Texte intégral
R. Elkrief-. Bonjour Dominique Perben.
- " Bonjour. "
Je vous ai invité ce matin parce que depuis quelques jours, vos relations avec N. Sarkozy défrayent de nouveau la chronique. Il y a un troisième incident qui est public à propos de la loi sur la drogue que le ministre de l'intérieur souhaiterait réformer et qui est de votre ressort apparemment. Vous avez demandé à Monsieur Raffarin d'arbitrer entre vous ?
- " Non ce qui m'intéresse c'est le débat de fond. Bien sûr il y aura un jour un arbitrage. "
Mais il y a un débat aussi personnel, apparemment quand même, non ?
- " Il y a peut être un débat de compétence mais ce débat de compétence... "
... et de tempérament
- " n'a de sens que si il y a un débat de fond, et le débat de fond il est le suivant : moi je considère que l'affaire de la drogue est un dossier qui a plusieurs dimensions, et qu'on ne peut pas réduire à un seul élément qui serait celui de la répression et de la sanction. En effet, toute famille peut être concernée par le problème de drogue, nous le savons bien les uns, les autres nous connaissons cette réalité. Donc la loi de 70 elle avait été fondée sur quelque chose de très important, c'est que le consommateur, certes il est délinquant mais il est d'abord quelqu'un de dépendant, quelqu'un de malade qu'il faut soigner. C'est ça l'esprit de la loi de 70. Et je souhaite maintenir cet esprit. Même si cette loi peut être améliorée à la marge puisqu'elle a plus de 30 ans bien sûr; mais cet esprit est très important et c'est aussi la position de J.-F. Mattéi.... "
... le ministre de la Santé.
- "... Par ailleurs, moi je considère qu'il ne faut pas dépénaliser la drogue, ce serait un message catastrophique en direction des jeunes. Deuxièmement je pense qu'il faut lutter avec beaucoup plus de violence, beaucoup plus d'efficacité contre les réseaux, contre les dealers. C'est la raison pour laquelle j'ai donné ce type d'instructions aux procureurs de la République et c'est la raison pour laquelle dans le texte qui va venir à l'Assemblée dans quelques semaines - le texte grande criminalité -, je me donne, je donne aux procureurs, je donne à la police des moyens plus importants pour lutter contre les grands réseaux et enfin, je pense que, ensemble, Education , Intérieur...
... et Justice ...
- " ... Santé et Justice, il nous faut mettre en place des moyens d'accompagnement en termes de capacité de soins, capacité d'accompagnement social et bien entendu aussi capacité de sanctions. Mais c'est une politique globale qu'il faut mettre en place. Il ne faudrait pas que par un débat en apparence de compétence ou de je ne sais quoi, on donne le sentiment aux Françaises et aux Français - en tout cas moi ça n'est pas ma position - que nous réduisons ce dossier de la drogue sur un seul de ces aspects. "
Tout de même, D. Perben c'est donc une critique directe, quand même de N. Sarkozy qui veut en faire peut-être simplement une affaire de répression. Vous dites, c'est un problème plus large mais je reviens juste un instant, parce que les personnalités, ça compte en politique. Et les gens, les magistrats, les gens du ministère de la Justice vous demandent peut-être de vous imposer plus, s'inquiètent peut-être sur le fait que votre domaine ne soit pas assez présent.
- " Vous savez, les personnels de la justice, les personnels, les éducateurs, les gens de la pénitentiaire, ça fait bientôt maintenant un an maintenant qu'ils connaissent le garde des Sceaux Perben. Ils ont observé, je crois, que celui-ci travaille beaucoup, a lancé beaucoup de réformes, est sur le terrain, les rencontre, leur fait confiance, a une relation je crois très forte maintenant avec eux et nous avançons, nous avançons très vite. Alors peut-être est-ce qu'on le fait avec peut-être peu de bruit ou moins de bruit que d'autres mais je suis convaincu que toutes les réformes que nous avons mis en place depuis un an, tous les changements dans la façon de travailler, l'attention au terrain, la place de la victime dans tout le processus pénal, le travail de fond que nous commençons à faire sur les prisons, tout cela les magistrats et les autres fonctionnaires du ministère, le savent. "
Et les français ?
- " Et les français, on le fait pour eux. "
Justement on parlait de peines de substitution, parce que c'est ce que proposait N. Sarkozy, c'est à dire pour les jeunes consommateurs au lieu de les envoyer en prison, leur confisquer leur scooter, leur faire faire des travaux d'intérêt généraux. Aujourd'hui il y a un rapport important sur ces peines de substitution pour les petits délinquants qui doit vous être remis par le député Warsmann. Qu'est-ce que vous allez retenir ?
