Texte intégral
François Bayrou, bonsoir.
Bonsoir
Vous teniez les Journées parlementaires de l'UDF pendant ce week-end en Côte-d'Or et franchement à entendre les propos que vous-même et vos amis ont tenus, on se demande si vous n'êtes pas aujourd'hui le chef d'un parti d'opposition. François Bayrou, président de l'UDF, premier opposant au gouvernement ?
Pour être dans la majorité il y a un critère très précis : c'est, voulez-vous que cela marche, que cela réussisse ou pas. Nous, nous voudrions que cela réussisse, mais parmi les Français de la majorité, il y en a aujourd'hui des millions qui ne comprennent pas bien où l'on va parce qu'ils se trouvent placés presque chaque jour devant des décisions contradictoires entre elles et qui ne vont pas dans le sens des principes qui sont les nôtres. On en a vu deux dans la période récente.
La première, quelques jours à peine après avoir annoncé à grands sons de trompe la baisse des impôts, on annonce la hausse du gazole à la pompe. Naturellement, les Français disent " c'est pour prendre d'une main ce qu'on nous donne de l'autre " parce que ceux qui achètent le gazole à la pompe c'est aussi beaucoup de Français qui travaillent. Puis deuxième décision, pour moi encore plus lourde de conséquences, la décision de supprimer l'allocation des chômeurs en fin de droits pour les envoyer au RMI, cela pour plusieurs centaines de milliers de personnes. Comment voulez-vous qu'un homme comme moi, comment voulez-vous qu'une formation politique comme la nôtre, ne dise rien quand on prend des mesures qui sont aussi incohérentes et, pour certaines d'entre elles, injustes. Alors nous disons, c'est un danger, c'est une mauvaise direction, il faut la changer.
Est-ce que vous avez eu le sentiment en écoutant la prestation médiatique du Premier ministre, hier soir, qu'il redonnait de la cohérence à son action et de la proximité à la politique de son gouvernement ?
Ce n'était pas cet exercice-là. D'abord il se bat et c'est tout à fait normal, enfin le Premier ministre se bat médiatiquement et je comprends tout à fait cela. Et il y a beaucoup de cruauté aussi dans les commentaires qui sont faits, alors qu'il y a quelques semaines c'était naturellement le contraire ; ce sont les vagues médiatiques, vous en savez quelque chose. Ce qui frappe, c'est qu'on ne voit pas bien les grands principes de l'action. Si on demandait aujourd'hui aux Français, même les plus sympathisants de l'action du gouvernement, quels sont ses grands principes, je crois qu'ils auraient beaucoup de mal à le dire. Or, dans un pays en crise profonde, la lisibilité de l'action et sa cohérence est une donnée essentielle de l'adhésion du pays. S'il n'y a pas cet élan, cette volonté partagée, à ce moment-là chacun doute. Et quand chacun doute vous savez ce qu'il fait ? Il défend ses acquis. Beaucoup de gens disent explosions des égoïsmes et des corporatismes. Cela n'est pas étonnant. A partir du moment où il y a incertitudes sur la direction choisie, chacun se replie sur lui-même et défend ses acquis.
Parlons-un peu de la lisibilité de votre propre attitude. Vous avez dit à l'instant que vous contestiez deux mesures, la hausse du gazole et la suppression de certaines allocations en fin de droits des chômeurs et en contre-partie la baisse des impôts. Vous allez amender, proposer des amendements au budget et notamment une baisse des impôts qui ne serait que de 1%. En contre-partie on ne baisserait pas le gazole et on ne supprimerait pas ces fameuses allocations chômage en fin de droits
vous dites " fameuses "
le mot est mal choisi
je veux dire simplement que pour beaucoup de gens, c'est tout ce qui reste. Pas seulement d'argent, mais de dignité. Ce n'est pas tout à fait la même chose, le RMI et le chômage. Quand vous êtes dans la situation de ne plus avoir d'emploi depuis deux ans, comment voulez-vous vivre l'entrée au RMI autrement que comme une relégation ? Donc il y a là, franchement pour moi, un signal social qui ne va pas dans la direction à laquelle nous nous étions engagés.
