Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
L'année prochaine sera celle du cinquantième anniversaire de la sécurité sociale.
L'ordonnance du 4 octobre 1945, issue des travaux du Conseil National de la Résistance, a profondément marqué le développement de la société française pendant ces - presque - 50 dernières années : aujourd'hui 14 millions de personnes se voient verser leurs pensions de retraite par la sécurité sociale, la quasi-totalité des Français bénéficient du remboursement de leurs soins par les caisses d'assurance-maladie, 3,6 millions de familles reçoivent des prestations familiales.
Tout ceci se traduit, comme tout le monde le sait, par des masses financières considérables, supérieures au budget de l'Etat : plus de 1400 milliards de francs pour l'ensemble des régimes de sécurité sociale. Mais cette dimension financière occulte parfois la dimension véritable de la sécurité sociale ; celle que lui avait assignée ceux qui, dans la clandestinité, avaient imaginé sa mise en uvre ; celle qui lui vaut encore aujourd'hui l'attachement de la quasi-totalité des Français.
La sécurité sociale c'est d'abord et avant tout une organisation, destinée à apporter à nos concitoyens la garantie de la solidarité nationale dans un certain nombre de circonstances de leur vie. Comment s'étonner de leur attachement à cette institution, alors qu'ils ressentent si lourdement aujourd'hui les incertitudes de leur avenir professionnel et familial, dans une société fragilisée par la crise ? Alors que l'acquisition de revenu est liée au travail, et le plus souvent au travail salarié, il s'agit de prévoir, prévenir et faire face aux événements susceptibles de supprimer cette source de revenu : accidents du travail, maladie, maternité vieillesse. Il s'agit aussi d'aider les familles à faire face aux charges liées aux enfants et de donner à chacun les moyens de se soigner.
Pourquoi ce rappel ? Tout simplement pour réaffirmer que 50 ans après, les raisons qui ont amené à la construction de la sécurité sociale subsistent. Les facteurs d'insécurité que j'ai cités existent toujours : on ne les perçoit plus avec la même acuité car la sécurité sociale est là, qui fait son office, et l'on oublie ce qu'elle a apporté, en quoi elle a radicalement modifié la situation des personnes âgées, des femmes seules, des malades, des handicapés, des familles ; et l'on voit surtout son coût et aussi - c'est bien normal - les nouveaux facteurs d'insécurité et de fragilisation du corps social : les processus de chômage et d'exclusion sociale et professionnelle. Ils constituent bien évidemment notre priorité et j'y consacre toutes mes forces, en tant que ministre chargé de l'action sociale et de la ville, mais je voulais vous dire avant d'en venir au corps même du texte que je vous présente : gardons-nous d'oublier notre bien commun qu'est la sécurité sociale, gardons-nous de l'appréhender seulement sous l'angle des charges et des déficits, rappelons-nous ce qu'était la société française auparavant. La sécurité sociale ce n'est pas seulement un trou financier c'est d'abord un immense progrès social et le plus puissant facteur de cohésion sociale qui existe en France, que nous avons le devoir de préserver pour les générations futures.
Le profond arrachement qui est le mien à la sécurité sociale n'empêche pas, bien au contraire, un devoir de lucidité. La sécurité sociale traverse une crise profonde. Si les objectifs qui ont conduit à son institution demeurent, l'environnement économique et démographique a considérablement évolué depuis un demi-siècle, et surtout dans les 20 dernières années. Faute de s'être adaptée à temps, la sécurité sociale connaît des problèmes considérables, accentués par la récession économique qui a marqué le début des années 90.
Depuis un an nous avons fait beaucoup pour rénover la sécurité sociale : mesures de sauvegarde du printemps 1993, réforme des retraites, création du fonds de solidarité vieillesse, politique de maîtrise médicalisée des dépenses, nouvel élan donné à la politique familiale.
Il s'agit d'une action de long terne : compte tenu de répercussions directes sur les Français de toute modification concernant les prestations, de l'impact direct ou indirect de la sécurité sociale sur des millions d'emplois, de la complexité du système créé depuis un demi-siècle, l'uvre de redressement ne peut porter réellement ses fruits que progressivement.
J'aurai l'occasion lors de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui se tiendra le 5 juillet, de détailler les nouvelles prévisions financières. Mon objectif était en 1994 de stabiliser le déficit du régime général en rapprochant le rythme de l'évolution des dépenses de celui des recettes, alors que, lorsque je suis arrivée, il y avait 5 points d'écart entre le rythme d'augmentation des dépenses et des recettes.
S'il est encore bien trop tôt pour dire si cet objectif sera atteint, car nous avons encore de fortes incertitudes sur les recettes, des inflexions sensibles peuvent être notées sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, notamment en ce qui concerne la médecine ambulatoire. Si l'effort ne se relâche pas les objectifs d'évolution des dépenses pourront être tenus. Il se pourrait qu'en 1994 les dépenses qui évoluent le plus vite soient les prestations familiales, devant l'assurance maladie et les prestations vieillesse, renversant ainsi la tendance des dix dernières années.
Mais ces résultats sont naturellement insuffisants pour assurer l'avenir de la sécurité sociale. Vous le savez, des travaux auxquels j'attache beaucoup d'importance, ont été engagés sous l'égide du commissariat au Plan tant en ce qui concerne le financement de la sécurité sociale que l'assurance maladie. Cette étape de réflexion et de maturation des idées est absolument indispensable avant de mettre en uvre de grands chantiers dans ces domaines. Mais ces études ne nous dissuadent pas de continuer à agir dès aujourd'hui pour améliorer le cadre de gestion de la sécurité sociale et tel est l'objet du projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui.
La plupart des articles du projet de loi sur la sécurité sociale convergent vers un même but : permettre une meilleure gestion de la sécurité sociale. Je l'ai dit tout à l'heure : la situation présente de la sécurité sociale s'explique largement par son incapacité à s'adapter à temps aux évolutions de son environnement, en raison de l'inertie et de la déresponsabilisation que l'opacité et la complexité de son système encouragent.
En effet, l'organisation actuelle de la sécurité sociale pêche non par son coût - le coût de gestion de la sécurité sociale ne dépasse pas 5 %, toutes branches confondues - mais par la confusion des rôles entre les différents acteurs. Ce texte vise à rétablir un esprit de responsabilité à tous les degrés de fonctionnement de la sécurité sociale et notamment :
- entre I'Etat et le régime général de sécurité sociale
- entre les diverses branches du régime général
- entre la tutelle et les caisses
- entre le Parlement et le Gouvernement
Je commencerai par les relations entre le budget de l'Etat et le régime général. Depuis un an, je n'ai cessé de plaider auprès du Premier Ministre, qui m'a parfaitement entendu, la nécessité de règles du jeu plus transparentes et stables entre le budget de l'Etat et le régime général.
