Texte intégral
LE VENT DE LA LIBERTE : Madame la Ministre, vous connaissez déjà l'Archipel pour y être venue plusieurs fois avec les Ministres Dominique PERBEN et Jean-Jacques de PERETTI. Quels principaux enseignements tirez-vous de cette nouvelle visite ?
B. GIRARDIN : Vous le rappelez, ce voyage à Saint-Pierre et Miquelon est pour moi le quatrième. J'avais participé au côté de Dominique PERBEN, puis de Jean-Jacques de PÉRETTI à des visites importantes pour l'avenir de l'archipel, d'abord le règlement du contentieux franco-canadien sur la pêche et la mise en place de la coopération régionale entre Saint-Pierre et Miquelon et le Canada atlantique, puis la recherche d'activités de diversification économique et enfin le lancement d'une démarche volontaire de désenclavement avec la construction du nouvel aéroport inauguré en septembre 1999 par le Président de la République. J'avais donc le souvenir d'une politique dynamique au service de l'Archipel.Dès mon retour rue Oudinot, j'ai découvert avec stupeur qu'en dehors de quelques grands chantiers engagés avant 1997, peu de choses avaient réellement progressé. Ainsi, le projet de nouvel hôpital, sur le point d'être finalisé il y cinq ans, stagne depuis plusieurs années.Cette impression s'est confirmée après les nombreux contacts que j'ai eus au cours de ma visite et tout me conforte dans la conviction que Saint-Pierre et Miquelon a besoin d'un nouveau souffle pour assurer son avenir économique et social. Le potentiel existe, j'ai rencontré des entrepreneurs et des responsables politiques soucieux de développer des projets pour l'Archipel, des jeunes désireux de progrès. Je vous le confirme, je ne ménagerai aucun effort pour les aider à consolider l'acquis et à ouvrir des perspectives plus prometteuses pour l'avenir des îles. Mon cabinet et moi-même avons déjà beaucoup travaillé en ce sens ces derniers mois.
LE VENT DE LA LIBERTE : Les collectivités locales connaissent des difficultés d'ordre budgétaire : marge d'autofinancement extrêmement faible, dette importante, coût trop lourd des investissements incontournables tels l'eau et l'assainissement ? Certains élus demandent la prise en charge par l'État de tout ou partie de la dette et plus dès 2003 un nouvel aéroport. Quelle est votre position ? Que pouvez-vous faire pour aider les collectivités locales ?
B. GIRARDIN : Vous avez raison de souligner la situation très difficile des trois collectivités de Saint-Pierre et Miquelon. D'importantes dépenses d'investissements pèsent sur les budgets des communes et de la collectivité territoriale sans que pour autant elles disposent de suffisamment de moyens pour faire face aux besoins. Si c'est une situation que l'on retrouve dans tout l'outre-mer, elle est particulièrement accentuée ici dans l'Archipel. J'ai souhaité apporter des solutions durables et non pas ponctuelles à ces difficultés structurelles. Il convient d'agir sur les ressources des collectivités en revoyant les modalités de calcul des concours financiers de l'État. C'est une réforme que je souhaite entreprendre dès à présent en partenariat étroit avec l'ensemble des élus. Une refondation des dotations servies aux collectivités locales me paraît nécessaire afin de bien les adapter aux besoins spécifiques de l'Archipel. Par ailleurs, je souhaite compléter ce travail en profondeur par des soutiens plus directs aux investissements. Je ferai un effort particulier pour soutenir la commande publique en complément des efforts déjà réalisés par les communes de Saint-Pierre et de Miquelon et du Conseil général. Cet effort sera égal au montant de la dette contractée par les investissements réalisés pour l'eau et l'assainissement et pour l'aéroport. Enfin, avec le soutien de l'AFD, nous pouvons envisager une restructuration de cette dette et la renégociation de certains prêts. Je vous indique également que l'État apportera son aide financière à l'achat d'un camion de pompiers pour la commune de Saint-Pierre et celle de Miquelon. Ce sont des investissements importants pour la sécurité des Saint-Pierrais et des Miquelonnais et l'État se doit d'y apporter son concours. Sur ce dossier des finances locales, je reste attentive à la correcte satisfaction des besoins et soucieuse de la juste prise en compte des particularités de l'Archipel de Saint-Pierre et Miquelon.
LE VENT DE LA LIBERTE : A propos de l'aéroport justement, la population s'attendait à des liaisons plus rapides, moins chères et la possibilité de se rendre directement à Paris. C'est en tout cas de qui lui avait été promis. Or, rien n'a changé depuis sinon le billet d'avion qui ne cesse d'augmenter et atteint un coût totalement prohibitif à tout développement touristique. Le Président de la République avait fait de la continuité territoriale une priorité de son programme. Comment améliorer la desserte aérienne de l'Archipel ?
B. GIRARDIN : Je tiens tout d'abord à souligner que les conditions de sécurité de l'aéroport ont été améliorées et permettent un accès à l'archipel dans toutes les conditions météorologiques, ce qui n'était pas le cas précédemment ; mais je regrette comme vous que toutes les retombées attendues de cette infrastructure ne se soient pas encore concrétisées. La loi-programme sur 15 ans qui sera bientôt présentée au Parlement prévoit des dispositifs pour donner un contenu concret à la continuité territoriale, conformément aux engagements du Président de la République. L'objectif est de faire baisser le coût du transport aérien par des exonérations de charges sociales et une dotation spécifique de l'État pour prendre en charge une partie de ce coût pour les passagers résidant outre-mer. Mais pour Saint-Pierre et Miquelon, il faut sans doute aller plus loin et c'est pour cette raison que sur l'initiative de M. le député GRIGNON, je vais mandater avec Dominique BUSSEREAU, le secrétaire d'État aux Transports, dans les prochaines semaines, une mission de l'inspection générale de l'aviation civile pour nous faire des propositions pour le tourisme et les résidents de l'archipel. Je souhaite également que l'on puisse simplifier les procédures avec l'administration canadienne et faciliter les relations commerciales avec les opérateurs français.
LE VENT DE LA LIBERTE : Qu'est-ce que le passeport mobilité ? En quoi concerne-t-il les jeunes de l'Archipel ?
B. GIRARDIN : Le principe de ce passeport mobilité est simple : les jeunes de 18 à 30 ans qui doivent se rendre en métropole pour suivre des études, une formation ou prendre un premier emploi, seront pris en charge à 100 % pour leur transport. Cette mesure s'applique aux étudiants depuis le 1er juillet 2002 et aux jeunes en formation depuis le 1er septembre 2002. L'État apporte une aide additionnelle aux efforts déjà consentis par les collectivités d'outre-mer, au titre de la mobilité de façon à ce que le coût résiduel soit nul pour les familles. Dans le cas particulier de Saint-Pierre et Miquelon, l'engagement de la collectivité est, déjà, très important et la contribution de l'État aura pour conséquence directe d'aider plus particulièrement les étudiants qui ne bénéficiaient pas, jusqu'à maintenant, de l'attribution des bourses locales. Aussi, pour tenir compte de cette particularité, j'ai annoncé lors de mon passage dans l'archipel l'effort tout particulier que mon ministère va engager, dès 2003, au profit du conseil général de Saint-Pierre et Miquelon.
