Texte intégral
Si on lit bien entre les lignes de votre discours, qui annonce une méthode, un calendrier, mais pas de mesures précises, il va désormais, pour nous, falloir travailler plus longtemps, peut-être payer plus, toucher moins, peut-être même les trois. Est-ce que c'est quand même ça qui va se passer finalement dans six mois ?
- "Non. Nous allons discuter de cela. Mais d'abord, je voudrais dire aux Français qui nous écoutent qu'il ne faut pas avoir peur de la retraite. D'abord, la retraite, c'est une bonne nouvelle. Moi, je me souviens, enfant, quand on allait aux obsèques de quelqu'un qui avait 65 an, on disait : "oh, le pauvre, il n'a pas profité de sa retraite". Aujourd'hui, quelqu'un qui a 60 ans, il a 20 ans d'espérance de vie, et en 2020, 2040, il aura 26 ans, 30 ans d'espérance de vie. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que la retraite, c'est de la vie en plus de la vie, c'est la frontière de la maladie qui est repoussée et c'est la frontière de l'activité, c'est la frontière de l'engagement ; donc c'est quelque chose qui est une bonne nouvelle, ce n'est pas un malheur."
Oui, mais ça veut dire aussi qu'on a du mal à le financer ?
- "C'est un problème et ce n'est pas un malheur. Donc d'abord, il ne faut pas avoir peur de la retraite, il faut traiter le dossier avec lucidité et courage. Pourquoi y a-t-il problème ? C'est une équation simple : il y a de moins en moins de gens qui paient, et il y a de plus en plus de gens qui touchent ; donc à partir de 2006, on est en difficulté financière. Et donc, notre système de répartition, qui est le système juste. Que veut dire la répartition ? Comme vous l'avez expliqué, c'est celui qui paie aujourd'hui, c'est celui qui travaille pour les générations à venir. C'est donc une solidarité intergénérations. Je dis que le moment est venu en France, notamment pour que notre génération prenne ses responsabilités et qu'on ne reporte pas les problèmes sur nos enfants. Quand vous pensez, par exemple, en ce qui concerne la dette nationale aujourd'hui, en vingt ans, notre dette a été multipliée par trois, on a reporté sur nos enfants 60% aujourd'hui de notre richesse nationale. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que la dette d'aujourd'hui, c'est l'impôt pour les jeunes, et donc aujourd'hui, il ne faut pas faire la même chose avec la retraite. Il faut donc assumer notre retraite. Je dois ajouter aussi qu'il y a un problème très important dans notre pays, c'est qu'il y a trop de petites retraites. Quand on circule dans toute la France, on voit beaucoup de Françaises et beaucoup de Français aujourd'hui, qui ont des toutes petites retraites. Alors, la répartition, elle a été menacée par l'immobilisme ; tout le monde en a parlé, mais peu de gens ont agi. On a agi en 1993 pour le secteur privé, il faut agir maintenant davantage et plus fortement. Et puis, il faut corriger les inégalités, parce que finalement, c'est un sujet sur lequel il y a beaucoup d'inégalités."
Et quand on se met, d'ailleurs, on va en parler à l'instant, mais dans la mesure où vous nous donnez aujourd'hui peu de pistes
- "Je vais vous en donner quelques-unes quand même."
Parce que vous dites : "on ouvre le dialogue, on parle, et on fait de la pédagogie"
- "Oui, mais sur des principes et sur des engagements."
Mais vous avez forcément une petite idée derrière la tête, puisque tout ça doit être bouclé à peu près avant le 14 juillet, et que j'imagine qu'instruit par l'expérience de vos prédécesseurs, vous n'avez pas forcément envie d'accompagner l'opinion. Parfois, il faut la précéder, parfois, il faut l'aider à comprendre ce qui va se passer ?
- "Je suis très décidé, il ne s'agit pas d'une réforme des uns contre les autres, c'est une réforme pour la France, c'est une réforme pour une génération, c'est une réforme nécessaire et je suis décidé à la conduire jusqu'à son terme, c'est-à-dire avant l'été. Alors, il y a ce qui n'est pas négociable et ce qui est discutable, ce qui n'est pas négociable, d'abord, on protège la répartition. Il faut sauver le système de répartition. J'ai entendu, dans la rue, pendant les manifestations, des gens qui disaient : "sauvons la répartition !" Oui, je signe ici, devant vous, la pétition : nous allons sauver la répartition ! C'est l'immobilisme qui a mis la répartition en cause."
Ce qui ne veut pas dire pour autant que vous n'instaurerez pas un peu de capitalisation. C'est possible ?
- "Il y aura de l'épargne retraite, qui sera fait comme ça existe actuellement pour les fonctionnaires. Le sujet est à discuter. Sur la place et sur la forme de l'épargne retraite, nous en discuterons.
Parce que vous avez dit que ce n'était pas dans la culture française.
- "Ce n'est pas dans notre histoire sociale."
Mais ça marche aux Etats-Unis, ça marche en Angleterre, ça marche un peu en Allemagne ?
- "Notre système, c'est la capitalisation, ce que je veux sauver, c'est la capitalisation. Donc ça, c'est un point très important. Deuxième point très important, il faut protéger évidemment - et nous le maintenons - l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans. Et troisièmement, tout ce que nous faisons ne concerne pas aujourd'hui les retraités actuels et ceux qui sont sur le point de partir à la retraite. Ceux-là ne seront pas pénalisés ; il est clair que la réforme ne s'adresse pas à eux. Donc ça, ce sont les choses qui sont, je dirais, intangibles, ce que nous voulons protéger. Et puis, il y a ce dont nous pouvons parler : la durée des cotisations, le montant de la cotisation pour la retraite, naturellement le taux de la pension, le montant de la pension, et puis, il y a un certain nombre d'autres sujets, les salaires de référence, est-ce qu'on tient compte ou pas par exemple de la pénibilité - tous les métiers ne sont pas fatigants de la même manière, donc il y a des métiers qui peuvent avoir droit à des statuts que d'autres n'ont peut-être pas forcément - . Tout ceci est discutable avec les partenaires."
Donc, vous essayez d'instaurer une sorte de réforme à la carte pour, si c'est négocié et si c'est accepté par la plupart des
- "Il faudrait mettre de l'humain dans cette réforme, ce n'est pas une réforme comptable, c'est une réforme humaine, qui tienne compte de la vie des Françaises et des Français, et qui soit une réforme juste. Aujourd'hui, ce n'est pas juste : il y a trop de Français qui vivent dans une situation, en ce qui concerne les retraites, trop fragile."
Alors dans les injustices, il y a les inégalités, et vous savez parfaitement qu'avec une durée de cotisations de 37,5 ans, contre 40 ans dans le privé, et une pension qui est calculée sur les six derniers mois contre 25 ans dans le privé. Les fonctionnaires apparaissent clairement comme des privilégiés dans cette affaire ; c'est comme ça qu'ils sont en tous cas perçus par un certain nombre de Français. Est-ce que vous allez vers un alignement des deux régimes vers le bas, c'est-à-dire 37,5 ans et pas un jour de plus, comme on l'a clamé dans les rues, samedi ?
- "Ça, c'est impossible, ce n'est pas finançable."
Ou 40 ans, vers le haut ?