Cela peut être aussi un signal de revalorisation du travail ?
Non, pas celui-là. Les chômeurs sont des victimes de l'absence de travail. On ne va pas se mettre à laisser croire qu'au fond les gens qui sont au chômage c'est parce qu'ils le veulent bien, que les gens qui sont au chômage depuis deux ans c'est parce qu'ils ne voudraient pas trouver du travail. Je ne partage pas du tout ce point de vue et, encore une fois, ce n'est pas la direction. Dois-je rappeler que la fracture sociale a fait le fond de notre vie politique il y a peu d'années
1995, élection présidentielle
nous en sommes encore, à mes yeux, à une fracture sociale aggravée. Je ne pense pas du tout que la fracture sociale se soit comblée. Je pense qu'elle existe et qu'il faut prendre garde, étant donnée l'état de la société française, à la creuser encore.
Précisément, si l'amendement que vous souhaitez n'est pas accepté, est-ce que vous allez voter un budget qui, de fait, n'aura pas de cohérence ?
Je ne me lance jamais dans une bagarre avec l'hypothèse que nous allons la perdre
il y a ce problème de la hausse des impôts que vous contestez parce que vous la jugez incohérente avec les mesures que l'on vient d'opter
Non, pas seulement
Il y a un déficit que vous contestez. C'est tout une cohérence que vous mettez en cause. Est-ce qu'on peut voter un budget dans ces conditions ?
Je le dirai au Premier ministre dans la discussion budgétaire. Mais, vous qui observez très bien la vie parlementaire, de nombreux parlementaires pour ne pas dire une majorité de parlementaires y compris de l'UMP, partagent dans leur for intérieur ce jugement qu'ils expriment à voix basse et même, quelques-uns d'entre eux, le président de la Commission des finances Pierre Méhaignerie par exemple, ont dit au début du processus budgétaire, exactement ce que je dis. Alors ma parole est libre, c'est pourquoi d'ailleurs nous avons voulu cette liberté et donc je l'exprime mieux. Mais, le Parlement en France ,s'il a un sens, c'est bien pour traduire le sentiment de tous ces parlementaires qui disent " attention, on est en train de prendre des risques ". Nous, nous sommes là pour leur offrir cette occasion de parler et j'espère qu'ils vont s'en saisir.
Et s'ils ne s'en saisissent pas ?
Et bien au terme du processus nous déciderons.
Je veux dire que l'on peut rester dans la majorité sans voter le budget ?
Au terme du processus, il y aura par l'UDF un jugement du budget.
Ma question est claire : est-ce qu'on peut rester dans la majorité sans voter le budget ?
Je sais bien que vous voulez tourner autour. Je vous dis clairement que nous allons déposer des amendements et au terme du processus nous jugerons
votre religion n'est pas faite à l'avance
Absolument. Parce que ce, qui se passe dans le pays, certains pensent que ce n'est pas important, je trouve, moi, que c'est grave. J'ai été frappé, vous aussi peut-être- vous êtes un homme de télévision - par la violence de deux images que nous avons vu ce week-end : l'interpellation vigoureuse - plus que ça, dure - du Premier ministre par les salariés de la SNECMA, et encore plus les images de Toulouse autour du drame AZF et des péripéties qui s'y sont déroulées par la suite ou, en tout cas, des insatisfactions
où on a vu le Maire de Toulouse effectivement sifflé et hué
Je trouve qu'il y a beaucoup de violence latente dans la société française. Quel est le moyen de faire baisser la violence dans une société ? C'est que la démocratie marche. C'est que les élus s'expriment. C'est que ceux qui ont quelque chose à dire le disent sans que l'on sache avant d'ouvrir le poste ce qu'ils vont dire ; pour ceux de la majorité " bravo c'est formidable ", pour ceux de l'opposition " tout est nul ". Nous, nous sommes une force politique libre et qui donc apporte de l'espoir
Est-ce que vous apportez aussi des propositions ?
