Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis d'autant plus heureuse de vous retrouver, qu'ici même, l'an dernier, j'exposais comment je concevais la fonction conjointe d'un Ministre de la culture et de la communication et quel allait être mon programme d'action. Je veux saisir l'occasion pour vous dire, aussi directement qu'il est de tradition dans les débats de cette Université d'Eté : " Voilà, un an après, ce que j'ai fait, ce qui est sur le point de se conclure, et ce que j'entends entreprendre. "
S'agissant de la réforme audiovisuelle, je vous avais fait part d'une triple intention : mettre en place des règles simples permettant le développement concurrentiel des nouveaux services ; garantir l'autonomie des médias d'information vis-à-vis de tous les intérêts économiques ; redonner au service public les moyens de ses missions. De ce triple point de vue, j'ai, aujourd'hui, toutes les raisons d'affirmer que l'année a été bien employée. Pour travailler, pour réfléchir, pour débattre et permettre au Gouvernement d'arrêter sa décision.
Il aurait sans doute été plus simple d'accepter que la culture soit la chose de quelques parisiens, et les médias, la seule affaire de grands groupes côtés en bourse. Je persévère cependant dans l'idée que la culture comme la communication, sont le bien de tous. Ceci vaut tout particulièrement pour l'audiovisuel, première pratique culturelle des Français et vecteur privilégié de leur information. Vous en jugerez bientôt sur pièces puisque, le Premier Ministre, sur une question qui engage l'avenir de notre démocratie, annoncera lui-même, prochainement, ce que sera la réforme de l'audiovisuel public. Ce sont les prémisses de cette réforme que je voudrais évoquer aujourd'hui devant vous.
Ma conviction est d'abord qu'un audiovisuel public fort constitue, plus que jamais, un outil irremplaçable au service de la vie citoyenne, du développement culturel et du rayonnement international.
Lors de la conférence de Birmingham, le camp ultra-libéral, par la voix de Rupert Murdoch, prétendit, un peu vite, que l'avènement du numérique marquait la fin de tout projet de régulation des médias et que l'audiovisuel public n'avait d'autre avenir que de laisser place aux lois du marché.
Dans une toute autre approche, des partisans sincères du service public se demandent parfois si celui-ci ne s'épuise pas à poursuivre des ambitions trop diversifiées et s'il ne lui faudrait pas, pour reconquérir son identité, se concentrer sur des missions éducatives ou régionales qui le distingueraient radicalement des grandes chaînes commerciales.
Mais telle n'est pas la tendance à l'uvre dans les principaux pays européens, si j'en juge par la légitimité intacte de la BBC, par la puissance industrielle des chaînes publiques allemandes ou par l'ambitieuse réorganisation en cours de la R.A.I.. Je n'étais donc pas seule, en conclusion des assises de Birmingham, pour affirmer : " Oui, l'audiovisuel public est une idée neuve en Europe ! Oui, le choix d'un service public fort s'impose à la fois comme une exigence de citoyenneté et comme un pari industriel d'avenir ! "
En effet, la multiplication des supports de communication comme la spécialisation croissante des usages audiovisuels renforcent la nécessité de grands réseaux nationaux constituant une référence partagée par l'ensemble des publics, et parmi eux, d'antennes publiques dont l'activité ne soit pas principalement soumise au critère de la rentabilité commerciale.
Cette considération me rend particulièrement attentive au développement des différents programmes de Radio-France mais aussi à la situation des radios généralistes privées. Je l'ai clairement indiqué lors de la privatisation de RMC, et la loi audiovisuelle prendra bien en compte ce qu'ont d'irremplaçables ces dernières pour l'information pluraliste du public.
Dans le domaine de la télévision, c'est malencontreusement le premier diffuseur public qui a été privatisé en 1986. Le maintien d'une chaîne publique assumant pleinement sa mission généraliste de rassemblement des publics et voulant exercer, au plus haut niveau d'exigence, son rôle d'information nationale et internationale, constitue, plus que jamais, la pierre angulaire de notre paysage audiovisuel. Cela rend impératif que France 2 sorte définitivement de la crise d'identité qu'elle traverse depuis plusieurs années. Et je veux, à cet égard, exprimer mes souhaits les plus chaleureux de succès à ceux qui, depuis peu, ont été chargés de redonner au Journal tout son dynamisme.
Un audiovisuel public fort et diversifié dans ses missions constitue, par ailleurs, un facteur irremplaçable d'entraînement économique et culturel pour nos industries de programmes et pour la richesse de la création audiovisuelle. Aucune chaîne privée ne saurait se substituer au rôle joué par la Sept-Arte à l'égard du documentaire de création ou par La Cinquième en matière de programmes éducatifs. Mais il est également décisif que le service public, avec la force conjuguée de France 2 et de France 3, fasse uvre de qualité et d'invention dans tous les grands genres de programmes à vocation " populaire " : fictions bien sûr, mais aussi jeux, sports ou divertissements.
L'audiovisuel public, enfin, par la richesse de ses programmes et de ses savoirs-faire, dispose d'atouts remarquables pour contribuer au développement de l'offre thématique et pour renforcer notre présence dans la compétition internationale de l'information et des programmes. C'est également lui qui est le mieux placé pour anticiper l'enrichissement des services et des formats que permettent le développement de la radio numérique et la perspective de la télévision hertzienne de terre.
