité de cette insécurité.
Face à cela, la justice doit être plus forte, plus réactive aussi.
Le mandat d'arrêt européen que nous avons créé à la fin de l'année dernière avec mes quatorze collègues ministres en est l'illustration. L'espace judiciaire européen, également, quand il prend acte que la justice ne peut plus s'arrêter à nos frontières, dans un monde où de plus en plus ouvert, où tout circule.
Cette exigence forte pour la justice, une justice ouverte sur son temps, ouverte sur le monde extérieur, une justice qui joue pleinement son rôle de régulateur, de garant des libertés, nous devons l'avoir présente à l'esprit chaque jour.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 23 janvier 2002)
L'an dernier, ici même, devant vous, j' avais dit mon engagement à faire que citoyens et justice de notre pays se parlent une langue commune. Réconcilier nos concitoyens avec la justice de leur pays, cela ne pouvait pas se faire, me semble-t-il, sans un travail de l'institution judiciaire sur elle-même, institution qui disait son mal être.
Parole, échange, écoute ont désormais droit de cité. Valoriser le débat, créer les conditions de son expression, accepter la critique, tels ont été mes repères pour avancer et je peux vous dire qu'il fallait ces repères pour faire face au doute, inévitable. A leurs yeux la justice avait comme perdu l'envie de voir le monde et de découvrir la modernité. Un an plus tard, c'est cette vision de l'institution qui est dépassée et non l'institution elle-même.
La nécessité de réconcilier l'institution avec elle-même s'est cristallisée autour des manifestations qui ont eu lieu à la fin de l'année 2000 et jusqu'au printemps 2001, celles des personnels pénitentiaires, des greffiers, des magistrats, des avocats. Ma lecture de ces mouvements n'était pas, comme l'ont dit certains, que la justice était en faillite et avait perdu toute foi en son action. Au contraire, je crois qu'il fallait y voir une volonté farouche de faire vivre l'institution en accord avec son temps et, pour cela, oser prendre le pari de la faire bouger.
Trois réalisations fortes sont venues au cours de l'année 2001 concrétiser ce renouveau.
Tout d'abord le dialogue social :
ARTT
Négocier la réduction du temps de travail dans une maison comme la nôtre n'est pas chose aisée, ne serait-ce qu'en raison de la très grande diversité des personnels et des tâches qu'ils accomplissent. Il a permis de renouer le dialogue social. Il reste que les discussions entamées au mois de juin ont abouti à une série d'accords.
Ces accords concernent une frange importante des personnels du ministère : ceux de l'administration centrale, des services judiciaires, de la PJJ où il faut d'ailleurs signaler qu'il s'agit du premier accord signé depuis de très nombreuses années. L'administration pénitentiaire également a vu ces discussions aboutir à un relevé de propositions signé par FO et l'UFAP. Les magistrats, enfin, qui bénéficient aussi de la réduction du temps de travail dont l'organisation a été fixée par une circulaire bien accueillie.
D'autre part, nous avons donné à la justice les moyens qui lui manquaient.
Je ne reviendrai pas sur le détail du budget 2002 de la justice.
Avec une hausse des crédits de 5,7% et 2800 emplois créés, vous savez que c'est le plus ambitieux des budgets que notre institution ait connu.
Depuis cinq ans, ce gouvernement a ainsi inscrit la justice dans ses priorités d'action et s'y est tenu, avec un véritable changement d'échelle dans les moyens accordés.
Il fallait combler le déficit structurel des moyens de la justice, confinant à un véritable abandon de ce ministère, avec pour conséquences : des prisons et des palais de justice inadaptés et un effectif qu'il fallait manifestement renforcer.
Ce constat affligeant, fait par des parlementaires et avec eux des acteurs de la société civile ou encore des justiciables anonymes, aurait pu rester lettre morte. Le premier ministre a vite compris combien il pouvait être dangereux pour la démocratie de notre pays de laisser les choses en l'état.
Grâce aux moyens donnés par ce gouvernement, nous avons ainsi pu bâtir un plan d'action pour la justice qui s'inscrit dans la durée, que ce soit avec 1200 nouveaux magistrats d'ici 2005 ou plus de 1,5 M d'euros sur 6 ans pour construire 35 établissements pénitentiaires et rénover ceux existant.
Nous avons enfin donné la parole aux acteurs de l'institution judiciaire et tracé des perspectives pour en améliorer le fonctionnement
Ce plan d'action a été annoncé le 30 mars 2001.
Pour qu'il prenne tout son sens nous avons voulu que sa mise en place soit le résultat d'une véritable démarche collective.
Nous avons enfin donné la parole aux acteurs de l'institution judiciaire et tracé des perspectives pour en améliorer le fonctionnement.
Ce sont les entretiens de Vendôme qui ont traduit dans les faits cette volonté, en faisant participer et parler des professionnels trop habitués au cloisonnement.
