Déclaration de M. Christian Sautter, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur les trois axes du projet de loi de finances pour l'an 2000 : la pérennisation de la croissance, la lutte contre les inégalités et la modernisation de l'Etat, au Sénat, Paris le 25 novembre 1999.

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Texte intégral

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2000 s'organise autour de trois axes :
La volonté d'une croissance durable
Le choix d'une croissance partagée
L'ambition de moderniser l'Etat.
I - La politique des finances publiques de ce gouvernement est animée par une volonté de croissance durable.
1. La perspective d'une croissance durable est aujourd'hui crédible.
a) Le diagnostic d'une croissance soutenue est désormais unanime
Je n'aurai pas la cruauté de revenir, trop longuement, sur certains propos qui ont été tenus dans cette assemblée l'automne dernier et encore ce printemps sur la situation économique de la France. Je retiendrai simplement que les mêmes qui aujourd'hui découvrent la bonne situation des recettes fiscales nous expliquaient il y a quelques mois que la faiblesse de la croissance de l'économie française rendrait le budget pour 2000 impossible à élaborer et celui de 1999 impossible à exécuter convenablement. Ce nouvel épisode ne serait qu'anecdotique s'il ne montrait que certains ont encore du mal à prendre en compte que la France est aujourd'hui inscrite, au-delà des fluctuations trimestrielles, dans un cycle long d'expansion, grâce à la volonté de croissance qui anime la politique du Gouvernement et aux décisions prises depuis l'été 1997.
Il faut ainsi souligner que les trois dernières années de la décennie 90 de 1998 à 2000 auront été les trois meilleures de la décennie. De juin 1997 à fin 2000, la croissance de l'économie française aura dépassé celle enregistrée sur les sept premières années de la décennie.
Nous avons construit ce projet de budget sur une hypothèse de croissance de 2,8% en 2000, tout en retenant une fourchette pour la croissance de 2,6 à 3%, compte tenu des incertitudes qui demeurent. Cette projection est très proche de celle des instituts de conjoncture privés.
Cette hypothèse est fondée sur une idée simple : une croissance de la demande intérieure toujours solide sera en 2000 accompagnée par une contribution positive de nos échanges à la croissance.
Sur les rôles des échanges dans la croissance, il est clair que le moteur des exportations, après avoir connu quelques ratés fin 1998- début 1999, est aujourd'hui très puissant. Au moment où vont s'ouvrir les négociations de Seattle, l'évolution favorable de nos ventes à l'étranger montre les bénéfices du développement des échanges pour l'emploi. La France a tout à gagner d'un développement bien régulé des échanges internationaux.
Le moteur le plus important reste néanmoins celui de la demande intérieure. Le choix que nous avons fait en juin 1997 de soutenir la demande des ménages s'est révélé positif. Depuis deux ans, la croissance de l'économie française dépasse celle de ses grands partenaires européens, grâce à une dynamique plus forte de la demande domestique. Appuyée sur une progression régulière du revenu des ménages (environ 2,5% de pouvoir d'achat supplémentaire chaque année), la consommation constitue le socle de la croissance française.
Je ne résiste pas à citer ce que dit le FMI dans son rapport sur la France : " Le cercle vertueux confiance - emplois - consommation - croissance semble être au cur de la meilleure performance relative de la France comparée à celle de ses principaux partenaires européens ".
Cette analyse conduit les organisations internationales à penser que la France sera durablement en tête de la croissance en Europe et dans le monde : pour le FMI, la France aura la meilleure croissance des pays du G7 en 2000, pour l'OCDE ce résultat apparaîtra en 2001. Enfin, pour la Commission Européenne, ce sera pratiquement le cas pendant les deux prochaines années...
Les données des comptes trimestriels publiés ce matin confirment que l'accélération de la croissance est déjà sensible, avec une croissance de 1% pour le seul troisième trimestre : le second semestre de 1999 s'annonce bien. Cette croissance forte confirme le scénario de sortie du trou d'air annoncé dés cet hiver, dans lequel la mise en route du moteur de la demande externe confortait le moteur, toujours vigoureux, de la demande interne.
Le résultat des trois premiers trimestres permet même d'espérer que la perspective sur laquelle était bâtie la loi de finances pour 1999, 2,7% de croissance, sera finalement approchée.
L'enjeu désormais est de prolonger cette conjoncture favorable par un cycle de croissance durable : en d'autres termes, à l'évolution favorable de la demande doit correspondre une élévation de notre potentiel d'offre. J'y reviendrai un peu plus loin.
