Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur le lancement d'un programme de réalisation de résidences sociales en Ile-de-France et sur la nécessité de construire de nouveaux HLM, Paris, le 28 octobre 1999.

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Circonstance : Lancement des Plans "d'accueil d'urgence" et "résidences sociales" en Ile-de-France, Paris, le 28 octobre 1999

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs,
Le 9 juin dernier, dans un hôtel meublé vétuste d'Aubervilliers éclatait un incendie qui faisait quatre morts ! Cet hôtel avait, à maintes reprises, été visité par la commission de sécurité , des travaux avaient été prescrits, jamais exécutés ; il avait finalement fait l'objet d'un arrêté de fermeture non suivi d'effet.
Un rapide tour des huit préfectures de la région parisienne nous apprenait qu'une soixantaine d'hôtels meublés se trouvaient dans la situation de celui d'Aubervilliers avant le drame.
Cette ville comptait à elle seule onze de ces établissements ! et Jack RALITE venu demander à Jean Claude GAYSSOT et à moi-même de prendre les mesures qui s'imposaient, nous informait qu'entre St-Denis, St-Ouen et Aubervilliers, c'était environ 1000 personnes qui étaient concernées, 1000 personnes vivant dans des conditions intolérables.
Nous décidions alors très vite qu'il fallait se donner les moyens de mettre fin à l'existence de ce parc social de fait, obsolète, vétuste, parfois dangereux comme l'incendie du "cosmos" venait de le révéler, qu'il fallait mobiliser l'ensemble des procédures à notre disposition pour prendre les décisions concernant leurs fermetures ou les travaux à y faire exécuter.
Mais surtout nous décidions qu'il fallait développer une vaste offre de logements alternatifs à ces "hôtels de préfecture", qui jouent depuis trop longtemps en région parisienne un rôle de parc "interstitiel" d'accueil de populations en cours d'insertion ou exclus de fait du logement social ordinaire.
Il fallait offrir à ces familles entassées dans les meublés parisiens, à ces isolés payant trop cher un toit, quatre murs parfois insalubres, parfois dangereux, une forme de logement répondant à leurs souhaits et dont l'accès serait facilité par le nombre des structures offertes et par leur souplesse de gestion.
Mais il m'est très vite apparu que cette solution partielle aux besoins de mal logés pouvait également répondre à une préoccupation qui était la mienne depuis l'hiver dernier.
En effet au cours des visites effectuées dans les structures d'accueil parisiennes - et notamment à la Halte de Rue de la Gare de Lyon -, j'avais été très frappé de découvrir là, des personnes qui n'avaient rien à voir avec l'idée classique que l'on se fait des "Sans Domicile Fixe", de constater que des isolés, en rupture sociale, professionnelle ou familiale souffraient essentiellement de ne pas disposer d'un lieu à eux, pour se retrouver, se reconstruire, n'avaient simplement pas accès à ce droit fondamental qu'est le droit au logement.
Pour certains de ces exclus, les associations s'accordent à dire qu'une formule de logements regroupés en résidence sociale semble être une bonne solution. Elle permet , lorsqu'on a tout perdu, de retrouver un peu de vie comme les autres ; un logement autonome avec des équipements sanitaires, des meubles.
Elle permet aussi et peut-être surtout de se préparer à l'accès au logement social de droit commun, de prouver qu'on est capable de s'acquitter d'un loyer modeste en disposant de quittances, d'être accompagné dans les démarches qu'il faut mettre en uvre pour accéder au logement.
Elle permet enfin, lorsque c'est nécessaire, la mobilisation d'un accompagnement social plus lourd pour conduire ces ménages vers l'autonomie complète et l'insertion.
Mais d'autres situations dramatiques existent malheureusement encore :
Je veux parler de certains foyers de travailleurs migrants dans lesquels, faute d'offre de logements suffisants, des hommes s'entassent dans des conditions indignes pour notre société.