Ces défis plaident, on le voit, pour un développement offensif de l'audiovisuel public et constituent autant de raisons d'écarter définitivement toute privatisation de France 2. Ils permettent également de mesurer les déficiences actuelles d'organisation du service public. C'est pourquoi, vous le savez, j'ai proposé que la télévision publique regroupe ses forces en un véritable groupe industriel et financier. Un tel groupe serait de nature à bannir toute mauvaise rivalité au sein du service public, et à renforcer la complémentarité éditoriale des chaînes. Ce serait également un puissant facteur d'efficacité économique pour leur stratégie d'investissement. Il s'agit ainsi de constituer le service public en pôle d'équilibre face à des opérateurs privés puissants. Une telle ambition va bien au-delà d'une simple présidence commune. Faut-il le souligner ? Elle n'a vraiment rien à voir avec le défunt " O.R.T.F. " dont la principale caractéristique était d'organiser un monopole... Je n'insiste pas davantage, tant les structures ne trouvent leur sens qu'au regard des missions qu'on leur assigne et, bien sûr, des moyens qu'elles mettent en uvre.
Je crois, par ailleurs, avoir convaincu l'ensemble du Gouvernement que l'audiovisuel public ne pourrait retrouver son identité sans qu'il soit radicalement remédié aux dérives qui ont, depuis plusieurs années, affecté son mode de financement.
La voie s'est trouvée ouverte en ce sens dès la communication adoptée par le Conseil des Ministres du 28 janvier dernier qui a consacré la volonté du Gouvernement d'instaurer enfin un système de financement couvrant plusieurs années. J'ai désormais le plein accord de mes collègues de Bercy pour que les décisions prises, pour la radio et la télévision publiques, à l'occasion de chacune des lois de finances, soient à l'avenir guidées par l'adoption de véritables contrats d'objectifs et de moyens. Je le souligne : des contrats pluriannuels, d'objectifs et de moyens. Vous mesurez l'avancée décisive que représente cette novation par rapport aux aléas de court terme d'une gestion purement budgétaire.
L'essentiel reste cependant de savoir quel contenu financier sera donné à ces contrats. En effet, l'audiovisuel public requiert indiscutablement une augmentation réelle de ses moyens globaux au cours de la période qui s'ouvre. Bien sûr, j'attends des " plans stratégiques " en cours de finalisation pour chacune des entreprises publiques, qu'ils hiérarchisent les priorités de développement et qu'ils permettent de mobiliser tous les gains de productivité que la technique rend possibles. Il reste que ces sociétés connaissent des coûts fortement croissants, qu'il s'agisse de collecte internationale de l'information ou d'acquisition de programmes ou de droits sportifs. Dans le même temps, le renouveau indispensable de leur convention collective devra prendre en compte les négociations qu'appelle le passage aux 35 heures. Enfin, le service public doit faire face aux développements régionaux attendus de France 3 et se préparer à l'échéance du numérique hertzien.
Le Gouvernement ne saurait donc ignorer que, dans notre pays, l'audiovisuel public affronte tous ces enjeux avec des moyens globaux très significativement inférieurs à ceux dont il dispose en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Dans le même temps, j'ai fait valoir qu'il était indispensable de renverser la tendance extrêmement pernicieuse qui, depuis plusieurs années, a conduit à une dépendance croissante des principales chaînes publiques à l'égard des ressources publicitaires. En dépit des contraintes qui ne manquent pas de s'exercer sur les finances publiques, une première inflexion sera marquée dès la loi de finances pour 1999 et j'ai obtenu que la publicité n'assure plus une part majoritaire du financement de la principale chaîne publique. Cette mesure se concilie d'ailleurs avec la nécessaire progression des moyens des diverses sociétés, sans que la hausse de la redevance ne dépasse le rythme de l'inflation. Le Gouvernement a cependant bien pris conscience que des mesures plus fondamentales étaient nécessaires.
Soyons clairs : je ne suis pas inspirée en la matière par un réflexe " publiphobe " ou par une approche doctrinaire du service public. Le développement de la télévision publique en France a été, avant même la fin du monopole, assuré selon le principe d'un financement " mixte ", France 2 et France 3 conjuguant ainsi ressources publiques et recours à des recettes publicitaires. Dès lors qu'elle reste raisonnable dans son volume, la publicité sur des chaînes publiques généralistes, contribue, à sa manière, au rythme de la grille de programmes et ne semble pas rejeté, dans son principe même, par les téléspectateurs.
Ce qui, en revanche, fait gravement problème pour le service public, c'est la croissance immodérée du recours à la recette publicitaire qui lui a été imposée à partir de 1993.
On ne peut le nier, la source première de ces difficultés tient à l'inconséquence financière dont a fait preuve l'Etat vis-à-vis des chaînes publiques. Le CSA l'a souligné dans une étude récente : la croissance en valeur des recettes publicitaires annuelles de France 2 et de France 3, soit près de 2 milliards de francs, a été du même ordre de grandeur que le budget cumulé d'Arte et de La Cinquième. Tout s'est donc passé comme si les deux chaînes généralistes avaient été incitées à une fuite en avant dans la collecte publicitaire pour compenser un sous-financement public aggravé de l'ensemble du secteur.