- "Très franchement, d'abord, je ne souhaite pas qu'on oppose le secteur public au secteur privé. L'histoire des régimes est très différente ; il faut respecter les négociations, l'histoire, les statuts ; tout ceci a une cohérence historique, et moi, je ne veux pas faire une réforme idéologique. On a trop fait dans notre pays sur ces sujets d'idéologie, d'esprit partisan. Moi, je veux rassembler les Français. Donc je ne veux pas qu'on oppose le secteur privé et le secteur public. Mais je suis favorable, pour répondre clairement à votre question, à une harmonisation des deux statuts progressivement, à discuter avec les partenaires sociaux, quant aux modalités et quant au calendrier."
Et à une réforme, des retraites très spéciales que sont celles de la SNCF par exemple, de l'EDF, qui permettent aux gens de partir relativement tôt de leur travail, et peut-être éventuellement d'avoir
- "Je pense que là, nous sommes dans le cadre de statuts qui sont liés à des entreprises, il faut que chaque entreprise engage son projet d'entreprise. EDF engage le sien."
Ça a mal commencé !
- "Il y a des syndicats qui ont signé, il y a un débat dans l'entreprise. Je souhaite que ce débat se poursuive et qu'on puisse conclure. Le Gouvernement soutient cette démarche entreprise par entreprise. Pour le moment, je travaille sur le système général. Ce que je souhaite, c'est qu'on puisse avoir rapidement avant l'été, donc, une orientation précise, une réforme immédiate qui s'applique pour les 15 ans qui viennent, je souhaite qu'entreprise par entreprise, ensuite, on puisse décliner le projet de la retraite pour chacun des salariés concernés par ces entreprises.
Pour les 15 ans qui viennent, ça veut dire qu'après, il n'y aura plus de problème ou vous avez abordé les difficultés étape par étape ?
- "Je pense que nos problèmes sont jusqu'à 2040, et donc ce que je crois, c'est qu'il faut"
Première étape, 2020 ?
- "Première étape, 2020, et tous les cinq ans, revoir les choses, parce que par exemple, la politique familiale est très importante. On va faire une conférence pour la famille, on va aider par exemple l'accueil du premier enfant, si on avait un peu plus d'enfants dans notre pays, on aurait moins de charges pour les retraites. Et donc, la politique familiale est donc un des éléments importants, il y a la démographie, il y a le taux d'activité, il y a l'emploi, très important, des personnes de plus de 50 ans. Je le dis aux chefs d'entreprise qui nous écoutent ici : trop souvent, on méprise les salariés de plus de 50 ans. Il faut accueillir dans les entreprises tous ceux qui ont de l'expérience, on a besoin de l'expérience dans une société comme la nôtre. Donc il ne faut pas mettre les salariés de plus de 50 ans de côté. On n'est pas à 50 ans un salarié usé et fatigué et puis, un retraité actif et dynamique. Non, il faut que tout le monde puisse avoir sa place dans le monde du travail aujourd'hui."
Mais reconnaissez qu'il y a parfois des contradictions, parce que pour accompagner les plans sociaux, il y a de plus en plus de chefs d'entreprise qui proposent des préretraites, alors qu'il va peut-être falloir travailler un peu plus ?
- "Nous ne voulons pas accompagner ce mouvement. Il faut des plans sociaux, nous y reviendrons. Il est important d'avoir une préoccupation très sociale, mais il est très important aussi de considérer qu'à 50, à 55 ans, et peut-être au-delà, on est dans la force de l'âge dans une société moderne, et qu'on a droit à l'activité et qu'on a droit aux responsabilités. Et il faut intégrer cette capacité nouvelle que nous donne l'espérance de vie."
Alors on parle toujours du régime de retraite des salariés, des fonctionnaires ; on parle un peu moins du régime de retraite des indépendants, qui sont les commerçants et les artisans, qui sont un régime assez défavorable pour eux. Est-ce que tout le monde va être mis dans un même moule ?
- "Tout le monde va être concerné par nos décisions, et nous faisons en sorte qu'il y ait le plus d'équité possible. C'est vrai qu'il y a beaucoup de disparités, c'est vrai que les cotisations, au fur et à mesure du temps, n'ont pas été les mêmes, c'est vrai que les histoires sociales, tout cela remonte à la Libération ; c'est la Résistance qui a bâti cette Sécurité sociale à laquelle nous sommes tant attachés. Donc il y a des histoires très différentes. Je souhaite qu'on harmonise avec un esprit de justice, il y a trop d'inégalités, moi, je me bas sur ce dossier pour la justice sociale."
Vous avez dit qu'en fin de compte, ce sera au Parlement de trancher, donc sans doute vers mai, juin. Mais quand on interroge les Français - et " Ouest France " l'a fait tout récemment, hier, avec IFOP -, 78%, presque 80%, sont favorables à une consultation par référendum contre 19% seulement au Parlement. Pourquoi ne pas les interroger sur un sujet qui est aussi sensible, et qui les concerne presque tous ?
- "Rien n'est décidé, d'abord, le référendum relève de la compétence du président de la République et pas de la mienne. Mais je crois pouvoir avancer sur cette réforme dans le consensus avec un esprit d'ouverture, et je crois qu'on pourra arriver à des visions assez communes et demander au Parlement de valider cette approche. Donc je crois qu'on est dans une situation aujourd'hui où on peut rassembler. J'ai le sentiment que les Françaises et les Français ont conscience qu'il faut faire cette réforme, que c'est maintenant ou maintenant, que finalement, on ne peut pas repousser. On a trop parlé de ces réformes, et on dit toujours qu'en France, on aime mieux parler des réformes que de les faire. Moi, j'ai le sentiment que quand il s'agit de leurs enfants, les Français sanctionnent l'immobilisme. Ils attendent cette réforme au fond d'eux, parce que c'est une réforme pour leurs enfants."
Entre 300 et 500 000 manifestants avant-hier dans les rues des grandes villes de France. Est-ce que cela vous a rappelé le spectre des années Juppé, il y a huit ans ? Est-ce que cela vous a fait peur ?
- "Non. Non. Vous savez, quand on est déterminé, on n'a pas peur. Et quand on se bat pour la justice sociale, on n'a pas peur. Quand on écoute bien ce que les manifestants disaient, ils disaient : "sauvons la répartition". Je dis oui, sauvons la répartition."
Et ils disaient aussi 37,5 ans, pas un jour de plus.
- "Certains. Il y avait des nuances quand même. J'entendais des gens qui disaient, on est pour la réforme et d'autres qui disaient, on est contre la réforme. Tout ça est nuancé ; c'est le paysage français, c'est notre variété nationale, notre diversité. C'est bien que les Français bougent et défendent cet acquis, et ils ont peur aujourd'hui, ils sont inquiets. Je comprends cette inquiétude parce que c'est un sujet très complexe. Et d'ailleurs, si ça avait été facile, il y a longtemps que ce serait fait. Donc, je comprends l'inquiétude et c'est pour ça que je suis très attentif au dialogue social sur le sujet. Je suis très attentif à chacune des situations des Français parce que c'est très compliqué. Quand on a travaillé - moi, j'ai travaillé dans plusieurs entreprises -, quand vous faites votre calcul pour la retraite, il faut aller chercher de caisse en caisse, c'est infernal, c'est compliqué. Ma femme y a passé plusieurs mois pour retrouver dans chacun des régimes le statut qu'on pouvait avoir. Donc, tout ceci est très compliqué. Vous avez signalé tout à l'heure l'exemple suédois où il y a la fameuse enveloppe orange qui permet à chacun de savoir toutes les années. Ils savent exactement les droits à la retraite qu'ils ont. Je crois que là, il y a des initiatives ; il faut qu'on aille dans cette direction."
