Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Le projet de loi que j'ai présenté aujourd'hui au Conseil des ministres est certes un texte un peu aride, mais combien essentiel, tant pour notre économie que pour le bon fonctionnement de notre démocratie.
Le Code des marchés publics était devenu, au fil des ans, un document d'une complexité telle qu'il en devenait incompréhensible : près de quatre cents articles dont la somme aboutissait à un corpus de règles à la fois trop nombreuses, trop lourdes, trop complexes, trop détaillées. Cela a conduit à trop souvent laisser dans l'ombre les principes fondamentaux de la commande publique : transparence des choix et efficacité de la dépense publique.
Le code ancien distingue les règles applicables à l'État et celles applicables aux collectivités locales, et l'ajout des règles communautaires aboutissait à une complexité inutile des rédactions. Enfin, l'architecture générale de l'ensemble était celle d'un texte à tiroirs fait d'ajouts successifs avec des articles renvoyant les uns aux autres de manière souvent illisible. Vous trouverez, dans le dossier de presse qui vous est remis, une illustration, je crois très parlante, de ce propos.
Ainsi, l'acheteur public ne pouvait pas distinguer clairement l'essentiel de l'accessoire. De même que le texte se révélait à la fois incomplet et d'une technicité extrême et propre à rebuter même les spécialistes. Aussi, un acheteur peu expérimenté et de bonne foi pouvait à tout moment se fourvoyer.
Or la commande publique, c'est environ 700 MdF par an, soit 10 % du PIB et 20 % de la dépense publique. Il était donc temps de corriger ces nombreux dysfonctionnements qui rendent le domaine des marchés publics parfois opaque, le plus souvent complexe, insuffisamment accessible aux entreprises et particulièrement aux PME, bref inadapté à l'environnement économique d'aujourd'hui. Le Premier ministre Alain Juppé avait, lors de la présentation du plan PME, annoncé le lancement de la réforme et de la concertation.
Le président de la République a confirmé, dans son intervention télévisée du 12 décembre 1996, qu'il faisait de cette réforme une priorité de l'action du Gouvernement.
Le texte présenté est le fruit d'une longue concertation
Le Premier ministre a d'abord confié une mission préparatoire à M. Alfred Trassy-Paillogues, député de Seine-Maritime, qui a remis son rapport, accompagné d'un avant-projet de loi, en mars 1996.
Au début de l'été 1996, une consultation de l'ensemble des élus, maires, présidents de Conseils généraux et de Conseils régionaux a été organisée. Cette consultation, d'une ampleur sans précédent et accompagnée d'un taux de retour exceptionnellement élevé avec 13 000 réponses, a montré que 95 % des régions, 89 % des départements et 80 % des villes de plus de 20 000 habitants étaient insatisfaits du code.
Enfin, 85 % des maires de communes de moins de 3 500 habitants déclarent avoir besoin d'une aide extérieure pour la préparation et la passation de leurs marchés.
J'ai moi-même tenu à rencontrer l'ensemble des 47 organismes concernés, c'est-à-dire 11 représentants des acheteurs (dont les organismes d'HLM et les sociétés d'économie mixte), 3 organismes de contrôle et 33 fédérations professionnelles concernées. Le résultat a été sans équivoque. Tous les milieux professionnels ainsi que les élus se plaignent du système actuel, le jugent trop rigide, trop complexe, bref très difficile à utiliser.
La concertation a été très poussée et a permis de dégager des orientations communes autour de la transparence et de la simplification.
Objectifs de la réforme : simplifier les textes et renforcer la transparence
*Simplification
La simplification se traduira par la réduction d'au moins 50 % du volume du Code des marchés publics et des documents annexes. La lisibilité en sera améliorée avec la fusion des dispositions relatives à l'État, aux collectivités locales et celles d'origine communautaire. La sécurité juridique sera ainsi renforcée pour les opérateurs. Cet effort prépare le travail de codification qui doit suivre et qui intégrera ces dispositions au nouveau Code des marchés publics et des autres contrats d'intérêt général.
