Texte intégral
Monsieur le Président de la Fédération Nationale des Travaux Publics,
Monsieur le Président de la Fédération Nationale du Bâtiment,
Mesdames et Messieurs,
Merci de m'avoir invité à clôturer vos assises de l'équipement public. Le débat de politique générale qui vient d'avoir lieu au Sénat a modifié quelque peu le déroulement initialement prévu de notre rencontre, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Je sais que vous avez placé ces assises sous le signe de l'urgence et je connais votre inquiétude face à la dégradation de vos marchés. Vous venez de l'exprimer avec force. J'avais pu le mesurer, il y a quelques jours à peine, à Bordeaux en recevant votre fédération d'Aquitaine qui m'avait préparé à cette rencontre.
J'ai tenu à venir vous expliquer directement et je l'espère concrètement les lignes de la politique économique que conduit mon Gouvernement, et ses conséquences sur le secteur des travaux publics.
Contrairement à ce que certains se complaisent ou se complaisaient à dire, parce que je crois que cela est moins vrai, la politique économique que nous avons engagée il y a maintenant plus d'un an, est, je crois, d'une grande clarté, d'une grande visibilité - pour reprendre un mot à la mode - car elle repose sur quelques principes de bon sens et parce qu'elle répond à une ambition que, je l'espère, nous pouvons tous partager : parvenir à une croissance plus forte, plus durable, plus créatrice d'emplois. Quand on a dit tout cela, on n'a pas dit l'essentiel. Encore faut-il réunir les conditions de cette croissance plus forte et plus durable. Je pense pour ma part que les deux principales conditions de la réussite, c'est d'abord que la France remette de l'ordre dans ses finances publiques ; c'est ensuite que soit restauré, encouragé, valorisé l'esprit d'initiative des forces vives de notre pays, et toute notre action est concentrée vers ces deux objectifs.
Le projet de loi de finances pour 1997 a été établi sur la base d'une stabilisation des dépenses publiques en francs courants, ce qui, c'est vrai, ne s'était pas fait depuis pratiquement le début de la Ve République. Je n'ai pas cherché plus haut ou plus loin.
Nous avons dans la préparation de ce budget, appliqué, croyez le bien, la même vigilance à traquer les gaspillages en matière de dépenses de fonctionnement, qu'en matière de dépenses d'investissement. La dépense de fonctionnement - vous l'avez évoquée tout à l'heure - c'est, pour l'essentiel, une dépense de rémunération. J'ai noté la réaction de la salle lorsque vous avez mis en parallèle l'évolution des effectifs dans les travaux publics et ceux de la fonction publique. J'espère que chaque parent d'élève ici présent s'appliquera la même logique lorsque le 17 octobre prochain défileront dans la rue des enseignants qui protestent contre le fait que face à la réduction de 60 000 enfants des effectifs de l'enseignement scolaire, j'ai décidé, pour la première fois depuis longtemps, de réduire les effectifs dans l'enseignement scolaire d'un peu plus de 4 000 unités. Vous avez vu les réactions que cela provoque, et que cela va continuer à provoquer. Cette stabilisation de la dépense - je l'ai dit - est un événement sans précédent depuis le début de la Ve République. C'est la première fois qu'un tel effort de maîtrise est engagé, et c'était absolument indispensable. Pour la première fois - et c'était là une réforme de méthode - au printemps dernier nous avons présenté au Parlement un certain nombre de chiffres à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Et tous les parlementaires, parfois même ceux de l'opposition, ont été frappés par la progression exponentielle et explosive du déficit et de la dette publique depuis maintenant une dizaine d'années. Ca ne peut pas continuer comme cela ! Nous en sommes arrivés à un point où aujourd'hui l'État emprunte sur le marché obligataire français 98 % de tout l'argent disponible. Nous avons atteint la limite. Et c'est la raison pour laquelle je me suis engagé dans cette politique : maîtriser les dépenses publiques pour éviter l'explosion du déficit et commencer à engager un processus de réduction de l'endettement et de baisse des impôts. Nous avons connu la démarche inverse. Je sais bien qu'il ne faut pas parler du bilan ou de l'héritage, mais enfin plus de dépense publique, on a essayé ; plus de dettes, on a essayé ; plus de charges, on a essayé. On a eu moins d'emploi, moins de croissance et la récession de 1993.
Cette maîtrise de la dépense publique que j'essaie de défendre devant vous, ce n'est pas un dogme d'inspecteur des finances ou de technocrate, ce n'est pas une obsession de Père fouettard, je le répète, c'est une nécessité vitale pour le pays, une nécessité économique, sociale et politique et je pense que les chefs d'entreprises que vous êtes partagent au fond d'eux-mêmes cette conviction. C'est, en même temps, permettre que se consolide la baisse des taux d'intérêts qui est une condition nécessaire à la relance de la croissance et c'est aussi réunir les conditions pour engager la baisse des impôts.
Baisse des taux d'intérêts, disais-je. Lorsque mon Gouvernement a été constitué en juin de l'année dernière, nous rêvions, le ministre de l'Économie et des Finances de l'époque et moi-même, d'une baisse des taux d'intérêts à court terme qui nous ramènerait entre 4 et 4,5 %. Nous sommes aujourd'hui à moins de 3,5 %. C'est un résultat inespéré et je ne connais pas de pays dans lequel la baisse des taux d'intérêts ne finisse pas par se diffuser dans l'ensemble de l'économie, au bénéfice des ménages qui veulent s'équiper ou acheter un logement, au bénéfice des collectivités locales qui renégocient leurs dettes au bénéfice de l'État, au bénéfice des entreprises.
Tout ceci est visible dans les comptes, dans les comptes des collectivités locales ai-je dit, qui assurent, je le sais, plus de 40 % de vos commandes.