Vous allez la suivre ?
- "On va suivre cet exemple pour informer les Français sur leurs droits à la retraite, pour qu'ils puissent savoir exactement quel est leur projet de vie, avec leur retraite telle qu'elle est aujourd'hui calculée."
Information aussi par Internet, par des campagnes de publicité.
- "Nous avons ouvert un site Internet aujourd'hui , www.retraites.gouv.fr, qui est le site où on a toutes les informations nécessaires. Et j'appelle vraiment les uns et les autres à parler de ces sujets, à discuter. Je pense que c'est un vrai débat national, c'est un débat qui concerne l'avenir de notre pays. Je dirais presque que pour un gouvernement comme le mien, c'est une certaine chance d'avoir la possibilité de mener une réforme si profonde, d'être dans l'action. Le président de la République voulait qu'on soit dans l'année de l'action ; voilà une belle action pour l'avenir des jeunes français. C'est, je crois, très important."
Votre prédécesseur, L. Jospin, s'est exprimé pour la première fois dans " Le Monde ", il y a trois jours, il dit : " Le gouvernement Raffarin sera jugé sur la durée. Il ne lui suffira pas pour réussir d'être anti-Jospin sur le fond et anti-Juppé dans la forme. L'épreuve de vérité se situera sur le terrain économique et social. " Vous êtes d'accord avec cette analyse ?
- "Je ne suis pas anti-Jospin et je ne veux pas juger monsieur Jospin."
Ni anti-JUPPE sur la forme ?
- "Evidemment pas ! Je ne suis pas anti-Juppé. Je crois que tout ceci relève du débat politique. Aujourd'hui, j'ai à faire face à de grosses difficultés : une tension internationale difficile, une bataille pour l'emploi difficile, donc je laisse de côté tout ce qui rappelle la campagne présidentielle. Pour moi, cette page-là est tournée. Je suis mobilisé sur les grands dossiers que notre pays a à affronter."
L'emploi, parlons-en, parce qu'on a assisté ces derniers temps à une multitude, une multiplication de plans sociaux -dits sociaux : ACT, Daewoo, Metaleurop, Arcelor, Danone, Péchiney, GIAT-Industries, Aventis Pharma et bien d'autres encore. On vous voit révolté, on voit le ministre des Finances indigné, le président de la République scandalisé, beaucoup de compassion certes, mais certains diront que ce sont des mots. On vous sent surtout impuissant, les uns les autres. Est-ce que tout ça est inéluctable ? D'abord, est-ce que l'Etat peut intervenir ?
- "Oui, moi, je ne suis pas du tout pour considérer que c'est une fatalité. Il faut se battre. Il faut lutter. Il y a un certain nombre de choses qui sont à faire. Naturellement, ces choses-là ne sont pas toujours très publiques, il y a dossier par dossier. D'abord, sur le terrain, vous savez, je suis un homme de proximité, un homme de terrain : on règle d'abord les problèmes sur le terrain. J'ai rencontré les salariés et les élus de Metaleurop qui étaient en réunion la semaine dernière. Avec eux, nous allons bâtir un contrat de site pour essayer d'aider au redéveloppement. Nous allons faire en sorte que chaque salarié ait droit, un véritable droit, au reclassement. Donc, il y a des batailles qui sont à faire. Depuis deux ans maintenant, nous sommes dans une mauvaise passe en matière d'emploi. Depuis deux ans, nous avons à faire face à une situation qui est difficile puisque le chômage, à partir de mars 2001, a commencé à remonter. C'est très préoccupant et je suis vraiment très attentif parce que c'est vraiment le cancer de la société française. Alors, ceci est dû à quoi ? D'abord, à notre baisse d'attractivité, vous avez vu que beaucoup de sièges sociaux sont partis de France (), ce qui veut dire que les premières usines qui sont affectées, quand les sièges sociaux sont à l'extérieur, ce sont les usines françaises. En plus, il y a la crise internationale, l'attentisme international par rapport à l'Irak évidemment : c'est une situation difficile. Il y a toutes les contraintes qui pèsent sur l'emploi. Et puis, il y a un certain nombre de chefs d'entreprise qui, dans ce pays, profitent de la crise internationale pour licencier. Alors, ceux-là, je peux vous dire qu'ils auront affaire au gouvernement. Nous avons engagé un certain nombre d'enquêtes préliminaires, nous mettons le droit en mobilisation sur ces dossiers-là pour faire en sorte qu'il n'y ait pas des gens qui profitent de la situation pour accélérer des licenciements ou pour alléger comme ce n'est pas correct de le faire les entreprises et les effectifs."
Et vous avez des vrais moyens légaux de les réprimander ?
- "Absolument. Nous faisons respecter le droit et le droit du travail et le droit de l'environnement et le droit fiscal et nous mobilisons tous nos moyens. C'est pour ça que le Garde des Sceaux a réuni tous les procureurs généraux pour rassembler notre batterie de moyens. Il y a donc, je dirais, la défense de l'emploi. Et puis, il y a aussi la création de l'emploi, il y a tout ce qu'il faut faire pour créer des emplois. Les chiffres sont impressionnants : chaque année, l'économie française perd 1,5 million d'emplois depuis plusieurs années. Chaque année, il y a 1,5 million d'emplois qui disparaissent ; cela veut dire que chaque année, il faut créer au moins 1,5 million d'emplois. Et puis, il faut aussi être auprès des salariés parce que 1,5 million de salariés qui changent d'emploi, cela veut dire de la formation, de l'insertion, du travail de terrain, du travail de proximité. Donc, le travail de mon Gouvernement, ma bataille première, c'est de créer ce 1,5 million d'emplois en faisant en sorte qu'on allège les charges des entreprises, en faisant en sorte qu'on crée les contrats jeunes que nous avons créés avec zéro charge - 45 000, en dix semaines, jeunes ont pu être ainsi engagés -, que nous créons un certain nombre d'initiatives pour développer les jeunes entreprises. Quand vous pensez que dans les cinq dernières années, années de croissance, la création d'entreprises a diminué dans notre pays. Partout ailleurs, la création d'entreprise a augmenté."
Vous voulez dire que L. Jospin n'a pas suffisamment profité de la croissance ?
- "La croissance n'a pas été transformée en force économique. Quand vous comparez à économie comparable le Royaume-Uni et la France, il nous manque 1 million d'entreprises. Donc, nous avons des textes actuellement en discussion au Parlement pour stimuler l'initiative économique. La bataille pour l'emploi, c'est une exigence nationale. Tous les membres du Gouvernement sont mobilisés sur ce sujet. C'est difficile, il faut agir sur le terrain, au plus proche des salariés parce que l'emploi, ce n'est pas des statistiques, c'est de la réalité humaine, c'est de la pâte humaine, donc il faut être au plus près du terrain. Mais, il faut aussi se donner les outils juridiques, législatifs et financiers pour aider les entreprises à créer des emplois."
Mais, vous avez parfois critiqué ce que faisaient vos prédécesseurs, vous-même, vous allez créer des contrats, par exemple, pour les jeunes pour les aider à s'insérer dans le paysage économique.
