Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur les diverses mesures fiscales en faveur du logement et sur le projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements, Paris le 6 octobre 1999.

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Circonstance : Colloque " Quels équipements pour la ville de demain ?", Paris, le 6 octobre 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est bien volontiers que j'ai répondu positivement à votre invitation à venir clôturer vos travaux.
Le thème "les équipements de la ville de demain" n'est en effet pas sans relation forte avec le champ de mon département ministériel ; au-delà de l'habitat, de l'urbanisme, dont les impacts structurants sont majeurs, la ville est un tout, un ensemble et les différentes approches, les différents éclairages que l'on peut en donner sont autant d'occasions d'enrichir les débats et surtout d'approfondir l'action publique dans ses principes et dans ses méthodes pour que l'alchimie de la création continue de la ville en renforce la cohérence et la qualité.
C'est aussi en tant qu'élu local de longue date que je me sens interpellé par ce sujet, auquel j'ai été moi-même confronté, en particulier dans une ville dont l'histoire a fabriqué l'extrême hétérogénéité des quartiers, depuis un centre ancien classé secteur sauvegardé jusqu'à un grand quartier dortoir fabriqué sous le régime juridique d'une ZUP et dont il nous revenait de faire un vrai quartier de ville !
Merci donc aux organisateurs pour cette occasion d'échange et de recueil de témoignages divers d'élus locaux, d'universitaires, de professionnels et de praticiens. C'est une circonstance tout à fait opportune au moment où nous préparons un projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements.
Quels équipements pour la ville de demain ? La question est vaste, et je sais que plusieurs intervenants avant moi se sont efforcés de chiffrer les besoins, en particulier ceux qui résultent de la simple exigence de conservation du patrimoine des collectivités. Au-delà de la stricte maintenance, il y a des adaptations rendues nécessaires par les attentes croissantes de nos concitoyens en matière de sécurité, de confort, de qualité de service, etc. Il y a également les besoins de nouveaux équipements liés au développement et au renouvellement urbains. Et face à tout cela, il faut bien sûr mettre en regard la capacité d'investissement des collectivités locales et de l'Etat.
Au-delà de ces indispensables cadrages macro-économiques, qu'il conviendra d'ailleurs d'actualiser régulièrement, il me semble que nous devons aussi nous poser la question fondamentale "quelle ville pour demain ?" qui conditionne les réponses en termes d'équipements, mais aussi en termes de planification, d'organisation, de citoyenneté, etc.
La ville d'aujourd'hui est en effet en grande partie le produit de politiques répondant aux données démographiques, économiques et sociales des "trente glorieuses". Or, nous sommes confrontés à de nouveaux défis, qui nous font obligation de repenser certains principes et redéfinir certains outils des politiques d'urbanisme et d'habitat. Pour ce qui est du logement, il me semble qu'une grande partie du travail est engagée et que la question "quel logement (ou quelles conditions de logement) pour la ville de demain ?" a déjà trouvé quelques débuts de réponse.
Le premier élément de réponse, c'est la volonté de développer une offre de logements diversifiée s'appuyant sur tous les segments de la chaîne de l'habitat. C'est ainsi que nous garantirons le droit à un logement autant que possible choisi et non subi.
La rebudgétisation de l'accession sociale à la propriété, la mise en place d'un statut du bailleur privé pour le parc locatif privé, la refonte du financement de la construction locative sociale par la création du P.L.U.S., véritable outil pour la mixité sociale ; voilà autant de réformes engagées récemment, et qui visent à soutenir dans la durée une production de logements diversifiée.
Notre société moderne marquée par la mobilité, la précarité parfois, a besoin également de mécanismes de sécurité, et c'est particulièrement vrai pour le logement. C'est ce que nous nous sommes attachés à mettre en place avec nos partenaires dans la modernisation du 1 % logement, qu'il s'agisse d'accompagner l'accession sociale à la propriété, l'accès à une location ou l'investissement locatif.
Enfin nous savons tous que le parc de logements anciens constitue l'essentiel de l'offre puisque le flux, la construction, ne représente annuellement -même en passant le cap des 300 000 logements mis en chantier- qu'un peu plus de 1 % du stock. En matière fiscales les mesures prises en deux ans marquent une réelle rupture avec la tendance qui a prévalu pendant des décennies et qui faisait que le logement figurait parmi les biens et services les plus fortement taxés (sans doute parce que les plus facilement taxables).
Vous savez que le projet de loi de finances pour 2000 prévoit non seulement le maintien des moyens budgétaires pour le logement, mais aussi comporte trois nouvelles mesures fiscales majeures :
*le passage à la TVA à taux réduit pour la quasi-totalité des travaux sur les logements de plus de deux ans,
*une nouvelle baisse des droits de mutation qui seront ainsi passés en deux ans de près de 8 points à 4,8 points,
*enfin la suppression du droit de bail, prévue à ce jour en deux ans.
Au total, ce sont, pour l'exercice 2000, quelque 28 milliards de francs d'allègement fiscaux pour le secteur du logement, pour contribuer à la qualité et au bon entretien du patrimoine, pour faciliter la fluidité du marché et la mobilité, pour aider les locataires qui devront voir baisser leur effort net avec la disparition du droit de bail.