Quant à la baisse des impôts, tant de fois promise, mais jamais effective, nous y sommes. On n'a jamais annoncé une baisse d'un quart en cinq ans de l'impôt sur le revenu. Cela aura des effets court terme, puisque la première étape de cette baisse sera visible dès le début de l'année 1997, avec le premier tiers provisionnel. Mais le gouvernement en attend aussi un effet plus durable, puisqu'il sera proposé au Parlement de voter le barème de l'impôt pour les cinq prochaines années. J'ai essayé de communiquer sur ce sujet, de donner quelques indications chiffrées. J'ai bien conscience que le déclic ne se fera que lorsqu'on verra les choses sur la feuille d'impôt. Et ça viendra si le Parlement suit mes propositions.
J'estime qu'il est maintenant essentiel, après les réformes profondes qu'a engagées le gouvernement depuis un an et demi, de rendre plus stable l'environnement économique des entreprises, de donner à chaque acteur de l'économie un horizon suffisamment clair pour retrouver la confiance, consommer et investir.
Et petit à petit, mais de manière résolue, le gouvernement construit cette visibilité :
- visibilité financière et monétaire, avec une inflation maîtrisée - qui n'est pas de la déflation - des taux d'intérêts stabilisés, je l'ai dit, et une détermination sans faille à mettre en place la monnaie unique européenne qui, à condition d'être gérée raisonnablement et réalistement, sera pour nous un atout formidable dans les années qui viennent ;
- visibilité fiscale : j'en ai parlé à propos de l'impôt sur le revenu, mais ceci est vrai aussi pour les autres impôts. La TIPP par exemple n'a été augmentée, ou ne sera augmentée, l'année prochaine que du niveau de l'inflation, c'est-à-dire moitié moins que cette année. C'est là aussi un axe durable de la politique fiscale du gouvernement ;
- visibilité sur le coût du travail, avec le renforcement de l'allégement du coût du travail. Depuis le 1er octobre, il y a quelques jours, les mesures d'allégement des cotisations familiales qui avaient été prises par mon prédécesseur et la ristourne dégressive, que j'ai fait approuver par le Parlement l'an dernier, pour les salaires compris entre 1 fois et 1,2 fois le SMIC sont amplifiées, fusionnées, simplifiées : une mesure unique de ristourne qui s'applique à tous les salaires compris entre 1 fois et 1,33 fois le SMIC, quelle que soit la durée du travail et la date d'embauche. Cette mesure concerne 4,5 millions de salariés, dont les trois-quarts travaillent dans les petites et moyennes entreprises. Plus de 30 % des salariés du secteur des travaux publics sont concernés, d'après les chiffres qui m'ont été donnés par la FNTP. L'effet de cette mesure sera, j'en suis sûr, significatif. Je prends un exemple : pour un salaire de 7 500 francs, la ristourne sera de 567 francs, c'est-à-dire plus de 5 % du coût total du travail, et sur le SMIC elle atteint 13 % de ce coût du travail. Il s'agit bien là d'une mesure structurelle qui peut être d'ores et déjà intégrée dans les comptes prévisionnels ;
- visibilité plus globale sur les charges sociales aussi, avec la maîtrise des dépenses de santé à laquelle nous travaillons, et l'élargissement de la base de la CSG aux revenus du capital ;
- visibilité enfin pour les collectivités locales, avec en particulier le pacte de stabilité financière conclu l'année dernière qui a été respecté en 1996 et qui le sera en 1997. Il permet de fixer l'essentiel des dotations de l'État aux collectivités locales, mais il vise aussi à favoriser la stabilisation des dépenses de fonctionnement de ces collectivités. L'État s'est engagé à ce que tout texte réglementaire soit accompagné d'une étude d'impact qui démontre sa neutralité sur les frais de fonctionnement des collectivités de façon qu'on sorte de ce procès qui est sans cesse fait, selon lequel, si les collectivités territoriales n'ont pas les moyens de développer leurs investissements, c'est parce que l'État leur transfère des compétences sans leur transférer des charges correspondantes. Ça a été vrai au cours des années passées. Je me suis employé à mettre au point un dispositif pour que ce ne le soit plus à l'avenir.
Ce point est essentiel. La baisse de l'activité dans le secteur des travaux publics depuis deux ans s'explique en effet, en très large part, par la chute de près de 20 % de l'investissement en travaux publics des collectivités locales, qui représentent, je l'ai déjà dit, plus de 40 % de l'activité de votre secteur.
L'État pour sa part, malgré les difficultés budgétaires qui sont les siennes, a constamment accru ses investissements routiers et autoroutiers. J'additionne les deux naturellement et je sais que cela prête à critique. Le total des deux, routiers et autoroutiers, a augmenté de 6,5 % en 1995, de 11 % en 1996, il augmentera de 2,5 % en 1997, alors que l'ensemble du budget de l'État est à zéro. C'est ainsi près de 28 MdF que l'État investira en équipements publics en 1997, soit plus de 20 % de l'activité totale des travaux publics en France. Alors on me dit : les autoroutes, c'est les grandes entreprises, ce n'est pas les petites. Si les grandes entreprises ont du travail sur les autoroutes - où les crédits augmentent fortement - peut-être que ça allégera la pression, que vous évoquiez tout à l'heure, de la concurrence sur les petites et moyennes entreprises pour les crédits routiers.
Le gouvernement portera aussi en 1997 une attention particulière à la gestion des contrats de plan Etat-régions, afin d'éviter que les contraintes budgétaires ne pénalisent les régions qui souhaitent débloquer des opérations prêtes et attendues - vous venez d'en parler à l'instant dans votre discours -. Malgré les réticences, les pesanteurs, les objections diverses, j'ai demandé à MM. ARTHUIS et GAUDIN d'étudier les modalités d'un dispositif de refinancement de la part de l'État dans les contrats de plan qui permettra un lancement plus rapide de ces chantiers lorsque les collectivités régionales ou locales sont prêtes, parce qu'elles ont les réserves nécessaires, à lancer ces chantiers. Votre fédération y travaille déjà, et nous allons faire une expérience très rapidement avec la Région Poitou-Charentes.