- "Nous avons donc créé des contrats pour les entreprises, dans les entreprises pour les jeunes, des contrats sans charges. Mais là, [il s'agit de]contrats à durée indéterminée, de vrais contrats dans de vraies entreprises. Ce ne sont pas des emplois politiques qui s'arrêtent au bout de la mandature, ce sont des emplois à durée indéterminée dans les entreprises. Et nous créons ce que le président de la République a appelé CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale : c'est un contrat qui va permettre aux jeunes de porter un projet, un projet humanitaire, un projet associatif qui leur tienne à cur, qui va leur permettre une insertion dans la société, quelque chose qui vient du cur et pour lequel on va les aider à aller jusqu'au bout de leurs idées."
Cela, vous allez le lancer à partir d'aujourd'hui ?
- "Dans les semaines qui viennent, nous arrêterons les dispositifs. C'est plus de 25 000 contrats qui, pour la première génération, seront mis en place."
Quel sera l'avenir, par exemple, de gens comme les adjoints de sécurité qui prennent pratiquement les mêmes risques que les gardiens de la paix, mais qui sont à peine au SMIC ?
- "Nous travaillons à la pérennisation d'un certain nombre d'initiatives, mais en changeant les statuts parce qu'on a créé dans le passé des sous-emplois et des sous-statuts. Regardez ce qu'on a fait sur le handicap, par exemple, avec L. Ferry sur l'éducation. J'ai vu le reportage que vous avez présenté tout à l'heure sur l'année du handicap : on va multiplier par cinq le nombre de jeunes qui, dans les écoles, vont s'occuper des jeunes handicapés pour mieux les intégrer à l'école. Et nous allons faire ça de manière à ce que ces jeunes aient une formation, aient une qualification. A la fin de cette initiative, ils auront une validation de leurs acquis, ça servira pour leurs études. C'est-à-dire que ce n'est pas un passage, ce n'est pas un parking, c'est vraiment quelque chose qui leur apportera, y compris dans leur parcours professionnel."
Vous vous affichez à l'assemblée générale du MEDEF, vous faites des cadeaux aux entrepreneurs à travers un certain nombre d'amendements sur l'impôt sur la fortune. Est-ce que c'est bien le moment ?
- "Je ne fais pas de cadeau. C'est une lecture que je lis ici ou là qui est inexacte. D'abord, je me bats pour l'emploi, et je me bats avec les salariés, je me bats avec les plus faibles comme je me bats avec les entrepreneurs parce que nous avons besoin de créer des emplois. Et sans entreprise, il n'y a pas d'emploi. Donc, je ne vais pas dans tel congrès pour flatter tel ou tel. Au contraire, je leur dis : "avancez sur la convention que vous préparez actuellement, sur la négociation que vous avez engagée sur la formation professionnelle. Il faut aller plus vite, les délais sont trop longs". Donc, je le dis avec fermeté. Et je dis aussi à ceux qui licencient dans les conditions irrégulières qu'ils ont tort. Donc, je sais parler franchement. Mais en ce qui concerne la fiscalité, il n'y a pas de réforme de l'ISF. Ce que nous faisons, c'est que dans ce pays, il y a l'argent qui dort et puis il y a l'argent qui travaille pour le travail et l'argent qui donne du travail. Ce que je souhaite, c'est qu'il y ait des allègements fiscaux et sociaux partout où on met de l'argent pour le travail : allègements des charges sociales pour l'emploi, baisse de la TVA pour la restauration. Pourquoi dans la restauration, voulons- nous baisser la TVA et sommes-nous en train de convaincre tout le monde à Bruxelles ? Pourquoi le faisons-nous ? Nous le faisons parce que cela crée des emplois. Et si la fiscalité du patrimoine, on peut l'alléger quand elle crée des emplois, quand elle va dans la PME - aujourd'hui, les PME, elles ont des difficultés à trouver auprès des banques souvent le financement de leurs projets -. Et il y a de l'argent qui dormirait ? Si de l'argent peut aller dans les PME, dans leurs projets pour financer, c'est quelque chose de très important."
Mais, vous auriez pu aller jusqu'au bout de votre logique en supprimant l'ISF, comme ça, ce serait fait une fois
- "Non. Parce que je veux taxer l'argent qui dort. Mais en revanche, je veux alléger l'argent qui travaille pour le travail, qui travaille pour l'emploi. C'est ça qui est très important : faire en sorte qu'on prenne aujourd'hui le chemin de l'emploi, donc qu'on fasse en sorte que quand on met des moyens au service de l'emploi, il puisse y avoir des allègements, allègements de charges sociales ou allègements de charges fiscales. Ce n'est donc pas la réforme de l'ISF, ce n'est pas la réforme de la TVA, ce sont des allègements quand il y a une action pour l'emploi."
Pour terminer, deux questions qui touchent à l'actualité internationale - vous les avez vous-même évoquées -, la Côte d'Ivoire par exemple. Le Gouvernement français ne s'est-il pas engagé dans une affaire bien compliquée, peut-être ivoiro-ivoirienne qui ne va lui valoir que des difficultés ?
- "Cette crise est très douloureuse parce que la Côte d'Ivoire est un pays ami, nous avons beaucoup de liens et nous avons une communauté nationale très nombreuse en Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire connaît une crise importante, on était au bord de la guerre civile. L'ensemble des partenaires, à l'intérieur, les Ivoiriens comme à l'extérieur, les pays voisins, l'ONU, l'ensemble des acteurs ont demandé à la France de faciliter un accord. Et nous avons mis notre bonne volonté pour faciliter un accord, pour faciliter la réconciliation nationale. Et nous demandons maintenant au président Gbagbo de s'engager concrètement dans cette réconciliation nationale. C'est très important. Et nous, en ce qui nous concerne, Gouvernement français, nous suivons heure par heure la situation de nos ressortissants français, mais aussi des étrangers. Nous avons renforcé nos moyens pour défendre leur sécurité. C'est un sujet sur lequel nous sommes extrêmement vigilants."
Sur l'Irak, ce soir, on peut dire que très peu de chefs d'Etat ou de gouvernements sont optimistes, pensent qu'on peut éviter la guerre en Irak, même si on s'en désole à cause justement de la mobilisation et de la détermination des Etats-Unis. Est-ce que vous-même, vous êtes pessimiste ? Est-ce que vous évaluez encore un petit pourcentage de chance pour que ça n'ait pas lieu ?
- "Il y a une belle phrase d'A. de Saint-Exupéry : " On n'a pas le droit d'être responsable et désespéré. " Donc, moi, je n'ai pas le droit d'être pessimiste. Sur ce sujet-là, j'ai toujours eu horreur de la guerre ; la guerre, c'est la dernière extrémité, donc nous devons mettre toutes nos forces pour empêcher la guerre. On nous annonce des preuves ; le président américain dit qu'il a des preuves, C. Powell vient les présenter au Conseil de Sécurité mercredi. () Que les inspecteurs regardent ces preuves, qu'on puisse analyser et qu'on débatte au sein du Conseil de Sécurité. Nous, ce que nous voulons, ce que veut la France, c'est que la communauté internationale agisse ensemble au nom du droit international, c'est-à-dire par des procédures qui sont celles du Conseil Permanent du Conseil de Sécurité. C'est cela, notre démarche aujourd'hui ; nous n'avons pas changé de ligne : nous sommes pour que la communauté internationale fasse en sorte qu'un droit international puisse régler les rapports entre les nations."