- " J'avais demandé il y a trois mois à J.-L. Warsmann qui est un bon connaisseur des questions pénales, de réfléchir, de travailler avec bien sûr l'aide du Ministère sur les courtes peines, les peines de substitution et les sorties de peine. Il me remet officiellement cet après-midi un rapport très important avec un très grand nombre, plusieurs dizaines de propositions concrètes, qui à mon avis vont dans le bon sens. "
Vous retenez lequel ?
- " Par exemple, il propose que quelqu'un puisse être condamné d'emblée, non pas à la prison mais au bracelet électronique. Voilà quelque chose de très concret, d'intéressant. Il souhaite que nous mobilisions l'ensemble des élus locaux pour faire un grand bond en avant dans la mise en place des travaux d'intérêt général à la place des courtes peines de prison. Il considère également que nous devons faire plus en matière de semi liberté. Semi liberté c'est quoi ? On travaille dans la journée, on va coucher en prison le soir, et on va coucher en prison le week-end. Donc ça permet de pas faire perdre son job à celui qui est condamné à une courte peine de prison et en même temps il a une sanction. "
et puis pas occuper de place de prison et de pas surcharger évidemment les établissements pénitentiaires.
- " En tout cas pas les mêmes. Il souhaite aussi développer les chantiers extérieurs, c'est un peu la même chose que les travaux d'intérêt général. Ensuite, il souhaite que nous allions beaucoup plus vite dans l'exécution des peines. Une des grandes faiblesses de notre système aujourd'hui c'est que l'exécution des peines et en particulier les petites peines, ça suit pas. Donc il faut que nous accélérions les choses. Alors là c'est un petit peu de la mécanique. On va regarder ça de très très près ensemble avec mes services. Mais faire en sorte que l'exécution des peines aille beaucoup plus vite et soit quasiment immédiate, qu'à la sortie du tribunal où la personne vient d'être condamnée, on lui remette le contenu de sa condamnation pour que les choses aillent très vite, en particulier en matière de paiement des amendes. Il faut qu'on travaille avec le ministère des finances pour que les amendes soient payées et qu'elles soient payées vite. "
Donc tout cela vous le retiendrez. Je voudrais revenir sur un problème d'actualité; ce serait peut être d'ailleurs une réponse du berger à la bergère, je continue à vous taquiner sur vos relations avec N. Sarkozy. Une loi sur le foulard, sur le port du voile, serait-elle nécessaire ? A. Juppé au Grand Jury hier ne l'exclut pas. On a le sentiment que le ministre de l'intérieur n'est plutôt pas vraiment pour. Votre sentiment ?
- " Il faudra peut-être y venir si on n'arrive pas à régler les choses autrement. Je vous donne un exemple : j'ai été amené, il y a quelques semaines, à donner une instruction formelle à un procureur général pour interdire à une jeune femme de prêter serment voilée. C'est une position qui me paraissait une évidence. Mon instruction a été respectée, cette jeune femme n'a pas pu prêter serment d'avocat. En vérité, je ne suis pas sûr qu'il n'y aurait pas nécessité d'un texte pour porter cette interdiction... "
... en fait vous pensez qu'on peut pas l'éviter.
- " Donc la question que je me pose c'est de savoir si l'on pourra régler en quelque sorte le problème de la relation entre la République et la religion islamique sans faire ce qui a été fait au début du 20ème siècle, en 1905, lorsqu'on a réglé le problème des relations de la République avec la religion catholique. Et je pense que c'est un sujet extrêmement difficile. C'est un sujet qui... "
Vous voulez dire qu'il faudra une contrainte, un texte, il faudra une règle forte ?
- " ... En tout cas à un moment donné, il faudra bien aller à la clarté. Alors est-ce qu'on pourra aller à la clarté sans aller vers la loi, c'est pour moi une vraie interrogation. Je n'en suis pas sûr. Mais je pense que il faut pas non plus vouloir aller trop vite. Je crois que le débat maintenant est ouvert; je trouve ça tout à fait intéressant. La religion islamique est mieux structurée en France. Nous avons des interlocuteurs. Je pense qu'il faut avancer dans cette discussion. Simplement, je dis ne soyons peut-être pas trop optimistes ou naïfs, et n'excluons pas de devoir aller jusque là comme nos anciens l'avaient fait au début du 20ème siècle. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 avril 2003)
- " Bonjour. "
Je vous ai invité ce matin parce que depuis quelques jours, vos relations avec N. Sarkozy défrayent de nouveau la chronique. Il y a un troisième incident qui est public à propos de la loi sur la drogue que le ministre de l'intérieur souhaiterait réformer et qui est de votre ressort apparemment. Vous avez demandé à Monsieur Raffarin d'arbitrer entre vous ?