Je sais que toutes les entreprises de travaux publics ne sont pas concernées par les équipements financés par l'État et que beaucoup de PME du secteur vivent plutôt des différents travaux financés par les collectivités locales, et les communes en particulier, dans le domaine de l'assainissement, de l'environnement ou des aménagements urbains, vous l'avez dit.
C'est pourquoi je souhaite revenir un moment sur la situation des collectivités locales. Comme cela a été le cas pour l'État, beaucoup d'entre elles ont vu ces dernières années leurs finances se dégrader de manière inquiétante, avec en particulier des dépenses de fonctionnement et des dépenses sociales en forte hausse et un endettement croissant Nombre de municipalités élues en 1995 ont dû réagir face à cette situation, ce qui s'est inévitablement traduit par une baisse des dépenses d'investissement et, trop souvent, par une hausse de la fiscalité locale. Pas partout, il serait très inélégant que je cite l'exemple de Bordeaux, mais je vais quand même le faire : nous avons augmenté notre budget d'investissement de 30 % et notre budget de fonctionnement de 0,55 %. Vous voyez que les conseils judicieux que vous donniez tout à l'heure ont parfois été entendus, et Bordeaux n'est pas la seule ville. Mais soyez conscients de l'extraordinaire sensibilité des opinions publiques aujourd'hui à la pression fiscale locale. Vous avez fait une enquête, et elle est très utile, elle va nous permettre d'aller de l'avant, sur la manière dont nos concitoyens réagissent par rapport à l'investissement public. Faisons la même enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, les Français sont comme ils sont, plus d'équipements et moins d'impôts. Je n'ai pas encore, et vous non plus, trouvé très exactement la réponse qui permette d'ajuster ces deux aspirations également légitimes. Il faut y travailler bien entendu. Il faut se redonner des marges de manuvre, mais je veux bien vous rendre attentifs à la pression qui s'exerce sur nous. Toute augmentation aujourd'hui de la pression fiscale provoque, de la part de nos administrés, des réactions qui sont de plus en plus vives et fortes. A Bordeaux, j'ai augmenté les impôts de 3,46 %. C'était beaucoup moins que les années précédentes, et bien ça n'a pas plus. Il faut tenir compte de cette réalité.
On peut néanmoins raisonnablement penser aujourd'hui que l'essentiel de cette phase d'ajustement est terminée. J'en veux pour preuve la baisse marquée de l'endettement des collectivités locales en 1995 et 1996, grâce au pacte de stabilité financière dont j'ai parlé, grâce à la maîtrise des dépenses de fonctionnement, grâce à la baisse des taux d'intérêts qui a été un ballon d'oxygène - alors là ça c'est vu. On me dit souvent que les PME ne l'ont pas vu, mais je peux vous dire que dans un budget local cela s'est vu, qu'on a renégocié la dette et que cela a entraîné plusieurs points d'impôts d'allégement Grâce à tout cela, je crois qu'aujourd'hui les conditions d'une reprise de l'investissement des collectivités locales sont réunies. Pour prendre l'exemple de l'Aquitaine, je l'évoquais avec le président de votre Fédération qui me disait : mon problème, c'est 1997 parce que je vois bien que, compte tenu des projets qui sont lancés, à partir de 1998, on retrouve un rythme d'investissement de l'ordre de 1,5 milliards à 2 milliards par an pour la Région, avec un certain nombre d'équipements structurants, que je ne vais pas citer ici, et que je me suis employé à faire avancer. Vous allez me dire : pour vivre en 1998, il ne faut pas mourir en 1997. Ce qui me paraît, effectivement, une remarque pleine de bon sens, et c'est pour ça qu'il faut travailler à la soudure. Je ne peux bien entendu que parler globalement, les situations locales sont très variées, mais je crois que cet assainissement est maintenant un espoir de reprise pour le secteur des travaux publics au cours des prochains mois.
L'État y contribuera puisque - après en avoir parlé avec vous - j'ai décidé avec le ministre de l'économie et des finances de proroger en 1997 le dispositif d'accès aux prêts CODEVI des collectivités locales, qui pourront ainsi bénéficier de 20 MdF de prêts à des conditions très favorables pour financer des équipements publics dont elles ont besoin. Je sais que votre Fédération fait de gros efforts pour faire connaître cette mesure aux maires des petites et moyennes communes, qui sont les plus directement concernées.
Vous avez posé plus généralement le problème du financement des équipements publics en France et vous avez eu raison car, quels que soient les signes de redressement que j'évoque pour les budgets des collectivités locales, il va falloir faire preuve d'imagination. On ne peut plus en effet se dire aujourd'hui qu'il suffit d'emprunter pour financer n'importe quel équipement - on l'a fait à la SNCF pendant des années, des décennies, voyez le résultat : 125 MdF de facture transférée à l'État. Il faut se préoccuper du remboursement. Car la dette d'aujourd'hui, ce sont évidemment les impôts de demain.
L'idée selon laquelle les recettes fiscales générées par un investissement public quelconque permettent d'assurer les échéances des emprunts ne se vérifie pas toujours. La démonstration, je l'ai dit, avait été faite avec le décalage croissant que l'on a constaté ces dernières années entre recettes fiscales attendues et recettes fiscales constatées, malgré des dépenses publiques galopantes.