Absolument. Je viens d'en faire une, vous l'avez rappelé vous-même, sur l'équilibre entre ces mesures pour l'une incohérente et pour l'autre injuste et une diminution de la baisse des impôts. Pour en revenir à la baisse des impôts, je ne crois pas, pour ma part, qu'aggraver le déficit et augmenter la dette ce soit la voie pour la France. La voie pour la France, au contraire, c'est de rechercher l'équilibre et donc une réforme de l'État. Mais une réforme de l'État claire qui dise, il y a deux genres de secteurs : il y a le secteur de l'État sur le terrain, l'Éducation, la Santé, la Sécurité et il y a un autre État, un État de papier, d'administration, de contrôle. Cet État-là, il est nécessaire de
de le dégraisser
de faire les réformes qui s'imposent, de le rendre plus productif. Par exemple, nous sommes le seul pays en Europe à ne pas avoir fait la retenue à la source de l'impôt sur le revenu, alors que cela économise évidemment beaucoup d'interventions de l'État. Nous avons inventé un système qui s'appelle la prime pour l'emploi. Ce n'est pas nous qui l'avons inventé, c'est le PS. Tout le monde avait applaudi à cette époque, moi pas. Parce que employer des fonctionnaires pour prélever un impôt et le redistribuer aux travailleurs, il vaudrait mieux que ce soient les salaires qui apportent cela. Je préconise une augmentation du salaire direct par la baisse des charges et qu'au moins on n'alourdisse pas l'Etat de ce travail et de cette charge.
Vous allez être confronté à un autre choix parce que vous allez devoir voter ou ne pas voter une loi de financement de la Sécurité sociale. Le ministre de la Santé, M. Mattéi, a annoncé aujourd'hui dans les Journées parlementaires de l'UMP un déficit " abyssal " de la Sécurité sociale et notamment de l'assurance maladie. Or, le gouvernement veut dissocier la loi de finances d'une réforme qui viendra plus tard
beaucoup plus tard
sans doute beaucoup plus tard, semble-t-il que le Président de la République a souhaité qu'on l'étale dans le temps. Vous souhaitez le contraire. Pensez-vous que l'on peut dès le vote de la loi de finances voter quelque chose qui serait une réforme du système de santé ?
Sûrement pas.
Que faire pour le financement immédiat ?
Il faut commencer la réforme tout de suite. Il faut, la semaine prochaine, dans le débat sur le financement de la Sécurité sociale mettre d'ores et déjà à plat les grands problèmes qui se posent. Notre système de santé est dans un état tel que nous avons connu 15 ou 20 000 décès qui n'auraient pas dû se produire. Est-ce que cela ne vaut pas qu'on commence tout de suite la réforme ? L'attendre un an, comme paraît-il c'est le calendrier qui a été fixé, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il nous faudra rembourser beaucoup d'argent en plus et que le système de santé ne sera pas refonder comme il doit l'être.
Même si l'on prend en compte ce que vous venez de dire, néanmoins, il faut trouver rapidement de l'argent pour la loi de financement 2004 dans l'immédiat. Qu'est-ce que vous proposez pour en trouver puisque apparemment les recettes prévues ne sont pas suffisantes ?
Pierre-Luc Séguillon je ne veux pas vous répondre comme cela.
Vous pouvez peut-être me répondre parce que tout le monde évoque une possibilité, c'est l'augmentation de la CSG.
Et bien vous voyez à quel point ce serait incohérent de dire on baisse l'impôt sur le revenu ou on continue la baisse de l'impôt sur le revenu en augmentant la CSG qui est, on le sait bien, un impôt sur le revenu, sur tous les revenus. Vous voyez bien que la façon française avec laquelle on multiplie des promesses en période électorale, se trouve brutalement démentie par les faits. Donc, pour moi, cela veut dire qu'il faut changer l'approche politique pour que les responsables ne soient plus piégés par leurs propres promesses quand elles sont trop éloignées de la réalité.