Dans de telles circonstances, la crise morale et financière majeure qu'a constitué pour France 2 l'affaire des animateurs-producteurs, résulte directement d'une évolution qui encourageait, de façon croissante et au détriment de tout autre critère, une concurrence commerciale frontale avec TF1. La grève à France 3 a également révélé la crise d'identité d'une chaîne qui n'a pu poursuivre, à rythme d'ailleurs insuffisant, son développement régional qu'au prix d'une augmentation considérable de sa collecte publicitaire.
Le téléspectateur a été la victime première de cette situation. La course publicitaire à laquelle les deux chaînes publiques ont été contraintes, les a conduites à la fois à "brader" leurs tarifs et à surcharger leur antenne. Entre 19 et 21 heures, le temps d'antenne consacré à la publicité a crû en 5 ans de près de 60 % pour France 2, et a plus que doublé pour France 3. Il avoisine désormais une demi-heure pour chacune de ces chaînes, l'essentiel de cette durée se concentrant pour France 3 sur le 19-20h, et pour France 2 sur les redoutables " tunnels " du début de soirée.
Le Gouvernement a pris conscience que le moment était venu de remédier de manière courageuse à cet état de fait, et mettra donc en uvre des mesures clairement perceptibles par le téléspectateur et qui, bien sûr, n'induisent ni pertes de recettes globales des chaînes publiques, ni augmentation inacceptable de la redevance, ni déséquilibres indus sur le marché publicitaire.
Impossible " quadrature du cercle " ? Plutôt l'ensemble vertueux des contraintes que doit se donner notre réforme pour permettre aux citoyens de renouveler leur confiance dans l'avenir de l'audiovisuel public.
Car, nous tous, téléspectateurs et citoyens, aspirons à considérer la télévision publique comme " notre " télévision. Nous tous, citoyens et téléspectateurs, voulons être sûrs que notre argent constitue bien un investissement collectif dont les dividendes seront une information plus exigeante, des programmes en constant renouvellement et un accès de l'usager à toutes les ressources nouvelles de la technique.
Ce que j'attends en définitive de la réforme des chaînes publiques, c'est qu'elle suscite l'émergence d'une nouvelle culture d'entreprise : une culture soucieuse avant tout de l'auditeur et du spectateur ; une culture qui associe pleinement développement industriel et objectifs de service public.
Désormais prémunis contre la précarité de leur mandat et de leurs moyens, les dirigeants des chaînes publiques pourront être jugés au regard des objectifs qu'ils auront publiquement souscrits devant les citoyens. Au premier rang de ces résultats, je placerai, la performance qualitative en matière de programmes, mais aussi, des indicateurs spécifiques d'audience permettant de vérifier que chacune des chaînes contribue bien à l'objectif de rassemblement des publics.
Téléspectateurs et citoyens veulent aussi pouvoir s'assurer que le service public se situe, en toutes circonstances, en première ligne de l'exigence morale et professionnelle. De ce point de vue, j'ai demandé la mise en place de médiateurs dans chacune des chaînes publiques, et j'en attends le dialogue le plus suivi avec leur auditoire.
C'est également parce que le téléspectateur a un droit sur des programmes au financement desquels il contribue, que les chaînes publiques hertziennes deviendront accessibles aux abonnés de tous les bouquets numériques.
" Alors, vive le service public ! " me direz-vous sans doute, " ... mais est-ce à dire que vous avez renoncé aux autres aspects de la réforme ? ". La question appelle qu'on y réponde sans détours.
Vous le savez, j'ai proposé au Gouvernement que, compte tenu de la surcharge du calendrier parlementaire, l'examen du projet de réforme audiovisuelle s'opère en deux temps et que priorité soit donnée à ce qui relève le plus directement de la responsabilité de l'Etat : le service public. En effet, grèves, contestations, limogeages internes de responsables, les signes d'alerte se sont multipliés au cours de l'année écoulée au sein des principales chaînes publiques. Il y a bien urgence à ce que l'Etat prenne les mesures d'un redressement structurel. Je me félicite donc que le Premier Ministre ait confirmé ce choix.
Le renouveau du service public est aujourd'hui au premier rang des préoccupations du Gouvernement. Dans le même temps, l'expérience de l'année écoulée confirme la nécessité d'une modernisation d'ensemble de notre législation audiovisuelle.
La constitution de groupes de dimension européenne représente un atout décisif dans le combat économique et culturel mondial auquel donne lieu la convergence des technologies, des infrastructures et des industries de contenu. Mais ces industries touchent aussi à l'indépendance de l'information et au pluralisme de la création. On ne saurait donc ignorer les risques s'attachant à l'existence de positions dominantes, aux tendances à l'intégration verticale ou à de possibles interférences d'intérêts économiques.
Un peu de recul permet sans doute de le comprendre aujourd'hui : les mesures qui ont été élaborées quant à l'organisation des groupes concernés ou aux missions de régulation confiées en ce domaine au C.S.A. et au Conseil de la Concurrence, n'entravent en rien le développement économique de l'industrie audiovisuelle ; en prévenant tous risques d'abus, elles assureront au contraire que ce développement s'opère à l'abri du soupçon ou de la contestation.
L'année écoulée a également mis en lumière la précarité économique des télévisions locales. Je soumettrai à une concertation approfondie les propositions qui me seront faites par Messieurs Michel Françaix et Jacques Vistel afin de déterminer les conditions dans lesquelles le besoin d'une expression de proximité pourra se concilier au mieux avec les équilibres délicats du marché publicitaire local, notamment la place qu'y occupent les radios généralistes.