Jean-Pierre RAFFARIN, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 4 février 2003)
- "Non. Nous allons discuter de cela. Mais d'abord, je voudrais dire aux Français qui nous écoutent qu'il ne faut pas avoir peur de la retraite. D'abord, la retraite, c'est une bonne nouvelle. Moi, je me souviens, enfant, quand on allait aux obsèques de quelqu'un qui avait 65 an, on disait : "oh, le pauvre, il n'a pas profité de sa retraite". Aujourd'hui, quelqu'un qui a 60 ans, il a 20 ans d'espérance de vie, et en 2020, 2040, il aura 26 ans, 30 ans d'espérance de vie. Qu'est-ce que cela veut dire ? Que la retraite, c'est de la vie en plus de la vie, c'est la frontière de la maladie qui est repoussée et c'est la frontière de l'activité, c'est la frontière de l'engagement ; donc c'est quelque chose qui est une bonne nouvelle, ce n'est pas un malheur."
Oui, mais ça veut dire aussi qu'on a du mal à le financer ?
- "C'est un problème et ce n'est pas un malheur. Donc d'abord, il ne faut pas avoir peur de la retraite, il faut traiter le dossier avec lucidité et courage. Pourquoi y a-t-il problème ? C'est une équation simple : il y a de moins en moins de gens qui paient, et il y a de plus en plus de gens qui touchent ; donc à partir de 2006, on est en difficulté financière. Et donc, notre système de répartition, qui est le système juste. Que veut dire la répartition ? Comme vous l'avez expliqué, c'est celui qui paie aujourd'hui, c'est celui qui travaille pour les générations à venir. C'est donc une solidarité intergénérations. Je dis que le moment est venu en France, notamment pour que notre génération prenne ses responsabilités et qu'on ne reporte pas les problèmes sur nos enfants. Quand vous pensez, par exemple, en ce qui concerne la dette nationale aujourd'hui, en vingt ans, notre dette a été multipliée par trois, on a reporté sur nos enfants 60% aujourd'hui de notre richesse nationale. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que la dette d'aujourd'hui, c'est l'impôt pour les jeunes, et donc aujourd'hui, il ne faut pas faire la même chose avec la retraite. Il faut donc assumer notre retraite. Je dois ajouter aussi qu'il y a un problème très important dans notre pays, c'est qu'il y a trop de petites retraites. Quand on circule dans toute la France, on voit beaucoup de Françaises et beaucoup de Français aujourd'hui, qui ont des toutes petites retraites. Alors, la répartition, elle a été menacée par l'immobilisme ; tout le monde en a parlé, mais peu de gens ont agi. On a agi en 1993 pour le secteur privé, il faut agir maintenant davantage et plus fortement. Et puis, il faut corriger les inégalités, parce que finalement, c'est un sujet sur lequel il y a beaucoup d'inégalités."
Et quand on se met, d'ailleurs, on va en parler à l'instant, mais dans la mesure où vous nous donnez aujourd'hui peu de pistes
- "Je vais vous en donner quelques-unes quand même."
Parce que vous dites : "on ouvre le dialogue, on parle, et on fait de la pédagogie"
- "Oui, mais sur des principes et sur des engagements."
Mais vous avez forcément une petite idée derrière la tête, puisque tout ça doit être bouclé à peu près avant le 14 juillet, et que j'imagine qu'instruit par l'expérience de vos prédécesseurs, vous n'avez pas forcément envie d'accompagner l'opinion. Parfois, il faut la précéder, parfois, il faut l'aider à comprendre ce qui va se passer ?
- "Je suis très décidé, il ne s'agit pas d'une réforme des uns contre les autres, c'est une réforme pour la France, c'est une réforme pour une génération, c'est une réforme nécessaire et je suis décidé à la conduire jusqu'à son terme, c'est-à-dire avant l'été. Alors, il y a ce qui n'est pas négociable et ce qui est discutable, ce qui n'est pas négociable, d'abord, on protège la répartition. Il faut sauver le système de répartition. J'ai entendu, dans la rue, pendant les manifestations, des gens qui disaient : "sauvons la répartition !" Oui, je signe ici, devant vous, la pétition : nous allons sauver la répartition ! C'est l'immobilisme qui a mis la répartition en cause."
Ce qui ne veut pas dire pour autant que vous n'instaurerez pas un peu de capitalisation. C'est possible ?
- "Il y aura de l'épargne retraite, qui sera fait comme ça existe actuellement pour les fonctionnaires. Le sujet est à discuter. Sur la place et sur la forme de l'épargne retraite, nous en discuterons.
Parce que vous avez dit que ce n'était pas dans la culture française.
- "Ce n'est pas dans notre histoire sociale."
Mais ça marche aux Etats-Unis, ça marche en Angleterre, ça marche un peu en Allemagne ?
- "Notre système, c'est la capitalisation, ce que je veux sauver, c'est la capitalisation. Donc ça, c'est un point très important. Deuxième point très important, il faut protéger évidemment - et nous le maintenons - l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans. Et troisièmement, tout ce que nous faisons ne concerne pas aujourd'hui les retraités actuels et ceux qui sont sur le point de partir à la retraite. Ceux-là ne seront pas pénalisés ; il est clair que la réforme ne s'adresse pas à eux. Donc ça, ce sont les choses qui sont, je dirais, intangibles, ce que nous voulons protéger. Et puis, il y a ce dont nous pouvons parler : la durée des cotisations, le montant de la cotisation pour la retraite, naturellement le taux de la pension, le montant de la pension, et puis, il y a un certain nombre d'autres sujets, les salaires de référence, est-ce qu'on tient compte ou pas par exemple de la pénibilité - tous les métiers ne sont pas fatigants de la même manière, donc il y a des métiers qui peuvent avoir droit à des statuts que d'autres n'ont peut-être pas forcément - . Tout ceci est discutable avec les partenaires."
Donc, vous essayez d'instaurer une sorte de réforme à la carte pour, si c'est négocié et si c'est accepté par la plupart des
- "Il faudrait mettre de l'humain dans cette réforme, ce n'est pas une réforme comptable, c'est une réforme humaine, qui tienne compte de la vie des Françaises et des Français, et qui soit une réforme juste. Aujourd'hui, ce n'est pas juste : il y a trop de Français qui vivent dans une situation, en ce qui concerne les retraites, trop fragile."
Alors dans les injustices, il y a les inégalités, et vous savez parfaitement qu'avec une durée de cotisations de 37,5 ans, contre 40 ans dans le privé, et une pension qui est calculée sur les six derniers mois contre 25 ans dans le privé. Les fonctionnaires apparaissent clairement comme des privilégiés dans cette affaire ; c'est comme ça qu'ils sont en tous cas perçus par un certain nombre de Français. Est-ce que vous allez vers un alignement des deux régimes vers le bas, c'est-à-dire 37,5 ans et pas un jour de plus, comme on l'a clamé dans les rues, samedi ?
- "Ça, c'est impossible, ce n'est pas finançable."
Ou 40 ans, vers le haut ?