LE VENT DE LA LIBERTE : Le dossier pêche vous est familier. Vous avez joué un rôle majeur dans l'accord de 94. Depuis beaucoup de choses ont changé. Les activités de pêche artisanale se sont diversifiées, la flotte de pêche s'est renouvelée et adaptée, la France au titre de Saint-Pierre et Miquelon adhère à l'OPANO et à la CICTA. Mais le secteur semble très fragile et vous avez pu constater la morosité des professionnels : en 2002, certaines ressources semblaient avoir disparu (le lump, le crabe), des rumeurs de moratoire sur la morue en 2003 circulent, le Canada est toujours hostile à toute évolution des possibilités de l'Archipel, que ce soit en dehors des 200 milles pour le crabe ou dans sa ZEE pour le thon ou le requin par exemple. Qu'avez-vous fait ou que comptez-vous faire face à ces difficultés ? Comment percevez-vous l'avenir de ce secteur ?
B. GIRARDIN : La pêche artisanale à Saint-Pierre et Miquelon est vitale pour l'économie de l'archipel, mais sa fragilité liée à la disponibilité de la ressource, nécessite son accompagnement. Cette filière dans le contexte international que nous connaissons, a connu une diversification qui a conduit à la coexistence actuelle d'activités reposant essentiellement sur trois productions : la morue, le lump et le crabe des neiges. 2002 a été une année désastreuse pour ces deux dernières productions, et cette chute de la ressource pour la deuxième année consécutive, est préoccupante pour l'avenir de cette filière. En l'absence d'application au plan local d'un dispositif national de droit commun d'aide, dispositifs dont il faudra probablement prévoir un équivalent local, les pouvoirs publics ont été conduit à prendre à titre exceptionnel, des mesures d'urgence en faveur des professionnels, pêcheurs et transformateurs, les plus touchés. Réagir aux crises et aux problèmes aigus n'est pas suffisant, et il convient d'inscrire l'action du gouvernement et des administrations dans une perspective d'avenir afin d'anticiper et de préparer, en pleine concertation avec une profession organisée, les évolutions et les changements qui permettront d'assurer le développement durable de la pêche artisanale de Saint-Pierre et Miquelon. Pour cela, deux conditions doivent être réunies :
l'organisation et la structuration de la profession, par exemple, sous la forme d'un comité régional des pêches ; à cet égard, une mission du Comité national des pêches maritimes se rendra très prochainement dans l'archipel ;
l'évaluation exhaustive des stocks halieutiques de la ZEE, qu'il s'agisse des espèces déjà exploitées ou de nouvelles espèces, mais également des zones extérieures à la ZEE en collaboration étroite avec nos partenaires canadiens. A l'initiative du ministère de l'outre-mer, l'IFREMER travaille déjà à une première mission (définition du cahier des charges et estimation du coût de la mission d'évaluation exhaustive, élaboration d'un calendrier) qui se déroulera du 24 au 28 février prochain, en présence de représentants du ministère de l'outre-mer et du ministère chargé de la pêche.
Ce double objectif visant à faciliter la structuration de la profession et à poursuivre et renforcer les recherches en matière de diversification des espèces et des produits à exploiter devrait conduire à une évolution maîtrisée, en totale association et concertation avec les professionnels, du nombre d'unités de pêche et de licences délivrées, afin d'assurer le développement durable de la filière pêche à Saint-Pierre et Miquelon grâce à l'élaboration, puis à l'application d'un véritable plan " pêche ". En outre, l'émergence d'une profession organisée ne peut qu'aider les pouvoirs publics à défendre les intérêts de l'archipel dans un contexte régional où les échanges et la nécessaire coopération avec le Canada, doivent se faire sur la base d'intérêts réciproques associant tous les partenaires.
LE VENT DE LA LIBERTE : L'Archipel est situé en plein centre d'énormes réserves de gaz et de pétrole. Chez les Canadiens, c'est parti, l'exploitation est en route. Dans l'Archipel, on a l'impression que le Gouvernement ne défend pas ce dossier avec toute la détermination, la volonté, la technicité que l'importance des enjeux exigerait. Ainsi, depuis fin 2001, plus aucune réunion bilatérale s'est tenue. Des questions aussi fondamentales que les modalités de la délimitation des nappes transfrontalières, les conditions d'avitaillement des plates-formes ne sont pas résolues. Exxon a réalisé un forage pour la forme sans que la direction des hydrocarbures ne soit convaincue des interprétations quant aux résultats. En attendant les problèmes frontaliers entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse se règlent. Exxon demande la reconduction de son permis, les Canadiens exploitent. Tout se passe comme si le Canada avait intérêt à gagner du temps et qu'en ZEE française rien ne se passe. Le nouveau Gouvernement a-t-il vraiment conscience de l'importance des enjeux ? A-t-il la volonté de défendre ce dossier fermement, efficacement afin que l'Archipel bénéficie des retombées financières et sur l'emploi considérable qu'il est en droit d'espérer ?
B. GIRARDIN : Absolument et c'est pour cette raison que j'ai voulu rencontrer les autorités canadiennes avant d'arriver à Saint-Pierre. J'ai indiqué à M. Gerry BYRNE, ministre fédéral en charge de l'APECA, que nous attachions une grande importance à la défense des intérêts de Saint-Pierre et Miquelon pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures dans la région. Il faut en particulier que le plan de valorisation économique contenu dans le projet d'accord soit pleinement bénéfique pour Saint-Pierre et Miquelon. J'ai donc dit clairement à M. BYRNE que nous ne signerons pas cet accord s'il n'y était pas explicitement mentionné que les bateaux de Saint-Pierre et Miquelon pourraient avitailler les plates-formes canadiennes sans que leur soit opposée la loi nationale canadienne sur le cabotage. On ne peut à la fois soutenir que l'objectif de l'accord est " d'assurer une chance pleine et juste, sur une base compétitive et non discriminatoire " de bénéficier des retombées des activités des plates-formes d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures et obliger un bateau Saint-Pierrais qui irait chercher du matériel à Saint-Jean de Terre-Neuve à faire relâche dans l'Archipel avant de gagner un site canadien en mer. Cela entraînerait évidemment un délai et un coût supplémentaire pour le service rendu et le rendrait nécessairement moins compétitif que celui assuré par les navires canadiens. De récents entretiens entre les délégations françaises et canadiennes à l'Organisation Mondiale du Commerce, il est ressorti également que l'Accord pourrait prévoir aussi de réserver à Saint-Pierre et Miquelon et au Canada les services liés à la desserte des plates-formes sans déroger aux règles de l'OMC puisque l'article 2.3 de l'Accord Général sur le Commerce prévoit la possibilité de déroger à la clause de la nation la plus favorisée entre pays limitrophes, lorsqu'il s'agit d'échanges limités sur zones frontalières pour les services produits et consommés localement. Cette disposition devrait être incluse dans le texte de l'accord-cadre. J'ai saisi M. BYRNE de tous ces points et j'espère que de prochaines négociations pourront être enfin conclusives. Quant aux nappes transfrontalières auxquelles est liée une obligation de communication mutuelle d'information, il appartient au groupe de travail technique prévu à l'art 17 du projet d'accord de permettre à la partie française d'obtenir toutes les données sur l'ensemble de la zone couverte par les activités d'exploration et d'exploitation.
LE VENT DE LA LIBERTE : Miquelon est morose. L'activité intense dans le secteur du BTP de ces dernières années s'est fortement réduite. Certaines activités de diversification comme la quarantaine animale, ou la pêche artisanale, sont arrêtées ou en difficulté. Certaines familles quittent le village. Les jeunes sont inquiets devant ce constat et l'absence de volonté politique de développement et de projets de diversification concrets, fiables. Quelle analyse faites-vous de cette situation ? Comment pouvez-vous aider Miquelon à passer ce mauvais cap et à bâtir un avenir ?