Par ailleurs, je suis préoccupée d'observer que les opérateurs et professions concernés ne trouvent pas la voie d'un accord permettant la bonne circulation des oeuvres cinématographiques françaises, alors même que la diffusion numérique met au défi les monopoles respectifs du câble et de la télévision hertzienne payante. Si le problème précis de la " chronologie des médias " n'est plus du domaine de la réglementation, il ne saurait être résolu sans que s'établisse équitablement la contribution de chacun à l'économie du cinéma.
Alors, comment pourrait-on admettre que s'installent des pratiques qui fassent obstacle à la concurrence, ou qui lient indûment l'exploitation des films sur plusieurs supports ? Et, s'agissant des nouveaux entrants, comment pourraient-ils ne pas mettre leurs engagements financiers à l'égard du cinéma français, en accord avec le défi concurrentiel qu'ils lancent ? Il y aurait trop à perdre pour tous, et surtout pour la vitalité de notre création, à ce que la situation actuelle perdure. Je veux croire que chacun saura, au plus vite, reprendre la seule voie acceptable, celle de la négociation.
Au-delà, seule la loi, bien sûr, pourra établir l'ensemble de principes qu'appelle la régulation du marché. Je pense à la fixation des obligations de production qu'il serait légitime d'assigner aux nouveaux éditeurs de services, à la nécessité d'éviter toute forme de rétention des droits audiovisuels, à une meilleure protection des producteurs indépendants vis-à-vis des diffuseurs. Je pense également aux règles garantissant la compatibilité des décodeurs et aux dispositions pouvant assurer l'accès des éditeurs indépendants aux offres groupées de services.
La période récente le confirme en effet : les Français entrent, plus résolument qu'on ne pouvait le penser, dans l'ère des pratiques audiovisuelles numériques et de la société de l'information. Il nous faut donc, sans plus tarder, étendre à ces nouveaux domaines les principes garantissant la libre concurrence, le pluralisme ou la responsabilité juridique des opérateurs, sans méconnaître que ces supports n'obéissent plus à la contrainte de la rareté hertzienne. C'est sous un simple régime déclaratif que la loi se propose d'organiser l'activité du câble ou du satellite. Le récent rapport du Conseil d'Etat devrait aussi permettre d'arrêter les dispositions les mieux adaptées aux nouveaux réseaux .
Internet ouvre de nouvelles libertés d'information, d'expression, de communication. Cela me renforce dans la conviction que la réforme du droit de la communication constitue un tout. Aussi bien que la modernisation du secteur public, la régulation des services privés est indispensable à la sécurité juridique des entreprises, aux attentes des usagers, aux préoccupations du citoyen.
Garantir à tous les Français la liberté la plus large d'utilisation d'Internet, ce n'est pas seulement faire évoluer le droit et reconnaître au réseau le rôle d'un média à part entière. Ainsi que je l'ai récemment souligné devant la Conférence internationale de l'Internet Society, il existe un étonnant contraste entre la tradition pyramidale de notre Etat et l'espace réticulaire d'Internet, entre l'écrit administratif et la fluidité du courrier électronique, entre les frontières nationales et la mondialité du réseau... Toute la philosophie du programme d'action du Gouvernement pour la société de l'information est précisément de l'accepter comme un formidable défi pour la modernisation et la démocratisation de toutes nos relations sociales.
Un chapitre essentiel de ce programme est le développement des contenus culturels sur le réseau. Voie nouvelle d'accès aux oeuvres du patrimoine et à tous les domaines de la création, cette politique enrichit la toile d'une dimension que n'offrent ni les services commerciaux ni ceux de simple communication. La Banque de Programmes et de Services de La Cinquième offre déjà plus de 2000 titres. Les programmes de numérisation se systématisent dans les musées, les archives, les bibliothèques, et la BNF s'apprête à mettre en ligne 60 000 ouvrages numérisés. Je souhaite aller plus loin pour rapprocher sur Internet les différentes composantes, textes, images et sons, de l'offre culturelle publique.
Il s'agit, par ailleurs, d'encourager la production de contenus par les éditeurs. Après la mise en place du Fonds Multimédia destiné à la presse écrite, j'attends beaucoup de la mission confiée à Monsieur Alain Cordier sur le développement du livre électronique et du rapport que Monsieur Patrick Bloche, député, consacre à la présence de la France et de la francophonie sur le réseau mondial.
Toute une politique des usages s'impose enfin pour combattre le danger de ce que j'ai appelé "l'illectronisme". Une centaine d'espaces culturels multimédia se mettent déjà en place, au sein de médiathèques, de cyber-centres ou d'autres lieux culturels de proximité, en vue de favoriser la plus large pratique du réseau.