- "Très franchement, d'abord, je ne souhaite pas qu'on oppose le secteur public au secteur privé. L'histoire des régimes est très différente ; il faut respecter les négociations, l'histoire, les statuts ; tout ceci a une cohérence historique, et moi, je ne veux pas faire une réforme idéologique. On a trop fait dans notre pays sur ces sujets d'idéologie, d'esprit partisan. Moi, je veux rassembler les Français. Donc je ne veux pas qu'on oppose le secteur privé et le secteur public. Mais je suis favorable, pour répondre clairement à votre question, à une harmonisation des deux statuts progressivement, à discuter avec les partenaires sociaux, quant aux modalités et quant au calendrier."
Et à une réforme, des retraites très spéciales que sont celles de la SNCF par exemple, de l'EDF, qui permettent aux gens de partir relativement tôt de leur travail, et peut-être éventuellement d'avoir
- "Je pense que là, nous sommes dans le cadre de statuts qui sont liés à des entreprises, il faut que chaque entreprise engage son projet d'entreprise. EDF engage le sien."
Ça a mal commencé !
- "Il y a des syndicats qui ont signé, il y a un débat dans l'entreprise. Je souhaite que ce débat se poursuive et qu'on puisse conclure. Le Gouvernement soutient cette démarche entreprise par entreprise. Pour le moment, je travaille sur le système général. Ce que je souhaite, c'est qu'on puisse avoir rapidement avant l'été, donc, une orientation précise, une réforme immédiate qui s'applique pour les 15 ans qui viennent, je souhaite qu'entreprise par entreprise, ensuite, on puisse décliner le projet de la retraite pour chacun des salariés concernés par ces entreprises.
Pour les 15 ans qui viennent, ça veut dire qu'après, il n'y aura plus de problème ou vous avez abordé les difficultés étape par étape ?
- "Je pense que nos problèmes sont jusqu'à 2040, et donc ce que je crois, c'est qu'il faut"
Première étape, 2020 ?
- "Première étape, 2020, et tous les cinq ans, revoir les choses, parce que par exemple, la politique familiale est très importante. On va faire une conférence pour la famille, on va aider par exemple l'accueil du premier enfant, si on avait un peu plus d'enfants dans notre pays, on aurait moins de charges pour les retraites. Et donc, la politique familiale est donc un des éléments importants, il y a la démographie, il y a le taux d'activité, il y a l'emploi, très important, des personnes de plus de 50 ans. Je le dis aux chefs d'entreprise qui nous écoutent ici : trop souvent, on méprise les salariés de plus de 50 ans. Il faut accueillir dans les entreprises tous ceux qui ont de l'expérience, on a besoin de l'expérience dans une société comme la nôtre. Donc il ne faut pas mettre les salariés de plus de 50 ans de côté. On n'est pas à 50 ans un salarié usé et fatigué et puis, un retraité actif et dynamique. Non, il faut que tout le monde puisse avoir sa place dans le monde du travail aujourd'hui."
Mais reconnaissez qu'il y a parfois des contradictions, parce que pour accompagner les plans sociaux, il y a de plus en plus de chefs d'entreprise qui proposent des préretraites, alors qu'il va peut-être falloir travailler un peu plus ?
- "Nous ne voulons pas accompagner ce mouvement. Il faut des plans sociaux, nous y reviendrons. Il est important d'avoir une préoccupation très sociale, mais il est très important aussi de considérer qu'à 50, à 55 ans, et peut-être au-delà, on est dans la force de l'âge dans une société moderne, et qu'on a droit à l'activité et qu'on a droit aux responsabilités. Et il faut intégrer cette capacité nouvelle que nous donne l'espérance de vie."
Alors on parle toujours du régime de retraite des salariés, des fonctionnaires ; on parle un peu moins du régime de retraite des indépendants, qui sont les commerçants et les artisans, qui sont un régime assez défavorable pour eux. Est-ce que tout le monde va être mis dans un même moule ?
- "Tout le monde va être concerné par nos décisions, et nous faisons en sorte qu'il y ait le plus d'équité possible. C'est vrai qu'il y a beaucoup de disparités, c'est vrai que les cotisations, au fur et à mesure du temps, n'ont pas été les mêmes, c'est vrai que les histoires sociales, tout cela remonte à la Libération ; c'est la Résistance qui a bâti cette Sécurité sociale à laquelle nous sommes tant attachés. Donc il y a des histoires très différentes. Je souhaite qu'on harmonise avec un esprit de justice, il y a trop d'inégalités, moi, je me bas sur ce dossier pour la justice sociale."
Vous avez dit qu'en fin de compte, ce sera au Parlement de trancher, donc sans doute vers mai, juin. Mais quand on interroge les Français - et " Ouest France " l'a fait tout récemment, hier, avec IFOP -, 78%, presque 80%, sont favorables à une consultation par référendum contre 19% seulement au Parlement. Pourquoi ne pas les interroger sur un sujet qui est aussi sensible, et qui les concerne presque tous ?
- "Rien n'est décidé, d'abord, le référendum relève de la compétence du président de la République et pas de la mienne. Mais je crois pouvoir avancer sur cette réforme dans le consensus avec un esprit d'ouverture, et je crois qu'on pourra arriver à des visions assez communes et demander au Parlement de valider cette approche. Donc je crois qu'on est dans une situation aujourd'hui où on peut rassembler. J'ai le sentiment que les Françaises et les Français ont conscience qu'il faut faire cette réforme, que c'est maintenant ou maintenant, que finalement, on ne peut pas repousser. On a trop parlé de ces réformes, et on dit toujours qu'en France, on aime mieux parler des réformes que de les faire. Moi, j'ai le sentiment que quand il s'agit de leurs enfants, les Français sanctionnent l'immobilisme. Ils attendent cette réforme au fond d'eux, parce que c'est une réforme pour leurs enfants."
Entre 300 et 500 000 manifestants avant-hier dans les rues des grandes villes de France. Est-ce que cela vous a rappelé le spectre des années Juppé, il y a huit ans ? Est-ce que cela vous a fait peur ?
- "Non. Non. Vous savez, quand on est déterminé, on n'a pas peur. Et quand on se bat pour la justice sociale, on n'a pas peur. Quand on écoute bien ce que les manifestants disaient, ils disaient : "sauvons la répartition". Je dis oui, sauvons la répartition."
Et ils disaient aussi 37,5 ans, pas un jour de plus.
- "Certains. Il y avait des nuances quand même. J'entendais des gens qui disaient, on est pour la réforme et d'autres qui disaient, on est contre la réforme. Tout ça est nuancé ; c'est le paysage français, c'est notre variété nationale, notre diversité. C'est bien que les Français bougent et défendent cet acquis, et ils ont peur aujourd'hui, ils sont inquiets. Je comprends cette inquiétude parce que c'est un sujet très complexe. Et d'ailleurs, si ça avait été facile, il y a longtemps que ce serait fait. Donc, je comprends l'inquiétude et c'est pour ça que je suis très attentif au dialogue social sur le sujet. Je suis très attentif à chacune des situations des Français parce que c'est très compliqué. Quand on a travaillé - moi, j'ai travaillé dans plusieurs entreprises -, quand vous faites votre calcul pour la retraite, il faut aller chercher de caisse en caisse, c'est infernal, c'est compliqué. Ma femme y a passé plusieurs mois pour retrouver dans chacun des régimes le statut qu'on pouvait avoir. Donc, tout ceci est très compliqué. Vous avez signalé tout à l'heure l'exemple suédois où il y a la fameuse enveloppe orange qui permet à chacun de savoir toutes les années. Ils savent exactement les droits à la retraite qu'ils ont. Je crois que là, il y a des initiatives ; il faut qu'on aille dans cette direction."