Une question sur Alstom. On sait aujourd'hui que probablement on va avoir un nouveau plan de sauvetage qui est accepté à la fois par la Commission et par les banques, mais qui risque de ne pas être durable. Autrement dit, l'engagement de l'État n'est pas durable dans Alstom ce qui fait que ce ne sera qu'un plan partiel et qu'Alstom devrait vendre une partie de ses appartements
le plan est absolument durable. Simplement il est réversible et c'est ce que la Commission européenne demandait non pas par plaisir, mais parce que ce sont les engagements que nous avons signés et les disciplines que nous avons exigées. C'est nous, France, et parfois même les mêmes protagonistes ou les mêmes courants d'opinion qui ont apposé leur signature sur cette règle européenne en disant qu'il ne faut pas que l'État vienne intervenir directement dans les fonds propres d'une entreprise. C'est nous qui l'avons exigé ! Donc cela veut dire que l'accord était parfaitement possible. On a dit " abus de la Commission ", mais c'était possible dans les règles que nous avions fixées. Simplement et heureusement à mes yeux c'est réversible parce que les Français devraient se souvenir par l'affaire du Crédit Lyonnais et quelques autres, que lorsque l'État se trouve pris dans un accident industriel et financier, cela coûte très cher au contribuable.
Dans ce contexte - dernière question qui préoccupe les observateurs - est-ce qu'aux élections régionales vous allez faire cavalier seul ? Est-ce que vous avoir des listes UDF ? On a l'impression que vous vous y préparez - en désignant André Santini sur l'Ile-de-France, François Sauvadet sur la Bourgogne - ou allez-vous faire listes communes ?
Bourgogne, Ile-de-France. Deux régions qui illustrent très bien la démarche qui est la nôtre. Un président contre lequel personnellement je ne veux rien à voir - ce ne sont pas des affaires personnelles - qui se disant de la droite républicaine a été ministre de François Mitterrand et allié du Front national à deux reprises.
Jean-Pierre Soisson, pour ne pas le nommer.
Franchement, pour un mouvement politique qui dit qu'il faut de la clarté en politique, après avoir mené le combat qui a été le nôtre - vous vous en souvenez en 1998 contre ces accords avec le Front national - il faut que nous proposions ce renouvellement et cette clarté. Premier point.
En Ile-de-France on cherche un candidat partout
Jean-François Copé ce n'est pas le renouvellement ? La jeunesse ?
et quand on regarde les élus d'Ile-de-France, il y a en a un qui a réussi admirablement comme élu local à Issy-les-Moulineaux - demandez aux habitants -, dans sa vision - c'est l'homme qui a introduit les nouvelles communications et internet dans, non seulement une ville, mais même la démocratie de cette ville - et tout le monde le dit dans le monde. C'est un homme que tous les Français connaissent parce qu'il y de sa part une présence, un sens de l'humour. Pourquoi tout cela ? Parce que c'est un homme humain, c'est quelqu'un qui aime les gens. Est-ce que cela ne fait pas le portrait robot. Alors nous disons, voilà une hypothèse pour changer le jeu. Parce qu'autrement cela recommence comme avant, c'est énarque contre énarque. Je n'ai rien contre les énarques, mais j'avais cru comprendre qu'on voulait un peu bouger le moule. La novation de l'UDF c'est que, précisément, elle apporte des visages nouveaux dans le jeu, elle propose de leur faire confiance et je trouve que cela mérite qu'on y réfléchisse.
Combien de temps encore ?
En octobre nous désignerons nos chefs de file.
Donc il n'y aura pas de listes communes, nulle part ?
Nous aurons un chef de file par région et après, région par région, on verra. Par exemple, les régions où il y a des menaces très grandes de l'extrémisme, naturellement nous en tiendrons compte. Du renouvellement, de la clarté, il me semble que cela peut faire un programme de préparation de ces élections.
François Bayrou, merci beaucoup.
