Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "La Croix" du 21 mai 2003, sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer, pour une stratégie de développement des régions ultramarines.

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Média : La Croix

Texte intégral

LA CROIX : Pourquoi une nouvelle loi pour l'outre-mer ?
B.GIRARDIN :
Il ne s'agit pas d'abroger les dispositions existantes. Il s'agit de les corriger, de les cibler sur des secteurs prioritaires et d'innover avec une loi-programme sur 15 ans, qui définit pour l'outre-mer une véritable stratégie de développement durable et fixe un cadre stable et sécurisé indispensable pour rétablir la confiance des décideurs économiques.
LA CROIX : Que corrigez-vous et en quoi innovez-vous ?
B.GIRARDIN :
Dans le passé, des dispositifs ont été adoptés pour aider à la création d'emplois outre-mer : la loi Perben de 1994, confirmée par la loi d'orientation de 2000, a initié l'allégement de charges sociales pour les entreprises ; la loi Pons de 1986 a, du moins au début, car elle a fini par ne plus être appliquée, permis une défiscalisation de certains investissements. La loi-programme va s'attaquer à ces mêmes difficultés structurelles de l'outre-mer (coûts élevés du travail et du capital) par des dispositifs encore plus ambitieux. L'objectif est de sortir, pour les jeunes, notamment, de la logique des emplois publics aidés, qui se révèlent précaires, et d'opérer un basculement vers de vrais emplois durables. L'exonération des charges sociales continuera de bénéficier aux entreprises comptant dix salariés au plus, sans que celles-ci soient pénalisées si elles recrutent un onzième salarié ; elle sera renforcée dans le BTP (bâtiment, travaux publics) pour lutter contre le travail clandestin, et sera pour la première fois, en vertu de la continuité territoriale, appliquée aux compagnies aériennes, maritimes et fluviales desservant l'outre-mer. En matière de défiscalisation des investissements, qui ont fortement régressé outre-mer ces dernières années, nous mettons l'accent sur les petits projets et sur les secteurs les plus porteurs et instaurons une procédure interministérielle d'agrément. Enfin, les dispositifs de la nouvelle loi pourront être ajustés, si nécessaire, dans le cadre d'une évaluation faite tous les trois ans.
LA CROIX : Quels sont les secteurs les plus porteurs ?
B.GIRARDIN :
Bien sûr le tourisme, où il y a urgence : la réhabilitation hôtelière bénéficiera par exemple, d'une défiscalisation de l'investissement à hauteur de 70 %. Nous favoriserons aussi le logement social et l'agriculture. Nous mettrons, enfin, l'accent sur les secteurs à fortes potentialités tels que la recherche, les énergies renouvelables (solaire, éolienne, géothermie), l'aquaculture et les cultures marines.
LA CROIX : N'y a-t-il pas aussi un problème d'image pour l'outre-mer ?
B.GIRARDIN :
Je souffre de voir que l'outre-mer en métropole est non seulement méconnu, mais fait aussi l'objet de contre-vérités. Ainsi, contrairement à une idée reçue, un habitant ultramarin coûte en moyenne moins cher (4 132 euros par an) au budget de l'État qu'un habitant métropolitain (4 220 euros). L'outre-mer est une chance et non pas une charge, car c'est la dimension mondiale de la France et la nouvelle frontière de l'Europe. Malgré le poids de la démographie, la baisse du chômage actuellement observée ( -7,2 % en mars 2003 dans les DOM par rapport à l'année dernière ) contribue aussi à me rendre optimiste.
LA CROIX : Des référendums sont-ils envisagés en outre-mer sur l'avenir de ses institutions politiques ?
B.GIRARDIN :
Nous avons révisé la Constitution pour que l'outre-mer puisse bénéficier d'institutions et de compétences aménagées, tout en renforçant leur ancrage dans la République. Dans ce cadre, chaque collectivité peut, après consultation de la population, être dotée d'un statut sur mesure. Il appartient au gouvernement de s'assurer de la conformité constitutionnelle de ces choix, et ensuite au président de la République de décider la tenue de consultations locales. Si ces conditions sont réunies, il n'est pas exclu que des référendums puissent se tenir dans les prochains mois.
Propos recueillis par Antoine FOUCHET

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 mai 2003)