Déclaration de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, sur les mesures préconisées par le gouvernement pour renforcer "l'essaimage d'entreprises", Paris, le 28 juin 2002.

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Circonstance : Colloque de l'association DIESE à Paris le 28 juin 2002

Texte intégral


Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, chers amis, je suis très heureux de vous retrouver pour cette matinée de travail sur un sujet passionnant.
Je voudrais tout d'abord féliciter les animateurs de cette association DIESE qui a déjà beaucoup travaillé et qui contribue à ce que nous puissions évoluer sur ce dossier dans un environnement plus clair, plus enthousiaste et plus dynamique.
Alors, l'action du gouvernement, vous l'avez peut-être déjà constaté, s'inscrit dans un projet ; et au coeur de ce projet, il y a l'entreprise.
L'entreprise est d'abord au coeur de notre projet de croissance et de création d'emplois. Elle est également au coeur de notre projet républicain. Je crois que le temps pendant lequel on avait tendance à opposer l'entreprise et la démocratie comme si l'un et l'autre n'était pas indissolublement liés, ce temps là, est révolu et nous devons mettre l'entreprise, avec toutes ses valeurs, au coeur d'un projet politique pour l'ensemble des Français.
L'entreprise au coeur de la croissance part d'un constat très simple, et je crois que vous le partagez, c'est que les emplois sont créés avant tout par des entreprises et que tout ce qui va dans le sens de l'entreprise est bon pour l'emploi. Je crois également qu'il faut rappeler que l'entreprise est un acteur essentiel de la société et que, aussi bien en ce qui concerne l'irrigation des territoires qui est un sujet, comme vous le savez, cher au coeur du Premier ministre, tout ce qui touche à la diffusion de la nouveauté, de l'innovation dans une société qui est en mouvement, passe souvent par l'entreprise, et puis également tout ce qui touche à la promotion sociale, à la capacité des individus dans une société à évoluer eux-mêmes individuellement, à s'épanouir, passe également, pour nous, par l'entreprise.
C'est vous dire que le sujet que nous allons traiter ce matin est pour nous une priorité parmi les toutes premières priorités.
Je ne vais pas épiloguer sur la définition de l'essaimage.
On pourrait parler de la Méditerranée qui m'est chère et de la façon dont les Grecs créent des cités par essaimage. Mais je crois que ce qui est important, c'est de voir quelques évolutions dont vous avez été les acteurs.
La première, c'est que j'ai le sentiment qu'on est passé d'un essaimage qui était défensif dans les années 80 à un essaimage offensif. Je me souviens d'avoir travaillé sur la CGPS (convention générale de la protection sociale). A l'époque, il s'agissait effectivement de permettre à des salariés de la sidérurgie de créer leur entreprise mais cela s'inscrivait dans un projet social et c'est tout à fait honorable.
Cela n'est plus forcément aujourd'hui la façon dont nous devons considérer à titre principal l'essaimage. Je me réjouis de voir qu'aujourd'hui, l'essaimage est entré dans un processus dynamique, offensif, avec une nouvelle conception des relations entre les salariés et leur entreprise, entre l'entreprise mère et les entreprises qui en découlent, dans une optique de réseau qui me paraît être un des concepts les plus intéressants aujourd'hui à développer dans le monde de l'entreprise.
L'essaimage contribue à la création d'entreprises. C'est net. Nous le constatons aujourd'hui.
Plus de 15 000 entreprises ont été créées chaque année dans le cadre de l'essaimage. Et ces entreprises - et c'est ce qui est intéressant de constater - réussissent plutôt mieux que les autres. Elles réussissent mieux que les autres parce que d'abord elles créent davantage d'emplois. J'ai remarqué qu'elles créaient en moyenne 5 emplois au bout de trois ans contre 3 pour les entreprises qui sont créées dans un cadre plus général. Et puis ce qui est très important, c'est que leur pérennité, leur capacité à résister aux épreuves, à traverser le temps, est également plus forte dans le cadre de l'essaimage que dans les systèmes conventionnels. Il est donc important, là encore, de le souligner puisque au bout de cinq ans, 70 % à 90 % des entreprises créées par essaimage continuent d'exister, alors que vous le savez seulement 50 % des entreprises en général survivent à cette période de démarrage.