- " Non ce qui m'intéresse c'est le débat de fond. Bien sûr il y aura un jour un arbitrage. "
Mais il y a un débat aussi personnel, apparemment quand même, non ?
- " Il y a peut être un débat de compétence mais ce débat de compétence... "
... et de tempérament
- " n'a de sens que si il y a un débat de fond, et le débat de fond il est le suivant : moi je considère que l'affaire de la drogue est un dossier qui a plusieurs dimensions, et qu'on ne peut pas réduire à un seul élément qui serait celui de la répression et de la sanction. En effet, toute famille peut être concernée par le problème de drogue, nous le savons bien les uns, les autres nous connaissons cette réalité. Donc la loi de 70 elle avait été fondée sur quelque chose de très important, c'est que le consommateur, certes il est délinquant mais il est d'abord quelqu'un de dépendant, quelqu'un de malade qu'il faut soigner. C'est ça l'esprit de la loi de 70. Et je souhaite maintenir cet esprit. Même si cette loi peut être améliorée à la marge puisqu'elle a plus de 30 ans bien sûr; mais cet esprit est très important et c'est aussi la position de J.-F. Mattéi.... "
... le ministre de la Santé.
- "... Par ailleurs, moi je considère qu'il ne faut pas dépénaliser la drogue, ce serait un message catastrophique en direction des jeunes. Deuxièmement je pense qu'il faut lutter avec beaucoup plus de violence, beaucoup plus d'efficacité contre les réseaux, contre les dealers. C'est la raison pour laquelle j'ai donné ce type d'instructions aux procureurs de la République et c'est la raison pour laquelle dans le texte qui va venir à l'Assemblée dans quelques semaines - le texte grande criminalité -, je me donne, je donne aux procureurs, je donne à la police des moyens plus importants pour lutter contre les grands réseaux et enfin, je pense que, ensemble, Education , Intérieur...
... et Justice ...
- " ... Santé et Justice, il nous faut mettre en place des moyens d'accompagnement en termes de capacité de soins, capacité d'accompagnement social et bien entendu aussi capacité de sanctions. Mais c'est une politique globale qu'il faut mettre en place. Il ne faudrait pas que par un débat en apparence de compétence ou de je ne sais quoi, on donne le sentiment aux Françaises et aux Français - en tout cas moi ça n'est pas ma position - que nous réduisons ce dossier de la drogue sur un seul de ces aspects. "
Tout de même, D. Perben c'est donc une critique directe, quand même de N. Sarkozy qui veut en faire peut-être simplement une affaire de répression. Vous dites, c'est un problème plus large mais je reviens juste un instant, parce que les personnalités, ça compte en politique. Et les gens, les magistrats, les gens du ministère de la Justice vous demandent peut-être de vous imposer plus, s'inquiètent peut-être sur le fait que votre domaine ne soit pas assez présent.
- " Vous savez, les personnels de la justice, les personnels, les éducateurs, les gens de la pénitentiaire, ça fait bientôt maintenant un an maintenant qu'ils connaissent le garde des Sceaux Perben. Ils ont observé, je crois, que celui-ci travaille beaucoup, a lancé beaucoup de réformes, est sur le terrain, les rencontre, leur fait confiance, a une relation je crois très forte maintenant avec eux et nous avançons, nous avançons très vite. Alors peut-être est-ce qu'on le fait avec peut-être peu de bruit ou moins de bruit que d'autres mais je suis convaincu que toutes les réformes que nous avons mis en place depuis un an, tous les changements dans la façon de travailler, l'attention au terrain, la place de la victime dans tout le processus pénal, le travail de fond que nous commençons à faire sur les prisons, tout cela les magistrats et les autres fonctionnaires du ministère, le savent. "
Et les français ?
- " Et les français, on le fait pour eux. "
Justement on parlait de peines de substitution, parce que c'est ce que proposait N. Sarkozy, c'est à dire pour les jeunes consommateurs au lieu de les envoyer en prison, leur confisquer leur scooter, leur faire faire des travaux d'intérêt généraux. Aujourd'hui il y a un rapport important sur ces peines de substitution pour les petits délinquants qui doit vous être remis par le député Warsmann. Qu'est-ce que vous allez retenir ?