(Source http://www.udf.org, le 25 septembre 2003)
Bonsoir
Vous teniez les Journées parlementaires de l'UDF pendant ce week-end en Côte-d'Or et franchement à entendre les propos que vous-même et vos amis ont tenus, on se demande si vous n'êtes pas aujourd'hui le chef d'un parti d'opposition. François Bayrou, président de l'UDF, premier opposant au gouvernement ?
Pour être dans la majorité il y a un critère très précis : c'est, voulez-vous que cela marche, que cela réussisse ou pas. Nous, nous voudrions que cela réussisse, mais parmi les Français de la majorité, il y en a aujourd'hui des millions qui ne comprennent pas bien où l'on va parce qu'ils se trouvent placés presque chaque jour devant des décisions contradictoires entre elles et qui ne vont pas dans le sens des principes qui sont les nôtres. On en a vu deux dans la période récente.
La première, quelques jours à peine après avoir annoncé à grands sons de trompe la baisse des impôts, on annonce la hausse du gazole à la pompe. Naturellement, les Français disent " c'est pour prendre d'une main ce qu'on nous donne de l'autre " parce que ceux qui achètent le gazole à la pompe c'est aussi beaucoup de Français qui travaillent. Puis deuxième décision, pour moi encore plus lourde de conséquences, la décision de supprimer l'allocation des chômeurs en fin de droits pour les envoyer au RMI, cela pour plusieurs centaines de milliers de personnes. Comment voulez-vous qu'un homme comme moi, comment voulez-vous qu'une formation politique comme la nôtre, ne dise rien quand on prend des mesures qui sont aussi incohérentes et, pour certaines d'entre elles, injustes. Alors nous disons, c'est un danger, c'est une mauvaise direction, il faut la changer.
Est-ce que vous avez eu le sentiment en écoutant la prestation médiatique du Premier ministre, hier soir, qu'il redonnait de la cohérence à son action et de la proximité à la politique de son gouvernement ?
Ce n'était pas cet exercice-là. D'abord il se bat et c'est tout à fait normal, enfin le Premier ministre se bat médiatiquement et je comprends tout à fait cela. Et il y a beaucoup de cruauté aussi dans les commentaires qui sont faits, alors qu'il y a quelques semaines c'était naturellement le contraire ; ce sont les vagues médiatiques, vous en savez quelque chose. Ce qui frappe, c'est qu'on ne voit pas bien les grands principes de l'action. Si on demandait aujourd'hui aux Français, même les plus sympathisants de l'action du gouvernement, quels sont ses grands principes, je crois qu'ils auraient beaucoup de mal à le dire. Or, dans un pays en crise profonde, la lisibilité de l'action et sa cohérence est une donnée essentielle de l'adhésion du pays. S'il n'y a pas cet élan, cette volonté partagée, à ce moment-là chacun doute. Et quand chacun doute vous savez ce qu'il fait ? Il défend ses acquis. Beaucoup de gens disent explosions des égoïsmes et des corporatismes. Cela n'est pas étonnant. A partir du moment où il y a incertitudes sur la direction choisie, chacun se replie sur lui-même et défend ses acquis.
Parlons-un peu de la lisibilité de votre propre attitude. Vous avez dit à l'instant que vous contestiez deux mesures, la hausse du gazole et la suppression de certaines allocations en fin de droits des chômeurs et en contre-partie la baisse des impôts. Vous allez amender, proposer des amendements au budget et notamment une baisse des impôts qui ne serait que de 1%. En contre-partie on ne baisserait pas le gazole et on ne supprimerait pas ces fameuses allocations chômage en fin de droits
vous dites " fameuses "
le mot est mal choisi
je veux dire simplement que pour beaucoup de gens, c'est tout ce qui reste. Pas seulement d'argent, mais de dignité. Ce n'est pas tout à fait la même chose, le RMI et le chômage. Quand vous êtes dans la situation de ne plus avoir d'emploi depuis deux ans, comment voulez-vous vivre l'entrée au RMI autrement que comme une relégation ? Donc il y a là, franchement pour moi, un signal social qui ne va pas dans la direction à laquelle nous nous étions engagés.