Cela veut-il dire - et c'était un peu le sens de votre question tout à l'heure - qu'il faille renoncer aux équipements publics ? Évidemment non. La France a besoin d'équipements publics. Et en tant que maire, j'ai une shopping list impressionnante de ce que j'ai à faire. Les Français ont des attentes dans ces domaines, aussi bien en grands équipements qu'en équipements de proximité. La récente enquête réalisée par votre Fédération, je le répète, en a fait la démonstration. Mais en même temps, chacun sait bien que les prélèvements obligatoires ont atteint un niveau insupportable. La réconciliation du souhaitable et du possible est un art difficile. Le gouvernement fera le maximum en ce sens, sans jamais perdre de vue qu'une de ses responsabilités les plus hautes est de préparer, avec vous, l'avenir du pays et celui de nos enfants.
Il faudra pour cela imaginer des moyens de financement adaptés. M. PONS et M. ARTHUIS réfléchissent, à ma demande, à ce que pourrait apporter en la matière une meilleure utilisation de financements mixtes, associant, pour des projets dont la rentabilité est élevée mais étalée dans le temps, aides publiques et capitaux privés.
Je voudrais évoquer enfin la réforme des marchés publics qui vous concerne plus que tout autre secteur de l'économie.
Le recours trop systématique au moins-disant lors d'un appel d'offres peut conduire, c'est vrai, à des aberrations, dont les conséquences sont néfastes aussi bien pour le maître d'ouvrage que pour les entreprises. Les exemples abondent. Mettez-vous aussi de temps en temps dans la peau du décideur local, du maire ou du président du Conseil général, qui compte tenu du climat sympathique qui règne aujourd'hui autour des élus locaux, se dit que s'il choisit autre chose que le moins disant il est immédiatement suspect de toutes les turpitudes. Cela ne facilite pas les choses.
Il ne faut pas se satisfaire de cette situation. A la suite du rapport établi par le député TRACY-PAILLOGUES, j'ai demandé à M. GALLAND de préparer une réforme des marchés publics, - et il a beaucoup avancé, il est presque prêt - qui permettra de modifier les réflexes dans la gestion de la commande publique et de promouvoir, comme le disait tout à heure le président LEVAUX, un véritable comportement économique des acheteurs publics. La FNTP, mais aussi la FNB, le président SIONNEAU m'en parlait encore récemment, sont en contact étroit avec M. GALLAND sur ces sujets afin que les propositions faites répondent à vos préoccupations. Le gouvernement présentera avant la fin de cette année le projet de loi que j'ai annoncé sur ce sujet.
Je suis aussi amené à dire un mot des délais de paiement que vous avez évoqués. C'est un sujet récurrent et irritant Nous avons essayé, ici ou là, d'accélérer le processus, de signer des conventions avec les fédérations ou les organismes professionnels, la situation n'est pas satisfaisante.
J'ai lancé à la fin du mois d'août une idée - qui m'a été soufflée d'ailleurs par un de mes prédécesseurs - qui n'est pas une panacée mais qui permet au moins de donner un petit ballon d'oxygène, ou en tout cas d'éviter la raréfaction de l'oxygène dans certaines situations et qui était de dire : lorsqu'une entreprise, une PME, prenons cet exemple-là, est créancière de l'État qui ne paie pas ses dettes dans les délais prévus, eh bien on ne va pas en plus lui faire tomber dessus un contrôle fiscal systématique. Il a fallu un mois et demi pour que j'arrive à obtenir le début du commencement d'une circulaire qui puisse concrétiser cet engagement Mais je vais y arriver parce que je suis en train, là aussi de m'entêter. On aura donc un dispositif de ce type qui, je l'espère, sera opérationnel dans les prochaines semaines.
Voilà, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à vous dire sur un certain nombre de sujets que vous avez évoqués. Je pense en particulier à la prolongation des CODEVI ou à l'anticipation par les collectivités territoriales de leurs projets d'investissement dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. J'ai essayé de vous apporter quelques indications positives sur ces deux points.
Nous avons engagé notre pays dans un vaste mouvement de réforme afin de le préparer au mieux à son entrée dans le XXIe siècle. Parce que ces réformes indispensables ont été trop longtemps différées, il nous faut aujourd'hui faire preuve de ténacité et de persévérance.
Je suis convaincu que nous avons pris le bon cap. Tout indique que la croissance l'an prochain - ce n'est pas moi qui le dis parce que je sais que la crédibilité d'un Premier ministre dans ce domaine est voisine de zéro, mais ce sont tous ceux qui observent la manière dont l'économie fonctionne - tout le monde nous dit que la croissance, l'année prochaine, devrait être deux fois plus rapide que cette année. Ce n'est pas encore assez, mais c'est au moins une direction positive. Je suis conscient des impatiences qui sont les vôtres et qui sont d'ailleurs aussi celles de tous les Français.
Ce n'est pas en 15 mois que nous pouvons effacer d'un trait de plume ce qui s'est dégradé pendant tant d'années.
Je mesure à quel point votre tâche est difficile et vous avez utilisé des mots qui ne laissent pas indifférents : désarroi, angoisse, désespoir. Je les comprends, quand on baisse à la fois les prix et les volumes de commande. Vous m'avez demandé s'il vous faut vous préparer à réduire durablement la voilure. Tout ne dépend pas, dans ce domaine, du Gouvernement, vous le savez. Je pense toutefois que l'essentiel des ajustements est derrière nous. En tout état de cause, j'ai demandé à tous les membres du Gouvernement, en particulier à MM. PONS, ARTHUIS et BARROT de rester en liaison constante avec vous et de vous apporter le soutien permanent des services de l'État. Vous appartenez à une profession combative et responsable, et qui l'a montré, ou continue à le montrer chaque jour dans la conduite de vos entreprises. C'est dans le partenariat et la confiance mutuelle que nous trouverons ensemble, j'en suis sûr, les solutions qu'attendent la France et les Français pour l'équipement de notre pays.
