Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans l'"Echo des Caps" du 31 janvier 2003, sur les mesures en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre de la loi de programmation sur quinze ans pour l'outre-mer, sur la mise en oeuvre du passeport-mobilité et sur l'application du principe de continuité territoriale avec l'archipel.

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Circonstance : Déplacement de Mme Girardin à Saint-Pierre-et-Miquelon le 30 janvier 2003.

Média : Echo des Caps

Texte intégral

Écho : Compte tenu de notre situation géographique (unique Archipel français en Amérique du Nord), de la situation très difficile des Collectivités, de la précarité de l'emploi dans les secteurs de la Pêche et du BTP, cet Archipel, qui traverse actuellement une crise économique grave, est-il à égalité de chances avec le reste de l'Outre-Mer Français et quelles priorités lui accordez-vous dans le cadre de votre loi-programme ?
B. GIRARDIN : L'archipel de Saint-Pierre et Miquelon présente un certain nombre de handicaps structurels permanents que sont l'insularité, l'éloignement de la métropole, la forte dépendance à une mono-production (la pêche), l'exiguïté du marché local. Il est vrai que la plupart de ces contraintes n'épargnent pas davantage les autres collectivités de l'outre-mer français.
Mais vous avez raison d'évoquer la situation très difficile de cet archipel que je connais bien. Les collectivités locales doivent en effet faire face à un endettement important, des frais de personnel élevés, une insuffisance de capacité de financement des investissements Je ferai des propositions à ce sujet lors de mon prochain déplacement dans l'archipel pour que des solutions pérennes soient mises en place.
Par ailleurs, la diversification opérée ces dernières années dans le secteur de la pêche, qui est une filière vitale pour le développement de cette collectivité d'outre-mer, s'est traduite par des résultats décevants et nous avons donc dû prendre des mesures d'urgence afin de maintenir l'emploi. Pour assurer à cette filière un développement durable, il sera sans doute nécessaire d'une part d'évaluer de façon plus fine la ressource et d'autre part, de mieux organiser la profession.
J'en viens à la loi de programme dont le projet vient d'être transmis, pour avis, au conseil général de la collectivité en même temps qu'à l'ensemble des exécutifs locaux de l'outre-mer, que je présenterai prochainement en conseil des ministres et qui contient une quarantaine de mesures.
Ce qui est proposé est, pour l'essentiel, la traduction, au plan législatif, des engagements pris par le Président de la République au cours de la campagne pour les élections présidentielles. Il s'agit de promouvoir, outre-mer, un développement économique fondé sur une logique d'activité et de responsabilité. Les mesures envisagées s'articulent autour de deux nécessités impérieuses :
abaisser le coût du travail pour relancer la création d'emplois dans les entreprises
abaisser le coût du capital pour relancer l'investissement et donc l'emploi.
Sur le premier point, la création d'emploi dans le secteur marchand sera encouragée par de nouvelles exonérations de charges sociales pour augmenter l'offre d'emplois durables, notamment pour les jeunes. Vous avez pu constater à cet égard qu'un effort important est consenti en faveur des entreprises du secteur du BTP comptant au plus 50 salariés, puisque celles-ci bénéficieront d'une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale pour l'ensemble des rémunérations jusqu'à 1,3 fois le SMIC ;
Sur le second point, la relance de l'investissement privé sera favorisée, grâce à un nouveau dispositif de défiscalisation.
Écho : Le Passeport-Mobilité pour les étudiants ultra-marins. L'Etat supplée les collectivités. Or, à Saint-Pierre et Miquelon, le Conseil Général prend en charge la totalité des frais des étudiants boursiers. Seuls les enfants des fonctionnaires métropolitains, en poste depuis moins de 5 ans, pourraient bénéficier de votre mesure. Votre Ministère envisage-t-il des aménagements particuliers pour Saint-Pierre et Miquelon ?
B. GIRARDIN : Dans son principe général, le " passeport mobilité " répond à un double impératif : rapidité de mise en oeuvre puisque la mesure s'applique aux étudiants depuis le 1er juillet 2002 et simplicité d'exécution, à savoir aide additionnelle aux efforts déjà consentis par les collectivités d'outre mer, au titre de la mobilité, de façon à ce que le coût résiduel soit nul pour les familles.
Dans le cas particulier de Saint Pierre et Miquelon, l'engagement de la collectivité est, c'est vrai, très important et l'aide de l'Etat aura pour conséquence directe d'aider, plus particulièrement, les étudiants qui ne bénéficiaient pas, jusqu'à présent, de l'attribution des bourses locales.
Aussi, pour tenir compte de cette particularité, je compte annoncer, lors de mon passage dans l'archipel, l'effort tout particulier que mon ministère va engager, dès 2003, au profit du conseil général de Saint Pierre et Miquelon. Je réserve la primeur de cette annonce aux élus.
Écho : La notion de "continuité territoriale" pourra-t-elle un jour s'appliquer chez nous et si oui, dans quelles conditions, sachant que nous n'avons pas de liaisons directes avec la Métropole, que les coûts des transports sont prohibitifs, que le marché local est forcément restreint et qu'il n'y a pas vraiment de place pour la concurrence (les difficultés des deux compagnies de transports maritimes sont avérées) ?
B. GIRARDIN : La continuité territoriale est un principe qui vaut pour toutes les collectivités d'outre-mer. La situation de St Pierre et Miquelon est particulière, mais celle de la Guyane, de Mayotte ou de Wallis et Futuna, présente également des spécificités. C'est pour cela que les solutions qui doivent être apportées sont déclinées pour chaque territoire. Aussi, je vous confirme bien que le dispositif de réduction du coût des billets pour les résidents prévu dans la loi de programme pour l'Outre-Mer sera appliqué à St Pierre et Miquelon. Nous allons avec Dominique Bussereau adapter ce dispositif aux particularités de l'archipel.
Quant à la desserte maritime, la situation actuelle n'est pas satisfaisante pour les entreprises en place et à terme pour les utilisateurs. La concurrence exacerbée n'est pas souhaitable, de même que les situations de monopole peuvent parfois ne pas favoriser le développement économique. Le rapport sur cette question, a été diffusé par le préfet à l'ensemble des acteurs élus et socioprofessionnels mi janvier.
J'aborderai cette question au cours de mon déplacement. Je tiens également à préciser que la loi programme prévoit une exonération de charges sociales dans une limite de 1,3 SMIC pour les entreprises privées qui assurent la desserte aérienne de l'outre-mer, ainsi que pour les entreprises de transport maritime assurant des dessertes locales.
Propos recueillis par Jean-Louis MAHE

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 24 février 2003)