Interview de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, à RMC le 26 septembre 2002, sur le projet de budget de la fonction publique pour 2003 et l'évolution du mode de gestion des services publics.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Première partie - 8h35
Votre CV est un peu particulier dans le monde politique, vous étiez chef d'entreprise avant de faire de la politique.
- "Oui, je ne devais pas faire de politique, je suis tombé en politique par hasard."
Vous n'êtes pas énarque ?
- "Je ne suis pas énarque."
Cela change...
- "Je suis bac plus 1 !"
Vous prenez le TGV tout seul et vous prenez les transports en commun...
- "Il faut garder ses habitudes de vie."
Le fait de devenir ministre n'a pas changé grand-chose ?
- "Si, quand même. D'abord, vous êtes porteur d'une lourde responsabilité, vous faites partie d'une équipe extrêmement motivée, vous avez l'impression de servir votre pays, ce qui est un sentiment de fierté, d'honneur, mais aussi une lourde responsabilité."
Etes-vous satisfait de votre budget ?
- "Oui, je suis satisfait et je vais vous dire pourquoi : nous avons souhaité nous mêmes, en accord avec le budget - et c'est l'instruction que j'ai donné à mon administration - d'arrêter de demander de l'argent dont on sait à peu près qu'on ne l'utilisera pas. Et le fait de faire affichage, de faire "cocorico" parce qu'on a un budget en augmentation... J'ai demandé exactement ce que nous étions capables de consommer, d'exécuter. Donc, en termes d'exécution, vous avez un budget en augmentation. Mais en même temps, cela ne suffit pas : j'ai mis en place un système d'évaluation trimestrielle ou semestriel, pour voir tous les trois mois ou tous les six mois où nous en sommes, qu'est-ce que nous avons consommé. Enfin, chaque fois que nous consommons de l'argent public, je veux connaître les résultats par rapport aux objectifs que nous nous sommes fixés : à quoi sert l'argent public, a-t-il été efficace, sommes-nous dans la bonne direction ? Que devons nous remettre en en cause ?"
Un peu plus de 1.700 postes de fonctionnaires seront supprimés, c'est bien cela ?
- "C'est un résultat : des postes vont être en augmentation, des postes en diminution. Il faut aussi ramener cela à la valeur relative : c'est un peu plus de 1.000 fonctionnaires en moins sur 2,4 millions fonctionnaires civils."
Dans quels secteurs les postes seront-ils supprimés ?
- "Nous pouvons commencer par les créations : il y en aura dans l'enseignement primaire, dans la police, dans la défense... En termes d'équilibre, il y a des créations dans l'enseignement primaire, dans la police, dans la justice, ce qui correspond aux choix politiques du Gouvernement. Il y a des diminutions au ministère des Finances et aussi dans certains postes dans l'éducation."
Le ministère des Finances a environ 200.000 fonctionnaires. Beaucoup disent que l'on pourrait "fonctionner" avec 20 ou 30.000 fonctionnaires de moins ? Est-ce que vous allez vous attaquer à la réforme de Bercy ?
- "Oui, mais ce n'est pas uniquement la réforme de Bercy, c'est la réforme de l'ensemble des services publics. La garantie des services publics - c'est une discussion que nous allons avoir avec les syndicats - n'est pas le nombre de fonctionnaires ; la qualité du service public, c'est l'efficacité. La légitimité du service public est perçue et acceptée par les Français si les résultats sont bons. Et nous voyons bien qu'aujourd'hui, nous avons à réfléchir à la performance du service public, à son efficacité et aussi dans un souci de vérité et de transparence, il faut nous dire à chaque fois : est-ce que les moyens que nous avons sont adaptés ? Est-ce qu'il n'y en a pas trop ? Y en a-t-il assez ? De façon à pouvoir pratiquer une politique d'ajustement. Je souhaite que là aussi, nous ayons une analyse très précise de qui fait quoi dans chaque ministère, de façon à ce qu'ensuite, par rapport aux missions que nous nous fixons, nous puissions adapter nos moyens, voire les diminuer lorsqu'à l'évidence ils sont trop nombreux - c'est une honnêteté par rapport aux contribuables. Nous sommes porteurs et responsables de l'argent des Français. Chaque fois que nous utilisons un impôt que l'on estime inutile, c'est malhonnête vis-à-vis des Français."
Une question et une réponse très attendue par les fonctionnaires : l'augmentation des salaires ?
- "Le traitement des fonctionnaires augmentera de 0,7 %, à dater du 1er décembre 2002. Cette mesure est juste puisque, sur l'ensemble de l'année, le traitement des fonctionnaires augmentera de 1,3 %."
Des négociations seront ouvertes pour 2003 ?
- "Le calendrier de rencontres syndicales, c'est que dès le 30 septembre, je reçois les syndicats pour évoquer avec eux ce que j'appelle "la gestion des ressources humaines" : comment faire en sorte que le service public soit plus efficace, le fonctionnaire plus favorisé dans ses conditions de travail et l'usager plus satisfait ? Cela fait partie des modalités de recrutement, de concours, management, motivation, indicateurs de performance, etc. Je démarrerai en 2003, suite à la volonté du Premier ministre, les discussions sur les retraites du service public qui est un sujet majeur, au coeur des préoccupations des fonctionnaires. La fin des contacts se situera vers juin 2003 ou fin mai 2003. Nous aborderons aussi dans cette période, à une date indéterminée, la réflexion et la négociation sur les salaires."
Peut-on imaginer qu'un jour, on rémunère les fonctionnaires aux mérites ?
- "Il y a déjà des dispositifs qui ont été adaptés sur une souplesse, notamment sur 20 %, pour adapter la rémunération par rapport au mérite ou à un semblant de résultat. Il est évident qu'aujourd'hui, le management de la Fonction publique n'est pas un management moderne et qu'ensemble, nous devons réfléchir à l'attractivité du service public. Le vrai problème, ce ne sont pas les effectifs ; c'est demain, dans une population active qui diminue, comment allons-nous être capables de recruter les compétences dont on a besoin pour faire tourner le service public, alors que le service public est lui-même en déficit de compétences dans un certain nombre de domaines ? Donc, aujourd'hui, le nombre de fonctionnaires, qui est au coeur d'un certain nombre de débats, est un faux débat. Le vrai problème, c'est de quelle administration moderne devons-nous nous doter demain. C'est peut-être moins de fonctionnaires dans certains secteurs pour plus de résultats, c'est peut-être plus de fonctionnaires dans certains autres parce qu'il y a une nécessité politique."
Donc la rémunération au mérite, pourquoi pas ?
- "Nous devons mettre en place - c'est notamment la loi de Finances - des indicateurs de performances, des systèmes d'évaluation. Nous ne pouvons, ni les syndicats, ni les ministres employeurs, ni les responsables des ressources humaines, accepter d'être à la tête d'un service dont les résultats sont insatisfaisants."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 sept 2002)