Pour rendre le texte lisible et opérationnel, il est organisé selon la chronologie de la passation des marchés publics, tout en affirmant les principes de transparence des choix, d'égalité d'accès, de recours à la concurrence...
Cette présentation doit permettre une démarche de l'acheteur public aussi méthodique que possible, partant d'une expression précise des besoins et des critères de choix et aboutissant à un contrôle rigoureux de l'exécution du marché, une fois que celui-ci a été passé. Ceci participera à une gestion efficace des deniers publics.
Il va de soi que la partie réglementaire suivra le même plan ; c'est dans ce même esprit pédagogique que la loi précise article par article, les renvois nécessaires au texte réglementaire, au lieu d'une simple mention générale du décret.
Il va de soi également que, lors de la discussion du projet de loi devant le Parlement, la rédaction des décrets sera achevée afin que les Assemblées soit informées de l'ensemble des mécanismes proposés.
Au delà des textes, l'architecture des procédures sera profondément revue : l'actuel marché négocié, source de trop nombreuses opacités, sera supprimé, la procédure d'adjudication également.
*Transparence
La transparence est un principe absolu et la condition indispensable pour en finir avec le climat de suspicion permanent qui entoure les marchés publics. C'est pourquoi le texte corrige les lacunes de la réglementation actuelle en supprimant par exemple la procédure du marché négocié. Et toute mesure susceptible d'abaisser le niveau de transparence a été écartée (par exemple : assouplissement des règles sur les avenants).
Le projet de loi est aussi un texte qui va concourir à la moralisation de la vie publique.
Ainsi, le principe dorénavant systématique de l'intervention d'une commission des marchés -dont je rappelle que pour les collectivités locales elle est composée à la proportionnelle- apportera un regard extérieur et collégial. L'intervention de cette commission des marchés, qui émettra un avis pour les achats inférieurs à 700 000 F et qui décidera de l'attribution au delà de ce seuil de 700 000 F, permettra d'améliorer la transparence de la gestion publique et d'envisager une simplification drastique des règles.
C'est une novation considérable : n'oublions pas qu'aujourd'hui, une telle commission n'existe qu'en cas d'appel d'offres et que 70 % de ces derniers étaient déclarés infructueux, ce qui revenait en fait à une négociation non contrôlée. Ceci est révolu maintenant et le marché négocié est supprimé.
Une nouvelle procédure, la consultation négociée, alliant l'efficacité économique de la négociation et la rigueur de l'appel d'offres, deviendra la procédure de droit commun jusqu'au seuil de publicité communautaire, soit 1,3 MF hors taxes.
L'acheteur public aura l'obligation de définir précisément ses besoins et de procéder à un appel public à la concurrence. Les entreprises devront formaliser leurs offres initiales par écrit.
Cette procédure permettra la bonne négociation économique avec les entreprises candidates dans le strict respect des règles de concurrence et du règlement de la consultation. Elle permettra aussi d'éclairer le choix de la commission des marchés - instance collégiale et représentative de l'assemblée délibérante- qui assurera la transparence de la procédure.
Au delà de ce seuil, les marchés seront systématiquement passés sur appel d'offres, sauf exceptions comme aujourd'hui pour les marchés de maîtrise d'uvre en architecture qui demeureront bien sûr conclus selon la nouvelle procédure de consultation négociée, le cas échéant dans le cadre d'un concours.
Moderniser la fonction d'achat des marchés publics : " le meilleur achat "
Il faut revenir à l'objectif fondamental de la commande publique : apporter à la collectivité, au meilleur rapport qualité/prix et dans une totale transparence, les moyens dont elle a besoin pour assurer le service du public.
Trop souvent l'acheteur a été contraint de privilégier les détails de procédure au détriment de l'acte économique, en omettant de définir ses besoins au préalable ou d'assurer un suivi attentif de l'exécution du marché.
Le code actuel comprend quatre critères de choix : prix, coût d'utilisation, valeur technique et délai d'exécution qui peuvent être complétés de critères additionnels.
En pratique, la complexité d'une analyse multi-critères et la nécessité pour l'acheteur public de mettre au point lui-même préalablement les critères additionnels conduit trop souvent l'acheteur public à privilégier implicitement le prix et à réaliser un achat éloigné de l'objectif recherché.
