Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai tenu à venir m'exprimer aujourd'hui devant vous, après avoir engagé la responsabilité de mon gouvernement, la semaine dernière, devant l'Assemblée nationale. Trois raisons essentielles m'ont déterminé dans cette démarche. La première, c'est qu'il y a en France une tradition bicamériste, que je respecte, et à laquelle je suis très attaché. C'est pourquoi, je trouve important que le Sénat, qui joue un rôle majeur dans nos Institutions, et qui n'a cessé, au cours des dernières années, de se porter en première ligne dans tous les combats où se décidaient le respect des valeurs de notre pays et le redressement de la France, puisse se prononcer sur une déclaration de politique générale qui engage l'avenir.
La seconde, c'est que depuis vingt mois, la Haute Assemblée m'a apporté un soutien constant, en votant tous les projets de loi qui lui ont été soumis par le Gouvernement. En discutant, en proposant, en approuvant, vous avez contribué à une uvre législative de grande ampleur. Je voudrais vous en remercier au nom du gouvernement.
La troisième, c'est que la majorité au Sénat connaît tout le prix et les enjeux de l'Union, principe qu'elle met en pratique depuis fort longtemps, et qui inspire ses décisions et ses actes. Je sais qu'en vous parlant de ce qui est nécessaire à la France - l'unité de la majorité, le rassemblement de notre peuple, l'ambition légitime de chaque Français - je serai écouté, et, j'en suis sûr, entendu et compris.
Vingt mois de gouvernement. Vingt mois de lutte sur bien des fronts, vingt mois de difficultés diverses. Je m'y attendais. Je l'avais accepté en prenant, en avril 1986, la responsabilité de gouverner. Mais aussi vingt mois d'objectifs atteints, de réformes de fond réalisées, vingt mois d'actions et de décisions qui ont permis de redresser le cap, d'asseoir sur des bases solides la situation de notre pays, et d'envisager l'avenir avec davantage de confiance, de fierté, d'espérance pour la France.
Les Français ne sont ni dupes, ni aveugles. Ils savent fort bien qu'en un peu plus d'une année et demie, nous avons dû affronter des problèmes graves qui mettaient en danger notre pays, qui pesaient sur son peuple, qui hypothéquaient l'avenir. J'affirme que, grâce au travail et au soutien du Parlement, nous sommes en train de les surmonter. Il a fallu d'abord, bien sûr, colmater les brèches qui menaçaient les fondations, il a fallu réparer, redresser, consolider, rassurer. Je n'en donnerai que trois exemples : la sécurité ; le redressement économique ; la sauvegarde de notre protection sociale.
Je parlerai d'abord de la sécurité, domaine dans lequel le gouvernement a remporté de nombreux succès. Je n'en parlerai pas pour faire vibrer je ne sais quelle corde sécuritaire, mais tout simplement parce que je connais comme vous l'importance que ce problème revêt aux yeux des Français.
Ainsi que je l'avais annoncé devant votre Assemblée, nous nous sommes donnés les moyens d'agir en la matière. Des textes de loi - contre la criminalité et la délinquance, pour une meilleure application des peines, sur les contrôles d'identité, pour n'en citer que quelques-uns - ont été votés par le Parlement, afin de compléter le dispositif juridique dont nous disposions. De même, grâce à un effort budgétaire sans précédent, la police a été dotée des moyens indispensables à l'accomplissement de sa tâche. Nous avons fait confiance aux forces de l'ordre ; les serviteurs de l'Etat se sont sentis à nouveau motivés, mobilisés. C'est la raison principale des succès que nous avons enregistrés depuis des mois. La criminalité a régressé de 8 % en 1986, tendance très positive qui se poursuit en 1987.
En ce qui concerne le terrorisme, qui avait, il y a un an, endeuillé notre pays, et notre capitale, les mesures qui ont été prises étaient à la hauteur des dangers. Là encore, la loi contre le terrorisme a donné aux forces de l'ordre la possibilité d'être efficaces. Les mailles du filet ont été resserrées. Le résultat en est connu : les principaux dirigeants d'Action Directe sont aujourd'hui emprisonnés ; en Corse, le Mouvement séparatiste a reçu des coups très durs.
Nous avons trouvé un pays inquiet - je pense, bien entendu, aux Français les plus vulnérables, notamment les personnes âgées. Nous assistons aujourd'hui à un retour à la confiance, à la sécurité. Bien sûr, rien n'est jamais gagné, et il faut se garder de tout optimisme excessif en la matière. Il est permis toutefois de se réjouir des résultats obtenus et d'affirmer qu'ils ont pu l'être grâce à la volonté, à la constance des responsables. Sans doute, tout est affaire de moyens, mais tout est davantage encore affaire de détermination politique, de patience et de fermeté.
Ces mêmes qualités sont indispensables dans l'action que nous menons afin de libérer nos otages, encore prisonniers au Liban. Avec Jean-Louis NORMANDIN et Roger AUQUE, sept d'entre eux sont revenus parmi nous. D'autres sont encore captifs, au mépris des règles du droit international, et du respect de la personne humaine. Soyez sûrs que nous ne relâcherons pas un instant nos efforts, dans la stricte observance des principes qui fondent notre démocratie et qui inspirent notre politique étrangère, pour que le calvaire de tous les otages prenne fin, les nôtres, bien sûr, mais aussi les otages étrangers.
Dans le domaine de l'économie, malgré la coutume très française de se livrer à des prévisions pessimistes, et de cultiver la morosité, nous constatons des chiffres très encourageants qui témoignent de la vitalité retrouvée de l'économie française. Le débat budgétaire que vous avez conclu la semaine dernière l'a bien montré.
Un investissement des entreprises qui augmente de 10 % en volume sur 1986 et 1987 - meilleure performance depuis dix ans - ; une croissance de la production comparable à celle de l'année dernière, avec en particulier un très bon chiffre d'affaires du bâtiment et des travaux publics, dont la progression est multipliée par deux par rapport à 1986 ; une consommation des ménages en augmentation de 2 % en 1987, voilà autant d'éléments encourageants pour l'avenir.
Chacun sait qu'en matière d'emploi, nous sommes parvenus à stabiliser les chiffres du chômage. Nous avons même enregistré avec satisfaction un recul au mois de septembre. Cette amélioration bénéficie particulièrement aux jeunes de moins de 25 ans, dont nous avions fait une priorité dès l'été 1986. Le chômage pour eux a baissé de 10 % en un an.
Enfin, pour le sixième mois consécutif, le taux de l'inflation mensuelle est égal ou inférieur à 0,2 %. Avec une hausse annuelle des prix de 2,5 %, nous occupons désormais le troisième meilleur rang mondial, ce qui mérite, je crois, d'être souligné.