Cela peut être aussi un signal de revalorisation du travail ?
Non, pas celui-là. Les chômeurs sont des victimes de l'absence de travail. On ne va pas se mettre à laisser croire qu'au fond les gens qui sont au chômage c'est parce qu'ils le veulent bien, que les gens qui sont au chômage depuis deux ans c'est parce qu'ils ne voudraient pas trouver du travail. Je ne partage pas du tout ce point de vue et, encore une fois, ce n'est pas la direction. Dois-je rappeler que la fracture sociale a fait le fond de notre vie politique il y a peu d'années
1995, élection présidentielle
nous en sommes encore, à mes yeux, à une fracture sociale aggravée. Je ne pense pas du tout que la fracture sociale se soit comblée. Je pense qu'elle existe et qu'il faut prendre garde, étant donnée l'état de la société française, à la creuser encore.
Précisément, si l'amendement que vous souhaitez n'est pas accepté, est-ce que vous allez voter un budget qui, de fait, n'aura pas de cohérence ?
Je ne me lance jamais dans une bagarre avec l'hypothèse que nous allons la perdre
il y a ce problème de la hausse des impôts que vous contestez parce que vous la jugez incohérente avec les mesures que l'on vient d'opter
Non, pas seulement
Il y a un déficit que vous contestez. C'est tout une cohérence que vous mettez en cause. Est-ce qu'on peut voter un budget dans ces conditions ?
Je le dirai au Premier ministre dans la discussion budgétaire. Mais, vous qui observez très bien la vie parlementaire, de nombreux parlementaires pour ne pas dire une majorité de parlementaires y compris de l'UMP, partagent dans leur for intérieur ce jugement qu'ils expriment à voix basse et même, quelques-uns d'entre eux, le président de la Commission des finances Pierre Méhaignerie par exemple, ont dit au début du processus budgétaire, exactement ce que je dis. Alors ma parole est libre, c'est pourquoi d'ailleurs nous avons voulu cette liberté et donc je l'exprime mieux. Mais, le Parlement en France ,s'il a un sens, c'est bien pour traduire le sentiment de tous ces parlementaires qui disent " attention, on est en train de prendre des risques ". Nous, nous sommes là pour leur offrir cette occasion de parler et j'espère qu'ils vont s'en saisir.
Et s'ils ne s'en saisissent pas ?
Et bien au terme du processus nous déciderons.
Je veux dire que l'on peut rester dans la majorité sans voter le budget ?
Au terme du processus, il y aura par l'UDF un jugement du budget.
Ma question est claire : est-ce qu'on peut rester dans la majorité sans voter le budget ?
Je sais bien que vous voulez tourner autour. Je vous dis clairement que nous allons déposer des amendements et au terme du processus nous jugerons
votre religion n'est pas faite à l'avance
Absolument. Parce que ce, qui se passe dans le pays, certains pensent que ce n'est pas important, je trouve, moi, que c'est grave. J'ai été frappé, vous aussi peut-être- vous êtes un homme de télévision - par la violence de deux images que nous avons vu ce week-end : l'interpellation vigoureuse - plus que ça, dure - du Premier ministre par les salariés de la SNECMA, et encore plus les images de Toulouse autour du drame AZF et des péripéties qui s'y sont déroulées par la suite ou, en tout cas, des insatisfactions
où on a vu le Maire de Toulouse effectivement sifflé et hué
Je trouve qu'il y a beaucoup de violence latente dans la société française. Quel est le moyen de faire baisser la violence dans une société ? C'est que la démocratie marche. C'est que les élus s'expriment. C'est que ceux qui ont quelque chose à dire le disent sans que l'on sache avant d'ouvrir le poste ce qu'ils vont dire ; pour ceux de la majorité " bravo c'est formidable ", pour ceux de l'opposition " tout est nul ". Nous, nous sommes une force politique libre et qui donc apporte de l'espoir
Est-ce que vous apportez aussi des propositions ?