B. GIRARDIN : Miquelon connaît certes des difficultés liées à sa double insularité, mais j'ai pu constater que de nombreuses initiatives et projets sont en préparation ou en cours de réalisation. Aussi, nous devons donner aux habitants de Miquelon des raisons d'espérer et d'entreprendre. Je pense par exemple au développement des activités liées aux produits de la mer. Le projet d'usine de coquilles Saint-Jacques EDC commencera sa production d'ici un an ; la filière pêche pourra trouver de nouveaux débouchés à la suite de la mission de l'IFREMER. Vous savez, Saint-Pierre et Miquelon bénéficie d'une image de qualité en métropole ; il faut valoriser cet atout, pour exporter les produits de la pêche, mais aussi pour développer le tourisme. Dans le domaine du logement, 6 studios seront livrés d'ici quelques mois pour les jeunes de Miquelon, et pour le BTP, tout laisse à penser que le programme de travaux 2003 sera conforme aux besoins de l'île, avec un appui financier de l'État plus important cette année compte tenu des difficultés financières que rencontre le syndicat mixte de Miquelon.
LE VENT DE LA LIBERTE : La desserte maritime en marchandise de l'Archipel pose problème. Quelle solution proposez-vous ? Est-il acceptable que dans le cadre de la continuité territoriale un armement subventionné par l'État, licencie des marins français pour employer des marins étrangers ?
B. GIRARDIN : La desserte maritime de l'Archipel me préoccupe car les deux opérateurs se livrent une concurrence qui atteint des proportions qui sont dommageables pour tous. Le rapport commandé par le gouvernement met en lumière la fragilité de la situation actuelle, tout en reconnaissant que les deux modes d'approvisionnement de l'Archipel, par Halifax d'une part et par Fortune d'autre part sont nécessaires, l'un étant plus sûr, l'autre présentant davantage de souplesse. Plusieurs propositions sont faites pour adapter la forme des aides de l'État. J'ai demandé au préfet de communiquer ces éléments à l'ensemble des acteurs, élus et socioprofessionnels. Il s'agit maintenant d'obtenir un rapprochement des deux armements pour qu'un accord soit trouvé. C'est indispensable. J'ajoute que la desserte de l'archipel est une mission de service public, et elle bénéficie pour cela d'aides importantes de l'État (près de 2 millions d'euros par an). Vous évoquez le sujet de l'emploi des marins Saint-Pierrais à bord du Shamrock ; je ne peux que regretter une telle décision des dirigeants de l'entreprise. J'ai demandé à M. le préfet de porter une attention particulière à la situation de ces marins.
LE VENT DE LA LIBERTE : Au plan social, certains dossiers stagnent. Certaines revendications demeurent insatisfaites. Il s'agit en particulier de décrets qui ne sortent pas : la coordination des régimes de protection sociale, les retraites des mères de famille ayant élevé un enfant handicapé par exemple, l'extension des moyens de la CPS pour l'amélioration de ses actions en faveur du maintien à domicile des personnes âgées, des divers problèmes de retraite (décentralisation de la revalorisation des retraites des Vieux travailleurs dans le cadre de la loi de 87, majoration des pensionnés de l'ENIM, des agents hospitaliers et des collectivités locales), extension à l'Archipel de certaines prestations : allocation de rentrée scolaire, allocation jeune-enfant, etc Où en est l'important dossier de construction du nouvel hôpital ?Que pouvez-vous nous dire sur ces nombreux sujets ?
B. GIRARDIN : Votre question est multiple et c'est plus particulièrement dans ce domaine des politiques sociales ou de santé, que l'on mesure le plus l'effet dévastateur des promesses non tenues. Avec Mme André, la présidente de la CPS, nous l'avons ensemble déploré. Trop souvent, ces dernières années, le gouvernement précédent s'est contenté d'accorder des dispositions favorables sans prendre ensuite les indispensables mesures d'application. Et cela, le plus souvent, parce qu'aucun financement n'avait été prévu. Désormais, je m'attache à sortir de cette situation. Mon cabinet travaille à ces textes et à obtenir les arbitrages interministériels nécessaires. S'agissant de l'hôpital, je vous ai dit ma déception à ce sujet. Ma visite de l'établissement n'a fait que me confirmer que rien n'a évolué depuis mon dernier passage fin 1995, alors que dès 1997, le projet de reconstruction était très avancé. Je l'ai dit, et je vous le confirme, je suis disposée à examiner le projet et son financement, mais encore faut-il que j'en sois saisie. Je demande donc qu'un dossier me soit adressé dans les meilleurs délais pour qu'enfin on avance. Par ailleurs, je souhaite une mission d'inspection pour faire le point sur le fonctionnement de l'établissement.
LE VENT DE LA LIBERTE : La loi sur la décentralisation, la loi organique donnera davantage de pouvoirs aux exécutifs locaux. Les collectivités locales disposeront d'un droit à l'expérimentation. Dans quels domaines ? L'Archipel a déjà un statut qui attribue des pouvoirs importants au Conseil Général : maîtrise totale de la fiscalité directe et indirecte, maîtrise de l'urbanisme et du logement. Ne pensez-vous pas que des gardes-fous doivent être établis pour éviter les abus de pouvoir ?
Aujourd'hui, par exemple, la liste majoritaire à Miquelon est écartée du bureau. A St Pierre, la liste minoritaire (43 % dispose de la majorité des sièges : 11), les 2 autres listes avec 56 % des voix n'ont que 4 sièges et l'une d'entre elles n'est pas représentée au bureau. L'évolution du mode d'élection des conseillers généraux ne serait-elle pas une solution ?
Certaines pistes de réflexion sont lancées : liste unique, réduction du mandat des conseillers, renouvellement du conseil par moitié à mi-mandat, élection par secteurs ou cantons, etc. Quelle est la position du Gouvernement ?
B. GIRARDIN : La révision constitutionnelle en cours de ratification conforte l'appartenance de l'archipel -dont le nom figure désormais dans la Constitution- à la République. Il conforte la protection de ses compétences qui seront désormais définies par la loi organique et non plus par une simple loi ordinaire. Il permet au Chef de l'État de consulter les électeurs de la collectivité sur des questions telles que les institutions ou les compétences. La loi du 11 juin 1985 n'est pas directement affectée par la révision constitutionnelle. En particulier, le régime législatif de l'Archipel, qui est celui de l'assimilation avec quelques matières soumises au principe de spécialité (fiscalité, urbanisme, logement), est parfaitement compatible avec l'article 74 nouveau de la Constitution, qui permet de " moduler " la spécialité législative, qui peut être seulement partielle (Saint-Pierre et Miquelon), majoritaire (Mayotte) ou totale (Polynésie, Wallis et Futuna). Ainsi, l'Archipel conservera l'applicabilité de plein droit de la plupart des lois métropolitaines. Pour autant, le statut de l'archipel devra être actualité : d'abord pour le mettre en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles telles que le droit de pétition ou le référendum local ; ensuite, parce qu'il convient d'étendre à la collectivité territoriale les dispositions sur la démocratie locale qui sont venues, depuis 1992 en particulier, renforcer les droits des élus au sein des assemblées, et qui doivent s'appliquer à Saint-Pierre et Miquelon comme dans tous les départements et dans toutes les régions. Enfin, la question de la répartition des compétences entre la collectivité et les communes dans une matière comme l'urbanisme, pourrait être clarifiée, le cas échéant par les électeurs eux-mêmes, comme la Constitution le permet désormais. Sur toutes ces questions, le Gouvernement est ouvert au dialogue ; il veillera à ce que le statut de l'archipel soit en parfaite conformité avec la Constitution révisée comme avec le droit commun de la démocratie locale afin que, ici comme ailleurs, la transparence et la responsabilité trouvent toute leur place dans la gestion des affaires locales. En particulier, le mode de scrutin doit permettre de dégager une majorité claire qui soit le juste reflet de la volonté des électeurs. Le moment venu, une actualisation du statut de l'archipel, dans les directions que j'ai indiquées, devra tout naturellement trouver sa place dans la nécessaire modernisation des institutions des collectivités d'outre-mer.
