Texte intégral
Ce matin, dans une interview au Figaro, vous dites que votre ambition, c'est la réconciliation des Français avec leur justice. Et pourtant, on entend d'ores et déjà un concert de récriminations sur un tel ou tel aspect du projet. Vous avez vu le titre de Libération ce matin : " Perben fouettard. "
- " J'ai vu ce titre. Je crois qu'il faut faire la différence entre un certain nombre d'observateurs qui expriment, dans la liberté, leur point de vue, et puis la grande majorité des Français. Je vous cite un seul chiffre : sur le juge de proximité, 90 % des Français que j'ai fait interroger par la Sofrès, me disent qu'ils y sont favorables ; de même que les centres éducatifs fermés sont demandés par énormément de gens y compris d'élus locaux - des gens qui travaillent sur le terrain, des éducateurs, des travailleurs sociaux - de façon à faire en sorte que nous puissions mieux prendre en compte la situation d'un certain nombre de jeunes qui, aujourd'hui, sont un peu paumés et ont besoin d'être, à un moment donné, encadrés, aidés, accompagnés pour éviter qu'ils n'aillent trop loin dans la délinquance. "
Commençons par la détention provisoire possible dès l'âge de 13 ans - c'est un changement radical de philosophie - et aussi la création de centres éducatifs fermés pour les mineurs ?
- " S'agissant de la détention à partir de 13 ans, il ne faut pas lire le texte à l'envers. [Sur] la détention : il est impossible pour un magistrat de décider directement de mettre un jeune de 13 à 16 ans en prison. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, il faut que les choses soient claires. Il ne faut pas induire nos concitoyens en erreur. Ce qui est dans le texte, ce n'est pas cela. Un jeune, s'il est placé sous contrôle judiciaire, par exemple dans un centre éducatif fermé, et s'il ne respecte pas les règles - si par exemple il fugue - le juge aura la possibilité de décider de sa mise en détention, bien entendu si, en plus, les faits qui lui sont reprochés sont graves. Donc, ça n'est jamais une décision première. C'est uniquement s'il n'y a pas respect des mesures de contrôle judiciaire, et ce sera donc quelque chose de tout à fait exceptionnel. Donc, vous voyez, il faut faire très attention à la manière de lire le projet qui, j'en conviens, est assez technique, assez juridique et ce n'est pas toujours facile effectivement de comprendre exactement la nature des mesures que nous proposons. "
Les centres éducatifs fermés : vous êtes allé visiter les centres en Grande-Bretagne, et vous dites que ce ne seront pas des bunkers. Pas de barrots ?
- " Effectivement, les centres éducatifs fermés seront des centres éducatifs, c'est-à-dire confiés exclusivement à des éducateurs - c'est d'ailleurs le résultat des discussions que j'ai pu avoir avec les représentants du milieu éducatif depuis un mois et demi. Je rappelle que j'ai reçu environ 60 délégations avant de présenter mon texte ce matin en Conseil des ministres. Donc, ces centres éducatifs ont pour vocation de mettre un peu à l'écart de leur milieu naturel, de toute tentation, ces jeunes pour leur apporter effectivement un accompagnement éducatif, pour s'occuper d'eux, pour leur apporter également quelque chose sur le plan scolaire et, si possible, je le souhaite beaucoup, une formation professionnelle leur permettant ensuite de sortir de ce centre en étant un tout petit peu remis sur la bonne voie. C'est de cela qu'il s'agit. Ce que nous voulons, c'est vraiment trouver un équilibre entre éducation et sanction. La situation que nous connaissons depuis vingt ans est une situation inacceptable, l'évolution n'est pas acceptable. Les jeunes sont de plus en plus souvent délinquants et de plus en plus jeunes, et nous devons les préserver d'eux-mêmes. Nous devons bien sûr protéger leurs victimes, mais nous devons aussi protéger ces jeunes contre eux-mêmes, nous devons faire en sorte de pas les laisse aller vers la délinquance. Je trouve qu'il y a un gâchis humain terrible à observer ces jeunes qui, progressivement, vont vers la délinquance et se retrouvent finalement, lorsqu'ils sont majeurs, en prison. Donc, c'est ce travail à la fois d'éducation, parfois dans la fermeté, c'est vrai, que nous voulons donner, parce que nous avons cette vision humaniste de la société. "
Je vous propose d'écouter ce que disait ce matin le député J. Dray, interrogé par A. Ardisson. C'est l'ancien Monsieur Sécurité du PS. Il se demande si ce système ne va pas fabriquer plus de délinquants.