Vous allez la suivre ?
- "On va suivre cet exemple pour informer les Français sur leurs droits à la retraite, pour qu'ils puissent savoir exactement quel est leur projet de vie, avec leur retraite telle qu'elle est aujourd'hui calculée."
Information aussi par Internet, par des campagnes de publicité.
- "Nous avons ouvert un site Internet aujourd'hui , www.retraites.gouv.fr, qui est le site où on a toutes les informations nécessaires. Et j'appelle vraiment les uns et les autres à parler de ces sujets, à discuter. Je pense que c'est un vrai débat national, c'est un débat qui concerne l'avenir de notre pays. Je dirais presque que pour un gouvernement comme le mien, c'est une certaine chance d'avoir la possibilité de mener une réforme si profonde, d'être dans l'action. Le président de la République voulait qu'on soit dans l'année de l'action ; voilà une belle action pour l'avenir des jeunes français. C'est, je crois, très important."
Votre prédécesseur, L. Jospin, s'est exprimé pour la première fois dans " Le Monde ", il y a trois jours, il dit : " Le gouvernement Raffarin sera jugé sur la durée. Il ne lui suffira pas pour réussir d'être anti-Jospin sur le fond et anti-Juppé dans la forme. L'épreuve de vérité se situera sur le terrain économique et social. " Vous êtes d'accord avec cette analyse ?
- "Je ne suis pas anti-Jospin et je ne veux pas juger monsieur Jospin."
Ni anti-JUPPE sur la forme ?
- "Evidemment pas ! Je ne suis pas anti-Juppé. Je crois que tout ceci relève du débat politique. Aujourd'hui, j'ai à faire face à de grosses difficultés : une tension internationale difficile, une bataille pour l'emploi difficile, donc je laisse de côté tout ce qui rappelle la campagne présidentielle. Pour moi, cette page-là est tournée. Je suis mobilisé sur les grands dossiers que notre pays a à affronter."
L'emploi, parlons-en, parce qu'on a assisté ces derniers temps à une multitude, une multiplication de plans sociaux -dits sociaux : ACT, Daewoo, Metaleurop, Arcelor, Danone, Péchiney, GIAT-Industries, Aventis Pharma et bien d'autres encore. On vous voit révolté, on voit le ministre des Finances indigné, le président de la République scandalisé, beaucoup de compassion certes, mais certains diront que ce sont des mots. On vous sent surtout impuissant, les uns les autres. Est-ce que tout ça est inéluctable ? D'abord, est-ce que l'Etat peut intervenir ?
- "Oui, moi, je ne suis pas du tout pour considérer que c'est une fatalité. Il faut se battre. Il faut lutter. Il y a un certain nombre de choses qui sont à faire. Naturellement, ces choses-là ne sont pas toujours très publiques, il y a dossier par dossier. D'abord, sur le terrain, vous savez, je suis un homme de proximité, un homme de terrain : on règle d'abord les problèmes sur le terrain. J'ai rencontré les salariés et les élus de Metaleurop qui étaient en réunion la semaine dernière. Avec eux, nous allons bâtir un contrat de site pour essayer d'aider au redéveloppement. Nous allons faire en sorte que chaque salarié ait droit, un véritable droit, au reclassement. Donc, il y a des batailles qui sont à faire. Depuis deux ans maintenant, nous sommes dans une mauvaise passe en matière d'emploi. Depuis deux ans, nous avons à faire face à une situation qui est difficile puisque le chômage, à partir de mars 2001, a commencé à remonter. C'est très préoccupant et je suis vraiment très attentif parce que c'est vraiment le cancer de la société française. Alors, ceci est dû à quoi ? D'abord, à notre baisse d'attractivité, vous avez vu que beaucoup de sièges sociaux sont partis de France (), ce qui veut dire que les premières usines qui sont affectées, quand les sièges sociaux sont à l'extérieur, ce sont les usines françaises. En plus, il y a la crise internationale, l'attentisme international par rapport à l'Irak évidemment : c'est une situation difficile. Il y a toutes les contraintes qui pèsent sur l'emploi. Et puis, il y a un certain nombre de chefs d'entreprise qui, dans ce pays, profitent de la crise internationale pour licencier. Alors, ceux-là, je peux vous dire qu'ils auront affaire au gouvernement. Nous avons engagé un certain nombre d'enquêtes préliminaires, nous mettons le droit en mobilisation sur ces dossiers-là pour faire en sorte qu'il n'y ait pas des gens qui profitent de la situation pour accélérer des licenciements ou pour alléger comme ce n'est pas correct de le faire les entreprises et les effectifs."
Et vous avez des vrais moyens légaux de les réprimander ?
- "Absolument. Nous faisons respecter le droit et le droit du travail et le droit de l'environnement et le droit fiscal et nous mobilisons tous nos moyens. C'est pour ça que le Garde des Sceaux a réuni tous les procureurs généraux pour rassembler notre batterie de moyens. Il y a donc, je dirais, la défense de l'emploi. Et puis, il y a aussi la création de l'emploi, il y a tout ce qu'il faut faire pour créer des emplois. Les chiffres sont impressionnants : chaque année, l'économie française perd 1,5 million d'emplois depuis plusieurs années. Chaque année, il y a 1,5 million d'emplois qui disparaissent ; cela veut dire que chaque année, il faut créer au moins 1,5 million d'emplois. Et puis, il faut aussi être auprès des salariés parce que 1,5 million de salariés qui changent d'emploi, cela veut dire de la formation, de l'insertion, du travail de terrain, du travail de proximité. Donc, le travail de mon Gouvernement, ma bataille première, c'est de créer ce 1,5 million d'emplois en faisant en sorte qu'on allège les charges des entreprises, en faisant en sorte qu'on crée les contrats jeunes que nous avons créés avec zéro charge - 45 000, en dix semaines, jeunes ont pu être ainsi engagés -, que nous créons un certain nombre d'initiatives pour développer les jeunes entreprises. Quand vous pensez que dans les cinq dernières années, années de croissance, la création d'entreprises a diminué dans notre pays. Partout ailleurs, la création d'entreprise a augmenté."
Vous voulez dire que L. Jospin n'a pas suffisamment profité de la croissance ?
- "La croissance n'a pas été transformée en force économique. Quand vous comparez à économie comparable le Royaume-Uni et la France, il nous manque 1 million d'entreprises. Donc, nous avons des textes actuellement en discussion au Parlement pour stimuler l'initiative économique. La bataille pour l'emploi, c'est une exigence nationale. Tous les membres du Gouvernement sont mobilisés sur ce sujet. C'est difficile, il faut agir sur le terrain, au plus proche des salariés parce que l'emploi, ce n'est pas des statistiques, c'est de la réalité humaine, c'est de la pâte humaine, donc il faut être au plus près du terrain. Mais, il faut aussi se donner les outils juridiques, législatifs et financiers pour aider les entreprises à créer des emplois."
Mais, vous avez parfois critiqué ce que faisaient vos prédécesseurs, vous-même, vous allez créer des contrats, par exemple, pour les jeunes pour les aider à s'insérer dans le paysage économique.