Le nouveau code permettra à l'acheteur public de procéder, en toute clarté, au meilleur achat et d'assumer ce choix. Il pourra choisir librement ses critères au sein d'une liste limitative, fixée par décret en Conseil d'État. C'est ce que j'appelle le " meilleur achat ", afin de sortir du dilemme " moins-disant " / " mieux-disant ".
Je peux donner aujourd'hui la liste des critères de choix envisagés pour la formulation du " meilleur achat " :
la rémunération de la prestation ou le coût d'acquisition,
le coût d'utilisation,
le coût de désaffection ou de retrait pour les équipements dont le cycle de vie l'exige,
la capacité à permettre des économies de fonctionnement,
la valeur technique,
la qualité architecturale,
l'intégration dans le site ou dans les systèmes existants,
l'ergonomie,
la sécurité d'approvisionnement,
le délai de livraison ou de réalisation,
les garanties assurant la qualité dans l'exécution des prestations,
les modalités de la sous-traitance,
les conditions du service après vente,
les conditions de la maintenance,
la disponibilité d'intervention.
Cette énumération montre bien que le " meilleur achat " ne peut pas toujours se contenter de la seule indication du prix d'acquisition.
Le projet de loi vise aussi à traiter certains dysfonctionnements du marché
Un mécanisme de détection des offres particulièrement basses sera créé.
À la suite du rapport d'Alfred Trassy-Paillogues, il est apparu que certaines offres anormalement basses (OAB) pouvaient conduire à la fragilisation des chantiers, ou à des coûts beaucoup plus élevés in fine quand l'entreprise " moins-disante " se révèle incapable de mener le chantier à son terme. Autre exemple : par un usage abusif des contestations de chantier certaines entreprises obtenaient par avenant des révisions de prix importantes. Enfin, ces OAB participent à la déstabilisation des marchés.
Il est cependant apparu irréaliste et impossible de vouloir éliminer systématiquement ce type d'offres. D'abord, elles sont très difficiles à différencier a priori des offres bon marché et normales. Le meilleur prix peut en effet refléter un savoir-faire particulier, une meilleure gestion ou une avance technologique. En un mot, une offre basse reflète souvent une meilleure compétitivité.
Dans ce cas, une élimination systématique des offres basses serait non seulement injuste et contraire aux règles communautaires mais elle serait coûteuse pour la collectivité en conduisant à retenir, en dehors de toute logique économique, une offre plus onéreuse. Un tel mécanisme pourrait en outre devenir anti-concurrentiel en favorisant des cartels sur les marchés publics, comme l'a souligné le Conseil de la concurrence.
En revanche, dans le projet de loi, l'acheteur public a l'obligation de détecter les offres particulièrement basses par une méthode simple.
Un décret précisera le mécanisme de détection, qui tiendra compte du niveau général des offres et de l'estimation du maître d'ouvrage. Je tiens à souligner qu'il ne s'agira à ce stade que de déceler des offres particulièrement basses, l'arithmétique ne pouvant en aucun cas conduire à les qualifier d'anormales. Comme le Conseil de la concurrence l'a rappelé très fermement : l'appréciation d'une offre ne peut résulter que de ses caractéristiques intrinsèques.
Si après interrogation de l'entreprise, le maître d'ouvrage considère qu'il s'agit d'une offre anormalement basse qu'il convient d'écarter, il pourra le faire. À l'inverse, si au terme de cet examen, il entend retenir une offre qualifiée de " particulièrement basse ", il pourra le faire dès lors que les raisons de son choix seront consignées au procès verbal de l'appel d'offres.
Alors même que la concertation a fait apparaître l'impossibilité de donner une définition normative de l'offre anormalement basse -ce qui faisait obstacle à toute obligation juridique d'élimination-, le mécanisme de détection des offres particulièrement basses met en place les conditions d'une prévention sélective et fondée économiquement.
