Texte intégral
Monsieur le Président,
Votre secteur est aujourd'hui dans un contexte favorable, mais contrasté. Les indicateurs de l'économie, notamment ceux du logement, sont presque tous positifs. Ils tracent de belles perspectives de croissance et cela est excellent pour l'emploi, et, de façon plus générale, pour le bien-être social. Pourtant, dans le même temps, les difficultés de certains quartiers demeurent, d'autant moins supportables que la conjoncture est favorable.
Les deux tables rondes que vous organisez aujourd'hui, sur le commerce indépendant et sur la politique de la ville, démontrent que chacun d'entre nous a bien conscience à la fois de cette contradiction et qu'il est un acteur de la solution puisque, par son action personnelle ou à travers son activité professionnelle, il participe à ces deux politiques essentielles pour notre société que sont l'amélioration de l'habitat urbain et le développement du logement. Je ne vous en remercie que davantage, Monsieur le Président (M. Audras), d'avoir bien voulu m'inviter à ouvrir vos travaux, à nouer le dialogue avec les représentants d'un secteur d'activité que j'ai toujours considéré comme très important, et à essayer d'avancer quelques suggestions.
Premier poste de dépense des ménages, toutes catégories sociales confondues, lieu où nous vivons plus de la moitié du temps, le logement intéresse tous les Français. Etre bien logé, mal logé ou, pire, pas logé du tout, autant de situations sociales qui influent évidemment directement sur la vie de nos concitoyens.
Insistons d'abord sur les points très positifs ! Votre secteur, depuis 2 ans 1/2, connaît une évolution remarquable. Et cela sans autre tapage que le bruit des chantiers. On attend 4 % de croissance dans la construction en 2000, après une progression de 7 % en 1999 et, mettant fin à la situation difficile du début du milieu de la décennie, on pourrait dépasser cette année les 300000 logements mis en chantier et les 600.000 transactions immobilières.
Cela ne signifie pas que tous les problèmes de logement soient résolus. Dans la quatrième puissance mondiale, il est un fait que 400000 personnes vivent et dorment encore dans la rue. Par ailleurs, des millions de Français ne sont pas encore convenablement logés, soit qu'ils vivent dans un habitat insalubre ou dégradé, soit qu'ils occupent un logement au confort ou à l'espace insuffisant pour la taille de leur famille. Or le logement est non seulement un droit inscrit depuis cinquante ans au préambule des Constitutions de la France, mais il doit être aussi un choix. On ne devrait pas pouvoir vivre sans droit, ni toit. Que personne ne soit exclu de la possibilité de se loger, que chacun puisse changer de logement sans difficulté insurmontable, que chacun puisse améliorer son logement quand cela lui paraît nécessaire, c'est un grand objectif dont vous êtes des partenaires majeurs.
Cela passe notamment par des dispositions fiscales cohérentes et, sur cet aspect, nous avions une importante marge de manuvre pour la raison que le logement et le bâtiment ont été longtemps considérablement pressurés. C'est pourquoi simplification et allégement étaient et sont deux mots d'ordre.
Deux exemples : les baisses des droits de mutation, c'est une évidence, entrent pour beaucoup dans l'explication de l'accroissement important du nombre des transactions immobilières. L'idée était de fluidifier, donc d'assainir, un marché qui s'était sclérosé. Les résultats sont positifs. On a prétendu que le budget y perdrait. Peut-être optiquement sur chaque opération, mais il s'y retrouve au moins en partie sur le nombre plus important des transactions. La confiance a engendré la croissance.
Autre exemple, la diminution de la TVA sur les travaux d'amélioration de l'habitat, que je réclamais depuis longtemps, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, a été décidée à la fin de l'été. C'est une bonne mesure. On lui a reproché de profiter en priorité à ceux qui ont des revenus. Cette accusation est largement infondée car, si les travaux sont souvent effectués pour un propriétaire qui valorise légitimement son bien, ils bénéficient aussi aux locataires, même si c'est le propriétaire qui est donneur d'ordre. En tout état de cause, la diminution de la TVA permet d'engager des travaux qui, en raison de leur coût, n'auraient sans doute pas été envisagés auparavant. Par ailleurs, elle se traduit par un effet en chaîne sur l'artisanat qu'elle développe, sur le travail au noir qu'elle combat et concerne un secteur trop souvent oublié : l'immobilier ancien ; autant de raisons de se féliciter.