- "Nous avons donc créé des contrats pour les entreprises, dans les entreprises pour les jeunes, des contrats sans charges. Mais là, [il s'agit de]contrats à durée indéterminée, de vrais contrats dans de vraies entreprises. Ce ne sont pas des emplois politiques qui s'arrêtent au bout de la mandature, ce sont des emplois à durée indéterminée dans les entreprises. Et nous créons ce que le président de la République a appelé CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale : c'est un contrat qui va permettre aux jeunes de porter un projet, un projet humanitaire, un projet associatif qui leur tienne à cur, qui va leur permettre une insertion dans la société, quelque chose qui vient du cur et pour lequel on va les aider à aller jusqu'au bout de leurs idées."
Cela, vous allez le lancer à partir d'aujourd'hui ?
- "Dans les semaines qui viennent, nous arrêterons les dispositifs. C'est plus de 25 000 contrats qui, pour la première génération, seront mis en place."
Quel sera l'avenir, par exemple, de gens comme les adjoints de sécurité qui prennent pratiquement les mêmes risques que les gardiens de la paix, mais qui sont à peine au SMIC ?
- "Nous travaillons à la pérennisation d'un certain nombre d'initiatives, mais en changeant les statuts parce qu'on a créé dans le passé des sous-emplois et des sous-statuts. Regardez ce qu'on a fait sur le handicap, par exemple, avec L. Ferry sur l'éducation. J'ai vu le reportage que vous avez présenté tout à l'heure sur l'année du handicap : on va multiplier par cinq le nombre de jeunes qui, dans les écoles, vont s'occuper des jeunes handicapés pour mieux les intégrer à l'école. Et nous allons faire ça de manière à ce que ces jeunes aient une formation, aient une qualification. A la fin de cette initiative, ils auront une validation de leurs acquis, ça servira pour leurs études. C'est-à-dire que ce n'est pas un passage, ce n'est pas un parking, c'est vraiment quelque chose qui leur apportera, y compris dans leur parcours professionnel."
Vous vous affichez à l'assemblée générale du MEDEF, vous faites des cadeaux aux entrepreneurs à travers un certain nombre d'amendements sur l'impôt sur la fortune. Est-ce que c'est bien le moment ?
- "Je ne fais pas de cadeau. C'est une lecture que je lis ici ou là qui est inexacte. D'abord, je me bats pour l'emploi, et je me bats avec les salariés, je me bats avec les plus faibles comme je me bats avec les entrepreneurs parce que nous avons besoin de créer des emplois. Et sans entreprise, il n'y a pas d'emploi. Donc, je ne vais pas dans tel congrès pour flatter tel ou tel. Au contraire, je leur dis : "avancez sur la convention que vous préparez actuellement, sur la négociation que vous avez engagée sur la formation professionnelle. Il faut aller plus vite, les délais sont trop longs". Donc, je le dis avec fermeté. Et je dis aussi à ceux qui licencient dans les conditions irrégulières qu'ils ont tort. Donc, je sais parler franchement. Mais en ce qui concerne la fiscalité, il n'y a pas de réforme de l'ISF. Ce que nous faisons, c'est que dans ce pays, il y a l'argent qui dort et puis il y a l'argent qui travaille pour le travail et l'argent qui donne du travail. Ce que je souhaite, c'est qu'il y ait des allègements fiscaux et sociaux partout où on met de l'argent pour le travail : allègements des charges sociales pour l'emploi, baisse de la TVA pour la restauration. Pourquoi dans la restauration, voulons- nous baisser la TVA et sommes-nous en train de convaincre tout le monde à Bruxelles ? Pourquoi le faisons-nous ? Nous le faisons parce que cela crée des emplois. Et si la fiscalité du patrimoine, on peut l'alléger quand elle crée des emplois, quand elle va dans la PME - aujourd'hui, les PME, elles ont des difficultés à trouver auprès des banques souvent le financement de leurs projets -. Et il y a de l'argent qui dormirait ? Si de l'argent peut aller dans les PME, dans leurs projets pour financer, c'est quelque chose de très important."
Mais, vous auriez pu aller jusqu'au bout de votre logique en supprimant l'ISF, comme ça, ce serait fait une fois
- "Non. Parce que je veux taxer l'argent qui dort. Mais en revanche, je veux alléger l'argent qui travaille pour le travail, qui travaille pour l'emploi. C'est ça qui est très important : faire en sorte qu'on prenne aujourd'hui le chemin de l'emploi, donc qu'on fasse en sorte que quand on met des moyens au service de l'emploi, il puisse y avoir des allègements, allègements de charges sociales ou allègements de charges fiscales. Ce n'est donc pas la réforme de l'ISF, ce n'est pas la réforme de la TVA, ce sont des allègements quand il y a une action pour l'emploi."
Pour terminer, deux questions qui touchent à l'actualité internationale - vous les avez vous-même évoquées -, la Côte d'Ivoire par exemple. Le Gouvernement français ne s'est-il pas engagé dans une affaire bien compliquée, peut-être ivoiro-ivoirienne qui ne va lui valoir que des difficultés ?
- "Cette crise est très douloureuse parce que la Côte d'Ivoire est un pays ami, nous avons beaucoup de liens et nous avons une communauté nationale très nombreuse en Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire connaît une crise importante, on était au bord de la guerre civile. L'ensemble des partenaires, à l'intérieur, les Ivoiriens comme à l'extérieur, les pays voisins, l'ONU, l'ensemble des acteurs ont demandé à la France de faciliter un accord. Et nous avons mis notre bonne volonté pour faciliter un accord, pour faciliter la réconciliation nationale. Et nous demandons maintenant au président Gbagbo de s'engager concrètement dans cette réconciliation nationale. C'est très important. Et nous, en ce qui nous concerne, Gouvernement français, nous suivons heure par heure la situation de nos ressortissants français, mais aussi des étrangers. Nous avons renforcé nos moyens pour défendre leur sécurité. C'est un sujet sur lequel nous sommes extrêmement vigilants."
Sur l'Irak, ce soir, on peut dire que très peu de chefs d'Etat ou de gouvernements sont optimistes, pensent qu'on peut éviter la guerre en Irak, même si on s'en désole à cause justement de la mobilisation et de la détermination des Etats-Unis. Est-ce que vous-même, vous êtes pessimiste ? Est-ce que vous évaluez encore un petit pourcentage de chance pour que ça n'ait pas lieu ?
- "Il y a une belle phrase d'A. de Saint-Exupéry : " On n'a pas le droit d'être responsable et désespéré. " Donc, moi, je n'ai pas le droit d'être pessimiste. Sur ce sujet-là, j'ai toujours eu horreur de la guerre ; la guerre, c'est la dernière extrémité, donc nous devons mettre toutes nos forces pour empêcher la guerre. On nous annonce des preuves ; le président américain dit qu'il a des preuves, C. Powell vient les présenter au Conseil de Sécurité mercredi. () Que les inspecteurs regardent ces preuves, qu'on puisse analyser et qu'on débatte au sein du Conseil de Sécurité. Nous, ce que nous voulons, ce que veut la France, c'est que la communauté internationale agisse ensemble au nom du droit international, c'est-à-dire par des procédures qui sont celles du Conseil Permanent du Conseil de Sécurité. C'est cela, notre démarche aujourd'hui ; nous n'avons pas changé de ligne : nous sommes pour que la communauté internationale fasse en sorte qu'un droit international puisse régler les rapports entre les nations."
Jean-Pierre RAFFARIN, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 4 février 2003)