(Extrait de son interview avec A. Ardisson) J. Dray : "c'est du gadget, cela ne veut rien dire ! D'ailleurs, le ministre lui-même, quand il présente son texte, il commence par nous dire ce que n'est pas un centre éducatif fermé - cela veut dire qu'il ne sait pas ce que cela veut dire. Nous avons mis en place des centres d'éducation renforcée, qui sont un succès. Le taux de récidive d'un jeune qui va dans un centre d'éducation renforcée est de 10 à 20 %. Le taux de récidive d'un jeune qui va à la prison pour mineurs, c'est 65 %. Cela veut dire qu'il faut renforcer les centres d'éducation tels que nous les avons créés, qu'il faut en mettre un par département, mais qu'il ne faut pas inventer des usines à gaz qui ne veulent rien dire. C'est ce que j'appelle la sérénité pour la justice. "
Votre réaction ?
- " Monsieur Dray se contredit et contredit monsieur Jospin. Je voudrais rappeler, en ce moment où les socialistes s'opposent à un certain nombre d'idées que j'ai inscrites dans le texte, rappeler les engagements du candidat Jospin qui proposait justement des centres éducatifs fermés, alors qu'aujourd'hui, les socialistes viennent dire le contraire. Cela s'appelle un reniement, cela s'appelle dire des choses avant les élections et dire le contraire après. Eh bien, c'est la différence entre eux et nous. Nous, nous avons dit - le président Chirac a dit - qu'il mettrait en place des centres éducatifs fermés. Eh bien, nous le faisons. C'est la différence avec le reniement socialiste. "
Maintenant, écoutez ce que pensent deux jeunes de 16 et 17 ans, de la cité du Val Fourré à Mantes la Jolie.
(Passage antenne de Mourad et Smaïn, de la cité du Val Fourré, à Mantes la Jolie.)
Alors, la loi du plus fort en prison, la prévention, le rôle des parents ?
- " Les structures que nous voulons mettre en place sont de petites structures qui comprendront entre 8 et 10 jeunes, encadrés par des éducateurs professionnels. Il est bien évident que dans des structures de cette taille, ça n'a absolument rien à voir avec les prisons telles qu'on peut les imaginer aujourd'hui, telles qu'elles sont aujourd'hui, je veux dire. Donc, il s'agit de petites structures dans lesquelles vraiment le contenu éducatif est important et le suivi de chaque jeune peut être suffisamment efficace. Quant à la deuxième observation, c'est vrai que l'idéal, c'est que les parents assument leurs responsabilités. Mais les situations que nous connaissons - et je le sais, parce que je suis aussi maire d'une ville moyenne - c'est justement quand il y a carence de l'autorité familiale et du suivi éducatif des familles. Et ce que nous voulons justement, par la diversité des structures d'accueil et d'accompagnement que nous voulons mettre en place, c'est, quelque part, nous substituer malheureusement à l'absence des parents, nous substituer aux parents et faire un travail éducatif qui n'a pas été fait ou qui n'est plus fait par le milieu familial, et c'est de cette façon-là que nous pouvons éviter que ces jeunes n'aillent plus loin sur le chemin de la délinquance. "
Plus de détentions provisoires possibles, c'est aussi plus de monde en prison. Sur la surpopulation dans les prisons, vous avez prévu quelque chose ?
- " D'abord, le surpopulation actuelle dans les prisons, vous conviendrez avec moi qu'elle ne m'est pas imputable. Ce n'est pas moi qui ai rempli les prisons telles qu'elles le sont aujourd'hui. Donc, il ne faut pas tout mélanger. Pour l'avenir, ce que nous voulons, c'est construire des places supplémentaires. Nous l'avons dit : 7000 pour augmenter la capacité actuelle, et 4000 pour remplacer des places qui aujourd'hui ne sont pas dignes de notre pays, ni en termes de sécurité, ni en termes de qualité minimum humaine de cet accueil. A plus court terme, nous pensons possible de développer - c'est également un article dans le projet de loi - le bracelet électronique, pour faire en sorte que l'on puisse surveiller à leur domicile des délinquants en fin de peine ou ayant été condamnés à des peines très courtes. Et puis, il faut que nous voyions avec les parquets - je sais que les parquets, en liaison avec les magistrats du siège, sont très attentifs à développer au maximum les peines de substitution, et en particulier tout ce qui est travaux d'intérêt général, avec tout ce type de peines qui peuvent se substituer à la prison, et avoir d'ailleurs un effet pédagogique probablement plus intéressant dans beaucoup de cas que l'incarcération pure et simple. Voilà les trois axes, les trois pistes qui peuvent nous permettre de répondre à une situation qui, effectivement, aujourd'hui est préoccupante, et qui est le résultat d'une dégradation de la situation qu'on a connue en particulier ces deux dernières années, faute de politique en matière d'aménagement des prisons de l'ancien gouvernement. "
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 juillet 2002)
- " J'ai vu ce titre. Je crois qu'il faut faire la différence entre un certain nombre d'observateurs qui expriment, dans la liberté, leur point de vue, et puis la grande majorité des Français. Je vous cite un seul chiffre : sur le juge de proximité, 90 % des Français que j'ai fait interroger par la Sofrès, me disent qu'ils y sont favorables ; de même que les centres éducatifs fermés sont demandés par énormément de gens y compris d'élus locaux - des gens qui travaillent sur le terrain, des éducateurs, des travailleurs sociaux - de façon à faire en sorte que nous puissions mieux prendre en compte la situation d'un certain nombre de jeunes qui, aujourd'hui, sont un peu paumés et ont besoin d'être, à un moment donné, encadrés, aidés, accompagnés pour éviter qu'ils n'aillent trop loin dans la délinquance. "
Commençons par la détention provisoire possible dès l'âge de 13 ans - c'est un changement radical de philosophie - et aussi la création de centres éducatifs fermés pour les mineurs ?