LE VENT DE LA LIBERTE : Le point fort de votre mandat sera la loi programme pour l'Outre-Mer. Qu'apportera cette loi à Saint-Pierre et Miquelon ? L'Archipel bénéficiera-t-il du dispositif économique et plus spécialement du dispositif de défiscalisation ? La loi Pons n'était pas applicable intégralement à l'Archipel par exemple. Notre statut fiscal, la convention fiscale qui nous lie à l'État ne sont-elles par des obstacles ? Si oui, comment réglez-vous le problème ?
B. GIRARDIN : La loi de programme constituera effectivement l'un de points forts de l'action du gouvernement outre-mer. D'une durée de 15 ans, elle est pour l'essentiel, la traduction au plan législatif des engagements pris par le Président de la République au cours de la campagne pour les élections présidentielles. Il s'agit de promouvoir, outre-mer, un développement économique fondé sur une logique d'activité et de responsabilité.
Les mesures envisagées, déclinées dans une quarantaine d'articles, s'articulent autour de deux nécessités impérieuses pour l'outre-mer :
abaisser le coût du travail pour relancer la création d'emplois dans les entreprises ;
abaisser le coût du capital pour relancer l'investissement et donc l'emploi.
Sur le premier point, la création d'emplois dans le secteur marchand sera encouragée par de nouvelles exonérations de charges sociales pour augmenter l'offre d'emplois durables, notamment pour les jeunes. Vous avez pu constater à cet égard qu'un effort important est consenti en faveur des entreprises du secteur du BTP comptant au plus 50 salariés, puisque celles-ci bénéficieront d'une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale pour l'ensemble des rémunérations jusqu'à 1,3 fois le SMIC ; Sur le second point, la relance de l'investissement privé sera favorisée grâce à un nouveau dispositif de défiscalisation élargi, renforcé en faveur du logement et du tourisme et plus souple. En outre, il sera dorénavant possible à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis et Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon de cumuler ce dispositif avec les autres avantages accordés au titre de leurs compétences fiscales propres.
La loi statutaire du 11 juin 1985 reconnaît en effet au Conseil général des compétences en matière fiscale. Par ailleurs, la convention fiscale du 30 mai 1988 à laquelle vous faites allusion, a notamment pour but d'éviter les doubles impositions en matière fiscale. Ni l'une ni l'autre ne me paraissent constituer des obstacles. Rien n'interdit en effet à Saint-Pierre et Miquelon d'adopter en faveur de ses propres résidents des mesures fiscales d'encouragement à l'investissement local, à l'instar de ce que prévoit la loi de programme pour les investisseurs assujettis à la fiscalité nationale qui souhaitent investir à Saint-Pierre et Miquelon. Le principe d'autonomie fiscale reconnu par la loi à la Collectivité de Saint-Pierre et Miquelon est donc parfaitement respecté. En terme de calendrier, le projet de loi de programme vient d'être transmis, pour avis, au Conseil général de la collectivité en même temps qu'à l'ensemble des exécutifs locaux de l'outre-mer. Cette étape franchie, je présenterai le projet de loi en conseil des ministres et le Parlement l'examinera au printemps prochain.
LE VENT DE LA LIBERTE : L'Archipel est un formidable tremplin au service de la diffusion de la langue, de la culture, de la technologie françaises et de l'Outre-mer français vers le Canada. Il y a quelques mois, RFO a donné instruction pour grillager son émetteur afin d'empêcher le captage de ses émissions. Ainsi le permet la loi canadienne largement utilisée par les Américains qui en ont compris l'intérêt. Le Ministre AILLAGON a répondu au Député Gérard GRIGNON qui l'interrogeait sur le sujet que cette décision était irrévocable. Les réactions des francophones sont très vives devant cette attitude que le Député a qualifié " d'automutilation linguistique et culturelle ". Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'obscurantisme et que la vision parisienne de l'Outre-mer français s'arrête parfois aux limites du boulevard périphérique ?
B. GIRARDIN : Vous avez raison de rappeler le rôle que joue Saint-Pierre et Miquelon pour ce qui est de la diffusion de la culture française en Amérique du Nord. Je pense en particulier au Francoforum qui attire à Saint-Pierre des étudiants canadiens soucieux de se perfectionner en langue française par une immersion totale ou encore à l'Arche, musée-archive, qui sert la promotion de notre culture auprès des visiteurs nord-américains. Je comprends la légitime fierté des habitants de l'archipel s'agissant de la diffusion de RFO Saint-Pierre et Miquelon vers l'étranger. Cependant, ainsi que je l'ai indiqué, la reprise de ce signal par des câblo-opérateurs canadiens implique la prise en compte de données juridiques et financières complexes, notamment à l'égard des ayants-droits et cette affaire reste à régler. Toutefois, je profite de l'occasion que vous me donnez pour rassurer à nouveau ceux qui se sont fait l'écho de certaines inquiétudes s'agissant de l'activité de la station locale de RFO. Je tiens à confirmer que l'archipel conservera ce moyen d'expression privilégié qu'est la station de RFO. Sa pérennité est complètement assurée.
LE VENT DE LA LIBERTE : Vous avez tenu à rencontrer la jeunesse de l'Archipel à Saint-Pierre et Miquelon. Quel message leur adressez-vous ?
