Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur les grandes orientations du plan en faveur de la recherche et de l'innovation, notamment les incitations fiscales en faveur des entreprises innovantes et le renforcement du partenariat entre recherche publique et recherche privée, Croissy-sur-Seine le 10 février 2003.

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Circonstance : Visite de l'Institut de recherche Servier à Croissy-sur-Seine (Yvelines) le 10 février 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Sénateur,
Messieurs les Maires adjoints,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Quand vous m'avez invitée à venir visiter vos laboratoires de recherche, il y a déjà quelques mois, c'est bien volontiers que j'ai accepté cette occasion de dialogue. En effet, c'est toujours un grand plaisir et un enrichissement pour moi de venir sur le terrain, à la rencontre des acteurs de la recherche.
Cette présence s'inscrit dans le cadre plus général d'une série de visites entamée dès ma nomination. Ces visites me permettent de découvrir, d'approfondir et de faire partager mon intérêt fort et celui du Gouvernement pour les différents champs de la recherche et de l'innovation, qu'il s'agisse de la pharmacie, de la micro-électronique, de la chimie, de l'informatique, des télécommunications, ou plus généralement des nouvelles technologies, en un mot, de tous ces secteurs où les entreprises investissent beaucoup en recherche et en développement.
Ces visites vont donc se poursuivre parallèlement à celles qui m'amèneront dans les laboratoires publics, pour porter le message d'une recherche que je veux dynamique, forte et compétitive.
Je remercie donc Monsieur Servier et tous ses collaborateurs de m'accueillir dans les laboratoires de recherche du premier groupe pharmaceutique français indépendant, troisième groupe français au niveau mondial.
Outre le fait que la recherche en sciences de la vie est une des priorités du Gouvernement, notamment à travers le plan cancer et le plan biotechnologies qui se prépare, il y a deux raisons particulières à ma présence parmi vous aujourd'hui.
La première raison de ma présence est ma volonté de souligner et d'encourager l'effort de recherche réalisé par les entreprises françaises.
Vous savez que la France accuse un retard quant au volume des dépenses de R D de ses entreprises, rapporté au PIB national : en moyenne, nos entreprises investissent de 25 à 40 % moins que dans certains pays européens ou qu'aux Etats-Unis ou au Japon. Nous devons combler ce retard.
C'est pourquoi j'encourage vivement les entreprises françaises, sur la base d'une stratégie de développement par l'innovation, à augmenter leurs dépenses de R D réalisées en interne, mais également pour celle réalisées en externe à travers des contrats de partenariats, par exemple avec des laboratoires publics.
Le groupe Servier a incontestablement adopté cette stratégie et s'est engagé dans cet effort de recherche puisque près de 25 % du chiffre d'affaires mondial consolidé du groupe est consacré à la recherche et au développement - ce qui place Servier largement au-dessus de la moyenne des investissements de R D dans les secteurs de la pharmacie et des biotechnologies. Ces dépenses de R D ont plus que quintuplé en trente ans et concernent principalement les maladies cardio-vasculaires, le diabète et les maladies du système nerveux central.
Outre cet investissement en recherche, le groupe commercialise et développe déjà de nombreuses autres médicaments et molécules. Il gère un impressionnant portefeuille de brevets.
Les investissements en recherche, j'en suis convaincue, sont les clés du succès pour l'avenir.
Au moment où le Gouvernement prend des initiatives importantes en matière de mécénat pour permettre que s'expriment plus aisément la générosité et la solidarité de nos concitoyens, les grandes entreprises comme Servier auront la possibilité de franchir une étape supplémentaire en faveur de la recherche : être à l'origine de fondations de recherche thématiques, au service de l'homme, de sa santé, de l'environnement, et du progrès.
La deuxième raison de ma présence parmi vous est ma volonté de décliner sur le terrain, avec les chercheurs et les entrepreneurs, les mesures du Plan en faveur de la Recherche et de l'Innovation que nous avons présentées devant le conseil des Ministres, avec Nicole Fontaine, le 11 décembre dernier. En particulier, je souhaite insister sur celles qui concernent directement les entreprises déjà actives en recherche, comme la vôtre.
Dans ce Plan gouvernemental, une première série de mesures spécifiques encourage les sociétés à augmenter leurs efforts et leurs dépenses de recherche.