Qu'il s'agisse de télévision ou d'Internet, la mutation en cours des médias appelle une nouvelle éthique de l'intervention de l'Etat. En rupture avec toute ingérence administrative ou politicienne, le Gouvernement se reconnaît pour devoir de réunir tous les moyens nécessaires à ce que les hommes et les femmes de ce pays puissent pleinement relever ce défi :
Les moyens de communication sont désormais accessibles au plus grand nombre ; les Français leur consacrent plus de 45 heures par semaine. Saurons-nous, oui ou non, faire de ce temps un temps qui soit véritablement gagné ? Un temps gagné pour la démocratie, pour l'intelligence, pour l'épanouissement de tous et de chacun.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 11 septembre 2001)
Je suis d'autant plus heureuse de vous retrouver, qu'ici même, l'an dernier, j'exposais comment je concevais la fonction conjointe d'un Ministre de la culture et de la communication et quel allait être mon programme d'action. Je veux saisir l'occasion pour vous dire, aussi directement qu'il est de tradition dans les débats de cette Université d'Eté : " Voilà, un an après, ce que j'ai fait, ce qui est sur le point de se conclure, et ce que j'entends entreprendre. "
S'agissant de la réforme audiovisuelle, je vous avais fait part d'une triple intention : mettre en place des règles simples permettant le développement concurrentiel des nouveaux services ; garantir l'autonomie des médias d'information vis-à-vis de tous les intérêts économiques ; redonner au service public les moyens de ses missions. De ce triple point de vue, j'ai, aujourd'hui, toutes les raisons d'affirmer que l'année a été bien employée. Pour travailler, pour réfléchir, pour débattre et permettre au Gouvernement d'arrêter sa décision.
Il aurait sans doute été plus simple d'accepter que la culture soit la chose de quelques parisiens, et les médias, la seule affaire de grands groupes côtés en bourse. Je persévère cependant dans l'idée que la culture comme la communication, sont le bien de tous. Ceci vaut tout particulièrement pour l'audiovisuel, première pratique culturelle des Français et vecteur privilégié de leur information. Vous en jugerez bientôt sur pièces puisque, le Premier Ministre, sur une question qui engage l'avenir de notre démocratie, annoncera lui-même, prochainement, ce que sera la réforme de l'audiovisuel public. Ce sont les prémisses de cette réforme que je voudrais évoquer aujourd'hui devant vous.
Ma conviction est d'abord qu'un audiovisuel public fort constitue, plus que jamais, un outil irremplaçable au service de la vie citoyenne, du développement culturel et du rayonnement international.
Lors de la conférence de Birmingham, le camp ultra-libéral, par la voix de Rupert Murdoch, prétendit, un peu vite, que l'avènement du numérique marquait la fin de tout projet de régulation des médias et que l'audiovisuel public n'avait d'autre avenir que de laisser place aux lois du marché.
Dans une toute autre approche, des partisans sincères du service public se demandent parfois si celui-ci ne s'épuise pas à poursuivre des ambitions trop diversifiées et s'il ne lui faudrait pas, pour reconquérir son identité, se concentrer sur des missions éducatives ou régionales qui le distingueraient radicalement des grandes chaînes commerciales.
Mais telle n'est pas la tendance à l'uvre dans les principaux pays européens, si j'en juge par la légitimité intacte de la BBC, par la puissance industrielle des chaînes publiques allemandes ou par l'ambitieuse réorganisation en cours de la R.A.I.. Je n'étais donc pas seule, en conclusion des assises de Birmingham, pour affirmer : " Oui, l'audiovisuel public est une idée neuve en Europe ! Oui, le choix d'un service public fort s'impose à la fois comme une exigence de citoyenneté et comme un pari industriel d'avenir ! "
En effet, la multiplication des supports de communication comme la spécialisation croissante des usages audiovisuels renforcent la nécessité de grands réseaux nationaux constituant une référence partagée par l'ensemble des publics, et parmi eux, d'antennes publiques dont l'activité ne soit pas principalement soumise au critère de la rentabilité commerciale.
Cette considération me rend particulièrement attentive au développement des différents programmes de Radio-France mais aussi à la situation des radios généralistes privées. Je l'ai clairement indiqué lors de la privatisation de RMC, et la loi audiovisuelle prendra bien en compte ce qu'ont d'irremplaçables ces dernières pour l'information pluraliste du public.
Dans le domaine de la télévision, c'est malencontreusement le premier diffuseur public qui a été privatisé en 1986. Le maintien d'une chaîne publique assumant pleinement sa mission généraliste de rassemblement des publics et voulant exercer, au plus haut niveau d'exigence, son rôle d'information nationale et internationale, constitue, plus que jamais, la pierre angulaire de notre paysage audiovisuel. Cela rend impératif que France 2 sorte définitivement de la crise d'identité qu'elle traverse depuis plusieurs années. Et je veux, à cet égard, exprimer mes souhaits les plus chaleureux de succès à ceux qui, depuis peu, ont été chargés de redonner au Journal tout son dynamisme.
Un audiovisuel public fort et diversifié dans ses missions constitue, par ailleurs, un facteur irremplaçable d'entraînement économique et culturel pour nos industries de programmes et pour la richesse de la création audiovisuelle. Aucune chaîne privée ne saurait se substituer au rôle joué par la Sept-Arte à l'égard du documentaire de création ou par La Cinquième en matière de programmes éducatifs. Mais il est également décisif que le service public, avec la force conjuguée de France 2 et de France 3, fasse uvre de qualité et d'invention dans tous les grands genres de programmes à vocation " populaire " : fictions bien sûr, mais aussi jeux, sports ou divertissements.
L'audiovisuel public, enfin, par la richesse de ses programmes et de ses savoirs-faire, dispose d'atouts remarquables pour contribuer au développement de l'offre thématique et pour renforcer notre présence dans la compétition internationale de l'information et des programmes. C'est également lui qui est le mieux placé pour anticiper l'enrichissement des services et des formats que permettent le développement de la radio numérique et la perspective de la télévision hertzienne de terre.
