Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur les missions de l'ANAH et les priorités choisies pour répondre aux enjeux actuels du logement : la préservation de la santé et de la sécurité des habitants, la lutte contre l'habitat indigne, le développement d'un parc locatif privé à vocation sociale ou intermédiaire, Paris le 27 mars 2003.

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Circonstance : Clôture des entretiens de l'Agence Nationale de l'Amélioration de l'Habitat (ANAH) à Paris le jeudi 27 mars 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous dirai d'abord que je suis impressionné par le nombre et surtout la qualité des participants à ces rencontres sur l'amélioration de l'habitat. La diversité de vos fonctions, de vos compétences, témoigne, s'il en est nécessaire de l'importance de la réhabilitation de l'habitat ancien dans notre pays. Je me réjouis donc de vous faire part de quelques-unes de mes convictions que je voudrai vous faire partager.
J'ai toujours été passionné par les problèmes de logement. Comme maire d'une grande ville, je me suis fortement engagé pour apporter des réponses concrètes à mes concitoyens.
Le logement, vous le savez bien comme moi, c'est beaucoup de technique, beaucoup de règles juridiques, une gamme diversifiée d'aides financières, c'est d'abord et avant tout une dimension humaine, je dirai même affective, dont nous devons tenir compte.
Derrière la complexité de ce secteur, il y a, toutefois, quelques grands enjeux simples pour lesquels il m'appartient, comme ministre du logement, de présenter au gouvernement les orientations qui s'imposent pour les années à venir.
Je suis d'abord persuadé que la France a, plus que jamais, besoin d'une politique du logement.
Il nous faut à la fois des logements en nombre suffisant et en qualité. Il faut, bien sûr, construire davantage, si l'on veut loger les nouveaux ménages qui se créent chaque année, remplacer les constructions devenues totalement obsolètes, répondre à une demande de plus en diversifiée au profit de populations qui ont des besoins spécifiques, je pense tout particulièrement aux personnes âgées et aux étudiants. Les 300 000 logements que nous construisons chaque année ne sont pas suffisants et nous accumulons un retard qu'il faudra bien combler.
Mais rien ne serait plus stupide que de choisir la construction au détriment de la réhabilitation du parc ancien, et cela pour de multiples raisons. Je n'en évoquerai que quelques-unes.
La richesse de notre pays, c'est aussi ses villes, ses villages, ses bourgs, héritage de deux mille ans d'histoire. Ils sont le lieu où la France d'aujourd'hui s'est façonnée au fil du temps. Nous devons les protéger, les entretenir, les améliorer en permanence pour nous, pour nos enfants, pour nos visiteurs.
Par ailleurs, alors qu'il apparaît aujourd'hui si difficile de construire notamment dans les agglomérations à coût élevé de foncier, il serait dommage de se priver d'une rénovation qui permet précisément d'augmenter la durée de vie des logements. Cela fait partie du développement durable.
C'est aussi une forte exigence sociale, morale même, d'offrir à tous des conditions de vie décentes. Le droit au logement pour tous, c'est aussi le droit au confort pour tous. Or, à l'aube du 21 ème siècle, il faut bien reconnaître que nous ne faisons reculer l'habitat dégradé que trop lentement. Encore près d'un million de logements sont inconfortables, qu'ils soient occupés par leurs propriétaires ou par des locataires. Dans de trop nombreux cas, cette situation compromet la santé des habitants, met en péril leur vie. Cela doit devenir une vraie cause nationale et le Président de la République nous montre la voie lorsqu'il a évoqué l'éradication de l'habitat indigne lors de la présentation au conseil des ministres du nouveau plan de lutte contre l'exclusion.
Réhabiliter, c'est aussi apporter du travail à des milliers de petites entreprises qui créent des emplois sur tout le territoire, c'est un tissu économique qui participe à l'aménagement du territoire.
Tous ces arguments en faveur de la réhabilitation justifient l'énergie que vous dépensez sans compter, chacun dans votre métier, pour mener les opérations d'amélioration de notre habitat.
Je ne peux que me réjouir que l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat soit le lieu de rencontre de ces énergies, au plan national et au niveau local. L'ANAH, par son champ d'intervention renforcé, par son organisation très décentralisée, par son fonctionnement partenarial est un outil que beaucoup de pays peuvent nous envier et qui doit être conforté. Ce n'est pas seulement un établissement qui distribue des aides, c'est un lieu d'expertise et de réflexion sur l'habitat ancien.
Les priorités que vous vous êtes choisies en accord avec l'État répondent bien aux enjeux actuels du logement.
J'ai déjà dit un mot de la préservation de la santé et de la sécurité des habitants. C'est un devoir national auquel vous contribuez très efficacement. Je puis vous dire aujourd'hui que la lutte contre l'habitat indigne sera un des volets essentiels de la loi que je prépare sur l'habitat et qui sera présentée, je l'espère, au Parlement à l'automne.
Il faut faire disparaître ces vestiges honteux d'un passé qui n'a que trop duré, mais il faut aussi préparer l'avenir pour nos enfants. La prise en compte du développement durable est ainsi une priorité bien choisie par l'ANAH car elle vous assure votre longévité.
