Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, à BFM le 12 mars 2003, sur les mesures de défiscalisation prévues dans le projet de loi de programme pour l'outre-mer et sur la situation économique des départements.

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Média : BFM

Texte intégral

BFM : Vous venez de présenter un projet de loi qui est un projet de défiscalisation des Dom - Est-ce qu'on peut dire ça comme ça ?
B. GIRARDIN : Non, on ne peut pas dire ça comme ça, parce que d'abord, c'est un projet de loi-programme qui concerne l'ensemble des collectivités d'outre-mer. Les dix collectivités d'outre-mer sont concernées par cette loi-programme qui comporte effectivement un important volet de défiscalisation. C'est un système complètement nouveau qui va être mis en place. Il est très différent de tout ce qu'on a pu connaître précédemment.
Et puis, nous avons effectivement des mesures plus centrées sur les Dom, sur Saint-Pierre et Miquelon et aussi sur Mayotte. Ce sont des mesures d'abaissement du coût du travail pour relancer l'emploi dans les entreprises dans le secteur marchand car vous savez à quel point nous avons un chômage important outre-mer. Il est tout à fait essentiel de mobiliser notre action vers la création d'emplois durables dans les entreprises et notamment au bénéfice des jeunes. La jeunesse d'outre-mer est importante. C'est aussi sans doute son plus bel atout : il faut la former et il faut lui offrir de véritables perspectives d'avenir.
BFM : On sait que la situation économique de certains départements et territoires d'outre-mer n'est pas facile. La défiscalisation, j'imagine a pour objectif d'attirer l'investissement. De quelle façon va t-elle se faire cette fois-ci ?
B. GIRARDIN : On change complètement de logique. On part du principe que tout projet d'investissement, créateur d'emploi, doit pouvoir être éligible à la défiscalisation à l'exception de certains secteurs que nous souhaitons exclure parce qu'il y a eu par le passé, au moment de la loi Pons, des abus, des dérapages notamment relatifs à la navigation de croisière. Nous avons décidé d'exclure les secteurs comme la navigation de croisière qui avait pu donner lieu à des errements, à des dérapages et finalement n'étaient pas profitables aux collectivités d'outre-mer. Et nous excluons bien sûr aussi les secteurs qui posent des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire. Mais pour le reste, tout est éligible avec une procédure d'agrément qui est complètement revue. Ceci signifie que bien évidemment l'Etat conserve une maîtrise du contrôle de ces opérations mais nous déconcentrons un peu cette procédure. Nous la rendons plus transparente. Et surtout lorsqu'il n'y aura pas de réponse à une demande d'agrément au bout de 3 mois, cela vaudra accord tacite. Si le Ministère des Finances a des objections, il y aura possibilité de réunir une commission interministérielle présidée par le Ministère de l'Outre-mer qui rendra un avis sur les projets en question.
BFM : Alors concrètement, il s'agit de quel type de projet ?
B. GIRARDIN : Concrètement nous avons voulu cibler sur certains secteurs qui sont particulièrement importants pour l'outre-mer concernant son développement. Nous considérons que le tourisme est un secteur d'avenir qui, vous le savez, est un secteur en crise en ce moment. Or, les métiers du tourisme sont des métiers d'avenir notamment pour la jeunesse d'outre-mer.
BFM : Donc vous parlez de l'hôtellerie et de la restauration par exemple. Est-ce que c'est le résultat du coup de gueule d'Accor à la fin de l'année dernière ?
B. GIRARDIN : Pas seulement ! On sait très bien que c'est un secteur qui souffre actuellement, qui n'est pas compétitif, qui subit une concurrence féroce des états environnants. Nous avons un besoin de remettre à niveau nos infrastructures touristiques, offrir des équipements de meilleure qualité. C'est pour cette raison que, par le biais de la défiscalisation, nous allons favoriser notamment la réhabilitation hôtelière. Nous appliquons un taux de défiscalisation de 70%. Nous rétablissons ce que les experts en défiscalisation connaissent bien qui est la détunnélisation, avec pour objectif de donner un coup d'accélérateur pour ce secteur du tourisme qui en a bien besoin. Donc, nous ciblons le secteur du tourisme, l'hôtellerie, la réhabilitation hôtelière, la restauration liée au tourisme, avec de la défiscalisation plus avantageuse et aussi avec des exonérations de charges sociales pour les entreprises de ce secteur, puisque nous allons jusqu'à 1,5 smic comme taux d'exonération alors qu'actuellement ce n'était qu'1,3. Par ailleurs, il y a d'autres secteurs qui sont très importants.