Ces défis plaident, on le voit, pour un développement offensif de l'audiovisuel public et constituent autant de raisons d'écarter définitivement toute privatisation de France 2. Ils permettent également de mesurer les déficiences actuelles d'organisation du service public. C'est pourquoi, vous le savez, j'ai proposé que la télévision publique regroupe ses forces en un véritable groupe industriel et financier. Un tel groupe serait de nature à bannir toute mauvaise rivalité au sein du service public, et à renforcer la complémentarité éditoriale des chaînes. Ce serait également un puissant facteur d'efficacité économique pour leur stratégie d'investissement. Il s'agit ainsi de constituer le service public en pôle d'équilibre face à des opérateurs privés puissants. Une telle ambition va bien au-delà d'une simple présidence commune. Faut-il le souligner ? Elle n'a vraiment rien à voir avec le défunt " O.R.T.F. " dont la principale caractéristique était d'organiser un monopole... Je n'insiste pas davantage, tant les structures ne trouvent leur sens qu'au regard des missions qu'on leur assigne et, bien sûr, des moyens qu'elles mettent en uvre.
Je crois, par ailleurs, avoir convaincu l'ensemble du Gouvernement que l'audiovisuel public ne pourrait retrouver son identité sans qu'il soit radicalement remédié aux dérives qui ont, depuis plusieurs années, affecté son mode de financement.
La voie s'est trouvée ouverte en ce sens dès la communication adoptée par le Conseil des Ministres du 28 janvier dernier qui a consacré la volonté du Gouvernement d'instaurer enfin un système de financement couvrant plusieurs années. J'ai désormais le plein accord de mes collègues de Bercy pour que les décisions prises, pour la radio et la télévision publiques, à l'occasion de chacune des lois de finances, soient à l'avenir guidées par l'adoption de véritables contrats d'objectifs et de moyens. Je le souligne : des contrats pluriannuels, d'objectifs et de moyens. Vous mesurez l'avancée décisive que représente cette novation par rapport aux aléas de court terme d'une gestion purement budgétaire.
L'essentiel reste cependant de savoir quel contenu financier sera donné à ces contrats. En effet, l'audiovisuel public requiert indiscutablement une augmentation réelle de ses moyens globaux au cours de la période qui s'ouvre. Bien sûr, j'attends des " plans stratégiques " en cours de finalisation pour chacune des entreprises publiques, qu'ils hiérarchisent les priorités de développement et qu'ils permettent de mobiliser tous les gains de productivité que la technique rend possibles. Il reste que ces sociétés connaissent des coûts fortement croissants, qu'il s'agisse de collecte internationale de l'information ou d'acquisition de programmes ou de droits sportifs. Dans le même temps, le renouveau indispensable de leur convention collective devra prendre en compte les négociations qu'appelle le passage aux 35 heures. Enfin, le service public doit faire face aux développements régionaux attendus de France 3 et se préparer à l'échéance du numérique hertzien.
Le Gouvernement ne saurait donc ignorer que, dans notre pays, l'audiovisuel public affronte tous ces enjeux avec des moyens globaux très significativement inférieurs à ceux dont il dispose en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Dans le même temps, j'ai fait valoir qu'il était indispensable de renverser la tendance extrêmement pernicieuse qui, depuis plusieurs années, a conduit à une dépendance croissante des principales chaînes publiques à l'égard des ressources publicitaires. En dépit des contraintes qui ne manquent pas de s'exercer sur les finances publiques, une première inflexion sera marquée dès la loi de finances pour 1999 et j'ai obtenu que la publicité n'assure plus une part majoritaire du financement de la principale chaîne publique. Cette mesure se concilie d'ailleurs avec la nécessaire progression des moyens des diverses sociétés, sans que la hausse de la redevance ne dépasse le rythme de l'inflation. Le Gouvernement a cependant bien pris conscience que des mesures plus fondamentales étaient nécessaires.
Soyons clairs : je ne suis pas inspirée en la matière par un réflexe " publiphobe " ou par une approche doctrinaire du service public. Le développement de la télévision publique en France a été, avant même la fin du monopole, assuré selon le principe d'un financement " mixte ", France 2 et France 3 conjuguant ainsi ressources publiques et recours à des recettes publicitaires. Dès lors qu'elle reste raisonnable dans son volume, la publicité sur des chaînes publiques généralistes, contribue, à sa manière, au rythme de la grille de programmes et ne semble pas rejeté, dans son principe même, par les téléspectateurs.
Ce qui, en revanche, fait gravement problème pour le service public, c'est la croissance immodérée du recours à la recette publicitaire qui lui a été imposée à partir de 1993.
On ne peut le nier, la source première de ces difficultés tient à l'inconséquence financière dont a fait preuve l'Etat vis-à-vis des chaînes publiques. Le CSA l'a souligné dans une étude récente : la croissance en valeur des recettes publicitaires annuelles de France 2 et de France 3, soit près de 2 milliards de francs, a été du même ordre de grandeur que le budget cumulé d'Arte et de La Cinquième. Tout s'est donc passé comme si les deux chaînes généralistes avaient été incitées à une fuite en avant dans la collecte publicitaire pour compenser un sous-financement public aggravé de l'ensemble du secteur.