Je dirai un mot du retour au droit commun des logements de la loi de 1948. C'est le moyen qui assurera aux propriétaires de percevoir les revenus qui leur permettront d'entretenir correctement et donc de sauver ce parc ancien qui risque à terme de disparaître. Mais vous savez aussi que ce mécanisme ne s'appliquera pas aux locataires aux revenus modestes ou aux personnes âgées qui habitent souvent depuis de très nombreuses années ces logements. Ce n'est pas une raison pour que ces locataires ne bénéficient pas, eux aussi, de meilleures conditions de vie dans leurs logements. C'est pourquoi je souhaite que l'ANAH puisse apporter les aides nécessaires aux propriétaires dans des conditions très favorables. Je travaille sur ce sujet avec le Président Pelletier et je ne doute pas que nous trouverons les dispositifs adéquats.
Quant à la troisième priorité, le développement d'un parc locatif privé à
vocation sociale ou intermédiaire, j'y suis extrêmement favorable. Les organismes d'HLM et les SEM font un travail remarquable en faveur du logement de ceux qui ne peuvent se loger dans les conditions de marché, mais ils ne peuvent suffire à la tâche. Le parc public ne peut avoir un monopole du logement social et c'est au parc privé de compléter cette action. Le rôle de l'ANAH peut être déterminant. C'est bien l'originalité des interventions de l'ANAH de répondre à la fois à un besoin économique, celui du propriétaire qui veut redonner de la valeur à son bien, et à un besoin social, celui du locataire qui bénéficie d'un loyer maîtrisé qui lui garantira un taux d'effort supportable.
Je souhaiterais que tous les propriétaires qui laissent leurs logements vacants s'adressent à l'ANAH et aux opérateurs de groupage. Car c'est leur intérêt de remettre sur le marché ces logements. Mon ministère mène en ce moment même des discussions interministérielles pour encourager encore plus cette remise sur le marché. Même si le taux de logements vacants a diminué, comme l'indiquent les derniers chiffres de l'INSEE, il y en a encore trop.
Ces priorités doivent être préservées, même si la conjoncture budgétaire qui dépend d'un contexte international incertain n'est pas aussi favorable que nous le souhaiterions. J'ai bien compris, Monsieur le président que vous recherchez les moyens de maintenir l'efficacité de l'action de l'ANAH. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous y aider et, permettez-moi cette expression, surmonter cette mauvaise passe.
Car je crois en l'avenir de l'ANAH et plus généralement de la réhabilitation de l'habitat ancien.
La démarche de décentralisation qui sera engagée dans le secteur du logement d'une façon pragmatique donnera à tous les professionnels de la réhabilitation un nouveau champ d'action en coopération avec les élus locaux.
Le Premier ministre a annoncé aux assises régionales de Rouen que, pour la politique du logement, il sera procédé par délégation de compétences aux autorités décentralisées: il appartiendra, en effet aux préfets de région de répartir une enveloppe régionale entre les agglomérations et les départements.
Il faut que la réhabilitation du parc privé profite de cette formidable chance pour que les besoins soient pris en compte au plus près des habitants par les élus locaux.
Vous savez bien que les élus locaux font déjà beaucoup, car ils sont persuadés comme nous tous que le parc ancien est un patrimoine qu'il faut conserver pour l'équilibre de notre habitat entre ses différentes composantes. Ils sont, sans aucun doute, prêts à faire davantage s'ils savent qu'ils auront une responsabilité directe dans le secteur du logement.
Le choix qui a été fait des niveaux de décentralisation qui pourront bénéficier des délégations de compétences nous garantit que les besoins tant des zones rurales que des villes seront pris en compte
En effet, les conventions de délégations de compétences seront signées par les préfets de région avec les départements qui le souhaitent, mais aussi avec les communautés urbaines et les communautés d'agglomération qui auront adopté un programme local de l'habitat, gage que les grands objectifs de la politique nationale du logement seront respectés.
Par ailleurs, je l'ai déjà dit : l'ANAH a su mettre en place une organisation décentralisée.
Il ne me semble donc pas difficile que les autorités qui recevront délégations de compétences puissent être impliquées dans l'attribution des aides. Ni l'ANAH, ni les commissions départementales d'amélioration de l'habitat ne seront remises en cause. Elles ont prouvé leur efficacité. Il n'y a donc qu'un pas à franchir. Je crois que ni les propriétaires, ni les opérateurs de groupage, ni les autres professionnels ne le regretteront.
En se rapprochant ainsi encore plus du terrain, nous reproduisons la démarche que l'ANAH a mise en oeuvre depuis des années.
Savoir élaborer une stratégie nationale en s'appuyant sur de vraies priorités claires et lisibles et savoir aussi coller au plus près des besoins locaux pour avoir l'action la plus pertinente.
C'est cet objectif que le gouvernement poursuit en proposant la décentralisation de la mise en oeuvre de la politique du logement.
Je suis convaincu qu'ainsi et en particulier grâce à vous nous continuerons à transformer nos communes et surtout nous améliorerons vraiment les
conditions de vie de nos concitoyens.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 28 mars 2003)