L'Etat ne peut prétendre jouer un rôle majeur dans la conduite du système de sécurité sociale que s'il est irréprochable dans les relations financières qu'il entretient avec celle-ci. Il en va de la crédibilité de la politique de redressement financier de la sécurité sociale. Le budget de l'Etat et le régime général représentant à eux deux plus de 2 500 milliards de francs et ayant de multiples relations financières entrecroisées, il est normal qu'il puisse y avoir entre eux des contentieux, mais encore faut-il que les décisions se prennent dans la transparence et selon des principes clairs.
Deux principes doivent me semble-t-il être respectés : la sécurité sociale ne doit supporter que les charges relevant de la politique de sécurité sociale. Si d'autres politiques publiques entraînent des charges ou des moindres recettes pour la sécurité sociale, celle-ci doit bénéficier de compensations.
Deuxième principe : l'Etat cotisant est soumis à des règles de cotisation, auxquelles il ne saurait déroger et qui doivent être contrôlées.
Ce sont ces deux principes qui inspirent les articles 5 et 6 de ce projet de loi qui se proposent d'instituer deux " premières " : la compensation des mesures générales d'exonération de cotisations, le contrôle de l'Etat en tant que cotisant, qui sera effectué par la Cour des Comptes. Ceci étant, il ne suffit pas d'affirmer ces principes, il faut veiller à leur respect sur la durée : c'est pourquoi nous avons prévu d'accroître les compétences de la Commission des Comptes de la sécurité sociale à l'ensemble des relations financières entre l'Etat et le régime général.
J'ajoute que ces dispositions complètent un ensemble de mesures prises depuis un an dans le domaine des relations financières Etat/régime général : création du fonds de solidarité vieillesse, garantie de maintien des ressources de la branche famille, convention de trésorerie entre l'Etat et l'ACOSS qui a été signée le 2 mai dernier et est entrée immédiatement en vigueur. Cette convention de trésorerie améliore le solde moyen de trésorerie de l'ACOSS d'environ 8 milliards de francs.
Deuxième domaine de clarification : les relations entre branches de la sécurité sociale.
Les quatre premiers articles de ce texte organisent l'autonomie financière des quatre branches qui composent le régime général : l'assurance vieillesse, l'assurance maladie, l'assurance accidents du travail, les prestations familiales.
De quoi s'agit-il ? II ne s'agit nullement de porter atteinte à l'unicité du régime général : si tel était le cas le Gouvernement proposerait non pas l'autonomie financière des branches au sein du régime général mais la création de quatre régimes de sécurité sociale distincts, ce qui n'est pas du tout l'esprit de notre proposition. L'unicité du régime général réside notamment dans les règles régissant l'affiliation d'un salarié au régime général : lorsque celui-ci adhère au régime général, il bénéficie automatiquement des quatre protections : vieillesse, maladie, accidents du travail, famille. Ceci n'est pas modifié. Il s'agit donc bien d'une protection globale et unique.
L'autonomie financière ne signifie pas non plus la fin de la trésorerie commune : l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) continuera à gérer une trésorerie commune. En effet les dates de paiement des pensions de vieillesse, des prestations familiales, de la dotation globale hospitalière ne sont pas identiques : la gestion commune permet de lisser les pointes et les creux de trésorerie, et donc d'économiser des frais financiers importants au régime général.
En revanche l'autonomie financière apporte la garantie que chaque branche conservera ses excédents. Dès lors qu'un excédent permanent de trésorerie sera constaté, le conseil d'administration d'une branche pourra décider de sortir celui-ci de la trésorerie commune et de le garder pour ses propres besoins. Ceci est fondamental : jusqu'ici les excédents d'une branche étaient automatiquement utilisés à résorber le déficit des autres branches, ce dont a notamment souffert la branche famille. Désormais cela ne sera plus possible.
Chaque branche devra donc gérer son propre équilibre en sachant que si sa gestion dégage des excédents, elle sera le bénéficiaire de ceux-ci : comment responsabiliser les gestionnaires s'ils ne sont pas assurés d'être bénéficiaires du produit de leur bonne gestion, où, à l'inverse, s'ils pensent que tout déficit sera couvert par les résultats des autres branches ?
Il s'agit aussi d'une mesure d'honnêteté vis-à-vis des cotisants : lorsqu'est prélevée une cotisation d'allocations familiales, celle-ci doit aller à la famille et non à la vieillesse ou à la maladie. On ne doit pas tricher avec les cotisations des Français.
Il s'agit donc d'une mesure de bon sens, qui rompt avec une politique de facilité, et qui constitue un élément indispensable d'une gestion modernisée de la sécurité sociale.
J'ajoute qu'au titre de l'autonomie des branches il est apparu souhaitable de doter la branche accidents du travail d'une instance de décision spécifique, au sein de la CNAMTS, à laquelle l'Etat transfère des pouvoirs importants en matière de prévention et de tarification.
Troisième domaine de clarification : les relations entre la tutelle et les caisses de sécurité sociale. Jusqu'ici le rôle de la tutelle était, dans les textes, orienté vers un contrôle a priori, précis voire tatillon, du budget de fonctionnement de la caisse, notamment quant au respect des normes juridiques et comptables.
Cette tutelle traditionnelle n'apparaît plus comme satisfaisante : excessivement interventionniste dans le fonctionnement quotidien des caisses, elles déresponsabilisait les gestionnaires. En revanche, elle ne permettait pas d'évaluer sérieusement la capacité de la caisse à mettre en uvre, au plan local, les orientations définies au plan national sur la maîtrise des dépenses, les relations avec les usagers et même une politique de contrôle, bref ce qu'on appelle dans le langage des spécialistes " la gestion du risque.
Depuis plusieurs années une évolution est en cours que ce texte formalise et approfondit. La tutelle a priori est supprimée sur nombre d'actes comme les schémas informatiques, les budgets administratifs ou ceux d'action sociale. L'Etat négocie avec les caisses nationales de budgets pluriannuels pour l'ensemble de la branche : c'est une démarche partenariale et non de contrainte. Il revient ensuite aux caisses nationales de répartir le budget de fonctionnement entre les caisses locales, selon des normes claires et objectives, qui visent à rapprocher le coût de gestion de l'ensemble des caisses. Déchargée de ces tâches, la tutelle pourra se consacrer à l'évaluation des caisses, mission qui lui est impartie par l'article 15 du projet de loi.
