Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le développement de l'administration électronique, l'essor local de la société de l'information et la proposition gouvernementale de généraliser les points d'accès gratuits à internet, Paris le 29 janvier 2002.

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Intervenant(s) : 
  • Michel Sapin - Ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Circonstance : 11èmes rencontres de l'Observatoire des télécommunications dans la ville au CNIT à Paris le 29 janvier 2002

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Délégué Général de l'Observatoire,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de participer aujourd'hui à ces 11e rencontres de l'Observatoire des télécommunications dans la ville. Ces rencontres sont devenues un rendez-vous incontournable des acteurs publics des télécommunications et des technologies de l'information. Elles sont l'occasion à la fois de dresser un bilan de nos réalisations en la matière et de discuter ensemble de nos projets à venir.
Vous avez choisi de consacrer les rencontres d'aujourd'hui aux stratégies territoriales et aux " e-initiatives " que de plus en plus d'acteurs entreprennent. Le moment me semble particulièrement bien choisi : après une phase de démarrage propice à des actions nationales, la généralisation de l'usage des outils de la société de l'information passe nécessairement par des actions territorialisées, par l'implication de collectifs locaux, qu'ils soient économiques, sociaux ou citoyens.
Nous sommes, depuis maintenant plus de cinq ans, confrontés à de nouveaux enjeux, à de nouveaux besoins, mais aussi à de nouvelles possibilités. Les technologies de l'information renouvellent des questionnements comme l'attractivité des territoires, la localisation des services publics, les méthodes de fonctionnement des administration ou l'égalité entre les territoires.

Le premier enseignement de l'activité considérable développée depuis cinq ans, c'est qu'il n'y a pas de fatalité technologique - ni pour le meilleur, ni pour le pire. Les institutions, les territoires qui utilisent le mieux les techniques de l'information et de la communication sont celles et ceux qui les mettent au service d'un projet politique, d'une stratégie de développement local, d'une initiative sociale innovante, d'un plan de formation audacieux.
Pour cela, nous devons travailler ensemble. C'est tout particulièrement vrai dans le domaine de ce que l'on appelle l'administration électronique, c'est-à-dire la manière dont les administrations utilisent les TIC pour mieux fournir les services publics que demandent les usagers. En effet, pour les citoyens et les entreprises, l'administration est " une " : un problème à la préfecture rejaillit sur l'image de la mairie, tout comme le manque d'efficacité d'un dispositif d'aide sociale du conseil général serait reproché à l'agence locale pour l'emploi, par exemple.
C'est ce service public " intégré ", où chacun conserve ses prérogatives, ses zones d'activité, ses spécialités, que nous devons construire ensemble dans les années qui viennent. Une journée comme aujourd'hui nous y aide. Je remercie donc l'Observatoire, M. DELEBARRE, son président, et M. BUSSON, son délégué général, de cette invitation.
Le gouvernement, vous le savez, est particulièrement attentif à l'essor local de la société de l'information. Du côté des infrastructures, le comité interministériel pour l'aménagement du territoire de juillet 2001 a ouvert de nouvelles possibilités aux collectivités dans la couverture du territoire en réseaux de télécommunications, fixes ou mobiles. Le secteur éducatif, celui de la santé, celui de la culture, bénéficient d'une collaboration déjà presque traditionnelle entre collectivités et services de l'Etat.

En matière d'administration électronique, le web public est de plus en plus marqué par l'engagement des collectivités territoriales et les sites locaux. Sur les quelques 4500 sites publics référencés sur service-public.fr, notre portail internet (je veux dire, celui de l'ensemble des services publics, et pas seulement celui de l'Etat), plus de 4000 sont ceux de collectivités ou d'établissements publics locaux. Et sur les 121 téléservices déjà accessibles sur service-public.fr, les deux tiers sont proposés en ligne par des collectivités. Parmi eux, on peut citer les demandes de copie et d'extrait d'actes d'état-civil, les démarches liées aux papiers d'identité, les documents concernant les véhicules (carte grise, certificat de non-gage, permis de conduire, etc.), l'accès aux archives, la réservation de livres en bibliothèque, voire des services très pratiques comme les demandes de rendez-vous avec le maire ou d'intervention des services municipaux.
Plus largement, le ministère de la Fonction publique et de la réforme de l'Etat a réalisé une étude sur l'évolution 2000-2001 des services publics en ligne. Cette étude vient après celle réalisée en juin 2000 et permet de mesurer la progression du web public. Globalement, sa qualité progresse. L'appréciation des sites a progressé de manière positive : ainsi, 52% des sites étudiés en 2001 sont jugés positivement (contre 40% en 2000). L'année 2001 a vu de nombreux défauts de jeunesse se corriger, la qualité éditoriale fortement progresser et la maîtrise technologique mûrir.
Mais cette évolution positive amène son lot de difficultés. L'offre en ligne des services publics est parfois devenue trop complexe, sa profusion et sa richesse peuvent laisser l'usager non averti quelque peu désemparé s'il n'y a pas de coordination, de répartition des rôles, entre sites traitant d'un même thème ou d'un même territoire.
Au niveau local, la situation est plus contrastée. Dans bien des cas, faute de cohérence territoriale des efforts, l'internet public reste encore incomplet. Ainsi, là où, dans une région, une information très complète sur, par exemple, l'eau est disponible, on trouvera peu de choses sur la ville ou la culture. Ailleurs, l'éducation aura fait l'objet d'un travail considérable en ligne, mais rien n'apparaîtra sur l'environnement ou le tourisme.