Il est cependant un danger que ces mesures font apparaître, en raison même de leur impact, c'est celui d'une surchauffe, dont nous avons déjà certains signes et d'une hausse du coût des appels d'offre. Il faut donc demeurer vigilants. Mais au total, ces mesures sont très positives.
Si libérer le marché est une bonne chose, il faut aussi l'organiser, le réguler. Le succès économique du logement doit profiter à tous. En effet, si le prix du m² varie considérablement en fonction des arrondissements de Paris, cela entraîne le risque d'une ghettoïsation sociale. La réponse à ce problème, nous le savons tous, passe notamment par ce qu'on appelle la mixité ; ce que je préfère traduire par décloisonnement. Cela consiste à essayer de déspécialiser les quartiers, à favoriser l'emploi, les commerces, les services et les loisirs dans des ensembles à l'accès jusqu'à présent voués au seul logement, à insister sur les petites unités de logement social, à permettre l'accès des HLM à des ménages disposant de ressources un peu plus élevées, à favoriser l'accès au locatif privé à des familles disposant de faibles ressources, à détruire et remplacer les logements qui ne peuvent plus répondre aux besoins. Pour cela, il faut associer un parc de logements stables et un parc de logements d'urgence, donner de nouveaux moyens au parc social des collectivités, adapter la taille des logements HLM aux besoins des célibataires, des jeunes indépendants, des familles monoparentales, créer un parc " très social " par la multiplication des logements d'insertion et des équipements socioculturels ou sportifs.
Tous les partenaires doivent également prendre conscience du fait que renoncer aujourd'hui à des opérations de réhabilitation est un calcul à courte vue. Il ne fait que reporter des problèmes d'environnement, de désenclavement, de prévention de la délinquance et d'embellissement. Un parc non renouvelé, mal entretenu, aux normes de confort réduites, favorise la dégradation de l'habitat et la relégation de certains quartiers, mais coûte aussi plus cher à terme. Améliorer la situation qui prévaut en matière de répartition urbaine, de décloisonnement social de l'habitat et d'aménagement du territoire en ne laissant pas les services publics et les agents de l'Etat déserter certaines zones ou certains quartiers est une nécessité. L'ampleur de la tâche est considérable, mais je connais bien les ministres en charge. Je sais leur détermination, comme celle des parlementaires, pour avancer sur ce dossier.
Le "conventionnement Besson" est venu après le "Périssol". Il fonctionne. Quand on donne aux propriétaires bailleurs un rôle social assorti de garanties de revenus apportées par l'Etat, cela apporte de l'air au secteur locatif. Il faut avancer dans cette voie, sécuriser davantage les contrats de location pour les deux parties. Avec l'ouverture du locatif privé à des ménages à revenus modestes, il paraît nécessaire d'améliorer, de consolider et de développer le secteur locatif social classique, non seulement en aidant les ménages et en appuyant la création et la rénovation de logements sociaux, mais aussi en la généralisant aux villes, quand il le faut. Le projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements, que le Parlement examinera au printemps, devrait comporter des dispositions en ce sens dans le cadre de l'intercommunalité.
Certaines autres mesures intéressantes ont été prises, comme la suppression du droit de bail. J'en appelle certaines autres de mes vux, comme la suppression du prélèvement de l'État sur la part communale de la taxe d'habitation, impôt injuste et trop lourd. Il faut aussi rassurer les petits propriétaires dont le patrimoine a été acquis à force d'économies, et qui ont du mal à faire face à leurs charges en matière d'entretien du bâti. Et des problèmes particuliers existent dans les copropriétés. En fait de lourdeur, c'est un paysage entier qu'il faudrait clarifier. Comme beaucoup d'autres réglementations, le code de l'urbanisme est aujourd'hui extrêmement lourd, complexe et contraignant. Il est nécessaire de la moderniser, de le simplifier et, si possible, de l'alléger. L'essentiel n'est pas de multiplier les dispositions, il est même parfois contre-productif de changer sans cesse la législation, ce qu'il faut c'est choisir quelques mesures favorables, peu nombreuses, et surtout faire comprendre que l'appui à l'immobilier n'est pas un feu de paille, mais un mouvement de fond que les pouvoirs publics soutiennent sur le long terme pour des raisons économiques et sociales, parce que nous avons besoin d'une grande politique de la ville et du logement.