Dans de telles circonstances, la crise morale et financière majeure qu'a constitué pour France 2 l'affaire des animateurs-producteurs, résulte directement d'une évolution qui encourageait, de façon croissante et au détriment de tout autre critère, une concurrence commerciale frontale avec TF1. La grève à France 3 a également révélé la crise d'identité d'une chaîne qui n'a pu poursuivre, à rythme d'ailleurs insuffisant, son développement régional qu'au prix d'une augmentation considérable de sa collecte publicitaire.
Le téléspectateur a été la victime première de cette situation. La course publicitaire à laquelle les deux chaînes publiques ont été contraintes, les a conduites à la fois à "brader" leurs tarifs et à surcharger leur antenne. Entre 19 et 21 heures, le temps d'antenne consacré à la publicité a crû en 5 ans de près de 60 % pour France 2, et a plus que doublé pour France 3. Il avoisine désormais une demi-heure pour chacune de ces chaînes, l'essentiel de cette durée se concentrant pour France 3 sur le 19-20h, et pour France 2 sur les redoutables " tunnels " du début de soirée.
Le Gouvernement a pris conscience que le moment était venu de remédier de manière courageuse à cet état de fait, et mettra donc en uvre des mesures clairement perceptibles par le téléspectateur et qui, bien sûr, n'induisent ni pertes de recettes globales des chaînes publiques, ni augmentation inacceptable de la redevance, ni déséquilibres indus sur le marché publicitaire.
Impossible " quadrature du cercle " ? Plutôt l'ensemble vertueux des contraintes que doit se donner notre réforme pour permettre aux citoyens de renouveler leur confiance dans l'avenir de l'audiovisuel public.
Car, nous tous, téléspectateurs et citoyens, aspirons à considérer la télévision publique comme " notre " télévision. Nous tous, citoyens et téléspectateurs, voulons être sûrs que notre argent constitue bien un investissement collectif dont les dividendes seront une information plus exigeante, des programmes en constant renouvellement et un accès de l'usager à toutes les ressources nouvelles de la technique.
Ce que j'attends en définitive de la réforme des chaînes publiques, c'est qu'elle suscite l'émergence d'une nouvelle culture d'entreprise : une culture soucieuse avant tout de l'auditeur et du spectateur ; une culture qui associe pleinement développement industriel et objectifs de service public.
Désormais prémunis contre la précarité de leur mandat et de leurs moyens, les dirigeants des chaînes publiques pourront être jugés au regard des objectifs qu'ils auront publiquement souscrits devant les citoyens. Au premier rang de ces résultats, je placerai, la performance qualitative en matière de programmes, mais aussi, des indicateurs spécifiques d'audience permettant de vérifier que chacune des chaînes contribue bien à l'objectif de rassemblement des publics.
Téléspectateurs et citoyens veulent aussi pouvoir s'assurer que le service public se situe, en toutes circonstances, en première ligne de l'exigence morale et professionnelle. De ce point de vue, j'ai demandé la mise en place de médiateurs dans chacune des chaînes publiques, et j'en attends le dialogue le plus suivi avec leur auditoire.
C'est également parce que le téléspectateur a un droit sur des programmes au financement desquels il contribue, que les chaînes publiques hertziennes deviendront accessibles aux abonnés de tous les bouquets numériques.
" Alors, vive le service public ! " me direz-vous sans doute, " ... mais est-ce à dire que vous avez renoncé aux autres aspects de la réforme ? ". La question appelle qu'on y réponde sans détours.
Vous le savez, j'ai proposé au Gouvernement que, compte tenu de la surcharge du calendrier parlementaire, l'examen du projet de réforme audiovisuelle s'opère en deux temps et que priorité soit donnée à ce qui relève le plus directement de la responsabilité de l'Etat : le service public. En effet, grèves, contestations, limogeages internes de responsables, les signes d'alerte se sont multipliés au cours de l'année écoulée au sein des principales chaînes publiques. Il y a bien urgence à ce que l'Etat prenne les mesures d'un redressement structurel. Je me félicite donc que le Premier Ministre ait confirmé ce choix.
Le renouveau du service public est aujourd'hui au premier rang des préoccupations du Gouvernement. Dans le même temps, l'expérience de l'année écoulée confirme la nécessité d'une modernisation d'ensemble de notre législation audiovisuelle.
La constitution de groupes de dimension européenne représente un atout décisif dans le combat économique et culturel mondial auquel donne lieu la convergence des technologies, des infrastructures et des industries de contenu. Mais ces industries touchent aussi à l'indépendance de l'information et au pluralisme de la création. On ne saurait donc ignorer les risques s'attachant à l'existence de positions dominantes, aux tendances à l'intégration verticale ou à de possibles interférences d'intérêts économiques.
Un peu de recul permet sans doute de le comprendre aujourd'hui : les mesures qui ont été élaborées quant à l'organisation des groupes concernés ou aux missions de régulation confiées en ce domaine au C.S.A. et au Conseil de la Concurrence, n'entravent en rien le développement économique de l'industrie audiovisuelle ; en prévenant tous risques d'abus, elles assureront au contraire que ce développement s'opère à l'abri du soupçon ou de la contestation.
L'année écoulée a également mis en lumière la précarité économique des télévisions locales. Je soumettrai à une concertation approfondie les propositions qui me seront faites par Messieurs Michel Françaix et Jacques Vistel afin de déterminer les conditions dans lesquelles le besoin d'une expression de proximité pourra se concilier au mieux avec les équilibres délicats du marché publicitaire local, notamment la place qu'y occupent les radios généralistes.