Monsieur le Président de la Fédération Nationale du Bâtiment,
Mesdames et Messieurs,
Merci de m'avoir invité à clôturer vos assises de l'équipement public. Le débat de politique générale qui vient d'avoir lieu au Sénat a modifié quelque peu le déroulement initialement prévu de notre rencontre, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Je sais que vous avez placé ces assises sous le signe de l'urgence et je connais votre inquiétude face à la dégradation de vos marchés. Vous venez de l'exprimer avec force. J'avais pu le mesurer, il y a quelques jours à peine, à Bordeaux en recevant votre fédération d'Aquitaine qui m'avait préparé à cette rencontre.
J'ai tenu à venir vous expliquer directement et je l'espère concrètement les lignes de la politique économique que conduit mon Gouvernement, et ses conséquences sur le secteur des travaux publics.
Contrairement à ce que certains se complaisent ou se complaisaient à dire, parce que je crois que cela est moins vrai, la politique économique que nous avons engagée il y a maintenant plus d'un an, est, je crois, d'une grande clarté, d'une grande visibilité - pour reprendre un mot à la mode - car elle repose sur quelques principes de bon sens et parce qu'elle répond à une ambition que, je l'espère, nous pouvons tous partager : parvenir à une croissance plus forte, plus durable, plus créatrice d'emplois. Quand on a dit tout cela, on n'a pas dit l'essentiel. Encore faut-il réunir les conditions de cette croissance plus forte et plus durable. Je pense pour ma part que les deux principales conditions de la réussite, c'est d'abord que la France remette de l'ordre dans ses finances publiques ; c'est ensuite que soit restauré, encouragé, valorisé l'esprit d'initiative des forces vives de notre pays, et toute notre action est concentrée vers ces deux objectifs.
Le projet de loi de finances pour 1997 a été établi sur la base d'une stabilisation des dépenses publiques en francs courants, ce qui, c'est vrai, ne s'était pas fait depuis pratiquement le début de la Ve République. Je n'ai pas cherché plus haut ou plus loin.
Nous avons dans la préparation de ce budget, appliqué, croyez le bien, la même vigilance à traquer les gaspillages en matière de dépenses de fonctionnement, qu'en matière de dépenses d'investissement. La dépense de fonctionnement - vous l'avez évoquée tout à l'heure - c'est, pour l'essentiel, une dépense de rémunération. J'ai noté la réaction de la salle lorsque vous avez mis en parallèle l'évolution des effectifs dans les travaux publics et ceux de la fonction publique. J'espère que chaque parent d'élève ici présent s'appliquera la même logique lorsque le 17 octobre prochain défileront dans la rue des enseignants qui protestent contre le fait que face à la réduction de 60 000 enfants des effectifs de l'enseignement scolaire, j'ai décidé, pour la première fois depuis longtemps, de réduire les effectifs dans l'enseignement scolaire d'un peu plus de 4 000 unités. Vous avez vu les réactions que cela provoque, et que cela va continuer à provoquer. Cette stabilisation de la dépense - je l'ai dit - est un événement sans précédent depuis le début de la Ve République. C'est la première fois qu'un tel effort de maîtrise est engagé, et c'était absolument indispensable. Pour la première fois - et c'était là une réforme de méthode - au printemps dernier nous avons présenté au Parlement un certain nombre de chiffres à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Et tous les parlementaires, parfois même ceux de l'opposition, ont été frappés par la progression exponentielle et explosive du déficit et de la dette publique depuis maintenant une dizaine d'années. Ca ne peut pas continuer comme cela ! Nous en sommes arrivés à un point où aujourd'hui l'État emprunte sur le marché obligataire français 98 % de tout l'argent disponible. Nous avons atteint la limite. Et c'est la raison pour laquelle je me suis engagé dans cette politique : maîtriser les dépenses publiques pour éviter l'explosion du déficit et commencer à engager un processus de réduction de l'endettement et de baisse des impôts. Nous avons connu la démarche inverse. Je sais bien qu'il ne faut pas parler du bilan ou de l'héritage, mais enfin plus de dépense publique, on a essayé ; plus de dettes, on a essayé ; plus de charges, on a essayé. On a eu moins d'emploi, moins de croissance et la récession de 1993.
Cette maîtrise de la dépense publique que j'essaie de défendre devant vous, ce n'est pas un dogme d'inspecteur des finances ou de technocrate, ce n'est pas une obsession de Père fouettard, je le répète, c'est une nécessité vitale pour le pays, une nécessité économique, sociale et politique et je pense que les chefs d'entreprises que vous êtes partagent au fond d'eux-mêmes cette conviction. C'est, en même temps, permettre que se consolide la baisse des taux d'intérêts qui est une condition nécessaire à la relance de la croissance et c'est aussi réunir les conditions pour engager la baisse des impôts.
Baisse des taux d'intérêts, disais-je. Lorsque mon Gouvernement a été constitué en juin de l'année dernière, nous rêvions, le ministre de l'Économie et des Finances de l'époque et moi-même, d'une baisse des taux d'intérêts à court terme qui nous ramènerait entre 4 et 4,5 %. Nous sommes aujourd'hui à moins de 3,5 %. C'est un résultat inespéré et je ne connais pas de pays dans lequel la baisse des taux d'intérêts ne finisse pas par se diffuser dans l'ensemble de l'économie, au bénéfice des ménages qui veulent s'équiper ou acheter un logement, au bénéfice des collectivités locales qui renégocient leurs dettes au bénéfice de l'État, au bénéfice des entreprises.
Tout ceci est visible dans les comptes, dans les comptes des collectivités locales ai-je dit, qui assurent, je le sais, plus de 40 % de vos commandes.