Voici quelques-uns des résultats obtenus après vingt mois d'une politique qui s'est attachée à assainir, à réduire, tant les dépenses publiques que les impôts, à rembourser notre dette extérieure et intérieure, à libérer les forces vives de notre pays. Sans doute, tout n'est pas parfait - je pense en particulier au commerce extérieur, secteur dans lequel nous n'avons pas fini de payer ce qui n'a pas été fait dans le passé -, mais le retournement de tendance que l'on peut constater est un encouragement à continuer sur la même voie, celle de la rigueur, du pragmatisme, et de la liberté.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur la crise boursière qui a atteint de plein fouet tous les marchés financiers, crise dont les causes sont bien évidemment mondiales, comme tout le monde le reconnaît aujourd'hui. Je voudrais simplement rappeler que la France, consciente des conséquences inéluctables du désordre monétaire international et des déséquilibres toujours plus grands entre pays excédentaires et pays déficitaires, agit. Elle l'a fait sur deux plans : interne et externe.
A l'intérieur, notre politique de remise en ordre et de libération de notre économie nous permet d'affronter cette crise avec de meilleurs atouts. Notre activité reste satisfaisante, les petits porteurs ont fait preuve d'un grand sang-froid, et, surtout, la monnaie a tenu le choc.
Où en serions-nous si nos déséquilibres et nos contraintes étaient encore ceux d'il y a vingt mois ? Si notre endettement était resté le même ? Si la compétitivité de nos entreprises n'était en pleine amélioration ? Si la capacité de réaction de nos décideurs était restée handicapée par une réglementation paralysante ? Si la confiance des marchés dans l'avenir de notre économie n'avait pas été restaurée ?
Vis-à-vis de l'extérieur, aussi, la France a également agi : dès le 29 octobre, le gouvernement présentait à ses partenaires des propositions pour renforcer les accords du Louvre. Dès le 5 novembre, nous obtenions un mouvement concerté des taux d'intérêt en Europe, touchant notamment la République Fédérale d'Allemagne - dont vous connaissez pourtant le peu d'enthousiasme sur ce sujet.
Le 24 novembre, ainsi que nous le souhaitions, les taux d'intérêt baissaient à nouveau Outre-Rhin, comme en France et aux Pays-Bas.
Enfin, il y a juste une semaine, et toujours de façon concertée, la Banque Centrale allemande a fait encore un pas, en même temps que les Banques Centrales de France, de Grande-Bretagne et des Pays-Bas.
Trois décisions en un mois, sur un sujet aussi sensible, voilà la preuve visible de l'action du gouvernement. Mais sachez que des contacts permanents sont aussi entretenus avec les Etats-Unis et que l'Europe a, de l'aveu même des dirigeants américains, pesé sur leur décision de réduction du déficit du budget fédéral.
Il reste maintenant, une fois les marchés calmés, à manifester la détermination des principaux états à mieux maîtriser ce type d'événement.
La proposition de la France d'une réunion des sept plus grands pays industrialisés reste parfaitement adaptée. Je souhaite qu'elle soit bientôt suivie d'effet.
Troisième exemple : notre protection sociale. Chacun connaît l'ampleur des problèmes qui nous ont été légués et leur répercussion pour l'avenir. Ces difficultés, il fallait les regarder en face. Si nous avions laissé aller les choses, le système était tout simplement menacé d'implosion. Nous ne pouvions l'accepter.
Nous n'avons pas voulu traiter cette affaire de société de manière technocratique. Nous avons voulu, au contraire, faire confiance à tous ceux qui avaient dans ce domaine compétences et responsabilités. C'est dans cet esprit d'ouverture que nous avons imaginé une procédure exceptionnelle, celle des Etats Généraux de la Sécurité Sociale, qui a permis une réelle prise de conscience de la situation, de ses conséquences, de ses enjeux, et qui a donné toute leur place au dialogue et à la concertation.
Le temps des décisions est venu.
J'avais dit, dès l'origine, que si, à l'issue de cette grande consultation, un large accord se dessinait sur certaines mesures, je les prendrai. Ce sont ainsi sept dispositions, toutes d'ordre structurel, que j'ai arrêtées. Celles d'entre elles qui sont de nature législative seront soumises au vote de votre Assemblée à la fin de la présente session.
D'ores et déjà, grâce aux mesures de rationalisation qui ont été prises, et aussi par l'effort et la responsabilisation de tous, trois branches sur quatre, et en particulier l'assurance-maladie, seront équilibrées à la fin de cette année.
Pour 1988, nous parviendrons aux mêmes résultats. Il sera donc possible de supprimer au premier janvier 1988, ainsi que je m'y étais engagé, la cotisation d'assurance-maladie supplémentaire de 0,4 %, que j'avais été contraint d'instituer en mai dernier.
Pour autant, le problème très lourd de l'assurance-vieillesse, dont le déficit est structurel, et qui a été aggravé par la retraite à soixante ans, reste ouvert. Nous avons recueilli sur ce point les conclusions des Etats Généraux. Nous disposons également du rapport du Comité des Sages. Grâce à ces travaux, je suis désormais en mesure de demander au Conseil Economique et Social de faire des propositions concrètes sur toutes les questions encore non résolues. Bien entendu, l'avis du Conseil sera aussi sollicité sur l'assurance-maladie et la famille.
Le projet de loi que j'évoquais à l'instant sera donc une première étape. Restera à décider ensuite la nature de la recette susceptible d'apporter, au premier janvier 1988, son équilibre à la branche-vieillesse, étant bien entendu que les retraites doivent être évidemment préservées. Nous devrons, une fois encore, nous entourer de toutes les garanties et de tous les avis nécessaires sur un sujet qui engage durablement l'avenir de notre protection sociale.
Je crois qu'ainsi nous aurons abordé ces questions de fond de la manière la plus conforme aux principes démocratiques qui sont aussi ceux d'une bonne gestion.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, ce que je tenais à vous dire sur quelques-unes des questions qui préoccupent tout particulièrement notre pays. Qu'allons-nous faire dans les mois qui viennent ? Je répondrai d'un mot : travailler, continuer à moderniser la France, à la rendre plus forte, plus compétitive, et aussi plus solidaire.
Faut-il préciser que nous poursuivrons notre tâche avec la même ardeur, la même détermination ? Je n'ai pas pris la responsabilité du gouvernement, avec le soutien de la majorité parlementaire, pour m'arrêter, à six mois de l'échéance présidentielle. L'action que nous poursuivons ensemble, l'ambition pour la France qui est notre ciment n'est pas une ambition pour vingt mois. Nous savons que si elle donne des fruits dès aujourd'hui, le long terme est sa mesure naturelle, et qu'il faudra plusieurs années pour que la France soit ce que nous voulons qu'elle soit.