Je crois qu'il faut également se satisfaire de ce que la France est plutôt en avance par rapport à d'autres pays sur ce thème de l'essaimage. Or, ce n'est pas toujours le cas. Bien souvent, on a l'impression que la France est un peu à la traîne et elle l'est dans un certain nombre de sujets, de dossiers. Nous allons nous employer à ce qu'elle passe dans le groupe de tête et nous en reparlerons peut-être dans d'autres lieux, dans d'autres enceintes. Mais en tout cas, en ce qui concerne l'essaimage, il y a une spécificité française, une originalité qui renvoie à notre capacité à innover et à faire front, à trouver des solutions innovantes lorsqu'il faut traverser des difficultés. Cela renvoie également à l'intelligence de grands groupes qui ont une vision stratégique, une vision prospective, une vision à long terme et qui ont donc eu le souci de conduire leur développement dans d'autres voies que les voies habituelles.
De cette spécificité française, faisons dans les années qui viennent un atout encore plus fort, encore plus important et le souhait du gouvernement est d'apporter tout son appui au développement de l'essaimage. Et ce sont les mots que je voulais vous tenir aujourd'hui.
Jean-Pierre RAFFARIN, à qui j'ai parlé de ce sujet il y a à peine trois jours, me disait lui aussi à quel point il escomptait beaucoup de résultats dans cette capacité de nos entreprises à essaimer, à créer autour d'elles des entreprises nouvelles. Et nous sommes donc bien déterminés à vous aider, à aider toutes les entreprises qui souhaitent faire de l'essaimage un moyen non seulement de créer des entreprises autour d'elles, mais de permettre à des salariés qui ont vécu dans l'entreprise, qui ont acquis une maturité, qui ont mûri un projet, de pouvoir passer à l'acte.
Je crois que créer une entreprise doit devenir un acte naturel même si on l'entoure d'un certain nombre de précautions.
Alors ce que nous souhaitons faire, et bien c'est travailler avec vous dans la concertation la plus étroite, développer des expérimentations si c'est possible, donc je suis à votre disposition les uns et les autres pour d'abord me rendre sur place, dans vos groupes et essayer de regarder ce qui a marché, m'entretenir avec des créateurs d'entreprise, des salariés qui préparent un projet, vos équipes d'accompagnement. Je crois qu'aujourd'hui, la bonne méthode pour changer les sociétés, pour faire de la bonne politique, c'est avant tout d'appliquer les méthodes expérimentales, les méthodes scientifiques qui consistent à tester un projet, à le valider, puis ensuite, éventuellement, si ça marche, à passer à la phase de généralisation. Je souhaite que dans les mois qui viennent vous puissiez me solliciter et me faire venir partout où vous penserez que je peux constater des choses intéressantes qui pourraient m'éclairer et inciter le gouvernement à aller le plus loin possible dans le soutien à l'essaimage.
Je voudrais vous donner quelques pistes, en tout cas quelques mesures sur lesquelles nous avons déjà travaillé puisque l'une des toutes premières communications en Conseil des ministres a porté sur la création d'entreprise. C'était juste avant le deuxième tour des élections législatives.
Et nous avons à ce moment là, au Conseil des ministres, présenté trois mesures qui, de près ou de loin, touchent au sujet qui vous préoccupe.
La première concernait la possibilité qu'il y a de favoriser la création d'entreprise par un salarié. C'est vrai qu'on a en France des dispositifs de création d'entreprise et d'aide à la création d'entreprise qui ont souvent été marqués par le sceau du social et en particulier l'ACCRE, systèmes qui sont connus du grand public, qui permettent à des chômeurs de longue durée de créer des entreprises. Mais on sait très bien, et vous savez mieux que moi, que ce sont les salariés, les salariés qui ont atteint un niveau de compétences, qui ont préparé leur projet, qui sont décidés à s'envoler et à voler de leurs propres ailes, ce sont ces salariés qui sont les plus porteurs de création d'entreprise. L'une des mesures que nous pourrions mettre en oeuvre permettrait à un salarié, pendant une période qui pourrait être d'une année, d'avoir une bi-activité, de conserver tous les liens qui le lient à son employeur dans le cadre d'un contrat de travail, bien entendu de percevoir sa rémunération, d'accomplir toutes les obligations du contrat de travail et parallèlement de devenir entrepreneur, de créer son entreprise sans pour autant être obligé de payer deux fois des charges sociales puisqu'il bénéficie d'une couverture sociale en tant que salarié, on pourrait imaginer que pendant cette première année, l'entrepreneur, celui qui crée son entreprise soit dégagé de l'obligation de payer des charges en tant qu'entrepreneur, donc sur son revenu d'entrepreneur. Ceci permettrait de donner un avantage de trésorerie au créateur d'entreprise par cet allégement, mais également de le soustraire à un certain nombre d'inconvénients qu'on connaît bien, et notamment toute la paperasse lors des premiers moments de la création d'entreprise. La bi-activité est une première piste sur laquelle nous travaillons, qui pourrait s'assortir bien entendu de règles s'imposant au contrat de travail, c'est-à-dire permettant cette bi-activité même lorsqu'elle n'est pas prévue par les dispositions contractuelles du salarié, en veillant - c'est un souci qui est important - à ce que les règles de loyauté et de non concurrence déloyale soient également respectées. Je crois que là-dessus, nous trouverons des solutions.
