Déclaration de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi portant réforme du statut fiscal du mécénat et des fondations, à l'Assemblée nationale le 17 juillet 2003 et au Sénat le 21 juillet.

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Circonstance : Examen en deuxième lecture du projet de loi portant réforme du statut fiscal du mécénat et des fondations à l'Assemblée nationale le 17 juillet 2003 et au Sénat le 21 juillet 2003

Texte intégral

Deuxième lecture de la réforme du mécénat devant l'Assemblée nationale
jeudi 17 juillet 2003
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le 1er avril dernier, j'ai eu l'honneur de vous présenter le projet de loi en faveur du mécénat, des fondations et des associations. Je reviens vers vous aujourd'hui pour la deuxième lecture de ce texte.
Vous le savez, l'objectif du Gouvernement est de donner un nouveau souffle au mécénat et aux fondations dans notre pays. Le régime français du mécénat était jusqu'à présent peu incitatif et complexe. La France, de ce fait, accuse un grave retard en comparaison avec d'autres pays européens et avec les Etats-Unis. Ce constat ne met pas en cause la générosité des français mais la détermination des pouvoirs publics à l'encourager. Le gouvernement a donc voulu remédier à cet état de fait en proposant une réforme plus incitative et plus lisible en faveur du mécénat et des fondations, accordant à nos concitoyens le choix des causes auxquelles ils souhaitent consacrer cette générosité
Je tiens à souligner que l'implication des particuliers et des entreprises ne vise pas à se substituer à l'engagement de l'Etat et des collectivités territoriales. Elle interviendra à ses côtés dans une parfaite synergie afin d'oeuvrer plus efficacement à l'épanouissement de l'intérêt général.
Le projet de loi souligne ainsi la volonté du gouvernement de faire évoluer les mentalités et de témoigner sa confiance et sa reconnaissance à la société civile. Il est le résultat de la prise en compte des réflexions menées sur ce sujet en France, de la concertation avec les ministères dont les champs sont ouverts au mécénat, et d'un travail étroit avec le ministère de l'Intérieur, sur les fondations, et le ministère des Finances, s'agissant des mesures fiscales.
Le dispositif fiscal proposé par le projet de loi entend donner une nouvelle impulsion à l'initiative privée. Je tiens brièvement à vous en rappeler les principales orientations.
1- Premièrement, il s'agit de développer le mécénat des particuliers par un renforcement des incitations fiscales.
2- Il s'agit ensuite de favoriser le mécénat des entreprises, par un doublement de l'encouragement fiscal.
3- Il s'agit enfin d'alléger la fiscalité des fondations.
Après une première lecture dans chacune des Assemblées, le texte dont nous devons débattre comporte des avancées cohérentes et significatives en matière d'incitations fiscales en faveur du mécénat, des fondations et des associations. Je voudrais aborder plus particulièrement trois sujets qui vous sont soumis aujourd'hui. Les deux premiers sont relatifs aux dons des entreprises, le dernier aux dons des particuliers
1- S'agissant des dons des entreprises, j'évoquerai tout d'abord l'amendement déposé par la gouvernement destiné à permettre aux organismes publics ou privés, à gestion désintéressée et assujettis à la TVA, de bénéficier du dispositif en faveur du mécénat des entreprises. Cet amendement concerne notamment les associations et les établissements publics qui exercent leur activité dans les domaines du spectacle vivant et du cinéma.
Ces organismes n'atteignent leur équilibre que grâce aux concours de l'Etat et des collectivités locales. Ils sont, par ailleurs, assujettis à la TVA, et corrélativement aux autres impôts commerciaux. De ce fait, ils ne pourraient pas bénéficier des circuits de financement du mécénat, ce qui les handicaperait lourdement.
C'est la raison pour laquelle je vous propose l'extension du régime prévu par le projet de loi à ces organismes, sous réserve que leur gestion soit désintéressée et que les dons effectués soient exclusivement affectés à l'objet social de l'organisme. Les sociétés commerciales seraient évidemment exclues du cadre de cet amendement.
Cela concernerait donc les festivals, les orchestres, les théâtres, les ensembles musicaux et les compagnies.
2- Je souhaiterais ensuite développer l'amendement relatif aux biens culturels d'intérêt majeur, assimilables aux trésors nationaux.