D'ores et déjà cette bonne conjoncture trouve sa traduction dans l'envolée de l'emploi : pendant les neufs trimestres où Dominique Strauss-Kahn a été Ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie, les effectifs salariés dans les entreprises ont augmenté de 635 000 personnes. Il s'agit là d'une performance exceptionnelle.
Ce constat positif ne doit pas nous conduire pour autant à verser dans l'autosatisfaction : la souffrance sociale vécue par des millions de personnes en France persiste et les risques pesant sur la croissance de l'économie mondiale n'ont pas disparu, notamment aux Etats-Unis.
b) malgré les risques, cette croissance peut être durable et éviter les " stop and go " du passé.
Les risques sur la croissance mondiale n'ont pas disparu :
La performance de l'économie américaine est exceptionnelle depuis de nombreuses années. Depuis 20 ans, la croissance cumulée de l'économie américaine a dépassé de 20 points celle de l'économie française.
Des déséquilibres sont néanmoins apparus aux Etats-Unis, comme le creusement du déficit extérieur : nous avons donc provisionné un ralentissement sensible de l'économie américaine, qui distingue la prévision du gouvernement de celle de beaucoup d'instituts privés de conjoncture. Ce ralentissement n'est pas acquis, mais sa prise en compte dans notre prévision nous protège contre de mauvaises surprises. En tout état de cause, si la dernière décennie de ce siècle a été américaine, la prochaine décennie doit, et peut être celle du réveil du vieux continent.
Deuxième risque : la sortie de la déflation de l'économie japonaise n'est pas encore complètement assurée. Disons simplement que le relais par la demande privée de l'important plan de relance budgétaire doit être confirmé pour que l'économie japonaise, dont il faut se souvenir qu'elle pèse 15 % du PIB de l'OCDE, renoue durablement avec la croissance.
Troisième incertitude, l'évolution des différences de conjoncture au sein de la zone euro. Depuis deux ans, les écarts de conjoncture réels se sont creusés au sein de la zone. La France, en particulier, a pris de l'avance sur ses grands partenaires européens, en raison d'une demande intérieure plus dynamique. A l'inverse, certaines économies de la zone euro, plus petites, connaissent une activité très soutenue qui s'accompagne de certains signes d'inflation. Le caractère localisé de ces tensions semble requérir une action spécifique pour les gouvernements des pays concernés. Pour la zone euro, comme pour la France, l'enjeu est l'inscription de notre stratégie dans une perspective longue de croissance.
Le cycle de croissance doit et peut être durable.
Excès de pessimisme l'hiver dernier, bouffée d'euphorie aujourd'hui. Les commentaires des observateurs connaissent des mouvements cycliques très marqués, plus prononcés encore que ceux de l'économie. Il est toujours dangereux d'extrapoler les mouvements saisonniers. Je voudrais donner deux éléments qui me font penser que la croissance peut être durable.
Le premier élément est la politique macro-économique. La décision récente de la BCE a été suivie par un recul important des taux d'intérêt à long terme, indication que la stabilité des prix et la croissance étaient mieux assurées dans le long terme. Il faut en effet rompre avec cette idée qu'à une flambée de croissance devait succéder l'austérité pour purger les déséquilibres accumulés.
La discussion au sein de l'euro 11, que Dominique Strauss-Kahn a su créer avec ses collègues, permet une meilleure coordination économique entre les gouvernements de la zone et la BCE. Au sein de ce forum, peut se faire la définition d'une politique macro - économique d'ensemble, à la fois budgétaire et monétaire, favorable à la croissance. Notre choix en la matière est ici très clair, et il tranche nettement avec l'expérience passée : nous devons viser conjointement les taux d'intérêt les plus bas possible et la réduction de l'endettement des administrations publiques. Cette orientation sera poursuivie avec détermination.
La politique macro - économique est une condition nécessaire mais non suffisante pour atteindre une croissance durable. Le deuxième élément est qu'il nous faut aussi accroître le potentiel de croissance de la France. Je voudrais juste souligner deux des axes que je poursuivrai dans cette voie.
Le premier, c'est l'accent sur les nouvelles technologies. La France a dans le passé toujours été à la pointe des grandes innovations qui ont entraîné les périodes longues de croissances, forte de la capacité de ses ingénieurs. Dans les années 90, nous avons accumulé du retard dans les technologies de l'information. L'action volontariste mise en uvre par le Premier ministre depuis juin 1997 permet de combler ce retard. Cette action sera amplifiée. Je présenterai au premier semestre 2000 un projet de loi sur la société de l'information.