Pour ceux-là aussi, une augmentation massive du nombre de résidences sociales serait la bienvenue, répondant tout à fait au désir de bon nombre d'entre eux, de disposer à la fois d'un logement autonome et d'un minimum de vie collective.
Enfin, l'existence d'un segment supplémentaire dans l'offre de logement - entre l'accueil d'urgence et le logement ordinaire - est parfois nécessaire ou souhaité dans le cadre d'un itinéraire résidentiel personnel, notamment pour les jeunes.
Ainsi la formule de résidence sociale peut convenir le temps d'un CDD à des salariés loin de leurs attaches, à des apprentis ou à des personnes qui vivent une période de rupture brutale ou simplement à ceux qui, pour une raison ou une autre souhaitent disposer d'un logement social meublé auquel sont attachés quelques locaux d'animation et si nécessaire des services collectifs.
C'est pour répondre à l'ensemble de ces besoins que nous lançons aujourd'hui en Région Ile de France un vaste programme de réalisations de logements sous forme de résidences sociales : 10 000 logements en 5 ans, regroupés dans 150 à 200 structures, dont la taille et les caractéristique seront largement fonction des opportunités immobilières et des projets associatifs.
J'ai bien conscience de l'ampleur de ce programme, mais je voudrais dire que s'il est ambitieux, il n'en est pas moins réalisable, et à peine sans doute à la hauteur des besoins, difficiles d'ailleurs à évaluer précisément. Un chiffre très partiel les illustre selon un recensement effectué très récemment par la Préfecture de Police, il y aurait à Paris 733 meublés comportant 19 600 chambres, d'une capacité de 34 000 places !
Il existe aujourd'hui en région Ile de France 72 résidences sociales, réalisées en 4 ans. Il faut tripler cet effort. C'est pourquoi, j'ai réuni aujourd'hui les préfets pour leur demander de mobiliser leur énergie autour de cet objectif :
Les moyens financiers sont en place
Les résidences sociales seront réalisées en PLA d'intégration. Le budget existe, il faut le consommer. Les résidents bénéficieront alors de l'APL-foyer formule très solvabilisatrice car elle intègre dans le calcul de l'aide, la totalité des charges.
Un financement supplémentaire a été dégagé pour permettre la couverture de la charge foncière, lourde en région Ile-de-France, lorsque cela est nécessaire et notamment lorsque les communes ne participent pas au plan de financement.
La fraction sociale du 1 % logement - 10 % de la collecte et des retours de prêt, soit environ 1,5 MDF -, aujourd'hui sous utilisée sera largement mobilisée pour la mise en uvre de ce plan par l'intermédiaire de prêts à 1 %.
Les partenaires sont mobilisés
Les grands bailleurs sociaux, la SONACOTRA, ont déjà été sensibilisés.
J'ai donné mission au Préfet de la Région de veiller à ce que chacun d'entre eux prenne sa part dans la production de cette nouvelle offre de logement. Les organismes HLM ont bénéficié depuis 2 ans de beaucoup de mesures financières. Je ne doute pas qu'ils donneront des suites positives à mon insistante sollicitation. Certains me l'ont d'ailleurs déjà confirmé.
Les associations caritatives ne seront pas difficiles à convaincre. Beaucoup d'entre elles attendaient ces décisions et certaines ont déjà constitué avec des bailleurs sociaux, des partenariats propriétaires - gestionnaires qui donnent toute satisfaction.
Les services de l'Etat sont, vous me permettrez cette expression, "sur le pied de guerre".
Un chef de projet sera désigné dès le mois prochain dans chaque département mais la plupart des administrations sont concernées s'agissant, par exemple, des évaluations domaniales à fournir très rapidement afin de ne pas laisser s'échapper les opportunités immobilières.
Les sites sont à trouver
C'est là, vous vous en doutez que réside la vraie difficulté de mise en uvre de ce plan.