Vous le savez, les Trésors nationaux font l'objet d'un refus de certificat d'exportation d'une durée de validité limitée à trente mois pendant lesquels l'Etat peut s'en porter acquéreur. Le cas échéant, le refus de certificat n'est pas renouvelable et le bien peut sortir du territoire national. La loi musée du 4 janvier 2002 accorde aux entreprises une réduction d'impôt de 40 % à l'acquisition pour son propre compte d'un trésor national, et de 90 % aux dons à l'Etat ou à une personne publique pour lui permettre d'acquérir un trésor national destiné à une collection publique. Ce régime s'applique uniquement aux trésors nationaux ainsi entendus. Il représente une avancée importante vers une protection active de notre patrimoine.
Votre Assemblée a apporté des améliorations supplémentaires au dispositif de la loi musée, en proposant son application à des oeuvres d'intérêt majeur qui présenteraient toutes les caractéristiques d'un trésor national, et ce, dans deux cas de figure.
- Le premier cas de figure concerne les biens culturels d'intérêt majeur situés à l'étranger. Vous avez adopté, en première lecture, l'extension du dispositif de la loi musée à l'achat de biens culturels d'intérêt majeur situés à l'étranger, qu'ils soient d'origine française ou étrangère.
- La seconde amélioration proposée par votre Assemblée porte sur les biens d'intérêt majeur entrés sur le territoire depuis moins de cinquante ans. Le décret du 29 septembre 2001, vise à préciser la Loi du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines limites d'exportation. A ce titre, les oeuvres d'intérêt majeur entrées sur le territoire national depuis moins de cinquante ans ne sont pas soumises à des limites d'exportation. Le Gouvernement a proposé un amendement visant à intégrer ces oeuvres dans le dispositif prévu par la loi musée. Je remercie la commission des Finances d'avoir été sensible à la perte que pourraient représenter ces biens pour le patrimoine français s'ils étaient amenés à partir à l'étranger, et d'avoir adopté en conséquence cet amendement.
Les deux extensions proposées au dispositif de la loi musée, ainsi que la suppression par le Sénat de son caractère temporaire, garantissent l'enrichissement du patrimoine artistique, historique et archéologique de la France. Le Parlement manifeste ainsi son attachement à la protection et à l'enrichissement de notre patrimoine.
3- S'agissant des dons des particuliers, le Sénat a souhaité introduire une différence de traitement fiscal pour les donateurs selon l'objet de l'oeuvre concernée. Les dons aux organismes qui procèdent à la fourniture gratuite de repas ou de soins à des personnes en difficulté, ou qui facilitent leur logement, seraient déductibles à 25 % du revenu imposable, et non à 20 % de celui-ci. La commission des Finances a relevé que la distinction faite par le Sénat vient à l'encontre du principe de simplicité qui est à la base de cette réforme.
Soucieuse d'éviter la multiplication des particularismes fiscaux, la commission a adopté deux amendements du rapporteur rétablissant le texte adopté en première lecture à l'Assemblée Nationale. Nous partageons tous la volonté de rendre l'impôt plus lisible pour nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle il ne semble effectivement pas judicieux de maintenir une mesure qui nuirait à cette compréhension et introduirait des distorsions entre les organismes d'intérêt général. Je me range à cet avis malgré l'immense considération que je porte aux organismes visés par l'amendement du Sénat. J'observe avec satisfaction que si le projet ne leur ménage pas des avantages spécifiques, il ne réduit en aucune façon ce dont ils bénéficiaient jusqu'alors. Il les améliore même en faisant évoluer le plafond auquel ils sont assujettis de 407 à 20 % du revenu imposable.
En conclusion, je souhaiterais de nouveau vous remercier pour l'intérêt dont vous avez témoigné pour cette réforme. Le projet de loi, promet, grâce à votre concours critique, un dispositif conforme aux attentes de nos concitoyens. Je salue le travail que vous avez accompli et vous en remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 5 septembre 2003)
Deuxième lecture de la réforme du mécénat devant le Sénat
lundi 21 juillet 2003
Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le 13 mai dernier, j'ai eu l'honneur de vous présenter le projet de loi en faveur du mécénat, des fondations et des associations. Je reviens vers vous aujourd'hui pour la deuxième lecture de ce texte.