La deuxième mesure à laquelle nous travaillons permettrait, et là-dessus, nous sommes encore dans une phase de réflexion - à tous les créateurs quels qu'ils soient, toujours pendant cette première année, d'avoir une paix royale, c'est-à-dire pas de formalités sociales ou autres ni de charges, les charges de la première année étant reportées sur les années suivantes, avec un système d'étalement qui pourrait être de 5, 6, 7 ans, de façon à ce que cette première année soit entièrement consacrée au projet d'entrepreneur. Je crois qu'entreprendre, c'est une action formidable dans une société comme la nôtre. Il faut permettre aux entrepreneurs de se consacrer pleinement, psychologiquement à leur projet et lever tous les freins, tous les soucis qui peuvent parasiter cette action de création d'entreprise. C'est donc la deuxième piste.
Et la troisième tient au souci du Gouvernement de lier l'entreprise et les territoires. Tout ce qui se fait de Paris est certainement bien, mais il faut essayer de lier davantage l'activité économique et le dynamisme entrepreneurial aux territoires. C'est un souhait que le Premier Ministre a depuis longtemps. Et nous envisageons donc de créer des fonds d'investissements de proximité, c'est-à-dire des FCP qui permettraient, avec un avantage fiscal donné aux investisseurs, personnes physiques voire personnes morales, de s'engager dans des fonds qui permettraient de drainer l'épargne locale vers des projets locaux. Je constate dans mon département, l'Aisne, département plutôt pauvre, à quel point il y a des investisseurs qui sont capables de consacrer de l'argent à des projets parce que ce sont des projets locaux, parce qu'ils les connaissent, parce qu'ils en connaissent les instigateurs, les animateurs. Et donc nous devons essayer de faciliter cette économie de terrain, cette économie locale à travers des avantages qui ressortent moins de la subvention que de l'aide, que de l'allégement, plutôt, des charges.
Pour nous, ce qui est important, c'est moins d'apporter des aides que de l'air. Et je crois que créer une entreprise, c'est un acte de liberté. Il faut donc se mettre au diapason de la psychologie de l'entrepreneur plutôt que de l'envoyer dans des guichets où le nombre des formalités, des dossiers à remplir devient assez rapidement dissuasif.
Voilà quelques mots que je souhaitais dire en guise d'introduction à ce colloque. Encore une fois, c'est un premier rendez-vous. Ce qui m'intéresserait, c'est que nous puissions le poursuivre par des visites de terrain, par de l'exemplarité, par de l'expérimentation et je suis, là-dessus, à votre entière disposition.
François HUREL est là. Il prépare un rapport dont nous attendons beaucoup, qui lui a été confié par le Premier Ministre lui-même. Son travail nous servira pour nourrir notre réflexion et il débouchera sur des propositions. Même si je ne suis pas un fanatique de la loi, je pense qu'il y a des réformes qui passent par la loi. Donc le plus tôt possible, nous légiférerons et j'espère que sur ce dossier de la création d'entreprise, nous pourrons avoir un texte avant le début de l'année prochaine. Ce texte sera bon s'il est élaboré avec vous, s'il est élaboré après des tests, après des vérifications de son utilité, de son intelligence. Et donc je compte sur vous pour qu'ensemble, nous puissions faire de l'essaimage un grand projet pour notre économie et pour la France. Merci.


(source http://www.minefi.gouv.fr, le 1 août 2002)