B.GIRARDIN : Je me plais à le répéter, à Saint-Pierre et Miquelon comme ailleurs, c'est l'avenir de la jeunesse qui nous motive et qui doit donner un sens à notre action. S'agissant du devenir de l'archipel, la formation des jeunes revêt une importance particulière. La convention que j'ai signée avec le Président conseil général, prévoit les modalités de mise en uvre à Saint-Pierre et Miquelon du passeport mobilité pour les jeunes de 18 à 30 ans. Je vous le rappelle, ce dispositif nouveau consiste à prendre totalement en charge le coût de leur transport vers la métropole ou vers une autre collectivité d'outre-mer, lorsqu'ils doivent suivre des études, une formation ou prendre un premier emploi. Ici, de longue date, la collectivité territoriale consent des efforts significatifs dans ce domaine. Désormais, l'État entend l'appuyer d'avantage et c'est un effort tout particulier que mon ministère va engager, dès 2003, au profit de Saint-Pierre et Miquelon. Je dois aussi dire que j'ai retiré de mes rencontres avec les jeunes de Miquelon et de Saint-Pierre, le sentiment que toute cette jeunesse mérite notre engagement. J'ai été sensible à ses attentes, à sa volonté de se former, d'entreprendre au service de cette terre de France en Amérique du Nord à laquelle elle est si attachée. Mon message est donc clair : ayez confiance, Saint-Pierre et Miquelon a des atouts à valoriser dans des secteurs porteurs comme la pêche et le tourisme, l'État vous accompagnera dans votre dynamisme.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 24 février 2003)
B. GIRARDIN : Vous le rappelez, ce voyage à Saint-Pierre et Miquelon est pour moi le quatrième. J'avais participé au côté de Dominique PERBEN, puis de Jean-Jacques de PÉRETTI à des visites importantes pour l'avenir de l'archipel, d'abord le règlement du contentieux franco-canadien sur la pêche et la mise en place de la coopération régionale entre Saint-Pierre et Miquelon et le Canada atlantique, puis la recherche d'activités de diversification économique et enfin le lancement d'une démarche volontaire de désenclavement avec la construction du nouvel aéroport inauguré en septembre 1999 par le Président de la République. J'avais donc le souvenir d'une politique dynamique au service de l'Archipel.Dès mon retour rue Oudinot, j'ai découvert avec stupeur qu'en dehors de quelques grands chantiers engagés avant 1997, peu de choses avaient réellement progressé. Ainsi, le projet de nouvel hôpital, sur le point d'être finalisé il y cinq ans, stagne depuis plusieurs années.Cette impression s'est confirmée après les nombreux contacts que j'ai eus au cours de ma visite et tout me conforte dans la conviction que Saint-Pierre et Miquelon a besoin d'un nouveau souffle pour assurer son avenir économique et social. Le potentiel existe, j'ai rencontré des entrepreneurs et des responsables politiques soucieux de développer des projets pour l'Archipel, des jeunes désireux de progrès. Je vous le confirme, je ne ménagerai aucun effort pour les aider à consolider l'acquis et à ouvrir des perspectives plus prometteuses pour l'avenir des îles. Mon cabinet et moi-même avons déjà beaucoup travaillé en ce sens ces derniers mois.
LE VENT DE LA LIBERTE : Les collectivités locales connaissent des difficultés d'ordre budgétaire : marge d'autofinancement extrêmement faible, dette importante, coût trop lourd des investissements incontournables tels l'eau et l'assainissement ? Certains élus demandent la prise en charge par l'État de tout ou partie de la dette et plus dès 2003 un nouvel aéroport. Quelle est votre position ? Que pouvez-vous faire pour aider les collectivités locales ?
B. GIRARDIN : Vous avez raison de souligner la situation très difficile des trois collectivités de Saint-Pierre et Miquelon. D'importantes dépenses d'investissements pèsent sur les budgets des communes et de la collectivité territoriale sans que pour autant elles disposent de suffisamment de moyens pour faire face aux besoins. Si c'est une situation que l'on retrouve dans tout l'outre-mer, elle est particulièrement accentuée ici dans l'Archipel. J'ai souhaité apporter des solutions durables et non pas ponctuelles à ces difficultés structurelles. Il convient d'agir sur les ressources des collectivités en revoyant les modalités de calcul des concours financiers de l'État. C'est une réforme que je souhaite entreprendre dès à présent en partenariat étroit avec l'ensemble des élus. Une refondation des dotations servies aux collectivités locales me paraît nécessaire afin de bien les adapter aux besoins spécifiques de l'Archipel. Par ailleurs, je souhaite compléter ce travail en profondeur par des soutiens plus directs aux investissements. Je ferai un effort particulier pour soutenir la commande publique en complément des efforts déjà réalisés par les communes de Saint-Pierre et de Miquelon et du Conseil général. Cet effort sera égal au montant de la dette contractée par les investissements réalisés pour l'eau et l'assainissement et pour l'aéroport. Enfin, avec le soutien de l'AFD, nous pouvons envisager une restructuration de cette dette et la renégociation de certains prêts. Je vous indique également que l'État apportera son aide financière à l'achat d'un camion de pompiers pour la commune de Saint-Pierre et celle de Miquelon. Ce sont des investissements importants pour la sécurité des Saint-Pierrais et des Miquelonnais et l'État se doit d'y apporter son concours. Sur ce dossier des finances locales, je reste attentive à la correcte satisfaction des besoins et soucieuse de la juste prise en compte des particularités de l'Archipel de Saint-Pierre et Miquelon.
LE VENT DE LA LIBERTE : A propos de l'aéroport justement, la population s'attendait à des liaisons plus rapides, moins chères et la possibilité de se rendre directement à Paris. C'est en tout cas de qui lui avait été promis. Or, rien n'a changé depuis sinon le billet d'avion qui ne cesse d'augmenter et atteint un coût totalement prohibitif à tout développement touristique. Le Président de la République avait fait de la continuité territoriale une priorité de son programme. Comment améliorer la desserte aérienne de l'Archipel ?
B. GIRARDIN : Je tiens tout d'abord à souligner que les conditions de sécurité de l'aéroport ont été améliorées et permettent un accès à l'archipel dans toutes les conditions météorologiques, ce qui n'était pas le cas précédemment ; mais je regrette comme vous que toutes les retombées attendues de cette infrastructure ne se soient pas encore concrétisées. La loi-programme sur 15 ans qui sera bientôt présentée au Parlement prévoit des dispositifs pour donner un contenu concret à la continuité territoriale, conformément aux engagements du Président de la République. L'objectif est de faire baisser le coût du transport aérien par des exonérations de charges sociales et une dotation spécifique de l'État pour prendre en charge une partie de ce coût pour les passagers résidant outre-mer. Mais pour Saint-Pierre et Miquelon, il faut sans doute aller plus loin et c'est pour cette raison que sur l'initiative de M. le député GRIGNON, je vais mandater avec Dominique BUSSEREAU, le secrétaire d'État aux Transports, dans les prochaines semaines, une mission de l'inspection générale de l'aviation civile pour nous faire des propositions pour le tourisme et les résidents de l'archipel. Je souhaite également que l'on puisse simplifier les procédures avec l'administration canadienne et faciliter les relations commerciales avec les opérateurs français.
LE VENT DE LA LIBERTE : Qu'est-ce que le passeport mobilité ? En quoi concerne-t-il les jeunes de l'Archipel ?
B. GIRARDIN : Le principe de ce passeport mobilité est simple : les jeunes de 18 à 30 ans qui doivent se rendre en métropole pour suivre des études, une formation ou prendre un premier emploi, seront pris en charge à 100 % pour leur transport. Cette mesure s'applique aux étudiants depuis le 1er juillet 2002 et aux jeunes en formation depuis le 1er septembre 2002. L'État apporte une aide additionnelle aux efforts déjà consentis par les collectivités d'outre-mer, au titre de la mobilité de façon à ce que le coût résiduel soit nul pour les familles. Dans le cas particulier de Saint-Pierre et Miquelon, l'engagement de la collectivité est, déjà, très important et la contribution de l'État aura pour conséquence directe d'aider plus particulièrement les étudiants qui ne bénéficiaient pas, jusqu'à maintenant, de l'attribution des bourses locales. Aussi, pour tenir compte de cette particularité, j'ai annoncé lors de mon passage dans l'archipel l'effort tout particulier que mon ministère va engager, dès 2003, au profit du conseil général de Saint-Pierre et Miquelon.