D'ores et déjà une circulaire sur la gestion du risque, datée du 2 mai 1994, indique aux directions régionales les moyens de réorganiser leur travail vis à vis des caisses d'assurance maladie. Il s'agit d'un point qui peut apparaître mineur mais qui ne l'est pas : pour prendre l'exemple de l'assurance maladie il est clair qu'une caisse primaire, imaginative et volontariste, peut agir sur l'évolution des dépenses en mettant fin à certains abus ou gaspillages. Il s'agit d'encourager ces actions en évaluant les caisses en priorité sur ce type d'actions, et pas seulement sur le respect des normes juridiques et comptables. Soyons-en convaincus de plus en plus : la maîtrise des dépenses se jouera au niveau local, et notamment dans une relation renouvelée entre les caisses et les directions régionales des affaires sanitaires et sociales.
Quatrième et dernier domaine de clarification, et non le moindre : celui des relations entre le Gouvernement et Parlement dans le domaine de la sécurité sociale.
Quel est le constat ? Le Parlement a de multiples occasions d'intervenir dans le domaine de la sécurité sociale. Il vote l'impôt, et donc les impôts affectés à la sécurité sociale, comme la CSG. Il vote les transferts financiers du budget de l'Etat aux régimes de sécurité sociale. Il vote l'instauration de toute nouvelle prestation ainsi que les modifications significatives qui lui sont apportées. Il donne un cadre légal aux conventions passées entre les caisses et les professions de santé. Il détermine les règles de revalorisation des prestations.
Le pouvoir du Parlement est donc loin d'être négligeable, et naturellement, il n'est pas question de restreindre ce champ d'intervention. D'où vient alors l'insatisfaction légitime de nombre de parlementaires ?
C'est, il me semble, que ces décisions que le législateur est amené à prendre ne sont précédées d'aucune information régulière, exhaustive, cohérente. Des choix sont demandés alors que le législateur n'a pas une vue globale des problèmes. Il n'existe aucun rendez-vous régulier entre le Gouvernement et le Parlement permettant à celui-ci d'exercer son rôle d'orientation et de contrôle, et de pouvoir par la suite, approuver en toute connaissance de cause les choix qui lui sont proposés par le Gouvernement.
Organiser un débat annuel devant le Parlement sur la sécurité sociale, c'est faire le choix d'une gestion prévisionnelle et cohérente contre une évolution financière subie et perçue de façon fragmentaire.
C'est demander à la représentation nationale d'arbitrer entre des impératifs qui sont parfois difficilement conciliables comme l'allégement des charges, l'équilibre des comptes publics, l'accroissement de l'effort en faveur de telle ou telle catégorie de la population. Mais c'est le devoir en l'honneur des représentants de la nation que de faire de tels choix.
C'est enfin reconnaître sa spécificité à la sécurité sociale, au-delà de la diversité des branches qui le composent. Ceci montre bien les critiques portées par certains à ce projet, supposé porter atteinte à la notion même de sécurité sociale, sont artificielles.
Cette intervention du Parlement doit naturellement respecter le cadre juridique de l'organisation des pouvoirs tel qu'il est fixé par la Constitution de 1958. Vous n'ignorez pas que celui-ci est strict, notamment ce qui concerne l'intervention du législateur dans le domaine de la sécurité sociale. Plusieurs propositions s'y sont heurtées ; la loi organique adoptée il y a quelques années sur proposition de M. D'ORNANO a été censurée par le conseil constitutionnel pour ne pas avoir suffisamment respecté ce cadre.
Le Gouvernement s'est efforcé soigneusement d'éviter les risques d'inconstitutionnalité. La proposition qui vous est faite repose en trois points :
1) En premier lieu un rapport annuel au Parlement. Ce rapport détaillera les comptes rétrospectifs et prévisionnels et reprendra, sur ce point, les éléments fournis par la commission des comptes. Ce rapport comportera également un objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base, ainsi que les orientations du Gouvernement pour rétablir les conditions de l'équilibre financier.
2) En deuxième lieu un débat. Ce débat aura lieu lors de la session d'automne, avant le vote définitif de la loi de Finances, et sera un débat portant sur l'ensemble des questions de sécurité sociale, sur la base du rapport précité.
3) En troisième lieu un vote. Il ne s'agit pas d'approuver un projet de loi. Ce vote n'a pas, dans le projet qui vous est soumis de portée juridique, ne donnera pas force obligatoire à l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses figurant dans le rapport. C'est un point auquel les partenaires sociaux tiennent beaucoup afin de préserver l'autonomie des gestionnaires des régimes. En revanche, ce vote manifeste l'approbation - ou la désapprobation - des objectifs poursuivis par le Gouvernement et donc, donne une légitimité sans pareille aux orientations de la politique menées par les pouvoirs publics au nom de l'intérêt général. S'il n'a pas de force juridique, ce vote a la portée d'un engagement politique. J'attendrai du reste des parlementaires qu'ils soient eux-mêmes fidèles, dans les divers débats qui pourront suivre, à l'occasion de tel ou tel projet de loi, aux orientations - notamment en matière de maîtrise des dépenses - qu'ils auront approuvé.
Avec ce texte, le Gouvernement vous propose un cadre de gestion renouvelé et clarifié : le Parlement oriente et contrôle, le Gouvernement applique et coordonne, les caisses gèrent en bénéficiant d'une tutelle allégée, les administrations évaluent a posteriori l'action des caisses.
Ce texte comprend bien d'autres dispositions, je ne citerai que les plus importantes :
- le cadre légal donné à la convention passée entre les caisses et les représentants des masseurs kinésithérapeutes complète et renforce le dispositif de maîtrise négociée et médicalisée des dépenses de santé
- l'amélioration de l'organisation du recouvrement est un objectif majeur et souvent négligé. Les URSSAF recouvrent directement plus de 900 milliards de francs. Les améliorations de leurs performances ont une incidence directe et significative sur les résultats financiers du régime général. L'harmonisation et la coordination de la politique de recouvrement permettent également d'atteindre une plus grande équité entre redevables des cotisations.