Limiter les abus de la sous-traitance
Le texte contient des mesures de prévention contre les comportements abusifs en encadrant la sous-traitance. Ceci permettra d'assainir les relations entre les entrepreneurs principaux et leurs sous-traitants qui sont le plus souvent des PME, ou d'éviter les " entreprises téléphone " dont M. Trassy-Paillogues avait souligné les dangers. Les PME seront ainsi mieux protégées vis-à-vis de certaines exigences financières abusives de leur donneur d'ordre.
Enfin, d'autres mesures permettront de faciliter l'accès des PME aux marchés publics :
la meilleure rédaction des cahiers des charges ;
le recours à l'allotissement, rendu plus facile par la meilleure expression des besoins ;
la possibilité de présenter des offres en variante technique ou économique, qui permettra aux capacités d'innovation des PME et à leur souplesse d'adaptation de s'exprimer pleinement ;
l'allégement du formalisme et la possibilité du rattrapage des erreurs matérielles du dossier de candidature doivent également jouer en faveur des PME ;
Enfin, les garanties de paiement des sous-traitants sont réaffirmées.
Le raccourcissement des délais de paiement, la possibilité de choisir le paiement par lettre de change relevé, le paiement effectif des intérêts moratoires sans démarche des entreprises bénéficieront aux PME.
En conclusion
Transparence, simplification et efficacité de la commande publique sont les clefs de voûte de cette réforme.
Sur la forme, les nouveaux textes, simples et lisibles, permettront de mieux identifier les principes applicables sans se perdre dans les détails.
Sur le fond, les modifications apporteront une sécurité juridique accrue aux acheteurs publics, ainsi qu'un allégement concret des procédures. Le nouveau code aidera également les acheteurs à mieux définir leurs besoins et leurs critères de choix, en bref à mieux acheter. Parallèlement, il facilitera l'accès des entreprises, et en particulier des petites et moyennes entreprises, à la commande publique.
Je crois donc que ce projet de loi est important non seulement pour ses aspects économiques mais aussi pour sa contribution au bon fonctionnement de la démocratie. Par l'accent sur la transparence, il va participer à réduire cette ère du soupçon qui règne parfois dans la vie publique.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 août 2002)
Le projet de loi que j'ai présenté aujourd'hui au Conseil des ministres est certes un texte un peu aride, mais combien essentiel, tant pour notre économie que pour le bon fonctionnement de notre démocratie.
Le Code des marchés publics était devenu, au fil des ans, un document d'une complexité telle qu'il en devenait incompréhensible : près de quatre cents articles dont la somme aboutissait à un corpus de règles à la fois trop nombreuses, trop lourdes, trop complexes, trop détaillées. Cela a conduit à trop souvent laisser dans l'ombre les principes fondamentaux de la commande publique : transparence des choix et efficacité de la dépense publique.
Le code ancien distingue les règles applicables à l'État et celles applicables aux collectivités locales, et l'ajout des règles communautaires aboutissait à une complexité inutile des rédactions. Enfin, l'architecture générale de l'ensemble était celle d'un texte à tiroirs fait d'ajouts successifs avec des articles renvoyant les uns aux autres de manière souvent illisible. Vous trouverez, dans le dossier de presse qui vous est remis, une illustration, je crois très parlante, de ce propos.
Ainsi, l'acheteur public ne pouvait pas distinguer clairement l'essentiel de l'accessoire. De même que le texte se révélait à la fois incomplet et d'une technicité extrême et propre à rebuter même les spécialistes. Aussi, un acheteur peu expérimenté et de bonne foi pouvait à tout moment se fourvoyer.
Or la commande publique, c'est environ 700 MdF par an, soit 10 % du PIB et 20 % de la dépense publique. Il était donc temps de corriger ces nombreux dysfonctionnements qui rendent le domaine des marchés publics parfois opaque, le plus souvent complexe, insuffisamment accessible aux entreprises et particulièrement aux PME, bref inadapté à l'environnement économique d'aujourd'hui. Le Premier ministre Alain Juppé avait, lors de la présentation du plan PME, annoncé le lancement de la réforme et de la concertation.
Le président de la République a confirmé, dans son intervention télévisée du 12 décembre 1996, qu'il faisait de cette réforme une priorité de l'action du Gouvernement.