Le deuxième axe pour élever durablement notre potentiel de croissance, c'est l'emploi. Nous devons tout faire pour que la perspective du plein emploi devienne progressivement une réalité. Nous devons, par exemple, accompagner le retour à l'emploi de ceux qui ont été exclus du marché du travail - c'est une des orientations de la réforme des prélèvements directs pour 2001 - ou réduire les pénuries de main d'oeuvre qui contraignent la croissance dans un certain nombre de secteurs.
2. La perspective d'une croissance durable dépend de nos choix de politique économique
a) L'orientation générale : le " triangle d'or " de la politique des finances publiques.
Le Parlement a souvent eu l'occasion de débattre de la stratégie des finances publiques suivie par le Gouvernement, lors de l'examen du programme à moyen terme des finances publiques, ou au moment du débat d'orientation budgétaire.
Dans cette stratégie, l'évolution des dépenses publiques joue un rôle central. C'est la base de notre triangle. Cette évolution nous permet en premier lieu de financer les priorités que le Gouvernement s'est fixées. En retenant un objectif indépendant de la conjoncture nous contribuons, en outre, à donner à la politique budgétaire un rôle de stabilisation de la conjoncture. Cette norme de dépenses doit par ailleurs s'accompagner d'une démarche ambitieuse de modernisation de la gestion publique. J'y reviendrai.
Le deuxième coté de notre triangle est la baisse des impôts. En 2000, le projet de loi de finances se traduit par une baisse de 40 milliards des prélèvements. Ces baisses sont bonnes pour l'économie, elles sont bonnes pour la justice sociale.
Je ne voudrais pas que votre Assemblée passe trop de temps sur l'arithmétique et sur la notion de " fraction " en particulier. Je souhaite simplement rappeler que la hausse du taux de prélèvements obligatoires en 1999, ne s'explique pas par l'évolution du numérateur de cette fraction, les rentrées fiscales, mais par une progression moins forte que prévue en valeur du dénominateur, la richesse nationale : cette surprise est le résultat d'une erreur de prévision de l'inflation que je concède volontiers. Il reste qu'en 2000 les mesures que nous vous invitons à voter visent à diminuer de 40 milliards les impôts.
Le troisième et dernier côté du triangle d'or de notre politique des finances publiques est la réduction du poids de l'endettement public. L'année dernière, le Sénat avait demandé à mes services une très intéressante étude sur l'évolution de la dette publique sur longue période. Si vous vous replongez dans ce travail, vous constaterez, que la baisse du ratio dette/PIB que nous visons l'année prochaine, sera la première depuis 20 ans. Cette inversion de la spirale de la dette est je crois d'une portée historique qu'il ne faut pas sous-estimer. Ce Gouvernement commencera ainsi à réduire le fardeau qui sera transmis aux jeunes générations, conformément à l'engagement que nous avions pris dès l'été 1997. J'aimerais que sur ce point, au moins, votre Haute assemblée en donne acte à ce Gouvernement, par delà les clivages partisans.
Cette diminution du poids de la dette est bien sûr le résultat direct de la forte réduction des déficit publics. De 1997 à 2000, le besoin de financement des administrations se sera réduit de 1,7 point de PIB. Cette baisse est la plus rapide de tous les pays de l'Union Européenne. Vous nous direz que notre déficit est encore trop élevé. Certes. A l'été 1997, le déficit de l'Etat par exemple, dérivait autour de 300 MdsF, et nous le ramenons autour de 200 MdsF. C'est une réduction très sensible qui s'effectue à un rythme qui préserve la croissance. Nous partions donc avec un certain handicap...et notre action n'a pas encore permis de redresser ce que vous nous aviez laissé, même si nous avons largement recollé au peloton européen.
En définitive ce triangle d'or n'a rien de mystérieux : la maîtrise de la dépense publique et la stratégie de désendettement expliquent notre capacité à baisser les impôts des Français.
Je dois ajouter que je me félicite du satisfecit indirect et peut-être involontaire accordé par votre rapporteur général à la politique économique ainsi menée par le Gouvernement. Il la crédite même d'une efficacité supérieure à celle que lui prête le Gouvernement lui-même, estimant que nous avons rempli les caisses de l'Etat, que les plus-values de recettes pour 1999 sont de 30 à 40 MdsF, et qu'elles devraient permettre de réduire encore plus le déficit, voire les impôts, en 2000. Je souhaiterais que vous ayiez raison, M. Marini, auquel cas le déficit sera réduit encore plus que prévu et ce sera une bonne chose, mais le réalisme me conduit à tempérer votre optimisme. Vos évaluations de l'an dernier s'étaient déjà révélées d'un optimisme quelque peu débordant par rapport à la réalité.