- " S'agissant de la détention à partir de 13 ans, il ne faut pas lire le texte à l'envers. [Sur] la détention : il est impossible pour un magistrat de décider directement de mettre un jeune de 13 à 16 ans en prison. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, il faut que les choses soient claires. Il ne faut pas induire nos concitoyens en erreur. Ce qui est dans le texte, ce n'est pas cela. Un jeune, s'il est placé sous contrôle judiciaire, par exemple dans un centre éducatif fermé, et s'il ne respecte pas les règles - si par exemple il fugue - le juge aura la possibilité de décider de sa mise en détention, bien entendu si, en plus, les faits qui lui sont reprochés sont graves. Donc, ça n'est jamais une décision première. C'est uniquement s'il n'y a pas respect des mesures de contrôle judiciaire, et ce sera donc quelque chose de tout à fait exceptionnel. Donc, vous voyez, il faut faire très attention à la manière de lire le projet qui, j'en conviens, est assez technique, assez juridique et ce n'est pas toujours facile effectivement de comprendre exactement la nature des mesures que nous proposons. "
Les centres éducatifs fermés : vous êtes allé visiter les centres en Grande-Bretagne, et vous dites que ce ne seront pas des bunkers. Pas de barrots ?
- " Effectivement, les centres éducatifs fermés seront des centres éducatifs, c'est-à-dire confiés exclusivement à des éducateurs - c'est d'ailleurs le résultat des discussions que j'ai pu avoir avec les représentants du milieu éducatif depuis un mois et demi. Je rappelle que j'ai reçu environ 60 délégations avant de présenter mon texte ce matin en Conseil des ministres. Donc, ces centres éducatifs ont pour vocation de mettre un peu à l'écart de leur milieu naturel, de toute tentation, ces jeunes pour leur apporter effectivement un accompagnement éducatif, pour s'occuper d'eux, pour leur apporter également quelque chose sur le plan scolaire et, si possible, je le souhaite beaucoup, une formation professionnelle leur permettant ensuite de sortir de ce centre en étant un tout petit peu remis sur la bonne voie. C'est de cela qu'il s'agit. Ce que nous voulons, c'est vraiment trouver un équilibre entre éducation et sanction. La situation que nous connaissons depuis vingt ans est une situation inacceptable, l'évolution n'est pas acceptable. Les jeunes sont de plus en plus souvent délinquants et de plus en plus jeunes, et nous devons les préserver d'eux-mêmes. Nous devons bien sûr protéger leurs victimes, mais nous devons aussi protéger ces jeunes contre eux-mêmes, nous devons faire en sorte de pas les laisse aller vers la délinquance. Je trouve qu'il y a un gâchis humain terrible à observer ces jeunes qui, progressivement, vont vers la délinquance et se retrouvent finalement, lorsqu'ils sont majeurs, en prison. Donc, c'est ce travail à la fois d'éducation, parfois dans la fermeté, c'est vrai, que nous voulons donner, parce que nous avons cette vision humaniste de la société. "
Je vous propose d'écouter ce que disait ce matin le député J. Dray, interrogé par A. Ardisson. C'est l'ancien Monsieur Sécurité du PS. Il se demande si ce système ne va pas fabriquer plus de délinquants.