Le texte présenté est le fruit d'une longue concertation
Le Premier ministre a d'abord confié une mission préparatoire à M. Alfred Trassy-Paillogues, député de Seine-Maritime, qui a remis son rapport, accompagné d'un avant-projet de loi, en mars 1996.
Au début de l'été 1996, une consultation de l'ensemble des élus, maires, présidents de Conseils généraux et de Conseils régionaux a été organisée. Cette consultation, d'une ampleur sans précédent et accompagnée d'un taux de retour exceptionnellement élevé avec 13 000 réponses, a montré que 95 % des régions, 89 % des départements et 80 % des villes de plus de 20 000 habitants étaient insatisfaits du code.
Enfin, 85 % des maires de communes de moins de 3 500 habitants déclarent avoir besoin d'une aide extérieure pour la préparation et la passation de leurs marchés.
J'ai moi-même tenu à rencontrer l'ensemble des 47 organismes concernés, c'est-à-dire 11 représentants des acheteurs (dont les organismes d'HLM et les sociétés d'économie mixte), 3 organismes de contrôle et 33 fédérations professionnelles concernées. Le résultat a été sans équivoque. Tous les milieux professionnels ainsi que les élus se plaignent du système actuel, le jugent trop rigide, trop complexe, bref très difficile à utiliser.
La concertation a été très poussée et a permis de dégager des orientations communes autour de la transparence et de la simplification.
Objectifs de la réforme : simplifier les textes et renforcer la transparence
*Simplification
La simplification se traduira par la réduction d'au moins 50 % du volume du Code des marchés publics et des documents annexes. La lisibilité en sera améliorée avec la fusion des dispositions relatives à l'État, aux collectivités locales et celles d'origine communautaire. La sécurité juridique sera ainsi renforcée pour les opérateurs. Cet effort prépare le travail de codification qui doit suivre et qui intégrera ces dispositions au nouveau Code des marchés publics et des autres contrats d'intérêt général.
Pour rendre le texte lisible et opérationnel, il est organisé selon la chronologie de la passation des marchés publics, tout en affirmant les principes de transparence des choix, d'égalité d'accès, de recours à la concurrence...
Cette présentation doit permettre une démarche de l'acheteur public aussi méthodique que possible, partant d'une expression précise des besoins et des critères de choix et aboutissant à un contrôle rigoureux de l'exécution du marché, une fois que celui-ci a été passé. Ceci participera à une gestion efficace des deniers publics.
Il va de soi que la partie réglementaire suivra le même plan ; c'est dans ce même esprit pédagogique que la loi précise article par article, les renvois nécessaires au texte réglementaire, au lieu d'une simple mention générale du décret.
Il va de soi également que, lors de la discussion du projet de loi devant le Parlement, la rédaction des décrets sera achevée afin que les Assemblées soit informées de l'ensemble des mécanismes proposés.
Au delà des textes, l'architecture des procédures sera profondément revue : l'actuel marché négocié, source de trop nombreuses opacités, sera supprimé, la procédure d'adjudication également.
*Transparence
La transparence est un principe absolu et la condition indispensable pour en finir avec le climat de suspicion permanent qui entoure les marchés publics. C'est pourquoi le texte corrige les lacunes de la réglementation actuelle en supprimant par exemple la procédure du marché négocié. Et toute mesure susceptible d'abaisser le niveau de transparence a été écartée (par exemple : assouplissement des règles sur les avenants).
Le projet de loi est aussi un texte qui va concourir à la moralisation de la vie publique.
Ainsi, le principe dorénavant systématique de l'intervention d'une commission des marchés -dont je rappelle que pour les collectivités locales elle est composée à la proportionnelle- apportera un regard extérieur et collégial. L'intervention de cette commission des marchés, qui émettra un avis pour les achats inférieurs à 700 000 F et qui décidera de l'attribution au delà de ce seuil de 700 000 F, permettra d'améliorer la transparence de la gestion publique et d'envisager une simplification drastique des règles.