Vous le savez, l'objectif de cette réforme est de donner un nouveau souffle à l'initiative des particuliers et des entreprises, en proposant un dispositif plus incitatif et plus lisible en faveur du mécénat et des fondations et en accordant à nos concitoyens le choix des causes auxquelles ils souhaitent consacrer leur générosité. Le projet de loi souligne ainsi la volonté profonde du gouvernement de faire évoluer durablement les mentalités et de témoigner sa confiance et sa reconnaissance à la société civile.
Je souhaite cependant rappeler que l'implication des particuliers et des entreprises ne vise pas à se substituer à l'engagement de l'Etat et des collectivités territoriales. Elle interviendra à ses côtés dans une parfaite complémentarité afin d'oeuvrer plus efficacement à l'épanouissement de l'intérêt général dans les secteurs culturels, sociaux, éducatifs, sportifs et philanthropiques.
Ce projet de loi est le résultat de la prise en compte des réflexions menées sur ce sujet en France, de la concertation avec les ministères dont les champs sont ouverts au mécénat, et d'un travail étroit avec le ministère de l'Intérieur, s'agissant des fondations, et le ministère des Finances, s'agissant des mesures fiscales.
Je tiens brièvement à vous rappeler les principales orientations de cette réforme.
1- Premièrement, il s'agit de développer le mécénat des particuliers par un renforcement des incitations fiscales.
2- Il s'agit ensuite de favoriser le mécénat des entreprises, par un doublement de l'encouragement fiscal.
3- Il s'agit enfin d'alléger la fiscalité des fondations.
Je remercie les parlementaires pour leur contribution essentielle dans l'élaboration de ce projet de loi. Avec votre concours, le dispositif fiscal prévu se révèle plus incitatif encore que ce qu'avait proposé initialement le Gouvernement, tout en conservant l'architecture cohérente souhaitée.
L'enrichissement de ce dispositif résulte notamment des modifications apportées par votre Assemblée en première lecture qui pour la plupart ont été appréciées et retenues par la commission des Finances de l'Assemblée Nationale. Je prendrai trois exemples d'améliorations significatives ainsi adoptées.
Le premier concerne l'abattement d'impôt sur les sociétés pour les fondations d'utilité publique. L'Assemblée, lors de la première lecture, avait augmenté le montant de cet abattement de 30 000 à 40 000. Vous avez oeuvré dans le même sens en portant ce montant à 50 000. La réduction d'impôt passerait donc de 15 000, actuellement appliquée, à plus du triple. Cette nouvelle disposition constituera un encouragement essentiel à la création de nouvelles fondations, dont vous connaissez aujourd'hui les difficultés.
Le deuxième traite de l'assouplissement des obligations d'exposition au public des oeuvres originales d'artistes vivants acquises par des entreprises. L'article 238 bis AB du Code Général des Impôts permet aux entreprises une déduction sur 5 ans du prix d'acquisition des oeuvres originales d'artistes vivants sous réserve que ces oeuvres soient exposées dans un lieu spécialement aménagé pour le public. Vous avez souhaité modifier cette condition en précisant qu'il suffisait que ce lieu soit accessible au public. Vous avez ainsi levé les contraintes matérielles qui privaient le texte d'une grande partie de sa portée.
Le dernier exemple concerne le dispositif prévu dans la loi musée du 4 janvier 2002. Comme vous le savez, cette loi accorde aux entreprises une réduction d'impôt de 40 % à l'acquisition pour leur propre compte d'un trésor national, et de 90 % aux dons à l'Etat ou à une personne publique pour lui permettre d'acquérir un trésor national destiné à une collection publique. Ce régime s'appliquait uniquement aux trésors nationaux ainsi entendus. L'Assemblée Nationale, successivement en première et en deuxième lecture, a proposé l'extension de ce dispositif aux oeuvres d'intérêt majeur qui présentent toutes les caractéristiques d'un trésor national situées à l'étranger ou entrées sur le territoire français depuis moins de cinquante ans. Votre Assemblée a supprimé le caractère provisoire de ce dispositif d'incitation fiscale, initialement limité par la loi musée à 2006, pour donner plus de visibilité aux entreprises potentiellement intéressées. L'ensemble de ces dispositions, l'extension du concept de Trésor National et de la durée d'application du dispositif de la loi musée, garantit l'enrichissement du patrimoine artistique, historique et archéologique de notre pays.