Depuis vingt mois, nous avons fait tout autre chose que gérer les affaires courantes. Vous le savez mieux que personne, puisque vous avez été partie agissante dans l'uvre législative qui a été entreprise. En choisissant la logique des institutions et l'action immédiate, nous aurons gagné deux ans. Quand il est question du redressement de la nation, de la modernisation de ses structures, de l'avenir de l'emploi, des problèmes de notre société, ce n'est pas rien. Nous allons continuer, parce que la France ne peut attendre, pas plus qu'elle ne pouvait attendre il y a vingt mois.
Il est de mode aujourd'hui, de faire la distinction entre l'action gouvernementale, et ce qui serait une perspective plus éloignée et plus haute. Comme si gouverner consistait seulement à plonger ses semelles dans la glaise. Comme si gouverner n'était pas d'abord la mise en application de convictions et de principes, la traduction dans les faits d'un projet propre à rassembler le plus grand nombre possible de citoyens.
J'en prendrai pour exemple notre politique familiale. Il s'agit, faut-il le rappeler, d'une priorité pour mon gouvernement. Quel est l'enjeu ?
D'abord, faire pièce à un vieillissement démographique inquiétant, puisqu'en l'an 2000 25 % de la population aura plus de soixante ans, ce qui est bien sûr à la source du problème de l'assurance-vieillesse. Ensuite, revaloriser les valeurs de la famille, qui sont avant tout des valeurs de responsabilité et de solidarité.
C'est dans ce double objectif, si important pour l'avenir de la France, que des mesures importantes ont été prises dans les budgets 1987 et 1988, à hauteur de 4,7 milliards de francs. Elles bénéficient en particulier aux familles les plus modestes, aux familles les plus nombreuses, et à celles dont les deux parents travaillent. Par ailleurs, l'équité fiscale est enfin rétablie en faveur des couples légitimes.
Nous avons également amélioré le système des prestations familiales, afin de mieux aider les familles de trois enfants, en instituant une allocation parentale d'éducation qui constitue un début de salaire maternel pour les mères qui désirent rester au foyer. Nous avons créé, dans le même esprit, lorsque les deux parents travaillent, une allocation de garde à domicile. Tout cela représente un effort supplémentaire de 1,4 milliards de francs, ce qui, vous le voyez, n'est pas négligeable.
Enfin, très prochainement, lors de la Conférence Annuelle de la Famille, j'annoncerai, ainsi que j'en avais pris l'engagement, les mesures propres à définir un véritable statut social pour les mères de famille, statut qui comportera des droits nouveaux.
Il s'agit là, je tiens à le répéter, d'une question essentielle. L'avenir de la nation, mais aussi la défense de certaines valeurs auxquelles nous sommes tous attachés, dépend de la vitalité des familles françaises. Il est juste que le gouvernement et l'ensemble du pays se mobilisent, et consentent les efforts nécessaires pour que la démographie de la France redevienne celle d'un pays qui croit en son destin.
La Sécurité Sociale, la politique familiale figurent au calendrier des prochains mois. Je pourrais y ajouter bien d'autres projets, dans d'autres domaines, qui participent tous d'une même volonté : faire en sorte que la France soit prête à relever les défis de cette fin de XXème siècle ; répondre aux aspirations mais aussi aux inquiétudes des Français.
Parmi ces grands projets, la formation, l'éducation occupent bien sûr une place toute particulière, tant il est vrai que c'est la compétence et la qualité des hommes qui constituent la principale richesse d'une nation. C'est pour apporter à notre système éducatif, vieilli, et parfois même inadapté, les transformations indispensables que le Ministre de l'éducation Nationale et le Ministre délégué, chargé de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, élaborent un plan de rénovation. Celui-ci se traduira par une loi-programme, que le gouvernement adoptera dans les premiers mois de 1988.
Nous devons aussi nous préoccuper de la pauvreté. J'ai la conviction que si la solidarité fait partie naturellement des responsabilités de l'Etat, elle n'est pas seulement l'affaire de l'Etat, et qu'elle concerne l'ensemble du corps social - collectivités locales, associations, entreprises et chacun d'entre nous. C'est pourquoi à la notion de "revenu minimum garanti", qui serait dispensé dans un esprit d'assistance, je préfère la notion d"'activité minimum garantie", qui irait au-delà des compléments de ressources que j'ai déjà créés. Tout Français doit être assuré d'une rémunération et d'une protection sociale en échange d'un travail ou d'une formation. J'ai demandé aux Ministres concernés d'élaborer un texte dans ce sens. C'est je crois une manière saine, et responsable de renforcer la solidarité, en impliquant, et en mobilisant tous ceux qui ont un rôle à jouer. C'est aussi, à l'évidence, un grand projet pour l'avenir.
Je voudrais enfin mettre l'accent sur la nécessité de réfléchir sur la situation des collectivités locales - je sais que votre Assemblée est très attentive à leur devenir.
Les collectivités locales, de par les lois de décentralisation, sont de plus en plus sollicitées, mises à contribution. Or, vous le savez mieux que personne, les transferts de charges et de compétences n'avaient pas toujours été accompagnés des transferts de ressources correspondantes. C'est ainsi que le gouvernement a dû prendre en compte l'insuffisance des crédits alloués aux régions au titre des lycées, compte tenu de l'état du patrimoine transféré et de l'ampleur des besoins à satisfaire. J'ai donc décidé un abondement exceptionnel de la dotation correspondante, à hauteur de 1,2 milliards F.
D'autre part, nous veillons scrupuleusement à l'évolution des dotations décentralisées qui constituent une part importante des ressources des collectivités locales. En 1988, leur progression sera de 3,40 % pour la DGE, et de 4,75 % pour la DGF, chiffres supérieurs à l'évolution du budget de l'Etat, et qui représentent une hausse du pouvoir d'achat pour les collectivités bénéficiaires.
Enfin, en ce qui concerne les ressources fiscales des collectivités locales, vous savez qu'avant la fin du mois de décembre, le projet de loi sur les méthodes de révision des bases des impôts locaux sera soumis au Comité des finances locales présidé par M. FOURCADE. Nous disposerons également du rapport de la Commission présidée par le Sénateur BALLAYER sur la réforme de la taxe professionnelle, ainsi que du rapport sur la fiscalité du patrimoine, qui traite notamment de la taxe foncière, dont la Commission présidée par M. AICARDI est l'auteur. Tous ces documents, ces réflexions et propositions pourront, j'en suis sûr, éclairer et inspirer les textes, qui devront être élaborés le plus rapidement possible dans un esprit de concertation, ainsi que je l'ai demandé au Ministre de l'Intérieur et au Ministre délégué chargé des Collectivités Locales.