- le bénéfice plus rapide des droits à l'assurance maladie est un pas important dans l'accès aux soins des plus démunis. Trop souvent les délais d'affiliation et d'immatriculation, liés à la multiplicité des régimes empêchent des personnes, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, de bénéficier de leurs droits à la sécurité sociale. La déconnexion de l'ouverture des droits et de l'affiliation, que nous proposons avec l'article 24, doit permettre d'améliorer cette situation, sans dépenses supplémentaires pour les départements, qui pourront au contraire, être soulagés de certaines dépenses d'aide sociale.
- le bénéfice des indemnités journalières maladie pour les pluriactifs est un des éléments essentiels de l'amélioration du cadre d'exercice de la pluriactivité. J'ajoute que nous avons lancé une expérimentation de caisses pivots afin de simplifier les formalités demandées aux pluriactifs. J'ai veillé à ce que le cadre social de la pluriactivité soit amélioré car le développement de la pluriactivité est un élément essentiel de la revitalisation des zones rurales et les règles des régimes sociaux ne doivent pas y faire obstacle.
Je ne saurais conclure mon propos sans évoquer un sujet qui, je le sais, vous tient beaucoup à cur : celui de la dépendance.
Je sais l'importance que vous accordez à cette question, et, bien qu'elle ne soit pas directement liée au projet de loi sur la sécurité sociale que nous allons examiner, je ne souhaite pas éviter ce débat.
Le Gouvernement a envisagé de déposer un projet de loi traitant de la dépendance des personnes âgées au cours de cette session parlementaire. Une de ses dispositions essentielles aurait été la création d'une allocation destinée aux personnes âgées dépendantes, qui se serait substituée à l'allocation compensatrice.
A l'issue de la concertation que j'ai menée sur ce projet avec les partenaires sociaux, le comité national des retraités et des personnes âgées et l'assemblée des présidents de conseils généraux, il s'est avéré que le dépôt de cette loi n'était pas possible maintenant, compte tenu de l'importance des problèmes non résolus.
En particulier, la réaffectation vers la nouvelle allocation des sommes aujourd'hui consacrées par les départements à l'allocation compensatrice pour les personnes âgées posait des problèmes techniques très difficiles, alors même qu'une opération de clarification des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales est en cours et n'a pas encore été menée à son terme.
En outre, des préalables techniques indispensables à la mise en uvre d'une nouvelle prestation devaient être poursuivis, comme la validation d'une grille nationale d'évaluation de la dépendance et la mise sur pied d'une coordination effective entre tous les acteurs institutionnels concernés.
Enfin, l'incertitude qui affectait l'estimation du nombre réel de personnes âgées dépendantes rendait très aléatoire la mise au point du plan de financement de cette nouvelle allocation.
Pour autant, nous ne renonçons pas à la création d'une allocation pour les personnes dépendantes, mais nous la préparons. Pour cela, nous allons expérimenter dans plusieurs départements volontaires des formes nouvelles de coordination entre les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale, à l'occasion desquelles nous validerons les outils et les procédures indispensables. Il s'agit en effet de faciliter l'information et l'orientation des personnes âgées dépendantes et de leur famille et de mieux utiliser les moyens dégagés par les différentes collectivités.
Votre commission des affaires sociales a adopté un amendement qui donne une base législative à ces expérimentations et crée un comité national chargé d'en assurer le suivi et d'en établir le bilan.
Le comité est composé de représentants des deux Assemblées, des collectivités territoriales, des organismes de sécurité sociale et du comité national des retraités et des personnes âgées.
Je vous dis d'emblée que je suis favorable à cet amendement, qui manifeste votre volonté d'avancer d'une manière positive et concrète sur ce dossier, en apportant des réponses aux difficultés que nous avons rencontrées.
J'en ai parlé à plusieurs reprises avec le Président FOURCADE, et nous partageons le même point de vue. Ces expérimentations sont nécessaires et apporteront au Gouvernement les enseignements indispensables pour qu'un texte généralise, le moment venu, les meilleures solutions qui auront été mises en place.
Cependant, j'ai conscience que le report du texte de loi sur la dépendance laisse en l'état les problèmes liés à la dérive de l'allocation compensatrice, et à la composition de la COTOREP. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé à votre demande de modifier les textes réglementaires, pour, d'une part renforcer la représentation des conseils généraux au sein des COTOREP, et, d'autre part, préciser les modalités du contrôle de l'effectivité de l'aide apportée aux titulaires de l'allocation compensatrice, dont le principe a été fixé par la loi relative à la santé publique et à la protection sociale.
J'ai également demandé à mes services d'étudier un dispositif permettant de limiter le versement en établissement de l'allocation compensatrice au prix de journée réellement supporté par la personne hébergée, après mobilisation de ses ressources.
Ces projets de textes font actuellement l'objet d'une concertation auprès des associations représentatives des personnes handicapées et de l'assemblée des présidents de conseils généraux.
Ils correspondent à une rationalisation et à une clarification des textes relatifs à l'allocation compensatrice qui auront pour effet de dissiper les malentendus qui existent à l'heure actuelle, au détriment des usagers et des collectivités territoriales.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, le texte qui vous est proposé aujourd'hui par le Gouvernement est quelque peu austère et aride, j'en conviens bien volontiers.
Il n'apporte pas de solution immédiate et spectaculaire aux problèmes de la sécurité sociale. Mais sur la base d'une analyse approfondie des dysfonctionnements de l'organisation du régime général de sécurité sociale, il propose d'apporter des réponses réfléchies, cohérentes qui ont fait l'objet d'une large concertation.
J'insiste sur ce point qui sera le dernier de mon intervention : toute réforme institutionnelle, dans un domaine aussi sensible que celui de la sécurité sociale, n'a de réelles chances de succès que si elle est comprise par les principaux partenaires. Sinon les dispositions votées resteront lettre morte ou seront appliquées dans un sens contraire à leur esprit.
Le projet que vous présente le Gouvernement est globalement admis par la majorité des partenaires sociaux. Il me semblerait dommage, et je sais que la commission des affaires sociales en est également persuadée, de faire resurgir des batailles où les enjeux symboliques ou de pouvoir l'emportent sur les considérations d'intérêt général. Je sais pouvoir compter sur la sagesse de la Haute Assemblée et sur la grande familiarité de certains de ses membres - notamment votre rapporteur - avec le domaine de la sécurité sociale, pour éviter de tels écueils.