LE VENT DE LA LIBERTE : Le dossier pêche vous est familier. Vous avez joué un rôle majeur dans l'accord de 94. Depuis beaucoup de choses ont changé. Les activités de pêche artisanale se sont diversifiées, la flotte de pêche s'est renouvelée et adaptée, la France au titre de Saint-Pierre et Miquelon adhère à l'OPANO et à la CICTA. Mais le secteur semble très fragile et vous avez pu constater la morosité des professionnels : en 2002, certaines ressources semblaient avoir disparu (le lump, le crabe), des rumeurs de moratoire sur la morue en 2003 circulent, le Canada est toujours hostile à toute évolution des possibilités de l'Archipel, que ce soit en dehors des 200 milles pour le crabe ou dans sa ZEE pour le thon ou le requin par exemple. Qu'avez-vous fait ou que comptez-vous faire face à ces difficultés ? Comment percevez-vous l'avenir de ce secteur ?
B. GIRARDIN : La pêche artisanale à Saint-Pierre et Miquelon est vitale pour l'économie de l'archipel, mais sa fragilité liée à la disponibilité de la ressource, nécessite son accompagnement. Cette filière dans le contexte international que nous connaissons, a connu une diversification qui a conduit à la coexistence actuelle d'activités reposant essentiellement sur trois productions : la morue, le lump et le crabe des neiges. 2002 a été une année désastreuse pour ces deux dernières productions, et cette chute de la ressource pour la deuxième année consécutive, est préoccupante pour l'avenir de cette filière. En l'absence d'application au plan local d'un dispositif national de droit commun d'aide, dispositifs dont il faudra probablement prévoir un équivalent local, les pouvoirs publics ont été conduit à prendre à titre exceptionnel, des mesures d'urgence en faveur des professionnels, pêcheurs et transformateurs, les plus touchés. Réagir aux crises et aux problèmes aigus n'est pas suffisant, et il convient d'inscrire l'action du gouvernement et des administrations dans une perspective d'avenir afin d'anticiper et de préparer, en pleine concertation avec une profession organisée, les évolutions et les changements qui permettront d'assurer le développement durable de la pêche artisanale de Saint-Pierre et Miquelon. Pour cela, deux conditions doivent être réunies :
l'organisation et la structuration de la profession, par exemple, sous la forme d'un comité régional des pêches ; à cet égard, une mission du Comité national des pêches maritimes se rendra très prochainement dans l'archipel ;
l'évaluation exhaustive des stocks halieutiques de la ZEE, qu'il s'agisse des espèces déjà exploitées ou de nouvelles espèces, mais également des zones extérieures à la ZEE en collaboration étroite avec nos partenaires canadiens. A l'initiative du ministère de l'outre-mer, l'IFREMER travaille déjà à une première mission (définition du cahier des charges et estimation du coût de la mission d'évaluation exhaustive, élaboration d'un calendrier) qui se déroulera du 24 au 28 février prochain, en présence de représentants du ministère de l'outre-mer et du ministère chargé de la pêche.
Ce double objectif visant à faciliter la structuration de la profession et à poursuivre et renforcer les recherches en matière de diversification des espèces et des produits à exploiter devrait conduire à une évolution maîtrisée, en totale association et concertation avec les professionnels, du nombre d'unités de pêche et de licences délivrées, afin d'assurer le développement durable de la filière pêche à Saint-Pierre et Miquelon grâce à l'élaboration, puis à l'application d'un véritable plan " pêche ". En outre, l'émergence d'une profession organisée ne peut qu'aider les pouvoirs publics à défendre les intérêts de l'archipel dans un contexte régional où les échanges et la nécessaire coopération avec le Canada, doivent se faire sur la base d'intérêts réciproques associant tous les partenaires.
LE VENT DE LA LIBERTE : L'Archipel est situé en plein centre d'énormes réserves de gaz et de pétrole. Chez les Canadiens, c'est parti, l'exploitation est en route. Dans l'Archipel, on a l'impression que le Gouvernement ne défend pas ce dossier avec toute la détermination, la volonté, la technicité que l'importance des enjeux exigerait. Ainsi, depuis fin 2001, plus aucune réunion bilatérale s'est tenue. Des questions aussi fondamentales que les modalités de la délimitation des nappes transfrontalières, les conditions d'avitaillement des plates-formes ne sont pas résolues. Exxon a réalisé un forage pour la forme sans que la direction des hydrocarbures ne soit convaincue des interprétations quant aux résultats. En attendant les problèmes frontaliers entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse se règlent. Exxon demande la reconduction de son permis, les Canadiens exploitent. Tout se passe comme si le Canada avait intérêt à gagner du temps et qu'en ZEE française rien ne se passe. Le nouveau Gouvernement a-t-il vraiment conscience de l'importance des enjeux ? A-t-il la volonté de défendre ce dossier fermement, efficacement afin que l'Archipel bénéficie des retombées financières et sur l'emploi considérable qu'il est en droit d'espérer ?
B. GIRARDIN : Absolument et c'est pour cette raison que j'ai voulu rencontrer les autorités canadiennes avant d'arriver à Saint-Pierre. J'ai indiqué à M. Gerry BYRNE, ministre fédéral en charge de l'APECA, que nous attachions une grande importance à la défense des intérêts de Saint-Pierre et Miquelon pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures dans la région. Il faut en particulier que le plan de valorisation économique contenu dans le projet d'accord soit pleinement bénéfique pour Saint-Pierre et Miquelon. J'ai donc dit clairement à M. BYRNE que nous ne signerons pas cet accord s'il n'y était pas explicitement mentionné que les bateaux de Saint-Pierre et Miquelon pourraient avitailler les plates-formes canadiennes sans que leur soit opposée la loi nationale canadienne sur le cabotage. On ne peut à la fois soutenir que l'objectif de l'accord est " d'assurer une chance pleine et juste, sur une base compétitive et non discriminatoire " de bénéficier des retombées des activités des plates-formes d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures et obliger un bateau Saint-Pierrais qui irait chercher du matériel à Saint-Jean de Terre-Neuve à faire relâche dans l'Archipel avant de gagner un site canadien en mer. Cela entraînerait évidemment un délai et un coût supplémentaire pour le service rendu et le rendrait nécessairement moins compétitif que celui assuré par les navires canadiens. De récents entretiens entre les délégations françaises et canadiennes à l'Organisation Mondiale du Commerce, il est ressorti également que l'Accord pourrait prévoir aussi de réserver à Saint-Pierre et Miquelon et au Canada les services liés à la desserte des plates-formes sans déroger aux règles de l'OMC puisque l'article 2.3 de l'Accord Général sur le Commerce prévoit la possibilité de déroger à la clause de la nation la plus favorisée entre pays limitrophes, lorsqu'il s'agit d'échanges limités sur zones frontalières pour les services produits et consommés localement. Cette disposition devrait être incluse dans le texte de l'accord-cadre. J'ai saisi M. BYRNE de tous ces points et j'espère que de prochaines négociations pourront être enfin conclusives. Quant aux nappes transfrontalières auxquelles est liée une obligation de communication mutuelle d'information, il appartient au groupe de travail technique prévu à l'art 17 du projet d'accord de permettre à la partie française d'obtenir toutes les données sur l'ensemble de la zone couverte par les activités d'exploration et d'exploitation.
LE VENT DE LA LIBERTE : Miquelon est morose. L'activité intense dans le secteur du BTP de ces dernières années s'est fortement réduite. Certaines activités de diversification comme la quarantaine animale, ou la pêche artisanale, sont arrêtées ou en difficulté. Certaines familles quittent le village. Les jeunes sont inquiets devant ce constat et l'absence de volonté politique de développement et de projets de diversification concrets, fiables. Quelle analyse faites-vous de cette situation ? Comment pouvez-vous aider Miquelon à passer ce mauvais cap et à bâtir un avenir ?