Quant à la baisse des impôts, tant de fois promise, mais jamais effective, nous y sommes. On n'a jamais annoncé une baisse d'un quart en cinq ans de l'impôt sur le revenu. Cela aura des effets court terme, puisque la première étape de cette baisse sera visible dès le début de l'année 1997, avec le premier tiers provisionnel. Mais le gouvernement en attend aussi un effet plus durable, puisqu'il sera proposé au Parlement de voter le barème de l'impôt pour les cinq prochaines années. J'ai essayé de communiquer sur ce sujet, de donner quelques indications chiffrées. J'ai bien conscience que le déclic ne se fera que lorsqu'on verra les choses sur la feuille d'impôt. Et ça viendra si le Parlement suit mes propositions.
J'estime qu'il est maintenant essentiel, après les réformes profondes qu'a engagées le gouvernement depuis un an et demi, de rendre plus stable l'environnement économique des entreprises, de donner à chaque acteur de l'économie un horizon suffisamment clair pour retrouver la confiance, consommer et investir.
Et petit à petit, mais de manière résolue, le gouvernement construit cette visibilité :
- visibilité financière et monétaire, avec une inflation maîtrisée - qui n'est pas de la déflation - des taux d'intérêts stabilisés, je l'ai dit, et une détermination sans faille à mettre en place la monnaie unique européenne qui, à condition d'être gérée raisonnablement et réalistement, sera pour nous un atout formidable dans les années qui viennent ;
- visibilité fiscale : j'en ai parlé à propos de l'impôt sur le revenu, mais ceci est vrai aussi pour les autres impôts. La TIPP par exemple n'a été augmentée, ou ne sera augmentée, l'année prochaine que du niveau de l'inflation, c'est-à-dire moitié moins que cette année. C'est là aussi un axe durable de la politique fiscale du gouvernement ;
- visibilité sur le coût du travail, avec le renforcement de l'allégement du coût du travail. Depuis le 1er octobre, il y a quelques jours, les mesures d'allégement des cotisations familiales qui avaient été prises par mon prédécesseur et la ristourne dégressive, que j'ai fait approuver par le Parlement l'an dernier, pour les salaires compris entre 1 fois et 1,2 fois le SMIC sont amplifiées, fusionnées, simplifiées : une mesure unique de ristourne qui s'applique à tous les salaires compris entre 1 fois et 1,33 fois le SMIC, quelle que soit la durée du travail et la date d'embauche. Cette mesure concerne 4,5 millions de salariés, dont les trois-quarts travaillent dans les petites et moyennes entreprises. Plus de 30 % des salariés du secteur des travaux publics sont concernés, d'après les chiffres qui m'ont été donnés par la FNTP. L'effet de cette mesure sera, j'en suis sûr, significatif. Je prends un exemple : pour un salaire de 7 500 francs, la ristourne sera de 567 francs, c'est-à-dire plus de 5 % du coût total du travail, et sur le SMIC elle atteint 13 % de ce coût du travail. Il s'agit bien là d'une mesure structurelle qui peut être d'ores et déjà intégrée dans les comptes prévisionnels ;
- visibilité plus globale sur les charges sociales aussi, avec la maîtrise des dépenses de santé à laquelle nous travaillons, et l'élargissement de la base de la CSG aux revenus du capital ;
- visibilité enfin pour les collectivités locales, avec en particulier le pacte de stabilité financière conclu l'année dernière qui a été respecté en 1996 et qui le sera en 1997. Il permet de fixer l'essentiel des dotations de l'État aux collectivités locales, mais il vise aussi à favoriser la stabilisation des dépenses de fonctionnement de ces collectivités. L'État s'est engagé à ce que tout texte réglementaire soit accompagné d'une étude d'impact qui démontre sa neutralité sur les frais de fonctionnement des collectivités de façon qu'on sorte de ce procès qui est sans cesse fait, selon lequel, si les collectivités territoriales n'ont pas les moyens de développer leurs investissements, c'est parce que l'État leur transfère des compétences sans leur transférer des charges correspondantes. Ça a été vrai au cours des années passées. Je me suis employé à mettre au point un dispositif pour que ce ne le soit plus à l'avenir.
Ce point est essentiel. La baisse de l'activité dans le secteur des travaux publics depuis deux ans s'explique en effet, en très large part, par la chute de près de 20 % de l'investissement en travaux publics des collectivités locales, qui représentent, je l'ai déjà dit, plus de 40 % de l'activité de votre secteur.
L'État pour sa part, malgré les difficultés budgétaires qui sont les siennes, a constamment accru ses investissements routiers et autoroutiers. J'additionne les deux naturellement et je sais que cela prête à critique. Le total des deux, routiers et autoroutiers, a augmenté de 6,5 % en 1995, de 11 % en 1996, il augmentera de 2,5 % en 1997, alors que l'ensemble du budget de l'État est à zéro. C'est ainsi près de 28 MdF que l'État investira en équipements publics en 1997, soit plus de 20 % de l'activité totale des travaux publics en France. Alors on me dit : les autoroutes, c'est les grandes entreprises, ce n'est pas les petites. Si les grandes entreprises ont du travail sur les autoroutes - où les crédits augmentent fortement - peut-être que ça allégera la pression, que vous évoquiez tout à l'heure, de la concurrence sur les petites et moyennes entreprises pour les crédits routiers.
Le gouvernement portera aussi en 1997 une attention particulière à la gestion des contrats de plan Etat-régions, afin d'éviter que les contraintes budgétaires ne pénalisent les régions qui souhaitent débloquer des opérations prêtes et attendues - vous venez d'en parler à l'instant dans votre discours -. Malgré les réticences, les pesanteurs, les objections diverses, j'ai demandé à MM. ARTHUIS et GAUDIN d'étudier les modalités d'un dispositif de refinancement de la part de l'État dans les contrats de plan qui permettra un lancement plus rapide de ces chantiers lorsque les collectivités régionales ou locales sont prêtes, parce qu'elles ont les réserves nécessaires, à lancer ces chantiers. Votre fédération y travaille déjà, et nous allons faire une expérience très rapidement avec la Région Poitou-Charentes.