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
L'année prochaine sera celle du cinquantième anniversaire de la sécurité sociale.
L'ordonnance du 4 octobre 1945, issue des travaux du Conseil National de la Résistance, a profondément marqué le développement de la société française pendant ces - presque - 50 dernières années : aujourd'hui 14 millions de personnes se voient verser leurs pensions de retraite par la sécurité sociale, la quasi-totalité des Français bénéficient du remboursement de leurs soins par les caisses d'assurance-maladie, 3,6 millions de familles reçoivent des prestations familiales.
Tout ceci se traduit, comme tout le monde le sait, par des masses financières considérables, supérieures au budget de l'Etat : plus de 1400 milliards de francs pour l'ensemble des régimes de sécurité sociale. Mais cette dimension financière occulte parfois la dimension véritable de la sécurité sociale ; celle que lui avait assignée ceux qui, dans la clandestinité, avaient imaginé sa mise en uvre ; celle qui lui vaut encore aujourd'hui l'attachement de la quasi-totalité des Français.
La sécurité sociale c'est d'abord et avant tout une organisation, destinée à apporter à nos concitoyens la garantie de la solidarité nationale dans un certain nombre de circonstances de leur vie. Comment s'étonner de leur attachement à cette institution, alors qu'ils ressentent si lourdement aujourd'hui les incertitudes de leur avenir professionnel et familial, dans une société fragilisée par la crise ? Alors que l'acquisition de revenu est liée au travail, et le plus souvent au travail salarié, il s'agit de prévoir, prévenir et faire face aux événements susceptibles de supprimer cette source de revenu : accidents du travail, maladie, maternité vieillesse. Il s'agit aussi d'aider les familles à faire face aux charges liées aux enfants et de donner à chacun les moyens de se soigner.
Pourquoi ce rappel ? Tout simplement pour réaffirmer que 50 ans après, les raisons qui ont amené à la construction de la sécurité sociale subsistent. Les facteurs d'insécurité que j'ai cités existent toujours : on ne les perçoit plus avec la même acuité car la sécurité sociale est là, qui fait son office, et l'on oublie ce qu'elle a apporté, en quoi elle a radicalement modifié la situation des personnes âgées, des femmes seules, des malades, des handicapés, des familles ; et l'on voit surtout son coût et aussi - c'est bien normal - les nouveaux facteurs d'insécurité et de fragilisation du corps social : les processus de chômage et d'exclusion sociale et professionnelle. Ils constituent bien évidemment notre priorité et j'y consacre toutes mes forces, en tant que ministre chargé de l'action sociale et de la ville, mais je voulais vous dire avant d'en venir au corps même du texte que je vous présente : gardons-nous d'oublier notre bien commun qu'est la sécurité sociale, gardons-nous de l'appréhender seulement sous l'angle des charges et des déficits, rappelons-nous ce qu'était la société française auparavant. La sécurité sociale ce n'est pas seulement un trou financier c'est d'abord un immense progrès social et le plus puissant facteur de cohésion sociale qui existe en France, que nous avons le devoir de préserver pour les générations futures.
Le profond arrachement qui est le mien à la sécurité sociale n'empêche pas, bien au contraire, un devoir de lucidité. La sécurité sociale traverse une crise profonde. Si les objectifs qui ont conduit à son institution demeurent, l'environnement économique et démographique a considérablement évolué depuis un demi-siècle, et surtout dans les 20 dernières années. Faute de s'être adaptée à temps, la sécurité sociale connaît des problèmes considérables, accentués par la récession économique qui a marqué le début des années 90.
Depuis un an nous avons fait beaucoup pour rénover la sécurité sociale : mesures de sauvegarde du printemps 1993, réforme des retraites, création du fonds de solidarité vieillesse, politique de maîtrise médicalisée des dépenses, nouvel élan donné à la politique familiale.
Il s'agit d'une action de long terne : compte tenu de répercussions directes sur les Français de toute modification concernant les prestations, de l'impact direct ou indirect de la sécurité sociale sur des millions d'emplois, de la complexité du système créé depuis un demi-siècle, l'uvre de redressement ne peut porter réellement ses fruits que progressivement.
J'aurai l'occasion lors de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui se tiendra le 5 juillet, de détailler les nouvelles prévisions financières. Mon objectif était en 1994 de stabiliser le déficit du régime général en rapprochant le rythme de l'évolution des dépenses de celui des recettes, alors que, lorsque je suis arrivée, il y avait 5 points d'écart entre le rythme d'augmentation des dépenses et des recettes.
S'il est encore bien trop tôt pour dire si cet objectif sera atteint, car nous avons encore de fortes incertitudes sur les recettes, des inflexions sensibles peuvent être notées sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, notamment en ce qui concerne la médecine ambulatoire. Si l'effort ne se relâche pas les objectifs d'évolution des dépenses pourront être tenus. Il se pourrait qu'en 1994 les dépenses qui évoluent le plus vite soient les prestations familiales, devant l'assurance maladie et les prestations vieillesse, renversant ainsi la tendance des dix dernières années.
Mais ces résultats sont naturellement insuffisants pour assurer l'avenir de la sécurité sociale. Vous le savez, des travaux auxquels j'attache beaucoup d'importance, ont été engagés sous l'égide du commissariat au Plan tant en ce qui concerne le financement de la sécurité sociale que l'assurance maladie. Cette étape de réflexion et de maturation des idées est absolument indispensable avant de mettre en uvre de grands chantiers dans ces domaines. Mais ces études ne nous dissuadent pas de continuer à agir dès aujourd'hui pour améliorer le cadre de gestion de la sécurité sociale et tel est l'objet du projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui.
La plupart des articles du projet de loi sur la sécurité sociale convergent vers un même but : permettre une meilleure gestion de la sécurité sociale. Je l'ai dit tout à l'heure : la situation présente de la sécurité sociale s'explique largement par son incapacité à s'adapter à temps aux évolutions de son environnement, en raison de l'inertie et de la déresponsabilisation que l'opacité et la complexité de son système encouragent.
En effet, l'organisation actuelle de la sécurité sociale pêche non par son coût - le coût de gestion de la sécurité sociale ne dépasse pas 5 %, toutes branches confondues - mais par la confusion des rôles entre les différents acteurs. Ce texte vise à rétablir un esprit de responsabilité à tous les degrés de fonctionnement de la sécurité sociale et notamment :
- entre I'Etat et le régime général de sécurité sociale
- entre les diverses branches du régime général
- entre la tutelle et les caisses
- entre le Parlement et le Gouvernement
Je commencerai par les relations entre le budget de l'Etat et le régime général. Depuis un an, je n'ai cessé de plaider auprès du Premier Ministre, qui m'a parfaitement entendu, la nécessité de règles du jeu plus transparentes et stables entre le budget de l'Etat et le régime général.