Ce travail sera conduit avec le souci d'éviter que la décentralisation donne lieu à une tutelle insidieuse d'un niveau de collectivité sur un autre. Je suis en particulier attentif à ce que les communes, qui constituent la cellule de base de notre démocratie locale, puissent exercer en toute indépendance la plénitude de leurs attributions.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, quelques-unes de nos priorités au cours des prochains mois. La liste, vous vous en doutez, n'est pas exhaustive. Je n'ai pas parlé, en particulier, de la construction de l'Europe, qui est plus que jamais une impérieuse obligation pour les nations qui la composent. De retour de Copenhague, je voudrais vous faire part de quelques réflexions.
Il ne sert à rien de se dissimuler la réalité : le Conseil Européen de Copenhague a été un échec. Mais son ampleur et ses conséquences ont été exagérées. Il ne faut pas dramatiser la situation ; ce serait injuste, inutile et dangereux. Ce faux pas peut et doit être réparé. Telle est la volonté de la France. Le Gouvernement s'emploiera à ce qu'il en soit ainsi à Bruxelles, les 11 et 12 février 1988.
J'ai participé, avec le Président de la République, à la réunion de Copenhague. La complexité du dossier, la multiplicité des questions posées, la technicité des problèmes rendaient impossible un débat concluant au niveau des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Le dossier n'est pas suffisamment mûr pour aboutir. Mais la volonté politique de réussir était et demeure présente chez nos partenaires comme elle l'est en France. Le Conseil Européen de Copenhague aura permis de mieux identifier les problèmes de chacun et de progresser je l'espère, vers un accord prochain.
Il faut en effet aboutir pour donner à la Communauté les bases financières, saines et suffisantes, qui lui font défaut depuis plusieurs années. Il faut répondre aux quatre questions essentielles pour l'avenir de notre Communauté.
- Quelle place pour l'agriculture européenne ?
- De quel niveau de ressources doit-elle disposer ?
- Comment la Communauté entend-t-elle manifester sa solidarité vis-à-vis de ses membres en retard de développement ?
- Faut-il traiter les déséquilibres financiers internes ?
Ces questions sont difficiles. Leurs réponses conditionnent pourtant l'avenir de l'Europe car elles traitent de sujets qui sont au cur même de la vie quotidienne de la Communauté et du processus de la construction européenne.
La France continuera à jouer le rôle qui est le sien dans cette négociation, celui d'un des fondateurs de la Communauté, d'un pays au cur géographique et économique de l'Europe des Douze. Le Gouvernement ne relâchera pas ses efforts, dans les semaines à venir, pour que la Communauté puisse sortir de l'ornière et surmonter la crise actuelle. Mais il n'acceptera pas n'importe quel compromis ; il défendra avec opiniâtreté les intérêts de la France, à commencer par les intérêts légitimes de ses agriculteurs.
L'Europe ne peut pas se construire sur les débris de la politique agricole commune.
Je souhaite que tous nos partenaires travaillent avec cette même détermination et que la Commission fasse davantage preuve d'imagination et de souplesse pour favoriser l'ébauche du compromis nécessaire. J'ai confiance dans la Présidence allemande, dont je connais l'attachement à la construction européenne, la compétence et le sérieux. La France l'aidera de son mieux pour régler ces problèmes financiers, pour assainir la situation, pour donner à la Communauté les ressources dont elle a besoin et pour lui permettre, enfin, de se consacrer à sa tâche essentielle, pour ces prochaines années, à savoir : la réalisation du grand Marché Intérieur.
Nécessité pour l'Europe, le Marché Unique l'est aussi pour la France. Il offre à notre pays le grand marché qui lui est indispensable pour recueillir les fruits de ses efforts, ceux de la compétitivité retrouvée des entreprises, ceux de la formation technique et intellectuelle de notre jeunesse, ceux du retour à l'initiative et de la volonté. Nous sommes dans une situation analogue à celle de 1958-59 lorsque, sous l'impulsion du Général de Gaulle et à l'encontre de tous les experts, la France s'est lancée dans l'ouverture de frontières et la Communauté à six, montrant aussi sa capacité à relever les défis et se portant au 3ème rang mondial des pays exportateurs et au 1er rang mondial des pays investisseurs ! Ce défi est à nouveau devant nous et nous devons le relever, car nous savons que notre peuple a la capacité de le faire, à condition qu'il ne soit pas entravé par des charges et des réglementations superflues.
Je veux ajouter un mot concernant la procédure : le Conseil Européen de Copenhague a confirmé que la place des problèmes techniques est devenue abusivement importante dans ces rencontres.
Au lieu d'être l'occasion de donner des orientations et des impulsions nouvelles à la construction européenne, ces réunions tendent à se substituer au travail normal des conseils spécialisés de Ministres et s'enlisent dans des débats qui ne sont pas ceux des Chefs d'État et de Gouvernement.
Une de nos tâches sera, à coup sûr, de contribuer à retrouver l'esprit d'origine des conseils européens : la manifestation de l'entente politique des pays membres de la Communauté européenne sur les grands sujets du moment et sur ceux de notre avenir.
Pour continuer à bâtir l'Europe, malgré toutes les difficultés, tous les égoïsmes, pour maintenir le cap dans les tempêtes financières et boursières, pour faire avancer la France sur la voie de la modernisation, pour faire progresser encore la sécurité, j'ai besoin, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, de votre confiance et de votre soutien.
La force des démocraties réside dans les grandes échéances électorales, qui permettent aux peuples de choisir clairement leurs dirigeants, la politique qu'ils souhaitent voir conduire, les projets de société, dans lesquels peuvent se reconnaître les hommes et les femmes de notre temps.
La faiblesse des démocraties, ce sont ces mêmes échéances électorales, qui, des semaines et des mois avant le scrutin, perturbent vie publique, exacerbent les rivalités et les polémiques, occultent parfois ce qui doit primer en toutes circonstances : l'intérêt de la nation, le rassemblement des Français.
Je voudrais que la France, démocratie exemplaire, garde sa force surmonte ses faiblesses au cours des mois qui s'ouvrent devant nous. C'est un souhait. C'est surtout une nécessité. Qui ne se rend compte que dans la conjoncture mondiale actuelle, avec des marges de manuvres étroites, une compétitivité de plus en plus âpre, aucune nation ne peut se permettre de se présenter, affaiblie, dans les Conférences internationales, et d'offrir le spectacle de sa division à l'heure des difficultés ? C'est pour conforter notre force, notre crédibilité, que je vous demande votre confiance.
Voici vingt mois que le gouvernement et la majorité parlementaire travaillent ensemble, conduisent ensemble une même politique, poursuivent les mêmes objectifs qui sont, pour la plupart, des objectifs à moyen ou à long terme. Pourquoi ? Parce que pour l'essentiel nous communions dans un même projet pour la France.
