Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur le renouvellement urbain, la lutte contre la dégradation urbaine, la solidarité urbaine et sur le rôle des agences d'urbanisme, Nancy le 10 novembre 1999.

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Circonstance : 20ème rencontre nationale des agences d'urbanisme, à Nancy, le 10 novembre 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous pour ce rendez-vous annuel important que constitue la rencontre nationale des agences d'urbanisme. Elle offre chaque année l'occasion d'échanges particulièrement riches entre professionnels et élus sur les politiques urbaines, grâce à la qualité des travaux préparatoires et à la variété des débats. Votre 20ème rencontre ne dément pas cette tradition.
Cette année, vos travaux ont porté sur le renouvellement urbain. Ce thème est actuellement au centre des réflexions urbaines. Certes, la réalité qu'il recouvre ne date pas d'aujourd'hui et chacun s'accordera à dire que le renouvellement est le mouvement même de la ville. Toutefois, après 50 ans de croissance urbaine extensive, deux questions majeures pèsent sur l'équilibre de nos villes.
La première est celle de l'étalement urbain et de l'essor des déplacements qui ont transformé en profondeur nos villes et les modes de vie urbains ; c'était le thème de vos rencontres l'an passé. Il ne s'agit pas de cultiver la nostalgie d'une ville ancienne, plus ou moins idéalisée. Mais on peut craindre désormais que la poursuite non maîtrisée de ce mouvement ne menace à terme le développement durable de nos agglomérations.
L'autre enjeu, qui n'est d'ailleurs pas sans lien avec le premier, est celui de la spirale de dégradation qui touche certains territoires urbains, qu'il s'agisse de quartiers HLM ou de quartiers anciens. Lorsque les hiérarchies entre les territoires se creusent, lorsque les tendances à la ségrégation urbaine s'accentuent, nos villes tendent à devenir des caisses de résonance des inégalités plutôt que des lieux de progrès partagé. Et à cette évolution, nous ne devons pas nous résigner.
L'enjeu du renouvellement urbain est dans ces deux questions fondamentales : comment favoriser une recomposition des équilibres urbains au service d'une ville moins éclatée, comment redonner une qualité urbaine et une attractivité à des quartiers en marge du développement de la ville ?
Le renouvellement urbain est d'ores et déjà en pratique dans de nombreuses agglomérations, les expériences que vous avez étudiées depuis deux jours en témoignent. Je pense par exemple à Nancy avec le grand projet de Meurthe Canal ou bien à l'agglomération de Lille, où la notion de "ville renouvelée" sert de fil conducteur au nouveau schéma directeur. Je pense également à Euroméditerranée.
Il est temps de généraliser cette prise de conscience collective, autour du projet politique que nous souhaitons pour nos villes. Il est temps de changer de braquet et d'inventer de nouveaux modes d'intervention.
Tout au long des ateliers, vous avez insisté sur différentes idées, à mes yeux importantes pour apprécier les chantiers qui sont devant nous :
*il faut agir non seulement à l'échelle du quartier mais aussi de l'agglomération pour peser sur les ressorts de la ségrégation urbaine, à travers une action cohérente qui touche aux transports, à l'habitat, aux équipements publics, à la gestion sociale et urbaine, à l'économique. D'où la nécessité d'un projet politique fort et partagé.
*dans le même temps, cette stratégie urbaine doit se concrétiser au plus près du terrain, pour avoir une visibilité dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Certaines actions sont très lourdes, je pense à la restructuration des dalles dans les grands ensembles des années 70, ou aux actions urbaines qui accompagnent la création de nouvelles infrastructures comme le tramway.
D'autres, tout aussi importantes, relèvent à l'inverse d'une action en dentelle, d'un travail patient qui permet pied à pied de gagner du terrain sur la dégradation urbaine ; j'ai en tête la réhabilitation de certains quartiers anciens, ou l'amélioration de la gestion de proximité dans les ensembles HLM.
*le jeu du marché ne joue pas en faveur de la revalorisation de certains territoires de nos villes. La politique de renouvellement urbain exige des investissements publics importants et un effort dans la durée, comme préalables à l'engagement d'investissements privés. Des investissements aussi légitimes et utiles que ceux qui ont permis depuis plusieurs années à nos villes de correctement s'équiper. Des investissements qui ne sont pas toujours à la portée des seuls communes et organismes HLM, les plus directement concernés. D'où la question de la solidarité nationale et aussi intercommunale.