(Source : http://www.assemblee-nationale.fr, le 9 décembre 1999)
Votre secteur est aujourd'hui dans un contexte favorable, mais contrasté. Les indicateurs de l'économie, notamment ceux du logement, sont presque tous positifs. Ils tracent de belles perspectives de croissance et cela est excellent pour l'emploi, et, de façon plus générale, pour le bien-être social. Pourtant, dans le même temps, les difficultés de certains quartiers demeurent, d'autant moins supportables que la conjoncture est favorable.
Les deux tables rondes que vous organisez aujourd'hui, sur le commerce indépendant et sur la politique de la ville, démontrent que chacun d'entre nous a bien conscience à la fois de cette contradiction et qu'il est un acteur de la solution puisque, par son action personnelle ou à travers son activité professionnelle, il participe à ces deux politiques essentielles pour notre société que sont l'amélioration de l'habitat urbain et le développement du logement. Je ne vous en remercie que davantage, Monsieur le Président (M. Audras), d'avoir bien voulu m'inviter à ouvrir vos travaux, à nouer le dialogue avec les représentants d'un secteur d'activité que j'ai toujours considéré comme très important, et à essayer d'avancer quelques suggestions.
Premier poste de dépense des ménages, toutes catégories sociales confondues, lieu où nous vivons plus de la moitié du temps, le logement intéresse tous les Français. Etre bien logé, mal logé ou, pire, pas logé du tout, autant de situations sociales qui influent évidemment directement sur la vie de nos concitoyens.
Insistons d'abord sur les points très positifs ! Votre secteur, depuis 2 ans 1/2, connaît une évolution remarquable. Et cela sans autre tapage que le bruit des chantiers. On attend 4 % de croissance dans la construction en 2000, après une progression de 7 % en 1999 et, mettant fin à la situation difficile du début du milieu de la décennie, on pourrait dépasser cette année les 300000 logements mis en chantier et les 600.000 transactions immobilières.
Cela ne signifie pas que tous les problèmes de logement soient résolus. Dans la quatrième puissance mondiale, il est un fait que 400000 personnes vivent et dorment encore dans la rue. Par ailleurs, des millions de Français ne sont pas encore convenablement logés, soit qu'ils vivent dans un habitat insalubre ou dégradé, soit qu'ils occupent un logement au confort ou à l'espace insuffisant pour la taille de leur famille. Or le logement est non seulement un droit inscrit depuis cinquante ans au préambule des Constitutions de la France, mais il doit être aussi un choix. On ne devrait pas pouvoir vivre sans droit, ni toit. Que personne ne soit exclu de la possibilité de se loger, que chacun puisse changer de logement sans difficulté insurmontable, que chacun puisse améliorer son logement quand cela lui paraît nécessaire, c'est un grand objectif dont vous êtes des partenaires majeurs.
Cela passe notamment par des dispositions fiscales cohérentes et, sur cet aspect, nous avions une importante marge de manuvre pour la raison que le logement et le bâtiment ont été longtemps considérablement pressurés. C'est pourquoi simplification et allégement étaient et sont deux mots d'ordre.
Deux exemples : les baisses des droits de mutation, c'est une évidence, entrent pour beaucoup dans l'explication de l'accroissement important du nombre des transactions immobilières. L'idée était de fluidifier, donc d'assainir, un marché qui s'était sclérosé. Les résultats sont positifs. On a prétendu que le budget y perdrait. Peut-être optiquement sur chaque opération, mais il s'y retrouve au moins en partie sur le nombre plus important des transactions. La confiance a engendré la croissance.
Autre exemple, la diminution de la TVA sur les travaux d'amélioration de l'habitat, que je réclamais depuis longtemps, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, a été décidée à la fin de l'été. C'est une bonne mesure. On lui a reproché de profiter en priorité à ceux qui ont des revenus. Cette accusation est largement infondée car, si les travaux sont souvent effectués pour un propriétaire qui valorise légitimement son bien, ils bénéficient aussi aux locataires, même si c'est le propriétaire qui est donneur d'ordre. En tout état de cause, la diminution de la TVA permet d'engager des travaux qui, en raison de leur coût, n'auraient sans doute pas été envisagés auparavant. Par ailleurs, elle se traduit par un effet en chaîne sur l'artisanat qu'elle développe, sur le travail au noir qu'elle combat et concerne un secteur trop souvent oublié : l'immobilier ancien ; autant de raisons de se féliciter.