Bien sûr, nous avons manqué de temps. Bien sûr, il aurait été fructueux de faire également participer les non-professionnels. Mais cela ne doit pas masquer la forte mobilisation dans de nombreuses juridictions : sur 200 sites concernés, plus des 2/3 ont répondu et nous ont adressé leur contribution. Les forums ouverts dans chaque TGI et dans chaque cour d'appel ont souvent été un succès.
Une chose est sûre : l'impulsion du dialogue était donnée.
Nous avons tiré de ces échanges une synthèse que j'ai rendue publique, ainsi que je m'y étais engagée. Les propositions qui y figurent dressent un projection du mode de fonctionnement possible de la justice de demain. Parmi elles, on pourrait citer le rapprochement des TGI et des TI, la simplification des procédures, la valorisation de la justice de proximité ou encore la signature de contrats d'objectifs.
Mais il nous reste beaucoup à faire pour restaurer la confiance des Français dans leur justice, et construire une justice forte.
Le citoyen
La justice ne change pas les faits, elle n'a aucun pouvoir pour effacer ce qui a été commis. En ce sens, elle n'est pas réparatrice. Mais en créant un espace serein où chacun peut être entendu et où le préjudice subi est pris en compte, au nom de la société, elle aide à supporter et à se reconstruire.
Affirmer le droit des victimes, lui donner un cadre dans lequel la dignité est préservée, c'est un devoir pour tout humaniste et c'est l'un des rôles fondamentaux de la justice. Cela passe par une justice qui doit être aussi diligente que possible mais aussi par l'information des victimes dès lors que cela ne nuit pas à l'enquête en cours.
Les victimes ont droit à réparation, ce qui signifie qu'aucun acte de délinquance ne doit rester sans réponse. Mais il convient d'apporter une réponse équilibrée.
Nous travaillons à cela.
Savoir, aussi, respecter le délinquant est sans doute une tâche difficile. Pourtant, la véritable justice s'exprime bien là, quand elle ne devient pas l'instrument d'une sorte de vengeance collective mais au contraire un lieu d'apaisement où il devient possible d'examiner les faits et de les sanctionner justement, sans entrer dans un processus d'escalade qui nourrit la violence et la haine.
C'est pourquoi il faut défendre la présomption d'innocence, comme l'expression d'une justice adulte, dépassionnée. Que n'a-t-on pas dit sur le sujet et sur la loi du 15 juin 2000. Pour autant, il faut savoir tirer profit de la pratique et faire évoluer les textes quand cela s'avère nécessaire.
Enfin, celui qui est coupable et qui est condamné, ne doit pas sortir du champ de la citoyenneté parce qu'il est enfermé. Au contraire, la peine qui lui est infligée ne peut prendre son sens que si elle aboutit à sa réinsertion. On ne se débarrasse pas d'un coupable en l'envoyant en prison. Au contraire, penser ainsi n'aboutit qu'à figer les choses. Il me semble essentiel aujourd'hui de prendre conscience que le temps de la prison est un temps limité et que ce temps est vain s'il n'est pas utilisé pour construire un autre avenir au délinquant.
La loi pénitentiaire est un texte majeur.
Il existe, à quelques virgules près, dans sa version finale et il sera soumis au Conseil d'Etat dans les jours qui viennent pour être ensuite présenté au Conseil des ministres, début mars. Bien sûr, c'est la prochaine assemblée qui en débattra. Sur ce point, je suis confiante. Quelle que soit la majorité qui sera désignée par les urnes, il sera impossible de faire comme si ce projet n'existait pas.
Les dispositions qu'il contient s'attachent à traiter de la situation de l'ensemble de ceux qui sont concernés, personnels, détenus mais aussi victimes. En instaurant un contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, il rompt avec l'isolement traditionnel de l'institution et crée un nécessaire dispositif de médiation.
Surtout, il inscrira dans le droit que la prison n'est pas un territoire où dignité, respect et avenir n'ont pas de sens. Il y a en France 48.000 personnes détenues et 150.000 autres bénéficient de mesures dites de milieu ouvert. Il faut pour leur bien mais aussi pour notre bien à tous, que le mot réinsertion vienne inexorablement effacer le mot récidive.
L'accès au droit
Pour que la justice puisse jouer son rôle de régulateur social, l'accès au droit doit être possible pour tous, en tout point du territoire. On ne doit pas accepter que pour des raisons matérielles, une victime soit laissée seule face au préjudice subi, sans recours possible, sans que la collectivité ne prenne le relais. Cela reviendrait à ajouter un autre préjudice au premier.
C'est inacceptable parce que cela peut être évité.
C'est une question de volonté politique qui se traduit par la décision de permettre l'accès au droit à tous. Concrètement, cela passe par une aide juridictionnelle élargie et une simplification des procédures sans que cela signifie une perte de qualité.
Un projet de loi, fondé sur ces principes, sera déposé au Conseil d'Etat dans les prochains jours. Des discussions ont lieu en ce moment avec les représentants des avocats sur le décret d'application de cette loi sur les modalités de leur rémunération.