Par ailleurs, je suis préoccupée d'observer que les opérateurs et professions concernés ne trouvent pas la voie d'un accord permettant la bonne circulation des oeuvres cinématographiques françaises, alors même que la diffusion numérique met au défi les monopoles respectifs du câble et de la télévision hertzienne payante. Si le problème précis de la " chronologie des médias " n'est plus du domaine de la réglementation, il ne saurait être résolu sans que s'établisse équitablement la contribution de chacun à l'économie du cinéma.
Alors, comment pourrait-on admettre que s'installent des pratiques qui fassent obstacle à la concurrence, ou qui lient indûment l'exploitation des films sur plusieurs supports ? Et, s'agissant des nouveaux entrants, comment pourraient-ils ne pas mettre leurs engagements financiers à l'égard du cinéma français, en accord avec le défi concurrentiel qu'ils lancent ? Il y aurait trop à perdre pour tous, et surtout pour la vitalité de notre création, à ce que la situation actuelle perdure. Je veux croire que chacun saura, au plus vite, reprendre la seule voie acceptable, celle de la négociation.
Au-delà, seule la loi, bien sûr, pourra établir l'ensemble de principes qu'appelle la régulation du marché. Je pense à la fixation des obligations de production qu'il serait légitime d'assigner aux nouveaux éditeurs de services, à la nécessité d'éviter toute forme de rétention des droits audiovisuels, à une meilleure protection des producteurs indépendants vis-à-vis des diffuseurs. Je pense également aux règles garantissant la compatibilité des décodeurs et aux dispositions pouvant assurer l'accès des éditeurs indépendants aux offres groupées de services.
La période récente le confirme en effet : les Français entrent, plus résolument qu'on ne pouvait le penser, dans l'ère des pratiques audiovisuelles numériques et de la société de l'information. Il nous faut donc, sans plus tarder, étendre à ces nouveaux domaines les principes garantissant la libre concurrence, le pluralisme ou la responsabilité juridique des opérateurs, sans méconnaître que ces supports n'obéissent plus à la contrainte de la rareté hertzienne. C'est sous un simple régime déclaratif que la loi se propose d'organiser l'activité du câble ou du satellite. Le récent rapport du Conseil d'Etat devrait aussi permettre d'arrêter les dispositions les mieux adaptées aux nouveaux réseaux .
Internet ouvre de nouvelles libertés d'information, d'expression, de communication. Cela me renforce dans la conviction que la réforme du droit de la communication constitue un tout. Aussi bien que la modernisation du secteur public, la régulation des services privés est indispensable à la sécurité juridique des entreprises, aux attentes des usagers, aux préoccupations du citoyen.
Garantir à tous les Français la liberté la plus large d'utilisation d'Internet, ce n'est pas seulement faire évoluer le droit et reconnaître au réseau le rôle d'un média à part entière. Ainsi que je l'ai récemment souligné devant la Conférence internationale de l'Internet Society, il existe un étonnant contraste entre la tradition pyramidale de notre Etat et l'espace réticulaire d'Internet, entre l'écrit administratif et la fluidité du courrier électronique, entre les frontières nationales et la mondialité du réseau... Toute la philosophie du programme d'action du Gouvernement pour la société de l'information est précisément de l'accepter comme un formidable défi pour la modernisation et la démocratisation de toutes nos relations sociales.
Un chapitre essentiel de ce programme est le développement des contenus culturels sur le réseau. Voie nouvelle d'accès aux oeuvres du patrimoine et à tous les domaines de la création, cette politique enrichit la toile d'une dimension que n'offrent ni les services commerciaux ni ceux de simple communication. La Banque de Programmes et de Services de La Cinquième offre déjà plus de 2000 titres. Les programmes de numérisation se systématisent dans les musées, les archives, les bibliothèques, et la BNF s'apprête à mettre en ligne 60 000 ouvrages numérisés. Je souhaite aller plus loin pour rapprocher sur Internet les différentes composantes, textes, images et sons, de l'offre culturelle publique.
Il s'agit, par ailleurs, d'encourager la production de contenus par les éditeurs. Après la mise en place du Fonds Multimédia destiné à la presse écrite, j'attends beaucoup de la mission confiée à Monsieur Alain Cordier sur le développement du livre électronique et du rapport que Monsieur Patrick Bloche, député, consacre à la présence de la France et de la francophonie sur le réseau mondial.
Toute une politique des usages s'impose enfin pour combattre le danger de ce que j'ai appelé "l'illectronisme". Une centaine d'espaces culturels multimédia se mettent déjà en place, au sein de médiathèques, de cyber-centres ou d'autres lieux culturels de proximité, en vue de favoriser la plus large pratique du réseau.
Qu'il s'agisse de télévision ou d'Internet, la mutation en cours des médias appelle une nouvelle éthique de l'intervention de l'Etat. En rupture avec toute ingérence administrative ou politicienne, le Gouvernement se reconnaît pour devoir de réunir tous les moyens nécessaires à ce que les hommes et les femmes de ce pays puissent pleinement relever ce défi :
Les moyens de communication sont désormais accessibles au plus grand nombre ; les Français leur consacrent plus de 45 heures par semaine. Saurons-nous, oui ou non, faire de ce temps un temps qui soit véritablement gagné ? Un temps gagné pour la démocratie, pour l'intelligence, pour l'épanouissement de tous et de chacun.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 11 septembre 2001)