Les prévisions que nous avons réalisées à ce stade et qui sont retracées dans les documents annexés au PLF 2000, ainsi que dans le projet de loi de finances rectificative pour 1999 présenté hier en Conseil des ministres, conduisent à un surplus de recettes de 13 MdsF, dont 11,2 MdsF de recettes fiscales, essentiellement au titre de l'impôt sur les sociétés, et nous avons choisi d'en rendre près de la moitié aux Français sous forme de baisses d'impôts anticipées au 15 septembre 1999 sur la TVA concernant les travaux dans les logements et sur les frais de notaire.
Les rentrées fiscales plus fortes aujourd'hui enregistrées à la fin septembre traduisent en réalité des phénomènes calendaires, en particulier au titre des baisses d'impôts décidées par le Gouvernement que je viens de citer et qui ne seront perceptibles qu'au dernier trimestre, ou encore au titre de la baisse de 15 % à 10 % de la contribution temporaire d'impôt sur les sociétés, dont l'effet pèsera essentiellement sur l'acompte de décembre. J'ajoute, pour en finir avec cette controverse, que les plus-values enregistrées sur l'IS en 1999 sont liées aux bons résultats de 1998 et qu' en tout état de cause, compte tenu de la mécanique du recouvrement de cet impôt, elles ne se reporteront pas sur 2000. En bâtissant le budget de l'an prochain sur les résultats intermédiaires de cette année, vous risquez de définir un équilibre non seulement optimiste, mais aussi et surtout insincère.
b) Les choix budgétaires et fiscaux sont également au service de la croissance :
Contrairement aux libéraux, nous estimons que le niveau de la dépense et des impôts n'est pas la seule variable qui compte, mais que leur contenu est très important pour consolider la croissance. En matière de dépense, je ne prendrai qu'un exemple : en prévoyant une hausse du budget de l'environnement de près de 9 %, à 4,3 MdsF, au profit de la protection de la nature, de la prévention des risques -priorité à laquelle nous sommes particulièrement sensibilisés aujourd'hui- nous favorisons le développement durable.
En matière fiscale, les baisses d'impôts que nous avons prévues en PLF sont particulièrement orientées vers la consolidation de la croissance au profit de l'emploi et de la justice sociale.
Je voudrais tout d'abord rappeler qu'au titre des mesures programmées dans les budgets précédents, la suppression progressive de la taxe professionnelle sur les salaires se poursuit et permettra de toucher en 2000 un million d'établissements, soit près de 90 % des redevables de cet impôt. La baisse du coût du travail liée à la réforme devrait entraîner un accroissement durable des effectifs d'environ 18.000 à 25.000 emplois. De même, la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, créée en 1997 pour permettre la qualification de la France à l'euro, sera supprimée.
Mais nous avons souhaité aller au delà, en proposant au Parlement des mesures fiscales novatrices.
Des baisses d'impôts pour un développement de l'emploi.
Le Gouvernement a décidé de vous proposer trois mesures fiscales de forte ampleur, qui constituent une réforme structurelle de la fiscalité du logement :
Première mesure : la baisse de 20,6 % à 5,5 % de la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements, pour un coût de près de 20 MdsF. Cette mesure correspond à une demande du groupe socialiste mais elle répond également à une sollicitation de la Commission des finances du Sénat exprimée d'ailleurs tant par le président Lambert, en qualité à l'époque de rapporteur général, que par votre actuel rapporteur général, M.Marini. Cette mesure supposait, pour être adoptée, un accord européen ; le Gouvernement a beaucoup plaidé pour l'obtenir ; un accord a finalement pu être trouvé le 8 octobre dernier. La mesure sera plus large et plus simple que certains ont pu le dire. Plus large par le nombre de personnes concernées : environ 10 millions de ménages, chaque année, soit plus du tiers du total des ménages ; seront intéressées 263 000 entreprises employant 1 130 000 salariés. Plus large également par ses modalités d'application, aussi bien par la définition des travaux concernés - nous avons voulu faire simple en limitant strictement les matériels échappant au taux général de 5,5 % - que par l'articulation avec les dispositifs existants - les crédits d'impôts sont adaptés de la manière la plus favorable pour les contribuables. Il est à noter que, dès la date d'application, le 15 septembre, est parue l'instruction fiscale détaillant la mesure. L'ensemble de la profession, qui avait été associée à la mise au point technique de ce dispositif, en a été satisfaite. Les artisans ont d'ailleurs parfaitement joué le jeu, puisque, selon une enquête qui vient d'être réalisée par mes services, 92 % d'entre eux ont répercuté la baisse de la TVA. Je sais également que, ici ou là, ont pu apparaître des difficultés d'application, notamment pour les syndics de copropriété. Le Gouvernement est conscient de ces difficultés et c'est pourquoi j'ai proposé aux principales organisations représentatives du secteur un dispositif simplifié d'application de la baisse de la TVA aux parties communes des copropriétés qui, je crois, les a satisfaits.