Vous connaissez, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le prix, l'importance de l'union ? Vous les connaissez depuis longtemps, car c'est grâce à son union que la majorité sénatoriale, dans un passé récent, a joué un rôle majeur dans certains grands combats qui touchaient aux libertés - je pense, par exemple, à la défense de la liberté de l'enseignement.
Depuis vingt mois, c'est grâce au soutien de la majorité que le gouvernement a pu engager le redressement de notre pays, et obtenir les succès que j'ai évoqué tout à l'heure.
Dans un proche avenir, ce sera encore grâce à son union que la majorité pourra convaincre, emporter l'adhésion, et permettre ainsi que, quels que soient les hommes, l'uvre entreprise soit poursuivie, ce qui est l'essentiel pour la nation.
La France n'a jamais été aussi adulte que maintenant. Il y a encore trente ou quarante ans, les Français se déchiraient sur des choix essentiels : la défense, le nucléaire, la politique étrangère, les Institutions. Peu à peu, le bon sens, la lucidité, la maturité politique, mais aussi la fierté nationale se sont imposés. Une adhésion toujours plus large s'est affirmée, et les hommes et les femmes de France, sur les choix de société, se sont mis à regarder, à espérer dans la même direction.
Qui ne comprend la force que donne à nos institutions le fait que plus personne ne les contrôle, et le consensus national en matière de défense aux actions de la France à l'extérieur, s'agissant de notre sécurité et de notre indépendance ? Personne ne conteste nos options générales en matière de construction européennes, d'aide aux pays en voie de développement, ni dans le domaine de la décentralisation, du moins dans nos objectifs essentiels. Personne ne discute plus aujourd'hui le rôle de l'entreprise. Ce sont des progrès considérables et notre responsabilité est d'élargir de plus en plus ces options de consentement afin de rassembler les Français, qui ne doivent plus perdre leur énergie à se battre entre eux, mais faire converger leurs efforts afin que notre pays redevienne le premier pays européen et l'un des premiers pays du monde !
Il y a dans notre pays, aujourd'hui, de merveilleuses capacités d'enthousiasme, de mobilisation, de solidarité. Il suffit pour s'en convaincre de voir ce qui s'est passé le week-end dernier lors de la campagne de lutte contre la myopathie.
Il y a dans notre pays, aujourd'hui, toute la force, le dynamisme, l'imagination nécessaire pour que la France crée, innove, donne l'exemple, et soit fidèle à toutes ses traditions : spécialement celles de générosité et d'ouverture aux autres - je pense en particulier aux peuples du Tiers-Monde.
Il y a dans notre pays, aujourd'hui, une jeunesse qui se sent très loin des clivages partisans et politiciens, qui estime ceux qui prennent des risques et qui gagnent pour la France, qui est révoltée par l'injustice, le mépris, le refus des différences ; une jeunesse qui sait que l'Europe est son espace naturel en même temps que son avenir.
C'est la responsabilité de la classe politique et de notre génération de se montrer dignes de ce que la France et les jeunes Français attendent : traiter les vrais problèmes, répondre aux vraies questions, avancer, innover, sans jamais oublier l'homme, ses aspirations morales et éthiques.
Cette double ambition, d'excellence et de générosité, peut, je crois, rassembler les Français, afin que les années 1990, mêmes si elles ne sont pas aussi "glorieuses" que les années 60, soient celles de la prospérité regagnée, du dynamisme retrouvé, de la fierté reconquise. C'est le vu que je forme pour l'avenir.
Dans l'immédiat, parce que mon gouvernement doit continuer à se battre, à construire, à faire progresser la France malgré les difficultés, je vous demande, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, de lui manifester votre confiance par votre vote.
Cela signifiera que vous approuvez de ce que nous avons fait ensemble depuis vingt mois, dans la droite ligne des engagements pris en mars 1986.
Cela signifiera que vous serez aux côtés du gouvernement dans les mois qui viennent, et que vous lui apporterez le soutien nécessaire à sa crédibilité comme à son efficacité.
Cela signifiera enfin que l'union de la majorité est, aujourd'hui comme hier, profonde et réelle, au service des intérêts supérieurs de la nation.
C'est dans cet esprit et cette attente que je demande à la Haute Assemblée d'approuver cette déclaration de politique générale, en application de l'article 49 dernier alinéa de notre Constitution.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai tenu à venir m'exprimer aujourd'hui devant vous, après avoir engagé la responsabilité de mon gouvernement, la semaine dernière, devant l'Assemblée nationale. Trois raisons essentielles m'ont déterminé dans cette démarche. La première, c'est qu'il y a en France une tradition bicamériste, que je respecte, et à laquelle je suis très attaché. C'est pourquoi, je trouve important que le Sénat, qui joue un rôle majeur dans nos Institutions, et qui n'a cessé, au cours des dernières années, de se porter en première ligne dans tous les combats où se décidaient le respect des valeurs de notre pays et le redressement de la France, puisse se prononcer sur une déclaration de politique générale qui engage l'avenir.
La seconde, c'est que depuis vingt mois, la Haute Assemblée m'a apporté un soutien constant, en votant tous les projets de loi qui lui ont été soumis par le Gouvernement. En discutant, en proposant, en approuvant, vous avez contribué à une uvre législative de grande ampleur. Je voudrais vous en remercier au nom du gouvernement.
La troisième, c'est que la majorité au Sénat connaît tout le prix et les enjeux de l'Union, principe qu'elle met en pratique depuis fort longtemps, et qui inspire ses décisions et ses actes. Je sais qu'en vous parlant de ce qui est nécessaire à la France - l'unité de la majorité, le rassemblement de notre peuple, l'ambition légitime de chaque Français - je serai écouté, et, j'en suis sûr, entendu et compris.
Vingt mois de gouvernement. Vingt mois de lutte sur bien des fronts, vingt mois de difficultés diverses. Je m'y attendais. Je l'avais accepté en prenant, en avril 1986, la responsabilité de gouverner. Mais aussi vingt mois d'objectifs atteints, de réformes de fond réalisées, vingt mois d'actions et de décisions qui ont permis de redresser le cap, d'asseoir sur des bases solides la situation de notre pays, et d'envisager l'avenir avec davantage de confiance, de fierté, d'espérance pour la France.
Les Français ne sont ni dupes, ni aveugles. Ils savent fort bien qu'en un peu plus d'une année et demie, nous avons dû affronter des problèmes graves qui mettaient en danger notre pays, qui pesaient sur son peuple, qui hypothéquaient l'avenir. J'affirme que, grâce au travail et au soutien du Parlement, nous sommes en train de les surmonter. Il a fallu d'abord, bien sûr, colmater les brèches qui menaçaient les fondations, il a fallu réparer, redresser, consolider, rassurer. Je n'en donnerai que trois exemples : la sécurité ; le redressement économique ; la sauvegarde de notre protection sociale.