BFM : Il y a le problème de l'investissement et des structures qui est important. Il y avait aussi le problème de la formation des personnels et de répondre à ce que demande la clientèle. Est-ce qu'il y a quelque chose qui a été fait de ce côté là ?
B. GIRARDIN : Absolument. Nous développons la formation sur place. Des lycées hôteliers sont en construction pour favoriser la formation sur place. Mais, j'ai aussi mis sur place depuis l'été dernier ce qu'on appelle le Passeport Mobilité qui permet aux jeunes d'outre-mer de venir gratuitement en métropole, c'est-à-dire sans payer le coût du billet d'avion, pour se former notamment à ces métiers. Il faut favoriser la mobilité des jeunes pour qu'ils puissent se former à ces métiers du tourisme notamment et revenir sur place avec vraiment un vrai bagage bien adapté à ces besoins nouveaux.
BFM : Donc, il y a le tourisme. Il y a d'autres secteurs ?
B. GIRARDIN : Il y a d'autres secteurs qui sont privilégiés dans cette loi-programme. Tout ce qui concerne le logement social, là-aussi nous utilisons le levier de la défiscalisation pour faire davantage de logements sociaux, ce qui fait aussi travailler le BTP qui est un secteur important outre-mer. Nous développons aussi les énergies renouvelables : vous savez qu'outremer, nous avons des potentialités extraordinaires : nous avons le soleil pour l'énergie solaire, les alizés pour l'énergie éolienne et les volcans pour la géothermie. Nous avons en plus des instituts de recherche implantés partout et nous avons donc une technologie de pointe qui s'exporte bien. Nous avons souhaité favoriser tous les projets d'investissement en matière d'énergie renouvelable : c'est 10 points de plus en matière de défiscalisation qui leur seront accordés, c'est 4 points de plus pour les logements sociaux équipés d'énergie solaire, de chauffe-eau solaire. Donc, vous voyez que nous mettons l'accent sur ces secteurs tout à fait importants. Et surtout nous facilitons le financement des entreprises et notamment des petites entreprises. Vous savez, ce qui était critiqué en matière de défiscalisation, c'est que les petites opérations, les petites entreprises ne bénéficiaient pas de ce système. Or, notre nouveau système de défiscalisation met l'accent sur les petites entreprises et permettra de défiscaliser des petites opérations qui sont très importantes. Et enfin, il y a l'agriculture qui est aussi privilégiée dans sa diversification. On défend beaucoup les grandes filières traditionnelles que ce soit la banane, la filière canne-sucre-rhum. Il y a aussi à promouvoir la diversification agricole, l'aquaculture, les cultures marines. Là aussi, nous mettons en place un système d'exonérations beaucoup plus favorable jusqu'à 1,4 smic et nous mettons en place aussi de la défiscalisation pour tous ces projets qui sont importants pour le développement économique.
BFM : Est-ce que vous n'avez pas le sentiment qu'il y a quand même une crise des Dom-Tom : Que la métropole leur accorde toujours beaucoup de facilités, qu'ils n'arrivent pas à prendre leur destin en main Est-ce que ça va changer cette fonction ?
B. GIRARDIN : D'abord, il y a beaucoup de contre vérités qui circulent. Je voudrais quand même rappeler que l'Etat ne dépense pas plus pour un habitant d'outre-mer que pour un habitant de métropole, c'est même l'inverse. Donc, il y a ces fausses informations qui circulent. La logique de cette loi-programme est justement fondée sur une logique d'activité et de responsabilité et non pas d'assistanat. Ce n'est pas une loi qui distribue des subventions ou qui crée de faux emplois publics comme on l'a vu trop souvent malheureusement ces dernières années ! Nous sommes dans une logique différente. C'est pour relancer l'investissement et relancer l'emploi dans les entreprises. Donc nous aidons les entreprises à créer de l'emploi et nous favorisons l'investissement qui sera aussi créateur d'emplois. Donc on est vraiment dans une logique d'activité et de responsabilité et surtout pas dans une logique d'assistanat.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 31 mars 2003)