Deuxième mesure : sur une proposition de Jean-Claude Gayssot, la suppression en deux ans du droit de bail pour les locataires, qui constituait une taxe de 2,5 % sur tous les loyers, instituée au XVIIIème siècle. Cette taxe disparaîtra des quittances de loyers dès le 1er janvier prochain pour tous les locataires dont le loyer est inférieur à 3 000 F par mois, soit près de 90 % des locataires, et environ 95 % des occupants de logements sociaux ; elle disparaîtra pour tous les locataires au 1er janvier 2001. Quant aux critiques sur les modalités de suppression de la déclaration de droit de bail qui ont été formulées l'année dernière - notamment en cas de suspension de la location -, nous les avons entendues : deux millions de petits propriétaires bailleurs se verront rembourser en 2000 le droit de bail qu'ils avaient acquitté au cours des neufs premiers mois de l'année 1998, dès lors qu'il y a suppression du droit de bail.
Troisième mesure : une nouvelle baisse des droits de mutation sur l'immobilier d'habitation - ce que l'on appelle communément les "frais de notaire". Ils seront désormais au même niveau pour les particuliers que pour les entreprises. Ce n'est que justice. Le taux, ramené à 4,8 %, permettra à davantage de jeunes ménages d'accéder à la propriété. Cette baisse, comme celle de la TVA, s'applique à compter du 15 septembre dernier.
Des baisses d'impôts pour les petites entreprises
Nous vous proposons trois mesures fiscales simples pour favoriser l'innovation et la création d'entreprise :
- la suppression des impôts d'Etat qui pénalisaient jusqu'alors la création d'entreprise ;
- la baisse des droits de mutation sur les fonds de commerce, ramenés de près de 12 % à 4,8 %, pour faciliter la transmission d'entreprises. Cette mesure, encore peu connue, devrait avoir un impact considérable ;
- la suppression de l'imposition forfaitaire annuelle de 5000 francs pour 180 000 petites entreprises de moins de 500 000 francs de chiffres d'affaires.
Une fiscalité en faveur du développement durable
Une nouvelle étape est franchie en faveur de la fiscalité écologique, conformément à ce qui avait été annoncé l'année dernière : le rattrapage, étalé sur sept ans, de la fiscalité du gazole se poursuit avec un relèvement de 7 centimes. La taxe générale sur les activités polluantes, désormais incluse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, monte en puissance pour financer des allégements de charges en faveur des bas salaires, selon un mouvement que suivent désormais la plupart de nos partenaires européens.
Si ces mesures sont déjà connues, je veux insister sur une autre décision : alors que les taxes sur le super sans plomb, sur le carburant propre, avaient augmenté entre 1993 et 1997, de près de 1 F par litre, elles ne vont pas augmenter d'un centime en 2000, et ce pour la deuxième année consécutive. La France sera ainsi l'un des rares pays de l'Union à ne pas avoir relevé sa fiscalité pétrolière ces dernières années. Le poids de la fiscalité pétrolière est ainsi en réduction relative.
II - Le Gouvernement fait le choix d'une croissance partagée
Comme je l'ai déjà dit, notre politique économique est au service d'un objectif : la croissance durable. Mais cette croissance est elle-même au service de nos priorités politiques, à savoir l'emploi et la justice sociale. Nous refusons une croissance qui s'accompagne d'un accroissement des inégalités, comme on peut la voir dans certains grands pays développés. Nous refusons la résignation au chômage qui serait une fatalité française ou européenne, le creusement des situations inégales qui serait une fatalité de la mondialisation. L'accroissement des inégalités constaté dans un rapport de l'INSEE concernant lapériode 1990-1996 montre que les périodes de faible croissance nourrissent les inégalités parce qu'elles pèsent sur l'emploi et les salaires.