C'est une novation considérable : n'oublions pas qu'aujourd'hui, une telle commission n'existe qu'en cas d'appel d'offres et que 70 % de ces derniers étaient déclarés infructueux, ce qui revenait en fait à une négociation non contrôlée. Ceci est révolu maintenant et le marché négocié est supprimé.
Une nouvelle procédure, la consultation négociée, alliant l'efficacité économique de la négociation et la rigueur de l'appel d'offres, deviendra la procédure de droit commun jusqu'au seuil de publicité communautaire, soit 1,3 MF hors taxes.
L'acheteur public aura l'obligation de définir précisément ses besoins et de procéder à un appel public à la concurrence. Les entreprises devront formaliser leurs offres initiales par écrit.
Cette procédure permettra la bonne négociation économique avec les entreprises candidates dans le strict respect des règles de concurrence et du règlement de la consultation. Elle permettra aussi d'éclairer le choix de la commission des marchés - instance collégiale et représentative de l'assemblée délibérante- qui assurera la transparence de la procédure.
Au delà de ce seuil, les marchés seront systématiquement passés sur appel d'offres, sauf exceptions comme aujourd'hui pour les marchés de maîtrise d'uvre en architecture qui demeureront bien sûr conclus selon la nouvelle procédure de consultation négociée, le cas échéant dans le cadre d'un concours.
Moderniser la fonction d'achat des marchés publics : " le meilleur achat "
Il faut revenir à l'objectif fondamental de la commande publique : apporter à la collectivité, au meilleur rapport qualité/prix et dans une totale transparence, les moyens dont elle a besoin pour assurer le service du public.
Trop souvent l'acheteur a été contraint de privilégier les détails de procédure au détriment de l'acte économique, en omettant de définir ses besoins au préalable ou d'assurer un suivi attentif de l'exécution du marché.
Le code actuel comprend quatre critères de choix : prix, coût d'utilisation, valeur technique et délai d'exécution qui peuvent être complétés de critères additionnels.
En pratique, la complexité d'une analyse multi-critères et la nécessité pour l'acheteur public de mettre au point lui-même préalablement les critères additionnels conduit trop souvent l'acheteur public à privilégier implicitement le prix et à réaliser un achat éloigné de l'objectif recherché.
Le nouveau code permettra à l'acheteur public de procéder, en toute clarté, au meilleur achat et d'assumer ce choix. Il pourra choisir librement ses critères au sein d'une liste limitative, fixée par décret en Conseil d'État. C'est ce que j'appelle le " meilleur achat ", afin de sortir du dilemme " moins-disant " / " mieux-disant ".
Je peux donner aujourd'hui la liste des critères de choix envisagés pour la formulation du " meilleur achat " :
la rémunération de la prestation ou le coût d'acquisition,
le coût d'utilisation,
le coût de désaffection ou de retrait pour les équipements dont le cycle de vie l'exige,
la capacité à permettre des économies de fonctionnement,
la valeur technique,
la qualité architecturale,
l'intégration dans le site ou dans les systèmes existants,
l'ergonomie,
la sécurité d'approvisionnement,
le délai de livraison ou de réalisation,
les garanties assurant la qualité dans l'exécution des prestations,
les modalités de la sous-traitance,
les conditions du service après vente,
les conditions de la maintenance,
la disponibilité d'intervention.
Cette énumération montre bien que le " meilleur achat " ne peut pas toujours se contenter de la seule indication du prix d'acquisition.
Le projet de loi vise aussi à traiter certains dysfonctionnements du marché
Un mécanisme de détection des offres particulièrement basses sera créé.
À la suite du rapport d'Alfred Trassy-Paillogues, il est apparu que certaines offres anormalement basses (OAB) pouvaient conduire à la fragilisation des chantiers, ou à des coûts beaucoup plus élevés in fine quand l'entreprise " moins-disante " se révèle incapable de mener le chantier à son terme. Autre exemple : par un usage abusif des contestations de chantier certaines entreprises obtenaient par avenant des révisions de prix importantes. Enfin, ces OAB participent à la déstabilisation des marchés.