Cette politique du renouvellement urbain est un chantier majeur pour les 10 ans à venir. Il y a urgence car on voit bien que les territoires se délitent beaucoup plus rapidement qu'ils ne se reconstruisent.
Ce projet d'une ville plus équilibrée et plus solidaire est celui de l'ensemble du gouvernement. J'en veux pour preuve les jalons posés dans cette voie depuis deux ans.
La loi Chevènement et la LOADDT ont affirmé fortement l'importance d'une organisation intercommunale à l'échelle de l'agglomération. Dès lors qu'une véritable volonté politique les anime, les communautés comme les contrats d'agglomération pourront constituer des points d'appui solides pour des politiques urbaines plus cohérentes et plus solidaires.
S'agissant des politiques sectorielles, je mettrais volontiers sous le signe du renouvellement urbain la politique du logement menée depuis 2 ans et demi. Tout le sens de notre action consiste à offrir une palette d'outils permettant de répondre aux besoins, dans la diversité et dans la mixité : je pense au statut du bailleur privé et au PLUS, je pense aux mesures en faveur de l'acquisition-amélioration et de la réhabilitation du parc existant.
Je pense également bien sûr au renouvellement du parc HLM obsolète, à travers des projets urbains intégrant des démolitions et la reconstitution d'une offre sociale mieux intégrée à la ville, action que relaie activement la CDC.
A cet égard, il me semble important que les contrats de plan Etat-région soient au rendez-vous du renouvellement urbain. Ils doivent être l'occasion de conjuguer les efforts des différentes collectivités en ce domaine et d'expérimenter de nouvelles interventions. Je sais ainsi qu'en Lorraine, est à l'étude dans le cadre du contrat de plan une politique foncière au service du renouvellement urbain qui pourrait être portée par l'EPML.
Enfin, les contrats de ville et les 50 Grands projets de ville annoncés par le Premier ministre, constituent bien sûr une étape privilégiée et décisive, pour faire progresser dans les années à venir, le renouvellement urbain et lutter contre la ségrégation urbaine. Ce sera le thème des Assises de VAUX EN VELIN qui se tiennent dans un mois à l'initiative de Claude BARTOLONE et au cours desquelles les enjeux et les moyens de cette politique seront largement évoqués.
Vous ne serez pas étonnés que j'achève cette évocation rapide de l'action du gouvernement, par quelques mots sur le projet de loi que nous préparons avec Jean-Claude GAYSSOT. Le calendrier, comme vous le savez, est celui d'un examen du texte au parlement au premier semestre. Je saisis d'ailleurs l'occasion pour remercier la FNAU pour les propositions faites dans le cadre de la préparation de la loi.
L'ambition du projet de loi, qui s'inscrit dans le prolongement du débat national organisé par Jean-Claude GAYSSOT, consiste à rénover le cadre juridique des politiques urbaines, pour mieux répondre à ce que sont les enjeux de la ville d'aujourd'hui et de demain : la solidarité, le développement durable et la qualité de la vie, la décentralisation et la démocratie locale. Trois priorités ont guidé nos travaux.
D'abord donner des outils au service d'une plus grande cohérence des politiques urbaines. Vous avez insisté sur la nécessité d'une action transversale au service de stratégies urbaines, c'est ce qui nous a conduit à travailler à un projet qui porte à la fois sur l'urbanisme, les déplacements et l'habitat.
Cohérence aussi à travers des cadres d'action situés à la bonne échelle. Vous avez mis l'accent sur le rôle de l'agglomération. Nous prévoyons à ce titre de créer des schémas de cohérence territoriale qui se substitueront aux schémas directeurs.
Porteurs de la stratégie d'agglomération, ils deviendront le document-cadre des autres actes de planification et leur portée sera renforcée puisque leur existence conditionnera les possibilités d'extension de l'urbanisation.
C'est également à l'échelle de l'agglomération que doit se développer une politique de déplacement qui équilibre la place de la voiture, des transports collectifs et des autres modes. Nous envisageons à ce titre la création d'autorités organisatrices de déplacements dotées de compétences non seulement en matière de transports collectifs mais aussi de stationnement.