B. GIRARDIN : Miquelon connaît certes des difficultés liées à sa double insularité, mais j'ai pu constater que de nombreuses initiatives et projets sont en préparation ou en cours de réalisation. Aussi, nous devons donner aux habitants de Miquelon des raisons d'espérer et d'entreprendre. Je pense par exemple au développement des activités liées aux produits de la mer. Le projet d'usine de coquilles Saint-Jacques EDC commencera sa production d'ici un an ; la filière pêche pourra trouver de nouveaux débouchés à la suite de la mission de l'IFREMER. Vous savez, Saint-Pierre et Miquelon bénéficie d'une image de qualité en métropole ; il faut valoriser cet atout, pour exporter les produits de la pêche, mais aussi pour développer le tourisme. Dans le domaine du logement, 6 studios seront livrés d'ici quelques mois pour les jeunes de Miquelon, et pour le BTP, tout laisse à penser que le programme de travaux 2003 sera conforme aux besoins de l'île, avec un appui financier de l'État plus important cette année compte tenu des difficultés financières que rencontre le syndicat mixte de Miquelon.
LE VENT DE LA LIBERTE : La desserte maritime en marchandise de l'Archipel pose problème. Quelle solution proposez-vous ? Est-il acceptable que dans le cadre de la continuité territoriale un armement subventionné par l'État, licencie des marins français pour employer des marins étrangers ?
B. GIRARDIN : La desserte maritime de l'Archipel me préoccupe car les deux opérateurs se livrent une concurrence qui atteint des proportions qui sont dommageables pour tous. Le rapport commandé par le gouvernement met en lumière la fragilité de la situation actuelle, tout en reconnaissant que les deux modes d'approvisionnement de l'Archipel, par Halifax d'une part et par Fortune d'autre part sont nécessaires, l'un étant plus sûr, l'autre présentant davantage de souplesse. Plusieurs propositions sont faites pour adapter la forme des aides de l'État. J'ai demandé au préfet de communiquer ces éléments à l'ensemble des acteurs, élus et socioprofessionnels. Il s'agit maintenant d'obtenir un rapprochement des deux armements pour qu'un accord soit trouvé. C'est indispensable. J'ajoute que la desserte de l'archipel est une mission de service public, et elle bénéficie pour cela d'aides importantes de l'État (près de 2 millions d'euros par an). Vous évoquez le sujet de l'emploi des marins Saint-Pierrais à bord du Shamrock ; je ne peux que regretter une telle décision des dirigeants de l'entreprise. J'ai demandé à M. le préfet de porter une attention particulière à la situation de ces marins.
LE VENT DE LA LIBERTE : Au plan social, certains dossiers stagnent. Certaines revendications demeurent insatisfaites. Il s'agit en particulier de décrets qui ne sortent pas : la coordination des régimes de protection sociale, les retraites des mères de famille ayant élevé un enfant handicapé par exemple, l'extension des moyens de la CPS pour l'amélioration de ses actions en faveur du maintien à domicile des personnes âgées, des divers problèmes de retraite (décentralisation de la revalorisation des retraites des Vieux travailleurs dans le cadre de la loi de 87, majoration des pensionnés de l'ENIM, des agents hospitaliers et des collectivités locales), extension à l'Archipel de certaines prestations : allocation de rentrée scolaire, allocation jeune-enfant, etc Où en est l'important dossier de construction du nouvel hôpital ?Que pouvez-vous nous dire sur ces nombreux sujets ?
B. GIRARDIN : Votre question est multiple et c'est plus particulièrement dans ce domaine des politiques sociales ou de santé, que l'on mesure le plus l'effet dévastateur des promesses non tenues. Avec Mme André, la présidente de la CPS, nous l'avons ensemble déploré. Trop souvent, ces dernières années, le gouvernement précédent s'est contenté d'accorder des dispositions favorables sans prendre ensuite les indispensables mesures d'application. Et cela, le plus souvent, parce qu'aucun financement n'avait été prévu. Désormais, je m'attache à sortir de cette situation. Mon cabinet travaille à ces textes et à obtenir les arbitrages interministériels nécessaires. S'agissant de l'hôpital, je vous ai dit ma déception à ce sujet. Ma visite de l'établissement n'a fait que me confirmer que rien n'a évolué depuis mon dernier passage fin 1995, alors que dès 1997, le projet de reconstruction était très avancé. Je l'ai dit, et je vous le confirme, je suis disposée à examiner le projet et son financement, mais encore faut-il que j'en sois saisie. Je demande donc qu'un dossier me soit adressé dans les meilleurs délais pour qu'enfin on avance. Par ailleurs, je souhaite une mission d'inspection pour faire le point sur le fonctionnement de l'établissement.
LE VENT DE LA LIBERTE : La loi sur la décentralisation, la loi organique donnera davantage de pouvoirs aux exécutifs locaux. Les collectivités locales disposeront d'un droit à l'expérimentation. Dans quels domaines ? L'Archipel a déjà un statut qui attribue des pouvoirs importants au Conseil Général : maîtrise totale de la fiscalité directe et indirecte, maîtrise de l'urbanisme et du logement. Ne pensez-vous pas que des gardes-fous doivent être établis pour éviter les abus de pouvoir ?
Aujourd'hui, par exemple, la liste majoritaire à Miquelon est écartée du bureau. A St Pierre, la liste minoritaire (43 % dispose de la majorité des sièges : 11), les 2 autres listes avec 56 % des voix n'ont que 4 sièges et l'une d'entre elles n'est pas représentée au bureau. L'évolution du mode d'élection des conseillers généraux ne serait-elle pas une solution ?
Certaines pistes de réflexion sont lancées : liste unique, réduction du mandat des conseillers, renouvellement du conseil par moitié à mi-mandat, élection par secteurs ou cantons, etc. Quelle est la position du Gouvernement ?
B. GIRARDIN : La révision constitutionnelle en cours de ratification conforte l'appartenance de l'archipel -dont le nom figure désormais dans la Constitution- à la République. Il conforte la protection de ses compétences qui seront désormais définies par la loi organique et non plus par une simple loi ordinaire. Il permet au Chef de l'État de consulter les électeurs de la collectivité sur des questions telles que les institutions ou les compétences. La loi du 11 juin 1985 n'est pas directement affectée par la révision constitutionnelle. En particulier, le régime législatif de l'Archipel, qui est celui de l'assimilation avec quelques matières soumises au principe de spécialité (fiscalité, urbanisme, logement), est parfaitement compatible avec l'article 74 nouveau de la Constitution, qui permet de " moduler " la spécialité législative, qui peut être seulement partielle (Saint-Pierre et Miquelon), majoritaire (Mayotte) ou totale (Polynésie, Wallis et Futuna). Ainsi, l'Archipel conservera l'applicabilité de plein droit de la plupart des lois métropolitaines. Pour autant, le statut de l'archipel devra être actualité : d'abord pour le mettre en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles telles que le droit de pétition ou le référendum local ; ensuite, parce qu'il convient d'étendre à la collectivité territoriale les dispositions sur la démocratie locale qui sont venues, depuis 1992 en particulier, renforcer les droits des élus au sein des assemblées, et qui doivent s'appliquer à Saint-Pierre et Miquelon comme dans tous les départements et dans toutes les régions. Enfin, la question de la répartition des compétences entre la collectivité et les communes dans une matière comme l'urbanisme, pourrait être clarifiée, le cas échéant par les électeurs eux-mêmes, comme la Constitution le permet désormais. Sur toutes ces questions, le Gouvernement est ouvert au dialogue ; il veillera à ce que le statut de l'archipel soit en parfaite conformité avec la Constitution révisée comme avec le droit commun de la démocratie locale afin que, ici comme ailleurs, la transparence et la responsabilité trouvent toute leur place dans la gestion des affaires locales. En particulier, le mode de scrutin doit permettre de dégager une majorité claire qui soit le juste reflet de la volonté des électeurs. Le moment venu, une actualisation du statut de l'archipel, dans les directions que j'ai indiquées, devra tout naturellement trouver sa place dans la nécessaire modernisation des institutions des collectivités d'outre-mer.