Il est cependant apparu irréaliste et impossible de vouloir éliminer systématiquement ce type d'offres. D'abord, elles sont très difficiles à différencier a priori des offres bon marché et normales. Le meilleur prix peut en effet refléter un savoir-faire particulier, une meilleure gestion ou une avance technologique. En un mot, une offre basse reflète souvent une meilleure compétitivité.
Dans ce cas, une élimination systématique des offres basses serait non seulement injuste et contraire aux règles communautaires mais elle serait coûteuse pour la collectivité en conduisant à retenir, en dehors de toute logique économique, une offre plus onéreuse. Un tel mécanisme pourrait en outre devenir anti-concurrentiel en favorisant des cartels sur les marchés publics, comme l'a souligné le Conseil de la concurrence.
En revanche, dans le projet de loi, l'acheteur public a l'obligation de détecter les offres particulièrement basses par une méthode simple.
Un décret précisera le mécanisme de détection, qui tiendra compte du niveau général des offres et de l'estimation du maître d'ouvrage. Je tiens à souligner qu'il ne s'agira à ce stade que de déceler des offres particulièrement basses, l'arithmétique ne pouvant en aucun cas conduire à les qualifier d'anormales. Comme le Conseil de la concurrence l'a rappelé très fermement : l'appréciation d'une offre ne peut résulter que de ses caractéristiques intrinsèques.
Si après interrogation de l'entreprise, le maître d'ouvrage considère qu'il s'agit d'une offre anormalement basse qu'il convient d'écarter, il pourra le faire. À l'inverse, si au terme de cet examen, il entend retenir une offre qualifiée de " particulièrement basse ", il pourra le faire dès lors que les raisons de son choix seront consignées au procès verbal de l'appel d'offres.
Alors même que la concertation a fait apparaître l'impossibilité de donner une définition normative de l'offre anormalement basse -ce qui faisait obstacle à toute obligation juridique d'élimination-, le mécanisme de détection des offres particulièrement basses met en place les conditions d'une prévention sélective et fondée économiquement.
Limiter les abus de la sous-traitance
Le texte contient des mesures de prévention contre les comportements abusifs en encadrant la sous-traitance. Ceci permettra d'assainir les relations entre les entrepreneurs principaux et leurs sous-traitants qui sont le plus souvent des PME, ou d'éviter les " entreprises téléphone " dont M. Trassy-Paillogues avait souligné les dangers. Les PME seront ainsi mieux protégées vis-à-vis de certaines exigences financières abusives de leur donneur d'ordre.
Enfin, d'autres mesures permettront de faciliter l'accès des PME aux marchés publics :
la meilleure rédaction des cahiers des charges ;
le recours à l'allotissement, rendu plus facile par la meilleure expression des besoins ;
la possibilité de présenter des offres en variante technique ou économique, qui permettra aux capacités d'innovation des PME et à leur souplesse d'adaptation de s'exprimer pleinement ;
l'allégement du formalisme et la possibilité du rattrapage des erreurs matérielles du dossier de candidature doivent également jouer en faveur des PME ;
Enfin, les garanties de paiement des sous-traitants sont réaffirmées.
Le raccourcissement des délais de paiement, la possibilité de choisir le paiement par lettre de change relevé, le paiement effectif des intérêts moratoires sans démarche des entreprises bénéficieront aux PME.
En conclusion
Transparence, simplification et efficacité de la commande publique sont les clefs de voûte de cette réforme.
Sur la forme, les nouveaux textes, simples et lisibles, permettront de mieux identifier les principes applicables sans se perdre dans les détails.
Sur le fond, les modifications apporteront une sécurité juridique accrue aux acheteurs publics, ainsi qu'un allégement concret des procédures. Le nouveau code aidera également les acheteurs à mieux définir leurs besoins et leurs critères de choix, en bref à mieux acheter. Parallèlement, il facilitera l'accès des entreprises, et en particulier des petites et moyennes entreprises, à la commande publique.
Je crois donc que ce projet de loi est important non seulement pour ses aspects économiques mais aussi pour sa contribution au bon fonctionnement de la démocratie. Par l'accent sur la transparence, il va participer à réduire cette ère du soupçon qui règne parfois dans la vie publique.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 août 2002)