La cohérence c'est aussi de privilégier dans les documents d'urbanisme, les objectifs de fond, au service du projet urbain, par rapport aux règles de procédure que nous comptons alléger sensiblement. Cela ne se fera pas toutefois aux dépens de la concertation qui sera consolidée à travers les enquêtes publiques.
La seconde priorité du projet de loi consiste à favoriser le renouvellement urbain à travers différentes mesures qui portent aussi bien sur le droit de préemption urbain que sur les POS. Il est notamment envisagé de délimiter dans ces derniers, pour les secteurs en mutation, des périmètres d'aménagement différé qui sans avoir la lourdeur de la procédure de ZAD, faciliteront la maîtrise de l'évolution urbaine.
Il s'agit aussi d'améliorer les outils en faveur de la réhabilitation du parc privé dégradé : réforme des procédures d'insalubrité et de péril, mesures en direction des copropriétés en difficulté, extension du champ de l'ANAH à l'ensemble du parc privé, quel que soit le statut d'occupation.
Enfin, favoriser le renouvellement urbain, c'est aussi renforcer la sécurité juridique des décisions d'urbanisme, ce que, je pense, les élus et les praticiens de la ville que vous êtes, apprécierez compte tenu de la grande fragilité des projets d'aménagement face à l'abondance du contentieux.
La troisième priorité du projet de loi est celle de la solidarité dans le domaine de l'habitat. Le logement est souvent le miroir des inégalités sociales comme des fractures urbaines. Le logement social qui joue un rôle éminent en faveur du droit au logement doit être conforté dans ses missions, et doit pouvoir mieux s'adapter dans ses structures et sa gestion aux réalités territoriales.
La solidarité urbaine, c'est aussi faire en sorte que toutes les villes contribuent au droit au logement et à la mixité de l'habitat en accueillant du logement social. A ce titre, dans un contexte où nous faisons le maximum en matière de financement du logement, je tiens à ce que le projet de loi prévoit une réforme de la LOV, pour élargir les obligations d'accueil du logement social pesant sur les communes qui en ont peu ou pas.
Et la place des agences d'urbanisme dans tout cela ? Il est clair que votre appui sera précieux pour tous les chantiers en cours. L'existence d'une agence d'urbanisme peut offrir une longueur d'avance en matière de politique urbaine pour les collectivités qui s'en sont dotées. Je ne doute pas que les premiers contrats d'agglomération permettent d'en faire la démonstration. Dans ce contexte, j'ai à cur, bien sûr, de favoriser la consolidation des agences.
Consolidation en terme budgétaire d'abord, après plusieurs années de régression. La loi de Finances pour 2000 prévoit 58 MF pour les agences, stabilisant ainsi les acquis de 1999.
Consolidation en terme juridique aussi, et ce n'est pas le chantier le plus simple. Depuis le colloque de Bordeaux, un article de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable est venu redonner aux agences le fondement législatif qui leur faisait défaut depuis les lois de décentralisation de 1983.
Désormais, l'existence et la mission des agences sont pleinement reconnues par la loi et le statut associatif affirmé comme une possibilité. C'est un acquis très important auquel je suis personnellement attaché. Mais force est de constater qu'il ne résout pas pour autant tous les problèmes.
Comme vous l'avez évoqué, monsieur le président, nous avons encore devant nous toute une série de questions qui se posent dans un contexte où les règles du jeu pesant sur les associations s'avèrent plus exigeantes en termes de fiscalité, de concurrence, de comptabilité publique comme de contrôle de l'Etat sur les associations recevant des fonds publics.
Un travail interministériel est engagé pour mener à bien l'expertise et rechercher des solutions prenant en compte autant que possible la spécificité du rôle des agences. A ce jour nous sommes en attente de réponses, et nous savons qu'elles ne vont pas de soi. Il nous faudra aussi tenir compte, bien évidemment, des éventuelles observations de la Cour des comptes.
Tous ces travaux ont pu différer la conclusion de la charte entre la FNAU et l'Etat envisagée l'an dernier. Il s'agissait de préalables pour avancer en terrain solide. Le cap est toujours sur le fond le même, celui d'un partenariat confiant et constructif entre l'Etat et les agences, à un moment où la relance des politiques urbaines le rend plus que jamais d'actualité.
(source http://www.logement.gouv.fr, le 6 décembre 1999)