L'Etat ne peut prétendre jouer un rôle majeur dans la conduite du système de sécurité sociale que s'il est irréprochable dans les relations financières qu'il entretient avec celle-ci. Il en va de la crédibilité de la politique de redressement financier de la sécurité sociale. Le budget de l'Etat et le régime général représentant à eux deux plus de 2 500 milliards de francs et ayant de multiples relations financières entrecroisées, il est normal qu'il puisse y avoir entre eux des contentieux, mais encore faut-il que les décisions se prennent dans la transparence et selon des principes clairs.
Deux principes doivent me semble-t-il être respectés : la sécurité sociale ne doit supporter que les charges relevant de la politique de sécurité sociale. Si d'autres politiques publiques entraînent des charges ou des moindres recettes pour la sécurité sociale, celle-ci doit bénéficier de compensations.
Deuxième principe : l'Etat cotisant est soumis à des règles de cotisation, auxquelles il ne saurait déroger et qui doivent être contrôlées.
Ce sont ces deux principes qui inspirent les articles 5 et 6 de ce projet de loi qui se proposent d'instituer deux " premières " : la compensation des mesures générales d'exonération de cotisations, le contrôle de l'Etat en tant que cotisant, qui sera effectué par la Cour des Comptes. Ceci étant, il ne suffit pas d'affirmer ces principes, il faut veiller à leur respect sur la durée : c'est pourquoi nous avons prévu d'accroître les compétences de la Commission des Comptes de la sécurité sociale à l'ensemble des relations financières entre l'Etat et le régime général.
J'ajoute que ces dispositions complètent un ensemble de mesures prises depuis un an dans le domaine des relations financières Etat/régime général : création du fonds de solidarité vieillesse, garantie de maintien des ressources de la branche famille, convention de trésorerie entre l'Etat et l'ACOSS qui a été signée le 2 mai dernier et est entrée immédiatement en vigueur. Cette convention de trésorerie améliore le solde moyen de trésorerie de l'ACOSS d'environ 8 milliards de francs.
Deuxième domaine de clarification : les relations entre branches de la sécurité sociale.
Les quatre premiers articles de ce texte organisent l'autonomie financière des quatre branches qui composent le régime général : l'assurance vieillesse, l'assurance maladie, l'assurance accidents du travail, les prestations familiales.
De quoi s'agit-il ? II ne s'agit nullement de porter atteinte à l'unicité du régime général : si tel était le cas le Gouvernement proposerait non pas l'autonomie financière des branches au sein du régime général mais la création de quatre régimes de sécurité sociale distincts, ce qui n'est pas du tout l'esprit de notre proposition. L'unicité du régime général réside notamment dans les règles régissant l'affiliation d'un salarié au régime général : lorsque celui-ci adhère au régime général, il bénéficie automatiquement des quatre protections : vieillesse, maladie, accidents du travail, famille. Ceci n'est pas modifié. Il s'agit donc bien d'une protection globale et unique.
L'autonomie financière ne signifie pas non plus la fin de la trésorerie commune : l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) continuera à gérer une trésorerie commune. En effet les dates de paiement des pensions de vieillesse, des prestations familiales, de la dotation globale hospitalière ne sont pas identiques : la gestion commune permet de lisser les pointes et les creux de trésorerie, et donc d'économiser des frais financiers importants au régime général.
En revanche l'autonomie financière apporte la garantie que chaque branche conservera ses excédents. Dès lors qu'un excédent permanent de trésorerie sera constaté, le conseil d'administration d'une branche pourra décider de sortir celui-ci de la trésorerie commune et de le garder pour ses propres besoins. Ceci est fondamental : jusqu'ici les excédents d'une branche étaient automatiquement utilisés à résorber le déficit des autres branches, ce dont a notamment souffert la branche famille. Désormais cela ne sera plus possible.
Chaque branche devra donc gérer son propre équilibre en sachant que si sa gestion dégage des excédents, elle sera le bénéficiaire de ceux-ci : comment responsabiliser les gestionnaires s'ils ne sont pas assurés d'être bénéficiaires du produit de leur bonne gestion, où, à l'inverse, s'ils pensent que tout déficit sera couvert par les résultats des autres branches ?
Il s'agit aussi d'une mesure d'honnêteté vis-à-vis des cotisants : lorsqu'est prélevée une cotisation d'allocations familiales, celle-ci doit aller à la famille et non à la vieillesse ou à la maladie. On ne doit pas tricher avec les cotisations des Français.
Il s'agit donc d'une mesure de bon sens, qui rompt avec une politique de facilité, et qui constitue un élément indispensable d'une gestion modernisée de la sécurité sociale.
J'ajoute qu'au titre de l'autonomie des branches il est apparu souhaitable de doter la branche accidents du travail d'une instance de décision spécifique, au sein de la CNAMTS, à laquelle l'Etat transfère des pouvoirs importants en matière de prévention et de tarification.
Troisième domaine de clarification : les relations entre la tutelle et les caisses de sécurité sociale. Jusqu'ici le rôle de la tutelle était, dans les textes, orienté vers un contrôle a priori, précis voire tatillon, du budget de fonctionnement de la caisse, notamment quant au respect des normes juridiques et comptables.
Cette tutelle traditionnelle n'apparaît plus comme satisfaisante : excessivement interventionniste dans le fonctionnement quotidien des caisses, elles déresponsabilisait les gestionnaires. En revanche, elle ne permettait pas d'évaluer sérieusement la capacité de la caisse à mettre en uvre, au plan local, les orientations définies au plan national sur la maîtrise des dépenses, les relations avec les usagers et même une politique de contrôle, bref ce qu'on appelle dans le langage des spécialistes " la gestion du risque.
Depuis plusieurs années une évolution est en cours que ce texte formalise et approfondit. La tutelle a priori est supprimée sur nombre d'actes comme les schémas informatiques, les budgets administratifs ou ceux d'action sociale. L'Etat négocie avec les caisses nationales de budgets pluriannuels pour l'ensemble de la branche : c'est une démarche partenariale et non de contrainte. Il revient ensuite aux caisses nationales de répartir le budget de fonctionnement entre les caisses locales, selon des normes claires et objectives, qui visent à rapprocher le coût de gestion de l'ensemble des caisses. Déchargée de ces tâches, la tutelle pourra se consacrer à l'évaluation des caisses, mission qui lui est impartie par l'article 15 du projet de loi.