Absolument. Je viens d'en faire une, vous l'avez rappelé vous-même, sur l'équilibre entre ces mesures pour l'une incohérente et pour l'autre injuste et une diminution de la baisse des impôts. Pour en revenir à la baisse des impôts, je ne crois pas, pour ma part, qu'aggraver le déficit et augmenter la dette ce soit la voie pour la France. La voie pour la France, au contraire, c'est de rechercher l'équilibre et donc une réforme de l'État. Mais une réforme de l'État claire qui dise, il y a deux genres de secteurs : il y a le secteur de l'État sur le terrain, l'Éducation, la Santé, la Sécurité et il y a un autre État, un État de papier, d'administration, de contrôle. Cet État-là, il est nécessaire de
de le dégraisser
de faire les réformes qui s'imposent, de le rendre plus productif. Par exemple, nous sommes le seul pays en Europe à ne pas avoir fait la retenue à la source de l'impôt sur le revenu, alors que cela économise évidemment beaucoup d'interventions de l'État. Nous avons inventé un système qui s'appelle la prime pour l'emploi. Ce n'est pas nous qui l'avons inventé, c'est le PS. Tout le monde avait applaudi à cette époque, moi pas. Parce que employer des fonctionnaires pour prélever un impôt et le redistribuer aux travailleurs, il vaudrait mieux que ce soient les salaires qui apportent cela. Je préconise une augmentation du salaire direct par la baisse des charges et qu'au moins on n'alourdisse pas l'Etat de ce travail et de cette charge.
Vous allez être confronté à un autre choix parce que vous allez devoir voter ou ne pas voter une loi de financement de la Sécurité sociale. Le ministre de la Santé, M. Mattéi, a annoncé aujourd'hui dans les Journées parlementaires de l'UMP un déficit " abyssal " de la Sécurité sociale et notamment de l'assurance maladie. Or, le gouvernement veut dissocier la loi de finances d'une réforme qui viendra plus tard
beaucoup plus tard
sans doute beaucoup plus tard, semble-t-il que le Président de la République a souhaité qu'on l'étale dans le temps. Vous souhaitez le contraire. Pensez-vous que l'on peut dès le vote de la loi de finances voter quelque chose qui serait une réforme du système de santé ?
Sûrement pas.
Que faire pour le financement immédiat ?
Il faut commencer la réforme tout de suite. Il faut, la semaine prochaine, dans le débat sur le financement de la Sécurité sociale mettre d'ores et déjà à plat les grands problèmes qui se posent. Notre système de santé est dans un état tel que nous avons connu 15 ou 20 000 décès qui n'auraient pas dû se produire. Est-ce que cela ne vaut pas qu'on commence tout de suite la réforme ? L'attendre un an, comme paraît-il c'est le calendrier qui a été fixé, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il nous faudra rembourser beaucoup d'argent en plus et que le système de santé ne sera pas refonder comme il doit l'être.
Même si l'on prend en compte ce que vous venez de dire, néanmoins, il faut trouver rapidement de l'argent pour la loi de financement 2004 dans l'immédiat. Qu'est-ce que vous proposez pour en trouver puisque apparemment les recettes prévues ne sont pas suffisantes ?
Pierre-Luc Séguillon je ne veux pas vous répondre comme cela.
Vous pouvez peut-être me répondre parce que tout le monde évoque une possibilité, c'est l'augmentation de la CSG.
Et bien vous voyez à quel point ce serait incohérent de dire on baisse l'impôt sur le revenu ou on continue la baisse de l'impôt sur le revenu en augmentant la CSG qui est, on le sait bien, un impôt sur le revenu, sur tous les revenus. Vous voyez bien que la façon française avec laquelle on multiplie des promesses en période électorale, se trouve brutalement démentie par les faits. Donc, pour moi, cela veut dire qu'il faut changer l'approche politique pour que les responsables ne soient plus piégés par leurs propres promesses quand elles sont trop éloignées de la réalité.