Je parlerai d'abord de la sécurité, domaine dans lequel le gouvernement a remporté de nombreux succès. Je n'en parlerai pas pour faire vibrer je ne sais quelle corde sécuritaire, mais tout simplement parce que je connais comme vous l'importance que ce problème revêt aux yeux des Français.
Ainsi que je l'avais annoncé devant votre Assemblée, nous nous sommes donnés les moyens d'agir en la matière. Des textes de loi - contre la criminalité et la délinquance, pour une meilleure application des peines, sur les contrôles d'identité, pour n'en citer que quelques-uns - ont été votés par le Parlement, afin de compléter le dispositif juridique dont nous disposions. De même, grâce à un effort budgétaire sans précédent, la police a été dotée des moyens indispensables à l'accomplissement de sa tâche. Nous avons fait confiance aux forces de l'ordre ; les serviteurs de l'Etat se sont sentis à nouveau motivés, mobilisés. C'est la raison principale des succès que nous avons enregistrés depuis des mois. La criminalité a régressé de 8 % en 1986, tendance très positive qui se poursuit en 1987.
En ce qui concerne le terrorisme, qui avait, il y a un an, endeuillé notre pays, et notre capitale, les mesures qui ont été prises étaient à la hauteur des dangers. Là encore, la loi contre le terrorisme a donné aux forces de l'ordre la possibilité d'être efficaces. Les mailles du filet ont été resserrées. Le résultat en est connu : les principaux dirigeants d'Action Directe sont aujourd'hui emprisonnés ; en Corse, le Mouvement séparatiste a reçu des coups très durs.
Nous avons trouvé un pays inquiet - je pense, bien entendu, aux Français les plus vulnérables, notamment les personnes âgées. Nous assistons aujourd'hui à un retour à la confiance, à la sécurité. Bien sûr, rien n'est jamais gagné, et il faut se garder de tout optimisme excessif en la matière. Il est permis toutefois de se réjouir des résultats obtenus et d'affirmer qu'ils ont pu l'être grâce à la volonté, à la constance des responsables. Sans doute, tout est affaire de moyens, mais tout est davantage encore affaire de détermination politique, de patience et de fermeté.
Ces mêmes qualités sont indispensables dans l'action que nous menons afin de libérer nos otages, encore prisonniers au Liban. Avec Jean-Louis NORMANDIN et Roger AUQUE, sept d'entre eux sont revenus parmi nous. D'autres sont encore captifs, au mépris des règles du droit international, et du respect de la personne humaine. Soyez sûrs que nous ne relâcherons pas un instant nos efforts, dans la stricte observance des principes qui fondent notre démocratie et qui inspirent notre politique étrangère, pour que le calvaire de tous les otages prenne fin, les nôtres, bien sûr, mais aussi les otages étrangers.
Dans le domaine de l'économie, malgré la coutume très française de se livrer à des prévisions pessimistes, et de cultiver la morosité, nous constatons des chiffres très encourageants qui témoignent de la vitalité retrouvée de l'économie française. Le débat budgétaire que vous avez conclu la semaine dernière l'a bien montré.
Un investissement des entreprises qui augmente de 10 % en volume sur 1986 et 1987 - meilleure performance depuis dix ans - ; une croissance de la production comparable à celle de l'année dernière, avec en particulier un très bon chiffre d'affaires du bâtiment et des travaux publics, dont la progression est multipliée par deux par rapport à 1986 ; une consommation des ménages en augmentation de 2 % en 1987, voilà autant d'éléments encourageants pour l'avenir.
Chacun sait qu'en matière d'emploi, nous sommes parvenus à stabiliser les chiffres du chômage. Nous avons même enregistré avec satisfaction un recul au mois de septembre. Cette amélioration bénéficie particulièrement aux jeunes de moins de 25 ans, dont nous avions fait une priorité dès l'été 1986. Le chômage pour eux a baissé de 10 % en un an.
Enfin, pour le sixième mois consécutif, le taux de l'inflation mensuelle est égal ou inférieur à 0,2 %. Avec une hausse annuelle des prix de 2,5 %, nous occupons désormais le troisième meilleur rang mondial, ce qui mérite, je crois, d'être souligné.
Voici quelques-uns des résultats obtenus après vingt mois d'une politique qui s'est attachée à assainir, à réduire, tant les dépenses publiques que les impôts, à rembourser notre dette extérieure et intérieure, à libérer les forces vives de notre pays. Sans doute, tout n'est pas parfait - je pense en particulier au commerce extérieur, secteur dans lequel nous n'avons pas fini de payer ce qui n'a pas été fait dans le passé -, mais le retournement de tendance que l'on peut constater est un encouragement à continuer sur la même voie, celle de la rigueur, du pragmatisme, et de la liberté.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur la crise boursière qui a atteint de plein fouet tous les marchés financiers, crise dont les causes sont bien évidemment mondiales, comme tout le monde le reconnaît aujourd'hui. Je voudrais simplement rappeler que la France, consciente des conséquences inéluctables du désordre monétaire international et des déséquilibres toujours plus grands entre pays excédentaires et pays déficitaires, agit. Elle l'a fait sur deux plans : interne et externe.
A l'intérieur, notre politique de remise en ordre et de libération de notre économie nous permet d'affronter cette crise avec de meilleurs atouts. Notre activité reste satisfaisante, les petits porteurs ont fait preuve d'un grand sang-froid, et, surtout, la monnaie a tenu le choc.
Où en serions-nous si nos déséquilibres et nos contraintes étaient encore ceux d'il y a vingt mois ? Si notre endettement était resté le même ? Si la compétitivité de nos entreprises n'était en pleine amélioration ? Si la capacité de réaction de nos décideurs était restée handicapée par une réglementation paralysante ? Si la confiance des marchés dans l'avenir de notre économie n'avait pas été restaurée ?
Vis-à-vis de l'extérieur, aussi, la France a également agi : dès le 29 octobre, le gouvernement présentait à ses partenaires des propositions pour renforcer les accords du Louvre. Dès le 5 novembre, nous obtenions un mouvement concerté des taux d'intérêt en Europe, touchant notamment la République Fédérale d'Allemagne - dont vous connaissez pourtant le peu d'enthousiasme sur ce sujet.
Le 24 novembre, ainsi que nous le souhaitions, les taux d'intérêt baissaient à nouveau Outre-Rhin, comme en France et aux Pays-Bas.
Enfin, il y a juste une semaine, et toujours de façon concertée, la Banque Centrale allemande a fait encore un pas, en même temps que les Banques Centrales de France, de Grande-Bretagne et des Pays-Bas.