Améliorer le regard des citoyens sur la justice.
L'image brisée de la justice.
Tous les jours, les citoyens voient dans les médias des décisions de justice présentées, à tort ou à raison, comme des décisions incompréhensibles, voire scandaleuses.
Nous sommes entrés dans une ère qui voit l'autorité de la chose jugée remise en question à coup de sondages " à chaud ".
C'est une dérive à laquelle il faut être vigilant.
L'image la plus véhiculée de la justice est celle qui la désigne comme une justice laxiste, loin des réalités, incapable de répondre à la délinquance quotidienne dans les quartiers difficiles, incapable également de répondre à la criminalité organisée.
Il y a aussi ce fort a priori sur l'irresponsabilité des magistrats, sur, parfois, leur indifférence face aux actes commis, à tel point que l'indépendance de la justice peut être ressentie comme une menace.
Je veux faire ces constats.
Ils sont durs à faire pour qui croit que la justice est une valeur structurante de la démocratie. Il faut pourtant les faire pour agir et modifier ce regard critique. C'est pourquoi je n'ai pas hésité - l'affaire des disparus de l'Yonne en témoigne - quand il s'est agi de mettre au grand jour les dysfonctionnements réels de l'institution, aussi rares fussent-ils.
Cette exigence de vérité me permet d'autant plus de dénoncer cette remise en cause trop systématique de toute décision de justice, comme si n'importe quel citoyen était plus capable de juger qu'un professionnel formé à cela, comme si juger ne relevait d'aucune règle, d'aucune procédure, d'aucun droit.
Ce qui me frappe, au fond, dans tout cela, c'est qu'il n'y a plus personne pour défendre la justice. Les rares voix qui s'élèvent ne sont pas entendues. Les syndicats de policiers critiquent régulièrement les décisions de justice. Les syndicats de magistrats, en critiquant la loi et leur institution, affaiblissent son image et remettent en cause sa propre fonction. Certains politiques de l'opposition se sont illustrés en flagellant une loi qu'ils avaient applaudie, en regrettant qu'elle n'aille pas assez loin. La polémique autour de l'arrêt Perruche est à mon sens tout aussi symptomatique de ce dénigrement et de la prééminence de l'interprétation d'une décision sur la décision elle-même.
Je ne suis pas dupe de la tentation d'instrumentalisation politique ou corporatiste de la justice. Pour autant, les nombreuses polémiques ne doit pas occulter les réelles incompréhensions de nos concitoyens à l'égard du fonctionnement de la justice. Nous avons le devoir, responsables politiques ou acteurs de l'institution judiciaire de rendre compte à nos concitoyens du sens et de la portée des décisions de justice d'une manière lisible et compréhensible par tous. Nous ne devons jamais oublier à quel point il s'agit d'une matière complexe, évolutive dont les clés échappent au plus grand nombre.
Il faut restaurer l'image de la justice.
L'image de la justice ne peut être restaurée que par un engagement collectif et un souci constant de clarté, que ce soit celui de la justice en ce qui concerne son fonctionnement ou que ce soit celui des médias quand ils se font l'écho des décisions rendues.
Il faut faire connaître les décisions qui sont prises.
L'idée de la justice laxiste, notamment envers les mineurs, vient souvent de l'ignorance que l'on a de l'existence d'une action de la justice. Dans ce domaine, ce préjugé ne résiste pas face à la réalité de la réponse pénale.
Il faut aussi expliquer les décisions et dissiper les malentendus lorsqu'il existent.
Je pense à nouveau à l'affaire Perruche. Je suis certaine que ce débat est né en grande part des malentendus auxquels l'interprétation trop rapide de la jurisprudence a donné lieu.
Ensuite, il faut faire de la pédagogie.
Le lien entre liberté - justice - sécurité est trop souvent malmené. Cela n'est possible que parce que le rôle et les interactions de chaque institution ne sont pas claires pour tous.
Il faut dire que ce n'est pas la justice qui crée la délinquance, contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là. Il faut expliquer comment on peut préserver et pourquoi l'équilibre entre la sécurité publique et la garantie des libertés individuelles.
Les images de violence auxquelles nous sommes confrontés tous les jours, directement ou indirectement, sont pour le moins déstabilisantes et contribuent à créer un sentiment d'insécurité, sentiment qui n'est pas directement lié à la réalité de cette insécurité.
Face à cela, la justice doit être plus forte, plus réactive aussi.
Le mandat d'arrêt européen que nous avons créé à la fin de l'année dernière avec mes quatorze collègues ministres en est l'illustration. L'espace judiciaire européen, également, quand il prend acte que la justice ne peut plus s'arrêter à nos frontières, dans un monde où de plus en plus ouvert, où tout circule.
Cette exigence forte pour la justice, une justice ouverte sur son temps, ouverte sur le monde extérieur, une justice qui joue pleinement son rôle de régulateur, de garant des libertés, nous devons l'avoir présente à l'esprit chaque jour.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 23 janvier 2002)