La notoriété croissante de Service-public.fr permet de faciliter l'entrée des internautes sur le web public. La campagne nationale d'information que nous avons lancée aujourd'hui va contribuer à faire du portail internet de l'administration un réflexe pour les usagers, qui y recherchent de plus en plus " la première réponse à toutes leurs questions ".
Mais, au-delà de l'information générale et de l'orientation, ce sont sur les sites des services déconcentrés ou des collectivités que, bien souvent, aboutissent les internautes. De même, les agents des collectivités territoriales utilisent, de plus en plus souvent, les sites web de l'Etat dans leur travail quotidien ou dans leur rôle de conseil et de proximité vis-à-vis des usagers. Cette situation appelle, de notre part, des partenariats nouveaux, sur le terrain, entre les services de l'Etat et les collectivités.

C'est notamment l'objectif du comarquage, que nous avons expérimentons ensemble depuis quelques semaines. Le comarquage est une technique qui permet aux sites locaux des services de l 'Etat et des collectivités locales d'intégrer à leurs couleurs les informations issues du portail service-public.fr. 2 préfectures, 4 conseils généraux et 5 mairies participent déjà à cette expérience prometteuse.

Dans le domaine de l'information téléphonique également, nous travaillons ensemble. Le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 15 novembre 2001 a ainsi lancé quatre expérimentations, à Paris, Lyon, Marseille et Cordes-sur-Ciel, de partage des informations et des rôles entre service-public.fr, le centre d'appels d'une collectivité et les centres interministériels de renseignement administratifs. Les premiers résultats de ces expérimentations sont très prometteurs et débouchent sur une amélioration très concrète des services à l'usager.
Vous savez que nous avons également lancé, en novembre 2001, la " deuxième étape de l'administration électronique ", dont l'objectif est de parvenir à la généralisation des téléservices publics d'ici 2005. A l'évidence, des coopérations renforcées entre l'Etat et les collectivités locales seront nécessaires pour parvenir à cet objectif.
Cela passe par une organisation coopérative, et les chargés de mission TIC dans les SGAR sont vos interlocuteurs naturels au niveau régional pour la mettre en place. Mais cela passe également par la convergence des normes techniques que nous utilisons. Sans elles, nous ne parviendrons pas à offrir ces services " sans couture " qu'attendent les usagers.

C'est pourquoi l'Agence pour les Technologies de l'Information et de la Communication dans l'Administration (ATICA) publie aujourd'hui la première version de ce que nous appelons le cadre commun d'interopérabilité des systèmes d'information publics, à l'usage des administrations et de leurs partenaires. Ce travail, entrepris voici plus d'un an, a été décidé par le Comité Interministériel pour la Réforme de l'Etat du 12 octobre 2000.
La mise en oeuvre de ce cadre favorisera la compatibilité entre les systèmes d'information des administrations, et leur ouverture vers ceux de leurs partenaires. Il a été rédigé en s'appuyant sur une coopération efficace avec les ministères, les collectivités locales, les offreurs de solutions, et les chercheurs.
Ce cadre commun s'imposera progressivement à l'ensemble des administrations de l'Etat. L'utiliser, c'est donc avoir la garantie que les systèmes que vous mettrez en place pourront fonctionner en synergie avec ceux des ministères ou des services locaux de l'Etat. D'ores et déjà, je vous invite donc à le faire consulter par vos informaticiens, et à ne pas hésiter à inclure ses recommandations dans les éléments techniques des marchés que vous passez.

Mesdames, Messieurs,
En cinq ans, le visage de l'administration électronique a entièrement changé. Les technologies de l'information s'imposent aujourd'hui comme un moyen de communication normal entre les usagers et les administrations, entre les citoyens et les élus.
L'administration électronique que nous mettons en place ensemble au niveau local participe à la construction, plus large, d'une " démocratie électronique de proximité " qui engage tous les acteurs publics et devient un projet politique. A ce titre, elle sera présente dans les débats politiques des prochaines semaines.
Parmi les propositions que nous allons faire, je suis tout particulièrement attaché à la généralisation des points d'accès gratuit à internet dans chaque commune, de manière à ce que chacun puisse trouver un accès gratuit en quelques minutes au plus. De la même manière que, avant-hier, les boîtes aux lettres ou, hier, les cabines téléphoniques, les accès à l'internet sont aujourd'hui en passe de devenir un équipement minimal nécessaire partout en France.
Je souhaite également que, comme le Parlement qui met en ligne le journal des débats, comme l'Etat qui publie sur internet l'ensemble du Journal Officiel, les collectivités rendent accessibles en ligne les données publiques, et notamment les délibérations des assemblées locales, de manière à renforcer le lien entre les citoyens et les mandants.

Enfin, les enquêtes d'utilité publique devront systématiquement être tenues en ligne en même temps que dans les mairies concernées.
Sur ces sujets, il ne saurait être question que l'Etat se défausse de son rôle sur les collectivités. C'est d'un effort partenarial, y compris d'un partage des charges, qu'il faudra discuter.
Vous le voyez, nous ne manquons pas de sujets communs pour les mois et les années qui viennent pour faire ensemble de la France l'économie numérique la plus dynamique d'Europe.

Je vous remercie de votre attention.

Seul le discours prononcé fait foi.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 1er février 2002)