Deux missions de maîtrise d'uvre urbaine et sociale ont déjà été lancées et montrent que des possibilités existent qui nécessitent, dans cette période de reprise du marché immobilier des réactions très rapides des acquéreurs potentiels et de l'administration.
L'acquisition amélioration sera bien entendu privilégiée dans un premier temps mais tout devra être mis en uvre immédiatement pour que les constructions neuves de résidences sociales puissent être livrées tout au long du plan.
Les hôtels meublés, les sites de résorption de l'habitat insalubre constituent, bien entendu, l'opportunité immobilière privilégiée par acquisition à l'amiable, préemption ou expropriation selon les cas.
Le foncier bâti et non bâti de l'Etat et de ses établissements publics, ainsi que celui des collectivités locales volontaires seront bien entendu mobilisés en priorité.
Les compétences de l'Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne seront également sollicitées.
Les grands bailleurs sociaux disposent de prospecteurs fonciers ; je compte beaucoup sur leur action.
Enfin les collectivités locales pourront à travers leur connaissance des Déclarations d'Intentions d'Aliéner, signaler les opportunités foncières intéressantes.
Je compte d'ailleurs beaucoup sur le soutien des communes pour mener à bien ce plan.
La plupart d'entre elles comptent malheureusement encore sur leur territoire des hôtels meublés, taudis, foyers de travailleurs migrants suroccupés ; toutes connaissent des femmes avec enfants errant d'hébergement en hébergement après une rupture familiale brutale, des jeunes à la recherche d'un premier logement, des familles expulsées, etc.
Si chaque grande ville, chaque arrondissement de Paris disposait d'au moins une résidence sociale, bien située dans le tissu urbain, beaucoup de problèmes de mal logement seraient résolus et la fluidité de l'itinéraire - hébergement, résidence sociale, logement ordinaire - serait mieux assurée grâce aux liens privilégiés que les communes entretiennent souvent avec les bailleurs sociaux.
Je parle bien sûr de toutes celles, majoritaires, dont l'objectif est de satisfaire les besoins de nos concitoyens.
Quant aux autres, vous admettrez avec moi qu'il est tout à fait anormal que l'Etat soit contraint à financer seul la surcharge foncière pour que des logements très sociaux soient réalisés sur leur territoire ; et qu'il est tout à fait inadmissible que certaines d'entre elles jouent délibérément le jeu de la ségrégation urbaine en refusant catégoriquement toute implantation de logement social.
La loi U.H.D., en renforçant les mécanismes de la LOV devrait permettre de débloquer ces situations et sa future application me permet d'envisager qu'à l'issue de ce plan, nos quelque 150 à 200 résidences sociales seront réparties de manière équilibrée sur l'ensemble de la région Ile de France.
Mais ne nous trompons pas ! la production de ce type de logements particuliers ne constitue qu'une petite partie de l'offre de logements qu'exigent les besoins connus.
Elle ne se substitue en rien à la nécessaire production de logements HLM, - aujourd'hui facilitée par le PLUS - et encore moins à la production de PLA I qui reste la priorité.
J'ai d'ailleurs à l'instant rappelé à Madame et Messieurs les Préfets que les nouvelles conditions de financement du logement mis en place par le gouvernement suppriment toutes les justifications qui ont pu être trouvées dans le passé par les acteurs du logement social pour expliquer leur faible production.
J'attends de l'année 2000 une relance significative du logement social en Ile de France comme ailleurs.
Mais j'ai également rappelé à Madame et Messieurs les Préfets, qu'ils devaient au plus vite mettre en uvre la loi de lutte contre les exclusions en concluant rapidement avec les bailleurs sociaux des accords collectifs sur l'attribution et en prévenant les expulsions afin d'assurer l'accès au logement ordinaire ou le maintien dans le logement ordinaire des ménages connaissant des difficultés.
C'est à ces deux conditions
une offre suffisante dans sa diversité,
un accès facilité au logement social ordinaire
que nous parviendrons à satisfaire le droit au logement pour tous.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre à toutes vos questions.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 3 novembre 1999)