Je sais que toutes les entreprises de travaux publics ne sont pas concernées par les équipements financés par l'État et que beaucoup de PME du secteur vivent plutôt des différents travaux financés par les collectivités locales, et les communes en particulier, dans le domaine de l'assainissement, de l'environnement ou des aménagements urbains, vous l'avez dit.
C'est pourquoi je souhaite revenir un moment sur la situation des collectivités locales. Comme cela a été le cas pour l'État, beaucoup d'entre elles ont vu ces dernières années leurs finances se dégrader de manière inquiétante, avec en particulier des dépenses de fonctionnement et des dépenses sociales en forte hausse et un endettement croissant Nombre de municipalités élues en 1995 ont dû réagir face à cette situation, ce qui s'est inévitablement traduit par une baisse des dépenses d'investissement et, trop souvent, par une hausse de la fiscalité locale. Pas partout, il serait très inélégant que je cite l'exemple de Bordeaux, mais je vais quand même le faire : nous avons augmenté notre budget d'investissement de 30 % et notre budget de fonctionnement de 0,55 %. Vous voyez que les conseils judicieux que vous donniez tout à l'heure ont parfois été entendus, et Bordeaux n'est pas la seule ville. Mais soyez conscients de l'extraordinaire sensibilité des opinions publiques aujourd'hui à la pression fiscale locale. Vous avez fait une enquête, et elle est très utile, elle va nous permettre d'aller de l'avant, sur la manière dont nos concitoyens réagissent par rapport à l'investissement public. Faisons la même enquête sur l'évolution de la fiscalité locale, les Français sont comme ils sont, plus d'équipements et moins d'impôts. Je n'ai pas encore, et vous non plus, trouvé très exactement la réponse qui permette d'ajuster ces deux aspirations également légitimes. Il faut y travailler bien entendu. Il faut se redonner des marges de manuvre, mais je veux bien vous rendre attentifs à la pression qui s'exerce sur nous. Toute augmentation aujourd'hui de la pression fiscale provoque, de la part de nos administrés, des réactions qui sont de plus en plus vives et fortes. A Bordeaux, j'ai augmenté les impôts de 3,46 %. C'était beaucoup moins que les années précédentes, et bien ça n'a pas plus. Il faut tenir compte de cette réalité.
On peut néanmoins raisonnablement penser aujourd'hui que l'essentiel de cette phase d'ajustement est terminée. J'en veux pour preuve la baisse marquée de l'endettement des collectivités locales en 1995 et 1996, grâce au pacte de stabilité financière dont j'ai parlé, grâce à la maîtrise des dépenses de fonctionnement, grâce à la baisse des taux d'intérêts qui a été un ballon d'oxygène - alors là ça c'est vu. On me dit souvent que les PME ne l'ont pas vu, mais je peux vous dire que dans un budget local cela s'est vu, qu'on a renégocié la dette et que cela a entraîné plusieurs points d'impôts d'allégement Grâce à tout cela, je crois qu'aujourd'hui les conditions d'une reprise de l'investissement des collectivités locales sont réunies. Pour prendre l'exemple de l'Aquitaine, je l'évoquais avec le président de votre Fédération qui me disait : mon problème, c'est 1997 parce que je vois bien que, compte tenu des projets qui sont lancés, à partir de 1998, on retrouve un rythme d'investissement de l'ordre de 1,5 milliards à 2 milliards par an pour la Région, avec un certain nombre d'équipements structurants, que je ne vais pas citer ici, et que je me suis employé à faire avancer. Vous allez me dire : pour vivre en 1998, il ne faut pas mourir en 1997. Ce qui me paraît, effectivement, une remarque pleine de bon sens, et c'est pour ça qu'il faut travailler à la soudure. Je ne peux bien entendu que parler globalement, les situations locales sont très variées, mais je crois que cet assainissement est maintenant un espoir de reprise pour le secteur des travaux publics au cours des prochains mois.
L'État y contribuera puisque - après en avoir parlé avec vous - j'ai décidé avec le ministre de l'économie et des finances de proroger en 1997 le dispositif d'accès aux prêts CODEVI des collectivités locales, qui pourront ainsi bénéficier de 20 MdF de prêts à des conditions très favorables pour financer des équipements publics dont elles ont besoin. Je sais que votre Fédération fait de gros efforts pour faire connaître cette mesure aux maires des petites et moyennes communes, qui sont les plus directement concernées.
Vous avez posé plus généralement le problème du financement des équipements publics en France et vous avez eu raison car, quels que soient les signes de redressement que j'évoque pour les budgets des collectivités locales, il va falloir faire preuve d'imagination. On ne peut plus en effet se dire aujourd'hui qu'il suffit d'emprunter pour financer n'importe quel équipement - on l'a fait à la SNCF pendant des années, des décennies, voyez le résultat : 125 MdF de facture transférée à l'État. Il faut se préoccuper du remboursement. Car la dette d'aujourd'hui, ce sont évidemment les impôts de demain.
L'idée selon laquelle les recettes fiscales générées par un investissement public quelconque permettent d'assurer les échéances des emprunts ne se vérifie pas toujours. La démonstration, je l'ai dit, avait été faite avec le décalage croissant que l'on a constaté ces dernières années entre recettes fiscales attendues et recettes fiscales constatées, malgré des dépenses publiques galopantes.