(Extrait de son interview avec A. Ardisson) J. Dray : "c'est du gadget, cela ne veut rien dire ! D'ailleurs, le ministre lui-même, quand il présente son texte, il commence par nous dire ce que n'est pas un centre éducatif fermé - cela veut dire qu'il ne sait pas ce que cela veut dire. Nous avons mis en place des centres d'éducation renforcée, qui sont un succès. Le taux de récidive d'un jeune qui va dans un centre d'éducation renforcée est de 10 à 20 %. Le taux de récidive d'un jeune qui va à la prison pour mineurs, c'est 65 %. Cela veut dire qu'il faut renforcer les centres d'éducation tels que nous les avons créés, qu'il faut en mettre un par département, mais qu'il ne faut pas inventer des usines à gaz qui ne veulent rien dire. C'est ce que j'appelle la sérénité pour la justice. "
Votre réaction ?
- " Monsieur Dray se contredit et contredit monsieur Jospin. Je voudrais rappeler, en ce moment où les socialistes s'opposent à un certain nombre d'idées que j'ai inscrites dans le texte, rappeler les engagements du candidat Jospin qui proposait justement des centres éducatifs fermés, alors qu'aujourd'hui, les socialistes viennent dire le contraire. Cela s'appelle un reniement, cela s'appelle dire des choses avant les élections et dire le contraire après. Eh bien, c'est la différence entre eux et nous. Nous, nous avons dit - le président Chirac a dit - qu'il mettrait en place des centres éducatifs fermés. Eh bien, nous le faisons. C'est la différence avec le reniement socialiste. "
Maintenant, écoutez ce que pensent deux jeunes de 16 et 17 ans, de la cité du Val Fourré à Mantes la Jolie.
(Passage antenne de Mourad et Smaïn, de la cité du Val Fourré, à Mantes la Jolie.)
Alors, la loi du plus fort en prison, la prévention, le rôle des parents ?
- " Les structures que nous voulons mettre en place sont de petites structures qui comprendront entre 8 et 10 jeunes, encadrés par des éducateurs professionnels. Il est bien évident que dans des structures de cette taille, ça n'a absolument rien à voir avec les prisons telles qu'on peut les imaginer aujourd'hui, telles qu'elles sont aujourd'hui, je veux dire. Donc, il s'agit de petites structures dans lesquelles vraiment le contenu éducatif est important et le suivi de chaque jeune peut être suffisamment efficace. Quant à la deuxième observation, c'est vrai que l'idéal, c'est que les parents assument leurs responsabilités. Mais les situations que nous connaissons - et je le sais, parce que je suis aussi maire d'une ville moyenne - c'est justement quand il y a carence de l'autorité familiale et du suivi éducatif des familles. Et ce que nous voulons justement, par la diversité des structures d'accueil et d'accompagnement que nous voulons mettre en place, c'est, quelque part, nous substituer malheureusement à l'absence des parents, nous substituer aux parents et faire un travail éducatif qui n'a pas été fait ou qui n'est plus fait par le milieu familial, et c'est de cette façon-là que nous pouvons éviter que ces jeunes n'aillent plus loin sur le chemin de la délinquance. "
Plus de détentions provisoires possibles, c'est aussi plus de monde en prison. Sur la surpopulation dans les prisons, vous avez prévu quelque chose ?
- " D'abord, le surpopulation actuelle dans les prisons, vous conviendrez avec moi qu'elle ne m'est pas imputable. Ce n'est pas moi qui ai rempli les prisons telles qu'elles le sont aujourd'hui. Donc, il ne faut pas tout mélanger. Pour l'avenir, ce que nous voulons, c'est construire des places supplémentaires. Nous l'avons dit : 7000 pour augmenter la capacité actuelle, et 4000 pour remplacer des places qui aujourd'hui ne sont pas dignes de notre pays, ni en termes de sécurité, ni en termes de qualité minimum humaine de cet accueil. A plus court terme, nous pensons possible de développer - c'est également un article dans le projet de loi - le bracelet électronique, pour faire en sorte que l'on puisse surveiller à leur domicile des délinquants en fin de peine ou ayant été condamnés à des peines très courtes. Et puis, il faut que nous voyions avec les parquets - je sais que les parquets, en liaison avec les magistrats du siège, sont très attentifs à développer au maximum les peines de substitution, et en particulier tout ce qui est travaux d'intérêt général, avec tout ce type de peines qui peuvent se substituer à la prison, et avoir d'ailleurs un effet pédagogique probablement plus intéressant dans beaucoup de cas que l'incarcération pure et simple. Voilà les trois axes, les trois pistes qui peuvent nous permettre de répondre à une situation qui, effectivement, aujourd'hui est préoccupante, et qui est le résultat d'une dégradation de la situation qu'on a connue en particulier ces deux dernières années, faute de politique en matière d'aménagement des prisons de l'ancien gouvernement. "
(Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 juillet 2002)