Mais souligner l'importance et la cohérence des réformes engagées depuis un peu plus de deux ans ne signifie pas qu'il ne reste plus rien à faire : ainsi la diversité globale de l'offre de logements doit se traduire sur le terrain, à l'échelle de chaque ville et de chaque quartier. Nous ne devons pas non plus admettre que certains quartiers restent à l'écart du processus général d'amélioration et de renouvellement du cadre urbain. Nous ne pouvons ni supporter l'exclusion du droit au logement, ni tolérer le statut-quo en matière d'insalubrité ou en matière de péril.
Car derrière le cadre bâti il y a des hommes, il y a leur dignité et une cohésion sociale à garantir. Dans le domaine de l'urbanisme, l'éclatement urbain est une menace bien réelle qu'il nous faut combattre dans ses désordres territoriaux et sociaux.
C'est l'un des axes forts que le Premier Ministre a assigné à l'action gouvernementale, avec deux volets principaux :
1 - un projet de loi, que Jean-Claude GAYSSOT et moi-même préparons, et qui permettra d'articuler de façon globale les problèmes de la ville : urbanisme, habitat, déplacements.
2 - Le lancement de quelque cinquante grands projets de ville coordonnés par Claude BARTOLONE, combinant projet urbain, projet social et revitalisation économique des quartiers en difficultés.
Quels sont les grands axes d'un développement urbain durable et équilibré que la nouvelle loi U.H.D. doit favoriser ?
D'abord il s'agit de permettre et encourager le renouvellement urbain, ce qui l'on appelle parfois la reconstruction de la vile sur elle-même.
Trois catégories de sites méritent une attention particulière :
1 - les grands ensembles d'habitat social. Nous savons que dans certains cas, la réhabilitation ou la restructuration ne suffisent plus. Il faudra aller jusqu'à la démolition et la reconstruction. Mais une reconstruction qui recrée la diversité : diversité des fonctions, diversité des types d'habitat, diversité des formes urbaines.
2 - Certains quartiers anciens, centraux ou non d'habitat privé méritent aussi une action particulière car ils cumulent les difficultés : dégradation pouvant aller jusqu'à l'insalubrité, c'est à dire jusqu'à des conditions de logement parfois scandaleuses pour des familles en difficulté, bien souvent accompagnée du développement d'une vacance stérile pour tout le monde Sur ces sites l'intervention publique ne peut procéder souvent, que d'un travail sur mesures dans la "dentelle", combinant toute une gamme d'outils. Il y a notamment à créer des démarches plus efficaces en matière de lutte contre l'insalubrité et le péril, régis par des réglementations séculaires.
3 - Enfin nos outils d'intervention en direction des copropriétés dégradées devraient être encore renforcés, sans oublier leur dimension de "prévention" car les problèmes en ce domaine sont devant nous, si nous n'agissons pas.
Si traiter les difficultés constatées est nécessaire, il faut aussi lutter contre les déséquilibres qui sont à leur origine. Le développement urbain durable repose sur certains principes d'équilibre et de cohérence :
*cohérence entre l'urbanisme et l'organisation des déplacements à l'échelle de chaque agglomération. C'est pour cela que le projet de loi comportera un volet consistant sur les déplacements, le partage de l'espace public entre les divers modes, le stationnement.
*cohérence entre les différents documents de planification qui s'appliquent à l'échelle des communes et des agglomérations, autour des schémas directeurs.
*cohérence entre la fiscalité de l'urbanisme et le souci de faciliter le renouvellement des tissus déjà urbanisés.
*équilibre territorial enfin entre les différentes fonctions (habitat, emploi, équipements collectifs) et entre les différentes catégories de logements. La ségrégation sociale et spatiale est l'une des sources des difficultés actuelles. C'est pour cela que nous estimons nécessaire de donner plus de consistance aux objectifs de mixité posés par la loi d'orientation pour la ville, une mixité dont il faut préciser les objectifs, consolider les moyens et renforcer les obligations.
Voilà en quelques mots, Mesdames et Messieurs, et sans anticiper sur le contenu du projet de loi qui sera soumis dans quelques mois au Parlement, les réflexions que je souhaitais partager avec vous.
Je pense que les collectivités locales -de nombreux élus sont présents aujourd'hui- devraient trouver, dans ces projets que nous avons mis en chantier, des outils et des moyens nouveaux pour mener à bien des politiques urbaines durables et équilibrées. Etant élu local moi-même, je n'ignore pas que la question des moyens sera essentielle, qu'il s'agisse du foncier, du financement des équipements ou d'autres actions, et qu'il est souvent plus difficile et plus coûteux au départ de reconstruire ou réaménager que de construire en site vierge. Une chose est certaine : il y aura encore beaucoup à faire pour tous et, notamment, pour nos opérateurs et nos entreprises.
Vous me disiez, M. le Président SIONNEAU, le souhait de votre Fédération d'être en toutes ces matières un acteur dynamique et je ne peux qu'y souscrire et m'en réjouis. Car nous sommes devant un défi que nous devons collectivement relever avec le même objectif : laisser aux générations futures des villes durablement habitables, creusets de la solidarité et de la citoyenneté, fortes de leur rayonnement et de leur qualité de vie.
Merci de votre attention.

(source http://www.logement.gouv.fr, le 23 novembre 1999)