Cela veut-il dire - et c'était un peu le sens de votre question tout à l'heure - qu'il faille renoncer aux équipements publics ? Évidemment non. La France a besoin d'équipements publics. Et en tant que maire, j'ai une shopping list impressionnante de ce que j'ai à faire. Les Français ont des attentes dans ces domaines, aussi bien en grands équipements qu'en équipements de proximité. La récente enquête réalisée par votre Fédération, je le répète, en a fait la démonstration. Mais en même temps, chacun sait bien que les prélèvements obligatoires ont atteint un niveau insupportable. La réconciliation du souhaitable et du possible est un art difficile. Le gouvernement fera le maximum en ce sens, sans jamais perdre de vue qu'une de ses responsabilités les plus hautes est de préparer, avec vous, l'avenir du pays et celui de nos enfants.
Il faudra pour cela imaginer des moyens de financement adaptés. M. PONS et M. ARTHUIS réfléchissent, à ma demande, à ce que pourrait apporter en la matière une meilleure utilisation de financements mixtes, associant, pour des projets dont la rentabilité est élevée mais étalée dans le temps, aides publiques et capitaux privés.
Je voudrais évoquer enfin la réforme des marchés publics qui vous concerne plus que tout autre secteur de l'économie.
Le recours trop systématique au moins-disant lors d'un appel d'offres peut conduire, c'est vrai, à des aberrations, dont les conséquences sont néfastes aussi bien pour le maître d'ouvrage que pour les entreprises. Les exemples abondent. Mettez-vous aussi de temps en temps dans la peau du décideur local, du maire ou du président du Conseil général, qui compte tenu du climat sympathique qui règne aujourd'hui autour des élus locaux, se dit que s'il choisit autre chose que le moins disant il est immédiatement suspect de toutes les turpitudes. Cela ne facilite pas les choses.
Il ne faut pas se satisfaire de cette situation. A la suite du rapport établi par le député TRACY-PAILLOGUES, j'ai demandé à M. GALLAND de préparer une réforme des marchés publics, - et il a beaucoup avancé, il est presque prêt - qui permettra de modifier les réflexes dans la gestion de la commande publique et de promouvoir, comme le disait tout à heure le président LEVAUX, un véritable comportement économique des acheteurs publics. La FNTP, mais aussi la FNB, le président SIONNEAU m'en parlait encore récemment, sont en contact étroit avec M. GALLAND sur ces sujets afin que les propositions faites répondent à vos préoccupations. Le gouvernement présentera avant la fin de cette année le projet de loi que j'ai annoncé sur ce sujet.
Je suis aussi amené à dire un mot des délais de paiement que vous avez évoqués. C'est un sujet récurrent et irritant Nous avons essayé, ici ou là, d'accélérer le processus, de signer des conventions avec les fédérations ou les organismes professionnels, la situation n'est pas satisfaisante.
J'ai lancé à la fin du mois d'août une idée - qui m'a été soufflée d'ailleurs par un de mes prédécesseurs - qui n'est pas une panacée mais qui permet au moins de donner un petit ballon d'oxygène, ou en tout cas d'éviter la raréfaction de l'oxygène dans certaines situations et qui était de dire : lorsqu'une entreprise, une PME, prenons cet exemple-là, est créancière de l'État qui ne paie pas ses dettes dans les délais prévus, eh bien on ne va pas en plus lui faire tomber dessus un contrôle fiscal systématique. Il a fallu un mois et demi pour que j'arrive à obtenir le début du commencement d'une circulaire qui puisse concrétiser cet engagement Mais je vais y arriver parce que je suis en train, là aussi de m'entêter. On aura donc un dispositif de ce type qui, je l'espère, sera opérationnel dans les prochaines semaines.
Voilà, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à vous dire sur un certain nombre de sujets que vous avez évoqués. Je pense en particulier à la prolongation des CODEVI ou à l'anticipation par les collectivités territoriales de leurs projets d'investissement dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. J'ai essayé de vous apporter quelques indications positives sur ces deux points.
Nous avons engagé notre pays dans un vaste mouvement de réforme afin de le préparer au mieux à son entrée dans le XXIe siècle. Parce que ces réformes indispensables ont été trop longtemps différées, il nous faut aujourd'hui faire preuve de ténacité et de persévérance.
Je suis convaincu que nous avons pris le bon cap. Tout indique que la croissance l'an prochain - ce n'est pas moi qui le dis parce que je sais que la crédibilité d'un Premier ministre dans ce domaine est voisine de zéro, mais ce sont tous ceux qui observent la manière dont l'économie fonctionne - tout le monde nous dit que la croissance, l'année prochaine, devrait être deux fois plus rapide que cette année. Ce n'est pas encore assez, mais c'est au moins une direction positive. Je suis conscient des impatiences qui sont les vôtres et qui sont d'ailleurs aussi celles de tous les Français.
Ce n'est pas en 15 mois que nous pouvons effacer d'un trait de plume ce qui s'est dégradé pendant tant d'années.
Je mesure à quel point votre tâche est difficile et vous avez utilisé des mots qui ne laissent pas indifférents : désarroi, angoisse, désespoir. Je les comprends, quand on baisse à la fois les prix et les volumes de commande. Vous m'avez demandé s'il vous faut vous préparer à réduire durablement la voilure. Tout ne dépend pas, dans ce domaine, du Gouvernement, vous le savez. Je pense toutefois que l'essentiel des ajustements est derrière nous. En tout état de cause, j'ai demandé à tous les membres du Gouvernement, en particulier à MM. PONS, ARTHUIS et BARROT de rester en liaison constante avec vous et de vous apporter le soutien permanent des services de l'État. Vous appartenez à une profession combative et responsable, et qui l'a montré, ou continue à le montrer chaque jour dans la conduite de vos entreprises. C'est dans le partenariat et la confiance mutuelle que nous trouverons ensemble, j'en suis sûr, les solutions qu'attendent la France et les Français pour l'équipement de notre pays.