Trois décisions en un mois, sur un sujet aussi sensible, voilà la preuve visible de l'action du gouvernement. Mais sachez que des contacts permanents sont aussi entretenus avec les Etats-Unis et que l'Europe a, de l'aveu même des dirigeants américains, pesé sur leur décision de réduction du déficit du budget fédéral.
Il reste maintenant, une fois les marchés calmés, à manifester la détermination des principaux états à mieux maîtriser ce type d'événement.
La proposition de la France d'une réunion des sept plus grands pays industrialisés reste parfaitement adaptée. Je souhaite qu'elle soit bientôt suivie d'effet.
Troisième exemple : notre protection sociale. Chacun connaît l'ampleur des problèmes qui nous ont été légués et leur répercussion pour l'avenir. Ces difficultés, il fallait les regarder en face. Si nous avions laissé aller les choses, le système était tout simplement menacé d'implosion. Nous ne pouvions l'accepter.
Nous n'avons pas voulu traiter cette affaire de société de manière technocratique. Nous avons voulu, au contraire, faire confiance à tous ceux qui avaient dans ce domaine compétences et responsabilités. C'est dans cet esprit d'ouverture que nous avons imaginé une procédure exceptionnelle, celle des Etats Généraux de la Sécurité Sociale, qui a permis une réelle prise de conscience de la situation, de ses conséquences, de ses enjeux, et qui a donné toute leur place au dialogue et à la concertation.
Le temps des décisions est venu.
J'avais dit, dès l'origine, que si, à l'issue de cette grande consultation, un large accord se dessinait sur certaines mesures, je les prendrai. Ce sont ainsi sept dispositions, toutes d'ordre structurel, que j'ai arrêtées. Celles d'entre elles qui sont de nature législative seront soumises au vote de votre Assemblée à la fin de la présente session.
D'ores et déjà, grâce aux mesures de rationalisation qui ont été prises, et aussi par l'effort et la responsabilisation de tous, trois branches sur quatre, et en particulier l'assurance-maladie, seront équilibrées à la fin de cette année.
Pour 1988, nous parviendrons aux mêmes résultats. Il sera donc possible de supprimer au premier janvier 1988, ainsi que je m'y étais engagé, la cotisation d'assurance-maladie supplémentaire de 0,4 %, que j'avais été contraint d'instituer en mai dernier.
Pour autant, le problème très lourd de l'assurance-vieillesse, dont le déficit est structurel, et qui a été aggravé par la retraite à soixante ans, reste ouvert. Nous avons recueilli sur ce point les conclusions des Etats Généraux. Nous disposons également du rapport du Comité des Sages. Grâce à ces travaux, je suis désormais en mesure de demander au Conseil Economique et Social de faire des propositions concrètes sur toutes les questions encore non résolues. Bien entendu, l'avis du Conseil sera aussi sollicité sur l'assurance-maladie et la famille.
Le projet de loi que j'évoquais à l'instant sera donc une première étape. Restera à décider ensuite la nature de la recette susceptible d'apporter, au premier janvier 1988, son équilibre à la branche-vieillesse, étant bien entendu que les retraites doivent être évidemment préservées. Nous devrons, une fois encore, nous entourer de toutes les garanties et de tous les avis nécessaires sur un sujet qui engage durablement l'avenir de notre protection sociale.
Je crois qu'ainsi nous aurons abordé ces questions de fond de la manière la plus conforme aux principes démocratiques qui sont aussi ceux d'une bonne gestion.
Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, ce que je tenais à vous dire sur quelques-unes des questions qui préoccupent tout particulièrement notre pays. Qu'allons-nous faire dans les mois qui viennent ? Je répondrai d'un mot : travailler, continuer à moderniser la France, à la rendre plus forte, plus compétitive, et aussi plus solidaire.
Faut-il préciser que nous poursuivrons notre tâche avec la même ardeur, la même détermination ? Je n'ai pas pris la responsabilité du gouvernement, avec le soutien de la majorité parlementaire, pour m'arrêter, à six mois de l'échéance présidentielle. L'action que nous poursuivons ensemble, l'ambition pour la France qui est notre ciment n'est pas une ambition pour vingt mois. Nous savons que si elle donne des fruits dès aujourd'hui, le long terme est sa mesure naturelle, et qu'il faudra plusieurs années pour que la France soit ce que nous voulons qu'elle soit.
Depuis vingt mois, nous avons fait tout autre chose que gérer les affaires courantes. Vous le savez mieux que personne, puisque vous avez été partie agissante dans l'uvre législative qui a été entreprise. En choisissant la logique des institutions et l'action immédiate, nous aurons gagné deux ans. Quand il est question du redressement de la nation, de la modernisation de ses structures, de l'avenir de l'emploi, des problèmes de notre société, ce n'est pas rien. Nous allons continuer, parce que la France ne peut attendre, pas plus qu'elle ne pouvait attendre il y a vingt mois.
Il est de mode aujourd'hui, de faire la distinction entre l'action gouvernementale, et ce qui serait une perspective plus éloignée et plus haute. Comme si gouverner consistait seulement à plonger ses semelles dans la glaise. Comme si gouverner n'était pas d'abord la mise en application de convictions et de principes, la traduction dans les faits d'un projet propre à rassembler le plus grand nombre possible de citoyens.
J'en prendrai pour exemple notre politique familiale. Il s'agit, faut-il le rappeler, d'une priorité pour mon gouvernement. Quel est l'enjeu ?
D'abord, faire pièce à un vieillissement démographique inquiétant, puisqu'en l'an 2000 25 % de la population aura plus de soixante ans, ce qui est bien sûr à la source du problème de l'assurance-vieillesse. Ensuite, revaloriser les valeurs de la famille, qui sont avant tout des valeurs de responsabilité et de solidarité.
C'est dans ce double objectif, si important pour l'avenir de la France, que des mesures importantes ont été prises dans les budgets 1987 et 1988, à hauteur de 4,7 milliards de francs. Elles bénéficient en particulier aux familles les plus modestes, aux familles les plus nombreuses, et à celles dont les deux parents travaillent. Par ailleurs, l'équité fiscale est enfin rétablie en faveur des couples légitimes.
Nous avons également amélioré le système des prestations familiales, afin de mieux aider les familles de trois enfants, en instituant une allocation parentale d'éducation qui constitue un début de salaire maternel pour les mères qui désirent rester au foyer. Nous avons créé, dans le même esprit, lorsque les deux parents travaillent, une allocation de garde à domicile. Tout cela représente un effort supplémentaire de 1,4 milliards de francs, ce qui, vous le voyez, n'est pas négligeable.