A ce titre, les résultats enregistrés depuis deux ans et demi sont encourageants. La croissance retrouvée a aussi été une croissance mieux partagée :
d'abord parce qu'elle a entraîné le recul du chômage : 440 000 chômeurs de moins depuis juin 1997 ;
ensuite parce que le pouvoir d'achat, notamment des petits revenus, a progressé. Le pouvoir d'achat du SMIC a augmenté de près de 6% depuis 2 ans. Le revenu disponible des ménages, après impôt, augmente, depuis 1997, au rythme de 2,5% par an ;
la croissance de l'emploi et du pouvoir d'achat des salaires permettent d'améliorer le partage des richesses nationales au profit du travail : en 1999 et en 2000 la part des salaires dans la valeur ajoutée augmentera, mettant fin à une tendance lourde des dernières années ;
je voudrais enfin souligner que la précarité du travail a commencé à reculer avec la croissance de l'emploi : le temps partiel subi a commencé à baisser en 1998. De même, la part des contrats stables progresse dans les créations d'emplois.
Beaucoup reste à faire mais la tendance est bien orientée. Nos choix budgétaires visent à accentuer cette tendance.
1. Les priorités en matière de dépenses traduisent le choix en faveur d'une croissance solidaire
Les priorités du Gouvernement n'ont pas changé depuis trois ans et sont particulièrement tournées vers le renforcement des solidarités, l'égalité des chances pour tous, que ce soit en matière d'emploi, de santé, d'éducation, ou encore de sécurité et de justice. Les budgets prioritaires progresseront de 3,6 % en 2000, soit quatre fois plus vite que l'ensemble des dépenses de l'Etat (+ 0,9 %). Depuis trois ans, ils auront augmenté de près de 80 MdsF, soit une hausse de 11,5 %, traduction très concrète du " dépenser mieux ".
a) la priorité numéro un demeure la solidarité.
C'est pourquoi le budget de l'emploi et de la solidarité connaît en 2000 une nouvelle hausse de ses moyens, qui progressent de 4,3 %, soit 10 MdF de plus. Alors que ce budget était inférieur en 1997 à la charge de la dette, mais aussi au budget de la défense, il constitue désormais, à hauteur de 253,6 MdsF, le deuxième budget de l'Etat derrière celui de l'éducation nationale.
Concernant la solidarité (90,8 MdsF), une étape importante dans la lutte contre l'exclusion est franchie en 2000 avec la mise en place de la couverture maladie universelle. Celle-ci apportera une couverture maladie de base à plus de 150 000 personnes, qui étaient aujourd'hui totalement dépourvues de protection sociale, et une couverture complémentaire à plus de trois millions de personnes. Un montant de 7 MdF est inscrit à ce titre sur le budget de la santé et de la solidarité, qui progresse ainsi de plus de 13 %. Il s'agit là pour le Gouvernement et sa majorité d'une réforme essentielle.
Le budget de la politique de la ville (1,3 MdF) progresse pour sa part de 26 %, marquant ainsi l'importance particulière attachée à développer, dans le cadre des contrats de ville 2000-2006, les programmes au niveau des villes et des agglomérations. En outre, conformément à l'annonce du Premier ministre, le 27 septembre dernier à Strasbourg, un abondement supplémentaire de 500 MF de la dotation de solidarité urbaine a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale en faveur du programme de solidarité et de rénovation urbaine que le gouvernement a décidé d'engager et de conduire d'ici 2002.
b) la rénovation des grands services publics régaliens
Il existe chez nos concitoyens une forte demande de services publics. Cette demande est légitime : il convient de renforcer la présence et la qualité des services publics, notamment dans les quartiers en difficultés. Un égal accès de tous les citoyens aux services publics est nécessaire dans une démocratie vivante et juste.
Le budget de la justice progresse de 4 % à 27,3 MdsF. 1237 emplois sont créés et les moyens de fonctionnement progressent de 5,2 %. Les services judiciaires verront leurs effectifs renforcés afin de poursuivre le plan de réforme de la justice, en particulier pour raccourcir les délais de jugements, de faire entrer des juges professionnels dans les tribunaux de commerce, et de mettre en uvre les réformes adoptées par le Parlement, en particulier la création de juge de la détention. Par ailleurs, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront de près de 14 % et ceux de l'administration pénitentiaire de près de 6 %.
Depuis 1997, la sécurité est une forte priorité du Gouvernement parce que chaque citoyen, où qu'il habite, doit se sentir protégé. Le développement des contrats locaux de sécurité est encouragé. La mise en uvre de la police de proximité est en cours de généralisation avec la fidélisation des unités mobiles et l'affectation de gendarmes et de policiers supplémentaires dans les circonscriptions difficiles. En outre, 4.150 adjoints de sécurité seront recrutés afin de porter leur nombre à 20.000. Des crédits de fonctionnement supplémentaires à hauteur de 200 MF (+5 %) seront affectés à la formation des agents de la force publique et au renforcement des moyens opérationnels. Les crédits de paiement augmenteront de 38 % afin d'accélérer notamment le programme d'implantation et de rénovation des commissariats en zone difficile. Un effort supplémentaire sera fait dans le collectif budgétaire qui vient d'être examiné en conseil des ministres hier en faveur des moyens de fonctionnement de la police et de la rénovation ou la construction des hôtels de police.