Il convient cependant de noter que l'Assemblée Nationale, en deuxième lecture, a enrichi à son tour ce projet de loi en prévoyant notamment le report sur cinq ans de la réduction d'impôt pour les entreprises mécènes déficitaires et en excluant les oeuvres d'art, acquises grâce au mécénat, des bases d'imposition de la taxe professionnelle.
Elle est par ailleurs revenue sur quelques points que vous aviez modifiés. Je souhaite retenir votre attention sur l'un d'eux.
Le point soulevé par l'Assemblée Nationale fait référence à votre volonté d'introduire une différence de traitement fiscal pour les donateurs selon l'objet de l'oeuvre concernée. Suite à la première lecture au Sénat, les dons aux organismes qui procèdent à la fourniture gratuite de repas ou de soins à des personnes en difficulté, ou qui facilitent leur hébergement, seraient déductibles à 25 % du revenu imposable, et non à 20 % de celui-ci. La commission des Finances a relevé que la distinction que vous aviez faite vient à l'encontre du principe de simplicité qui est à la base même de cette réforme. Nous partageons tous la volonté de rendre l'impôt plus lisible pour nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle il serait préférable d'écarter toute mesure qui nuirait à cette compréhension et introduirait des distorsions entre les organismes d'intérêt général. Je me suis rangé à cet avis malgré l'immense considération que je porte aux organismes visés par votre amendement. Il est vrai que le projet de loi, en proposant la généralisation du taux de 60 %, ne leur ménage certes pas d'avantages spécifiques, mais il leur ménage des conditions bien meilleures qu'auparavant. Je tiens à souligner que ce projet renforce considérablement l'avantage fiscal qui leur était conféré jusqu'alors par l'amendement " Coluche " en faisant évoluer le plafond de 407 à 20 % du revenu imposable.
Je voudrais enfin revenir sur l'engagement que j'ai pris devant vous, le 13 mai dernier, d'étudier la possibilité d'étendre le dispositif du mécénat à tous les organismes culturels, publics ou privés, dont la gestion est désintéressée. Vous le savez, ces organismes n'atteignent leur équilibre que grâce aux concours de l'Etat et des collectivités locales. Lorsqu'ils sont assujettis à la TVA, et corrélativement aux autres impôts commerciaux, ils ne peuvent aujourd'hui bénéficier des circuits de financement du mécénat, ce qui les handicape lourdement. Ils sont contraints de faire appel au parrainage, alors que les avantages du mécénat sont supérieurs à ceux du parrainage. Suite à un amendement du Gouvernement, adopté en deuxième lecture de l'Assemblée Nationale, la possibilité de recourir au mécénat serait désormais ouverte aux festivals. Cette extension représente une avancée significative pour ces organismes aux ressources insuffisantes. Je demeure néanmoins conscient qu'elle ne constitue qu'une première étape vers une application plus large aux structures permanentes du spectacle vivant et de la musique, soumises aux mêmes contraintes. J'entends donc déployer dans les prochains mois les efforts nécessaires pour y parvenir. J'ai obtenu l'engagement de mon collègue Alain Lambert pour que cette question soit traitée au plus tard dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Il serait aberrant qu'un festival puisse bénéficier des dispositions du mécénat et que des structures permanentes en soient privées.
En conclusion, je souhaiterais saluer l'intérêt dont vous avez témoigné pour cette réforme. Je remercie notamment le Rapporteur pour la commission des Finances, Monsieur Gaillard, et son Président, Monsieur Jean Arthuis, le Rapporteur pour la Commission des Affaires Culturelles, Monsieur Philippe Nachbar, et son Président, Monsieur Jacques Valade, pour leur très efficace contribution à l'élaboration et au débat de ce texte. La commission des Finances a proposé l'adoption conforme du texte de l'Assemblée Nationale. Après nos débats d'aujourd'hui, le projet de loi devrait être voté définitivement par le Parlement. Il donnera ainsi une véritable impulsion au mécénat et aux fondations. La France, après avoir accusé un grand retard dans ce domaine, peut enfin espérer se doter d'un dispositif moderne, et j'ajouterai même exemplaire à bien des égards en comparaison avec d'autres démocraties occidentales.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 5 septembre 2003)