Une question sur Alstom. On sait aujourd'hui que probablement on va avoir un nouveau plan de sauvetage qui est accepté à la fois par la Commission et par les banques, mais qui risque de ne pas être durable. Autrement dit, l'engagement de l'État n'est pas durable dans Alstom ce qui fait que ce ne sera qu'un plan partiel et qu'Alstom devrait vendre une partie de ses appartements
le plan est absolument durable. Simplement il est réversible et c'est ce que la Commission européenne demandait non pas par plaisir, mais parce que ce sont les engagements que nous avons signés et les disciplines que nous avons exigées. C'est nous, France, et parfois même les mêmes protagonistes ou les mêmes courants d'opinion qui ont apposé leur signature sur cette règle européenne en disant qu'il ne faut pas que l'État vienne intervenir directement dans les fonds propres d'une entreprise. C'est nous qui l'avons exigé ! Donc cela veut dire que l'accord était parfaitement possible. On a dit " abus de la Commission ", mais c'était possible dans les règles que nous avions fixées. Simplement et heureusement à mes yeux c'est réversible parce que les Français devraient se souvenir par l'affaire du Crédit Lyonnais et quelques autres, que lorsque l'État se trouve pris dans un accident industriel et financier, cela coûte très cher au contribuable.
Dans ce contexte - dernière question qui préoccupe les observateurs - est-ce qu'aux élections régionales vous allez faire cavalier seul ? Est-ce que vous avoir des listes UDF ? On a l'impression que vous vous y préparez - en désignant André Santini sur l'Ile-de-France, François Sauvadet sur la Bourgogne - ou allez-vous faire listes communes ?
Bourgogne, Ile-de-France. Deux régions qui illustrent très bien la démarche qui est la nôtre. Un président contre lequel personnellement je ne veux rien à voir - ce ne sont pas des affaires personnelles - qui se disant de la droite républicaine a été ministre de François Mitterrand et allié du Front national à deux reprises.
Jean-Pierre Soisson, pour ne pas le nommer.
Franchement, pour un mouvement politique qui dit qu'il faut de la clarté en politique, après avoir mené le combat qui a été le nôtre - vous vous en souvenez en 1998 contre ces accords avec le Front national - il faut que nous proposions ce renouvellement et cette clarté. Premier point.
En Ile-de-France on cherche un candidat partout
Jean-François Copé ce n'est pas le renouvellement ? La jeunesse ?
et quand on regarde les élus d'Ile-de-France, il y a en a un qui a réussi admirablement comme élu local à Issy-les-Moulineaux - demandez aux habitants -, dans sa vision - c'est l'homme qui a introduit les nouvelles communications et internet dans, non seulement une ville, mais même la démocratie de cette ville - et tout le monde le dit dans le monde. C'est un homme que tous les Français connaissent parce qu'il y de sa part une présence, un sens de l'humour. Pourquoi tout cela ? Parce que c'est un homme humain, c'est quelqu'un qui aime les gens. Est-ce que cela ne fait pas le portrait robot. Alors nous disons, voilà une hypothèse pour changer le jeu. Parce qu'autrement cela recommence comme avant, c'est énarque contre énarque. Je n'ai rien contre les énarques, mais j'avais cru comprendre qu'on voulait un peu bouger le moule. La novation de l'UDF c'est que, précisément, elle apporte des visages nouveaux dans le jeu, elle propose de leur faire confiance et je trouve que cela mérite qu'on y réfléchisse.
Combien de temps encore ?
En octobre nous désignerons nos chefs de file.
Donc il n'y aura pas de listes communes, nulle part ?
Nous aurons un chef de file par région et après, région par région, on verra. Par exemple, les régions où il y a des menaces très grandes de l'extrémisme, naturellement nous en tiendrons compte. Du renouvellement, de la clarté, il me semble que cela peut faire un programme de préparation de ces élections.
François Bayrou, merci beaucoup.
(Source http://www.udf.org, le 25 septembre 2003)