2. La politique fiscale du Gouvernement est particulièrement redistributive, à la fois au niveau des ménages et des entreprises
Le Gouvernement n'a pas limité son action à la baisse des impôts, il a également modifié la structure des prélèvements obligatoires de façon à encourager l'emploi et la justice sociale. Depuis 1997, nous avons réorganisé des rééquilibrages très importants au sein de notre fiscalité :
les ménages ont bénéficié de 24 MdsF de baisses d'impôts, mais les allégements ont été portés à 28 MdsF pour les ménages les plus modestes tandis que les 10 % de ménages les plus aisés ont vu leur fiscalité accrue de 4 MdsF ;
les entreprises ont bénéficié de près de 1,7 MdF de baisses d'impôts, mais ce solde traduit un allégement des prélèvements pesant sur le travail de 27 MdsF compensé par un accroissement des impôts sur le profit et le capital.
Ce projet de loi de finances est donc résolument orienté vers le partage de la croissance au profit du plus grand nombre, et je voudrais ajouter que l'Assemblée nationale partage pleinement cette orientation car elle a apporté en ce sens des améliorations importantes au texte du Gouvernement. Elle a accru les allégements d'impôts en faveur des ménages de 1,5 MdF, les portant à 30 MdsF au total pour 2000 par rapport à 1999, à travers des mesures comme l'exonération de taxe d'habitation pour les ménages modestes et les RMistes retrouvant un emploi, l'accélération de la suppression du droit au bail pour les locataires les plus modestes, ou encore la suppression des conditions d'âge pour la réduction d'impôt au titre des frais dans les établissements de long séjour. En matière de dépenses, elles a prévu 1,2 MdF de dépenses supplémentaires pour revaloriser les retraites agricoles les plus faibles. Elle a également réservé 600 MF au sein du budget 2000 pour financer les dommages résultant des inondations dans le sud de la France. Toutes ces améliorations vont dans le bon sens, celui de l'accroissement des solidarités envers nos concitoyens les plus fragilisés.
III - Le Gouvernement fait enfin le choix de la modernisation de l'Etat
Cette modernisation porte à la fois sur les dépenses et les recettes publiques.
1. La maîtrise durable de la dépense publique est fondée sur la modernisation de la gestion publique
Le double impératif que constitue pour le gouvernement la maîtrise de la dépense publique, mais également l'amélioration du service public, signifie qu'il n'est pas question de faire des coupes sombres dans la dépense, au hasard ou de façon forfaitaire comme d'aucuns le suggèrent. Nous recherchons au contraire à promouvoir une culture de résultats. C'est cette approche qui a contribué à dégager, dès le budget 2000, 34 MdsF de redéploiements au profit des priorités du Gouvernement.
a) Le passage d'une culture de moyens à une culture de résultats :
Chacun a fait la critique de ces " administrations dépensières " qui se précipitent en fin d'année pour consommer des reliquats de crédits afin d'éviter leur annulation et, plus grave, la diminution à due proportion des crédits de l'année suivante. Passer d'une culture de moyens, ou de dépenses, à une culture de résultats nécessite trois conditions dont aucune n'est négligeable : La définition d'objectifs clairs, la responsabilisation des acteurs et le suivi des résultats obtenus à travers un système d'information adéquat. Sur ces trois plans, le gouvernement a progressé :
la définition d'objectifs clairs : le PLF 2000 marque une toute première étape dans la mise en place d'une budgétisation par objectifs : au sein de certains budgets, les politiques poursuivies sont présentées sous forme d'agrégats budgétaires. Chacun d'eux est assorti d'indicateurs de performance permettant de mesurer à la fois la pertinence des politiques publiques et l'efficacité de la gestion administrative. Ce premier pas dans la mise en place de budget d'acteurs et de budgets de programmes devra être naturellement être étendu et consolidé en 2001.
la responsabilisation des acteurs : il est indispensable aujourd'hui de libérer les initiatives en donnant aux acteurs de l'action publique davantage de liberté de gestion et, en contrepartie, en les responsabilisant sur les deniers qu'ils gèrent. La contractualisation permet de mettre en uvre une telle démarche, et je citerai deux exemples :
- au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons demandé à toutes les directions du ministère d'engager avec la direction du budget une démarche de contractualisation de leurs objectifs et de leurs moyens, sous forme de plans à trois ans ;
- deuxième exemple, le contrat passé avec le ministère de l'intérieur fixe l'évolution des moyens de l'administration préfectorale sur la période 2000-2002, tant en matière de crédits que d'emplois, prévoit le report automatique des crédits non consommés et met en uvre, à titre expérimental, dans quatre préfectures, une globalisation des crédits de personnel et de fonctionnement.