D'ores et déjà une circulaire sur la gestion du risque, datée du 2 mai 1994, indique aux directions régionales les moyens de réorganiser leur travail vis à vis des caisses d'assurance maladie. Il s'agit d'un point qui peut apparaître mineur mais qui ne l'est pas : pour prendre l'exemple de l'assurance maladie il est clair qu'une caisse primaire, imaginative et volontariste, peut agir sur l'évolution des dépenses en mettant fin à certains abus ou gaspillages. Il s'agit d'encourager ces actions en évaluant les caisses en priorité sur ce type d'actions, et pas seulement sur le respect des normes juridiques et comptables. Soyons-en convaincus de plus en plus : la maîtrise des dépenses se jouera au niveau local, et notamment dans une relation renouvelée entre les caisses et les directions régionales des affaires sanitaires et sociales.
Quatrième et dernier domaine de clarification, et non le moindre : celui des relations entre le Gouvernement et Parlement dans le domaine de la sécurité sociale.
Quel est le constat ? Le Parlement a de multiples occasions d'intervenir dans le domaine de la sécurité sociale. Il vote l'impôt, et donc les impôts affectés à la sécurité sociale, comme la CSG. Il vote les transferts financiers du budget de l'Etat aux régimes de sécurité sociale. Il vote l'instauration de toute nouvelle prestation ainsi que les modifications significatives qui lui sont apportées. Il donne un cadre légal aux conventions passées entre les caisses et les professions de santé. Il détermine les règles de revalorisation des prestations.
Le pouvoir du Parlement est donc loin d'être négligeable, et naturellement, il n'est pas question de restreindre ce champ d'intervention. D'où vient alors l'insatisfaction légitime de nombre de parlementaires ?
C'est, il me semble, que ces décisions que le législateur est amené à prendre ne sont précédées d'aucune information régulière, exhaustive, cohérente. Des choix sont demandés alors que le législateur n'a pas une vue globale des problèmes. Il n'existe aucun rendez-vous régulier entre le Gouvernement et le Parlement permettant à celui-ci d'exercer son rôle d'orientation et de contrôle, et de pouvoir par la suite, approuver en toute connaissance de cause les choix qui lui sont proposés par le Gouvernement.
Organiser un débat annuel devant le Parlement sur la sécurité sociale, c'est faire le choix d'une gestion prévisionnelle et cohérente contre une évolution financière subie et perçue de façon fragmentaire.
C'est demander à la représentation nationale d'arbitrer entre des impératifs qui sont parfois difficilement conciliables comme l'allégement des charges, l'équilibre des comptes publics, l'accroissement de l'effort en faveur de telle ou telle catégorie de la population. Mais c'est le devoir en l'honneur des représentants de la nation que de faire de tels choix.
C'est enfin reconnaître sa spécificité à la sécurité sociale, au-delà de la diversité des branches qui le composent. Ceci montre bien les critiques portées par certains à ce projet, supposé porter atteinte à la notion même de sécurité sociale, sont artificielles.
Cette intervention du Parlement doit naturellement respecter le cadre juridique de l'organisation des pouvoirs tel qu'il est fixé par la Constitution de 1958. Vous n'ignorez pas que celui-ci est strict, notamment ce qui concerne l'intervention du législateur dans le domaine de la sécurité sociale. Plusieurs propositions s'y sont heurtées ; la loi organique adoptée il y a quelques années sur proposition de M. D'ORNANO a été censurée par le conseil constitutionnel pour ne pas avoir suffisamment respecté ce cadre.
Le Gouvernement s'est efforcé soigneusement d'éviter les risques d'inconstitutionnalité. La proposition qui vous est faite repose en trois points :
1) En premier lieu un rapport annuel au Parlement. Ce rapport détaillera les comptes rétrospectifs et prévisionnels et reprendra, sur ce point, les éléments fournis par la commission des comptes. Ce rapport comportera également un objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base, ainsi que les orientations du Gouvernement pour rétablir les conditions de l'équilibre financier.
2) En deuxième lieu un débat. Ce débat aura lieu lors de la session d'automne, avant le vote définitif de la loi de Finances, et sera un débat portant sur l'ensemble des questions de sécurité sociale, sur la base du rapport précité.
3) En troisième lieu un vote. Il ne s'agit pas d'approuver un projet de loi. Ce vote n'a pas, dans le projet qui vous est soumis de portée juridique, ne donnera pas force obligatoire à l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses figurant dans le rapport. C'est un point auquel les partenaires sociaux tiennent beaucoup afin de préserver l'autonomie des gestionnaires des régimes. En revanche, ce vote manifeste l'approbation - ou la désapprobation - des objectifs poursuivis par le Gouvernement et donc, donne une légitimité sans pareille aux orientations de la politique menées par les pouvoirs publics au nom de l'intérêt général. S'il n'a pas de force juridique, ce vote a la portée d'un engagement politique. J'attendrai du reste des parlementaires qu'ils soient eux-mêmes fidèles, dans les divers débats qui pourront suivre, à l'occasion de tel ou tel projet de loi, aux orientations - notamment en matière de maîtrise des dépenses - qu'ils auront approuvé.
Avec ce texte, le Gouvernement vous propose un cadre de gestion renouvelé et clarifié : le Parlement oriente et contrôle, le Gouvernement applique et coordonne, les caisses gèrent en bénéficiant d'une tutelle allégée, les administrations évaluent a posteriori l'action des caisses.
Ce texte comprend bien d'autres dispositions, je ne citerai que les plus importantes :
- le cadre légal donné à la convention passée entre les caisses et les représentants des masseurs kinésithérapeutes complète et renforce le dispositif de maîtrise négociée et médicalisée des dépenses de santé
- l'amélioration de l'organisation du recouvrement est un objectif majeur et souvent négligé. Les URSSAF recouvrent directement plus de 900 milliards de francs. Les améliorations de leurs performances ont une incidence directe et significative sur les résultats financiers du régime général. L'harmonisation et la coordination de la politique de recouvrement permettent également d'atteindre une plus grande équité entre redevables des cotisations.