LE VENT DE LA LIBERTE : Le point fort de votre mandat sera la loi programme pour l'Outre-Mer. Qu'apportera cette loi à Saint-Pierre et Miquelon ? L'Archipel bénéficiera-t-il du dispositif économique et plus spécialement du dispositif de défiscalisation ? La loi Pons n'était pas applicable intégralement à l'Archipel par exemple. Notre statut fiscal, la convention fiscale qui nous lie à l'État ne sont-elles par des obstacles ? Si oui, comment réglez-vous le problème ?
B. GIRARDIN : La loi de programme constituera effectivement l'un de points forts de l'action du gouvernement outre-mer. D'une durée de 15 ans, elle est pour l'essentiel, la traduction au plan législatif des engagements pris par le Président de la République au cours de la campagne pour les élections présidentielles. Il s'agit de promouvoir, outre-mer, un développement économique fondé sur une logique d'activité et de responsabilité.
Les mesures envisagées, déclinées dans une quarantaine d'articles, s'articulent autour de deux nécessités impérieuses pour l'outre-mer :
abaisser le coût du travail pour relancer la création d'emplois dans les entreprises ;
abaisser le coût du capital pour relancer l'investissement et donc l'emploi.
Sur le premier point, la création d'emplois dans le secteur marchand sera encouragée par de nouvelles exonérations de charges sociales pour augmenter l'offre d'emplois durables, notamment pour les jeunes. Vous avez pu constater à cet égard qu'un effort important est consenti en faveur des entreprises du secteur du BTP comptant au plus 50 salariés, puisque celles-ci bénéficieront d'une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale pour l'ensemble des rémunérations jusqu'à 1,3 fois le SMIC ; Sur le second point, la relance de l'investissement privé sera favorisée grâce à un nouveau dispositif de défiscalisation élargi, renforcé en faveur du logement et du tourisme et plus souple. En outre, il sera dorénavant possible à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis et Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon de cumuler ce dispositif avec les autres avantages accordés au titre de leurs compétences fiscales propres.
La loi statutaire du 11 juin 1985 reconnaît en effet au Conseil général des compétences en matière fiscale. Par ailleurs, la convention fiscale du 30 mai 1988 à laquelle vous faites allusion, a notamment pour but d'éviter les doubles impositions en matière fiscale. Ni l'une ni l'autre ne me paraissent constituer des obstacles. Rien n'interdit en effet à Saint-Pierre et Miquelon d'adopter en faveur de ses propres résidents des mesures fiscales d'encouragement à l'investissement local, à l'instar de ce que prévoit la loi de programme pour les investisseurs assujettis à la fiscalité nationale qui souhaitent investir à Saint-Pierre et Miquelon. Le principe d'autonomie fiscale reconnu par la loi à la Collectivité de Saint-Pierre et Miquelon est donc parfaitement respecté. En terme de calendrier, le projet de loi de programme vient d'être transmis, pour avis, au Conseil général de la collectivité en même temps qu'à l'ensemble des exécutifs locaux de l'outre-mer. Cette étape franchie, je présenterai le projet de loi en conseil des ministres et le Parlement l'examinera au printemps prochain.
LE VENT DE LA LIBERTE : L'Archipel est un formidable tremplin au service de la diffusion de la langue, de la culture, de la technologie françaises et de l'Outre-mer français vers le Canada. Il y a quelques mois, RFO a donné instruction pour grillager son émetteur afin d'empêcher le captage de ses émissions. Ainsi le permet la loi canadienne largement utilisée par les Américains qui en ont compris l'intérêt. Le Ministre AILLAGON a répondu au Député Gérard GRIGNON qui l'interrogeait sur le sujet que cette décision était irrévocable. Les réactions des francophones sont très vives devant cette attitude que le Député a qualifié " d'automutilation linguistique et culturelle ". Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'obscurantisme et que la vision parisienne de l'Outre-mer français s'arrête parfois aux limites du boulevard périphérique ?
B. GIRARDIN : Vous avez raison de rappeler le rôle que joue Saint-Pierre et Miquelon pour ce qui est de la diffusion de la culture française en Amérique du Nord. Je pense en particulier au Francoforum qui attire à Saint-Pierre des étudiants canadiens soucieux de se perfectionner en langue française par une immersion totale ou encore à l'Arche, musée-archive, qui sert la promotion de notre culture auprès des visiteurs nord-américains. Je comprends la légitime fierté des habitants de l'archipel s'agissant de la diffusion de RFO Saint-Pierre et Miquelon vers l'étranger. Cependant, ainsi que je l'ai indiqué, la reprise de ce signal par des câblo-opérateurs canadiens implique la prise en compte de données juridiques et financières complexes, notamment à l'égard des ayants-droits et cette affaire reste à régler. Toutefois, je profite de l'occasion que vous me donnez pour rassurer à nouveau ceux qui se sont fait l'écho de certaines inquiétudes s'agissant de l'activité de la station locale de RFO. Je tiens à confirmer que l'archipel conservera ce moyen d'expression privilégié qu'est la station de RFO. Sa pérennité est complètement assurée.
LE VENT DE LA LIBERTE : Vous avez tenu à rencontrer la jeunesse de l'Archipel à Saint-Pierre et Miquelon. Quel message leur adressez-vous ?
B.GIRARDIN : Je me plais à le répéter, à Saint-Pierre et Miquelon comme ailleurs, c'est l'avenir de la jeunesse qui nous motive et qui doit donner un sens à notre action. S'agissant du devenir de l'archipel, la formation des jeunes revêt une importance particulière. La convention que j'ai signée avec le Président conseil général, prévoit les modalités de mise en uvre à Saint-Pierre et Miquelon du passeport mobilité pour les jeunes de 18 à 30 ans. Je vous le rappelle, ce dispositif nouveau consiste à prendre totalement en charge le coût de leur transport vers la métropole ou vers une autre collectivité d'outre-mer, lorsqu'ils doivent suivre des études, une formation ou prendre un premier emploi. Ici, de longue date, la collectivité territoriale consent des efforts significatifs dans ce domaine. Désormais, l'État entend l'appuyer d'avantage et c'est un effort tout particulier que mon ministère va engager, dès 2003, au profit de Saint-Pierre et Miquelon. Je dois aussi dire que j'ai retiré de mes rencontres avec les jeunes de Miquelon et de Saint-Pierre, le sentiment que toute cette jeunesse mérite notre engagement. J'ai été sensible à ses attentes, à sa volonté de se former, d'entreprendre au service de cette terre de France en Amérique du Nord à laquelle elle est si attachée. Mon message est donc clair : ayez confiance, Saint-Pierre et Miquelon a des atouts à valoriser dans des secteurs porteurs comme la pêche et le tourisme, l'État vous accompagnera dans votre dynamisme.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 24 février 2003)