- " J'avais demandé il y a trois mois à J.-L. Warsmann qui est un bon connaisseur des questions pénales, de réfléchir, de travailler avec bien sûr l'aide du Ministère sur les courtes peines, les peines de substitution et les sorties de peine. Il me remet officiellement cet après-midi un rapport très important avec un très grand nombre, plusieurs dizaines de propositions concrètes, qui à mon avis vont dans le bon sens. "
Vous retenez lequel ?
- " Par exemple, il propose que quelqu'un puisse être condamné d'emblée, non pas à la prison mais au bracelet électronique. Voilà quelque chose de très concret, d'intéressant. Il souhaite que nous mobilisions l'ensemble des élus locaux pour faire un grand bond en avant dans la mise en place des travaux d'intérêt général à la place des courtes peines de prison. Il considère également que nous devons faire plus en matière de semi liberté. Semi liberté c'est quoi ? On travaille dans la journée, on va coucher en prison le soir, et on va coucher en prison le week-end. Donc ça permet de pas faire perdre son job à celui qui est condamné à une courte peine de prison et en même temps il a une sanction. "
et puis pas occuper de place de prison et de pas surcharger évidemment les établissements pénitentiaires.
- " En tout cas pas les mêmes. Il souhaite aussi développer les chantiers extérieurs, c'est un peu la même chose que les travaux d'intérêt général. Ensuite, il souhaite que nous allions beaucoup plus vite dans l'exécution des peines. Une des grandes faiblesses de notre système aujourd'hui c'est que l'exécution des peines et en particulier les petites peines, ça suit pas. Donc il faut que nous accélérions les choses. Alors là c'est un petit peu de la mécanique. On va regarder ça de très très près ensemble avec mes services. Mais faire en sorte que l'exécution des peines aille beaucoup plus vite et soit quasiment immédiate, qu'à la sortie du tribunal où la personne vient d'être condamnée, on lui remette le contenu de sa condamnation pour que les choses aillent très vite, en particulier en matière de paiement des amendes. Il faut qu'on travaille avec le ministère des finances pour que les amendes soient payées et qu'elles soient payées vite. "
Donc tout cela vous le retiendrez. Je voudrais revenir sur un problème d'actualité; ce serait peut être d'ailleurs une réponse du berger à la bergère, je continue à vous taquiner sur vos relations avec N. Sarkozy. Une loi sur le foulard, sur le port du voile, serait-elle nécessaire ? A. Juppé au Grand Jury hier ne l'exclut pas. On a le sentiment que le ministre de l'intérieur n'est plutôt pas vraiment pour. Votre sentiment ?
- " Il faudra peut-être y venir si on n'arrive pas à régler les choses autrement. Je vous donne un exemple : j'ai été amené, il y a quelques semaines, à donner une instruction formelle à un procureur général pour interdire à une jeune femme de prêter serment voilée. C'est une position qui me paraissait une évidence. Mon instruction a été respectée, cette jeune femme n'a pas pu prêter serment d'avocat. En vérité, je ne suis pas sûr qu'il n'y aurait pas nécessité d'un texte pour porter cette interdiction... "
... en fait vous pensez qu'on peut pas l'éviter.
- " Donc la question que je me pose c'est de savoir si l'on pourra régler en quelque sorte le problème de la relation entre la République et la religion islamique sans faire ce qui a été fait au début du 20ème siècle, en 1905, lorsqu'on a réglé le problème des relations de la République avec la religion catholique. Et je pense que c'est un sujet extrêmement difficile. C'est un sujet qui... "
Vous voulez dire qu'il faudra une contrainte, un texte, il faudra une règle forte ?
- " ... En tout cas à un moment donné, il faudra bien aller à la clarté. Alors est-ce qu'on pourra aller à la clarté sans aller vers la loi, c'est pour moi une vraie interrogation. Je n'en suis pas sûr. Mais je pense que il faut pas non plus vouloir aller trop vite. Je crois que le débat maintenant est ouvert; je trouve ça tout à fait intéressant. La religion islamique est mieux structurée en France. Nous avons des interlocuteurs. Je pense qu'il faut avancer dans cette discussion. Simplement, je dis ne soyons peut-être pas trop optimistes ou naïfs, et n'excluons pas de devoir aller jusque là comme nos anciens l'avaient fait au début du 20ème siècle. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 avril 2003)