Il est cependant un danger que ces mesures font apparaître, en raison même de leur impact, c'est celui d'une surchauffe, dont nous avons déjà certains signes et d'une hausse du coût des appels d'offre. Il faut donc demeurer vigilants. Mais au total, ces mesures sont très positives.
Si libérer le marché est une bonne chose, il faut aussi l'organiser, le réguler. Le succès économique du logement doit profiter à tous. En effet, si le prix du m² varie considérablement en fonction des arrondissements de Paris, cela entraîne le risque d'une ghettoïsation sociale. La réponse à ce problème, nous le savons tous, passe notamment par ce qu'on appelle la mixité ; ce que je préfère traduire par décloisonnement. Cela consiste à essayer de déspécialiser les quartiers, à favoriser l'emploi, les commerces, les services et les loisirs dans des ensembles à l'accès jusqu'à présent voués au seul logement, à insister sur les petites unités de logement social, à permettre l'accès des HLM à des ménages disposant de ressources un peu plus élevées, à favoriser l'accès au locatif privé à des familles disposant de faibles ressources, à détruire et remplacer les logements qui ne peuvent plus répondre aux besoins. Pour cela, il faut associer un parc de logements stables et un parc de logements d'urgence, donner de nouveaux moyens au parc social des collectivités, adapter la taille des logements HLM aux besoins des célibataires, des jeunes indépendants, des familles monoparentales, créer un parc " très social " par la multiplication des logements d'insertion et des équipements socioculturels ou sportifs.
Tous les partenaires doivent également prendre conscience du fait que renoncer aujourd'hui à des opérations de réhabilitation est un calcul à courte vue. Il ne fait que reporter des problèmes d'environnement, de désenclavement, de prévention de la délinquance et d'embellissement. Un parc non renouvelé, mal entretenu, aux normes de confort réduites, favorise la dégradation de l'habitat et la relégation de certains quartiers, mais coûte aussi plus cher à terme. Améliorer la situation qui prévaut en matière de répartition urbaine, de décloisonnement social de l'habitat et d'aménagement du territoire en ne laissant pas les services publics et les agents de l'Etat déserter certaines zones ou certains quartiers est une nécessité. L'ampleur de la tâche est considérable, mais je connais bien les ministres en charge. Je sais leur détermination, comme celle des parlementaires, pour avancer sur ce dossier.
Le "conventionnement Besson" est venu après le "Périssol". Il fonctionne. Quand on donne aux propriétaires bailleurs un rôle social assorti de garanties de revenus apportées par l'Etat, cela apporte de l'air au secteur locatif. Il faut avancer dans cette voie, sécuriser davantage les contrats de location pour les deux parties. Avec l'ouverture du locatif privé à des ménages à revenus modestes, il paraît nécessaire d'améliorer, de consolider et de développer le secteur locatif social classique, non seulement en aidant les ménages et en appuyant la création et la rénovation de logements sociaux, mais aussi en la généralisant aux villes, quand il le faut. Le projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements, que le Parlement examinera au printemps, devrait comporter des dispositions en ce sens dans le cadre de l'intercommunalité.
Certaines autres mesures intéressantes ont été prises, comme la suppression du droit de bail. J'en appelle certaines autres de mes vux, comme la suppression du prélèvement de l'État sur la part communale de la taxe d'habitation, impôt injuste et trop lourd. Il faut aussi rassurer les petits propriétaires dont le patrimoine a été acquis à force d'économies, et qui ont du mal à faire face à leurs charges en matière d'entretien du bâti. Et des problèmes particuliers existent dans les copropriétés. En fait de lourdeur, c'est un paysage entier qu'il faudrait clarifier. Comme beaucoup d'autres réglementations, le code de l'urbanisme est aujourd'hui extrêmement lourd, complexe et contraignant. Il est nécessaire de la moderniser, de le simplifier et, si possible, de l'alléger. L'essentiel n'est pas de multiplier les dispositions, il est même parfois contre-productif de changer sans cesse la législation, ce qu'il faut c'est choisir quelques mesures favorables, peu nombreuses, et surtout faire comprendre que l'appui à l'immobilier n'est pas un feu de paille, mais un mouvement de fond que les pouvoirs publics soutiennent sur le long terme pour des raisons économiques et sociales, parce que nous avons besoin d'une grande politique de la ville et du logement.
(Source : http://www.assemblee-nationale.fr, le 9 décembre 1999)