Ces exemples montrent bien comment, de façon concrète, une visibilité et une liberté accrues peuvent être données aux gestionnaires.
Le suivi des résultats obtenus à travers la mise en place d'un système d'information approprié. Un nouveau progiciel, ACCORD, en cours d'installation, contribuera à la mise en place d'une comptabilité analytique et d'un véritable contrôle de gestion dans les ministères.
En matière de comptabilité patrimoniale, des progrès substantiels seront réalisés dès la présentation des comptes de l'année 1999 : le " compte général de l'administration des finances ", qui sera disponible en avril 2000, comportera plusieurs innovations comme le calcul de la charge de la dette en droits constatés, une nouvelle présentation sous forme d'annexe hors bilan des risques et charges de l'Etat, ou la constatation d'une provision pour dépréciation des créances fiscales.
2. La modernisation et la simplification de la fiscalité font également partie de la réforme de l'Etat
a) Le Gouvernement s'est fixé comme objectif de réviser les principaux impôts sur la durée de la législature.Nous l'avons fait de façon méthodique, en procédant chaque année à des réformes précises de notre système fiscal : en 1998, avec la résorption des niches fiscales et le basculement des cotisations salariales sur la CSG ; en 1999, avec la réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité du patrimoine ; en 2000, avec, dans le budget qui vous est soumis, une réforme de la fiscalité du logement et un allègement considérable de la fiscalité indirecte. Et nous poursuivrons cette méthode, puisque, comme le Premier ministre l'a annoncé, nous procéderons en 2001 à une vaste réforme de la fiscalité directe pesant sur les ménages.
b) Par ailleurs, la simplification de la fiscalité constitue également un enjeu de modernisation
Le projet de budget 2000 comporte une nouvelle étape majeure de simplification : 49 impôts et taxes et plus de 5 millions de déclarations sont supprimés. Ces impôts se caractérisent par leur archaïsme. Cela se traduit soit par leur tarif, comme des droits de timbre à un franc; soit par leur objet, soit par leur ancienneté : la moitié d'entre eux ont été créés avant 1958, le tiers avant 1939.
Après la suppression, l'an dernier, des taxes sur les cartes d'identité, qui a bénéficié dès 1998 à plus de deux millions de ménages, je veux souligner une mesure, prise en accord avec Claude Allègre et qui concernera environ 1,5 million d'élèves et leurs familles chaque année : il s'agit de la gratuité de l'inscription à tous les examens scolaires du second degré (BEP, CAP, baccalauréat...). Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait partagé cette orientation et voté, dans le même esprit, la suppression du droit de timbre sur les cartes de séjour.
Nous allons, par ailleurs, poursuivre la simplification des obligations déclaratives des contribuables, avec l'amélioration du régime micro-foncier pour les petits propriétaires bailleurs, l'unification et la simplification des régimes d'imposition des plus-values sur valeurs mobilières réalisées par les ménages, et enfin la suppression complète de l'obligation de joindre à la déclaration de revenus des certificats de scolarité pour l'obtention de la réduction d'impôt pour frais de scolarité.
Je vous ai présenté les grandes lignes de ce projet de budget pour 2000, en traitant parfois de sujets qui dépassent le strict cadre de la loi de finances, comme l'impératif de solidarité et de justice sociale, ou la modernisation de l'Etat. C'est que je crois réellement que la politique budgétaire ne constitue pas un exercice d'équations en vase clos, fondée sur des postulats préétablis concernant l'évolution des dépenses et des impôts, mais au contraire un instrument s'inscrivant dans le cadre plus général de la politique économique, laquelle s'inscrit à son tour dans le cadre plus vaste de la politique et de ses priorités les plus élevées.
C'est pourquoi ce budget ne se contente pas de baisser les impôts, il le fait de façon redistributive au profit de l'emploi et de la solidarité. C'est pourquoi il ne se contente pas de maîtriser la dépense, il la redéploie et il la modernise. C'est pourquoi il ne se contente pas de baisser les déficits, il le fait dans une perspective pluriannuelle visant à diminuer durablement le poids de la dette publique.
Voilà l'esprit du projet de loi de finances pour 2000 qui est soumis aujourd'hui à votre approbation.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 29 novembre 1999)