- le bénéfice plus rapide des droits à l'assurance maladie est un pas important dans l'accès aux soins des plus démunis. Trop souvent les délais d'affiliation et d'immatriculation, liés à la multiplicité des régimes empêchent des personnes, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, de bénéficier de leurs droits à la sécurité sociale. La déconnexion de l'ouverture des droits et de l'affiliation, que nous proposons avec l'article 24, doit permettre d'améliorer cette situation, sans dépenses supplémentaires pour les départements, qui pourront au contraire, être soulagés de certaines dépenses d'aide sociale.
- le bénéfice des indemnités journalières maladie pour les pluriactifs est un des éléments essentiels de l'amélioration du cadre d'exercice de la pluriactivité. J'ajoute que nous avons lancé une expérimentation de caisses pivots afin de simplifier les formalités demandées aux pluriactifs. J'ai veillé à ce que le cadre social de la pluriactivité soit amélioré car le développement de la pluriactivité est un élément essentiel de la revitalisation des zones rurales et les règles des régimes sociaux ne doivent pas y faire obstacle.
Je ne saurais conclure mon propos sans évoquer un sujet qui, je le sais, vous tient beaucoup à cur : celui de la dépendance.
Je sais l'importance que vous accordez à cette question, et, bien qu'elle ne soit pas directement liée au projet de loi sur la sécurité sociale que nous allons examiner, je ne souhaite pas éviter ce débat.
Le Gouvernement a envisagé de déposer un projet de loi traitant de la dépendance des personnes âgées au cours de cette session parlementaire. Une de ses dispositions essentielles aurait été la création d'une allocation destinée aux personnes âgées dépendantes, qui se serait substituée à l'allocation compensatrice.
A l'issue de la concertation que j'ai menée sur ce projet avec les partenaires sociaux, le comité national des retraités et des personnes âgées et l'assemblée des présidents de conseils généraux, il s'est avéré que le dépôt de cette loi n'était pas possible maintenant, compte tenu de l'importance des problèmes non résolus.
En particulier, la réaffectation vers la nouvelle allocation des sommes aujourd'hui consacrées par les départements à l'allocation compensatrice pour les personnes âgées posait des problèmes techniques très difficiles, alors même qu'une opération de clarification des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales est en cours et n'a pas encore été menée à son terme.
En outre, des préalables techniques indispensables à la mise en uvre d'une nouvelle prestation devaient être poursuivis, comme la validation d'une grille nationale d'évaluation de la dépendance et la mise sur pied d'une coordination effective entre tous les acteurs institutionnels concernés.
Enfin, l'incertitude qui affectait l'estimation du nombre réel de personnes âgées dépendantes rendait très aléatoire la mise au point du plan de financement de cette nouvelle allocation.
Pour autant, nous ne renonçons pas à la création d'une allocation pour les personnes dépendantes, mais nous la préparons. Pour cela, nous allons expérimenter dans plusieurs départements volontaires des formes nouvelles de coordination entre les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale, à l'occasion desquelles nous validerons les outils et les procédures indispensables. Il s'agit en effet de faciliter l'information et l'orientation des personnes âgées dépendantes et de leur famille et de mieux utiliser les moyens dégagés par les différentes collectivités.
Votre commission des affaires sociales a adopté un amendement qui donne une base législative à ces expérimentations et crée un comité national chargé d'en assurer le suivi et d'en établir le bilan.
Le comité est composé de représentants des deux Assemblées, des collectivités territoriales, des organismes de sécurité sociale et du comité national des retraités et des personnes âgées.
Je vous dis d'emblée que je suis favorable à cet amendement, qui manifeste votre volonté d'avancer d'une manière positive et concrète sur ce dossier, en apportant des réponses aux difficultés que nous avons rencontrées.
J'en ai parlé à plusieurs reprises avec le Président FOURCADE, et nous partageons le même point de vue. Ces expérimentations sont nécessaires et apporteront au Gouvernement les enseignements indispensables pour qu'un texte généralise, le moment venu, les meilleures solutions qui auront été mises en place.
Cependant, j'ai conscience que le report du texte de loi sur la dépendance laisse en l'état les problèmes liés à la dérive de l'allocation compensatrice, et à la composition de la COTOREP. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé à votre demande de modifier les textes réglementaires, pour, d'une part renforcer la représentation des conseils généraux au sein des COTOREP, et, d'autre part, préciser les modalités du contrôle de l'effectivité de l'aide apportée aux titulaires de l'allocation compensatrice, dont le principe a été fixé par la loi relative à la santé publique et à la protection sociale.
J'ai également demandé à mes services d'étudier un dispositif permettant de limiter le versement en établissement de l'allocation compensatrice au prix de journée réellement supporté par la personne hébergée, après mobilisation de ses ressources.
Ces projets de textes font actuellement l'objet d'une concertation auprès des associations représentatives des personnes handicapées et de l'assemblée des présidents de conseils généraux.
Ils correspondent à une rationalisation et à une clarification des textes relatifs à l'allocation compensatrice qui auront pour effet de dissiper les malentendus qui existent à l'heure actuelle, au détriment des usagers et des collectivités territoriales.
Mesdames et Messieurs les sénateurs, le texte qui vous est proposé aujourd'hui par le Gouvernement est quelque peu austère et aride, j'en conviens bien volontiers.
Il n'apporte pas de solution immédiate et spectaculaire aux problèmes de la sécurité sociale. Mais sur la base d'une analyse approfondie des dysfonctionnements de l'organisation du régime général de sécurité sociale, il propose d'apporter des réponses réfléchies, cohérentes qui ont fait l'objet d'une large concertation.
J'insiste sur ce point qui sera le dernier de mon intervention : toute réforme institutionnelle, dans un domaine aussi sensible que celui de la sécurité sociale, n'a de réelles chances de succès que si elle est comprise par les principaux partenaires. Sinon les dispositions votées resteront lettre morte ou seront appliquées dans un sens contraire à leur esprit.
Le projet que vous présente le Gouvernement est globalement admis par la majorité des partenaires sociaux. Il me semblerait dommage, et je sais que la commission des affaires sociales en est également persuadée, de faire resurgir des batailles où les enjeux symboliques ou de pouvoir l'emportent sur les considérations d'intérêt général. Je sais pouvoir compter sur la sagesse de la Haute Assemblée et sur la grande familiarité de certains de ses membres - notamment votre rapporteur - avec le domaine de la sécurité sociale, pour éviter de tels écueils.