Pour cela, les investissements de R D au-delà de 2003 seront exonérés de la taxe professionnelle. Nous allons augmenter à 40 % le taux d'amortissement dégressif la première année pour les immobilisations liées à la recherche scientifique et technique - ce taux est le même que celui appliqué aux Etats-Unis. Nous poursuivons également notre réflexion sur le crédit d'Impôt Recherche, dans le cadre des orientations budgétaires pour 2004, pour le rénover en profondeur et améliorer son mécanisme pour une efficacité accrue, notamment en période de ralentissement économique.
Dans ce Plan gouvernemental, une seconde série de mesures spécifiques encourage à mieux valoriser les résultats de la recherche.
J'insiste sur ce point : le financement de la recherche est nécessaire, mais pas suffisant. S'il faut de l'argent, encore faut-il bien le dépenser et surtout valoriser les résultats de cet investissement financier.
Pour mieux valoriser l'investissement de recherche, l'un des chemins les plus sûrs et efficaces consiste à renforcer le partenariat entre recherche publique et privée, en créant encore davantage de passerelles entre ces deux communautés : cela permet, à partir d'un travail exploratoire large et de longue haleine, de saisir l'opportunité d'un concept ou d'une expérience originale, et de développer une application innovante, puis un produit.
C'est tout l'enjeu d'une recherche non pas fragmentée et cloisonnée, mais au contraire fédérée et complémentaire.
Je sais que vous partagez cette priorité de partenariat puisqu'un accord-cadre entre votre groupe et l'Inserm a été signé il y a quelque temps déjà et qu'un autre accord-cadre est en cours de finalisation avec le CNRS. Je ne peux que m'en féliciter et encourager les entreprises à développer ainsi des partenariats avec la recherche publique pour exploiter au mieux la complémentarité entre recherche fondamentale, recherche appliquée et développement.
Ainsi pour renforcer le partenariat et créer davantage de passerelles entre recherche publique et privée, j'ai annoncé le doublement des conventions CIFRE d'ici 2010 pour atteindre le nombre de 1500, la création de stages d'initiation à l'entreprise d'une durée de 4 à 6 mois pour les doctorants, et l'adaptation et la professionnalisation des cellules de valorisation des organismes publics de recherche.
Je souhaite que ces mesures aient un impact fort auprès de tous les chercheurs et les encouragent à travailler ensemble.
Car c'est souvent lorsqu'un chercheur ou un doctorant de la recherche publique partage quelques semaines de travail avec un chercheur du secteur privé, qu'ils apprennent à reconnaître leur expertise mutuelle, à comprendre leurs préoccupations et leurs contraintes respectives, qu'ils nouent un dialogue fructueux, qu'alors ils commencent à travailler réellement ensemble, sur des objectifs partagés.
Notre responsabilité est donc de faciliter la rencontre des chercheurs du public et du privé. Je souhaite que les acteurs de la recherche publique et ceux de la recherche privée se rendent mieux compte de leur complémentarité, du bénéfice qu'ils ont à travailler ensemble tout en respectant les motivations et les choix de carrière de chacun. Je souhaite montrer que la recherche publique et la recherche privée sont deux composantes essentielles d'une même recherche fédérée et complémentaire, avec des objectifs communs.
Je suis convaincue aussi que ces mesures pour créer plus de passerelles auront un impact déterminant pour permettre la diffusion nécessaire d'une culture de gestion par projets, d'évaluation et de brevets dans la recherche publique. Les doctorants peuvent être un excellent vecteur pour insuffler cette culture de façon durable.
Je vous invite à prendre connaissance plus en détail des nombreuses autres mesures qui sont annoncées pour dynamiser la recherche et l'innovation dans son ensemble, au service de la croissance économique de notre pays.
Après l'élaboration de ce plan et sa présentation, nous sommes aujourd'hui entrés dans une période de consultation.
En complément de la consultation nationale lancée sur le site du Ministère à laquelle je vous invite à participer, je souhaite également consulter les acteurs concernés sur le terrain. Je vous remercie pour toutes les remarques et commentaires dont vous m'avez fait part au cours de la visite : ils viendront enrichir nos réflexions et nos actions.
Au moment de conclure, laissez moi vous dire combien je suis convaincue qu'il faut que les entreprises augmentent leurs dépenses de recherche et combien le gouvernement est déterminé à les encourager par des mesures concrètes et correctement calibrées.
Il faut décloisonner la recherche dans notre pays pour la rendre fédérative et jouer de toutes les complémentarités, pour la rendre innovante et compétitive, pour que la France retrouve dans ce domaine une place de tout premier rang. Le Plan de soutien en faveur de la recherche et de l'innovation a été construit en ce sens.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 11 février 2003)