Enfin, très prochainement, lors de la Conférence Annuelle de la Famille, j'annoncerai, ainsi que j'en avais pris l'engagement, les mesures propres à définir un véritable statut social pour les mères de famille, statut qui comportera des droits nouveaux.
Il s'agit là, je tiens à le répéter, d'une question essentielle. L'avenir de la nation, mais aussi la défense de certaines valeurs auxquelles nous sommes tous attachés, dépend de la vitalité des familles françaises. Il est juste que le gouvernement et l'ensemble du pays se mobilisent, et consentent les efforts nécessaires pour que la démographie de la France redevienne celle d'un pays qui croit en son destin.
La Sécurité Sociale, la politique familiale figurent au calendrier des prochains mois. Je pourrais y ajouter bien d'autres projets, dans d'autres domaines, qui participent tous d'une même volonté : faire en sorte que la France soit prête à relever les défis de cette fin de XXème siècle ; répondre aux aspirations mais aussi aux inquiétudes des Français.
Parmi ces grands projets, la formation, l'éducation occupent bien sûr une place toute particulière, tant il est vrai que c'est la compétence et la qualité des hommes qui constituent la principale richesse d'une nation. C'est pour apporter à notre système éducatif, vieilli, et parfois même inadapté, les transformations indispensables que le Ministre de l'éducation Nationale et le Ministre délégué, chargé de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, élaborent un plan de rénovation. Celui-ci se traduira par une loi-programme, que le gouvernement adoptera dans les premiers mois de 1988.
Nous devons aussi nous préoccuper de la pauvreté. J'ai la conviction que si la solidarité fait partie naturellement des responsabilités de l'Etat, elle n'est pas seulement l'affaire de l'Etat, et qu'elle concerne l'ensemble du corps social - collectivités locales, associations, entreprises et chacun d'entre nous. C'est pourquoi à la notion de "revenu minimum garanti", qui serait dispensé dans un esprit d'assistance, je préfère la notion d"'activité minimum garantie", qui irait au-delà des compléments de ressources que j'ai déjà créés. Tout Français doit être assuré d'une rémunération et d'une protection sociale en échange d'un travail ou d'une formation. J'ai demandé aux Ministres concernés d'élaborer un texte dans ce sens. C'est je crois une manière saine, et responsable de renforcer la solidarité, en impliquant, et en mobilisant tous ceux qui ont un rôle à jouer. C'est aussi, à l'évidence, un grand projet pour l'avenir.
Je voudrais enfin mettre l'accent sur la nécessité de réfléchir sur la situation des collectivités locales - je sais que votre Assemblée est très attentive à leur devenir.
Les collectivités locales, de par les lois de décentralisation, sont de plus en plus sollicitées, mises à contribution. Or, vous le savez mieux que personne, les transferts de charges et de compétences n'avaient pas toujours été accompagnés des transferts de ressources correspondantes. C'est ainsi que le gouvernement a dû prendre en compte l'insuffisance des crédits alloués aux régions au titre des lycées, compte tenu de l'état du patrimoine transféré et de l'ampleur des besoins à satisfaire. J'ai donc décidé un abondement exceptionnel de la dotation correspondante, à hauteur de 1,2 milliards F.
D'autre part, nous veillons scrupuleusement à l'évolution des dotations décentralisées qui constituent une part importante des ressources des collectivités locales. En 1988, leur progression sera de 3,40 % pour la DGE, et de 4,75 % pour la DGF, chiffres supérieurs à l'évolution du budget de l'Etat, et qui représentent une hausse du pouvoir d'achat pour les collectivités bénéficiaires.
Enfin, en ce qui concerne les ressources fiscales des collectivités locales, vous savez qu'avant la fin du mois de décembre, le projet de loi sur les méthodes de révision des bases des impôts locaux sera soumis au Comité des finances locales présidé par M. FOURCADE. Nous disposerons également du rapport de la Commission présidée par le Sénateur BALLAYER sur la réforme de la taxe professionnelle, ainsi que du rapport sur la fiscalité du patrimoine, qui traite notamment de la taxe foncière, dont la Commission présidée par M. AICARDI est l'auteur. Tous ces documents, ces réflexions et propositions pourront, j'en suis sûr, éclairer et inspirer les textes, qui devront être élaborés le plus rapidement possible dans un esprit de concertation, ainsi que je l'ai demandé au Ministre de l'Intérieur et au Ministre délégué chargé des Collectivités Locales.
Ce travail sera conduit avec le souci d'éviter que la décentralisation donne lieu à une tutelle insidieuse d'un niveau de collectivité sur un autre. Je suis en particulier attentif à ce que les communes, qui constituent la cellule de base de notre démocratie locale, puissent exercer en toute indépendance la plénitude de leurs attributions.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, quelques-unes de nos priorités au cours des prochains mois. La liste, vous vous en doutez, n'est pas exhaustive. Je n'ai pas parlé, en particulier, de la construction de l'Europe, qui est plus que jamais une impérieuse obligation pour les nations qui la composent. De retour de Copenhague, je voudrais vous faire part de quelques réflexions.
Il ne sert à rien de se dissimuler la réalité : le Conseil Européen de Copenhague a été un échec. Mais son ampleur et ses conséquences ont été exagérées. Il ne faut pas dramatiser la situation ; ce serait injuste, inutile et dangereux. Ce faux pas peut et doit être réparé. Telle est la volonté de la France. Le Gouvernement s'emploiera à ce qu'il en soit ainsi à Bruxelles, les 11 et 12 février 1988.
J'ai participé, avec le Président de la République, à la réunion de Copenhague. La complexité du dossier, la multiplicité des questions posées, la technicité des problèmes rendaient impossible un débat concluant au niveau des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Le dossier n'est pas suffisamment mûr pour aboutir. Mais la volonté politique de réussir était et demeure présente chez nos partenaires comme elle l'est en France. Le Conseil Européen de Copenhague aura permis de mieux identifier les problèmes de chacun et de progresser je l'espère, vers un accord prochain.
Il faut en effet aboutir pour donner à la Communauté les bases financières, saines et suffisantes, qui lui font défaut depuis plusieurs années. Il faut répondre aux quatre questions essentielles pour l'avenir de notre Communauté.
- Quelle place pour l'agriculture européenne ?
- De quel niveau de ressources doit-elle disposer ?
- Comment la Communauté entend-t-elle manifester sa solidarité vis-à-vis de ses membres en retard de développement ?
- Faut-il traiter les déséquilibres financiers internes ?
Ces questions sont difficiles. Leurs réponses conditionnent pourtant l'avenir de l'Europe car elles traitent de sujets qui sont au cur même de la vie quotidienne de la Communauté et du processus de la construction européenne.
La France continuera à jouer le rôle qui est le sien dans cette négociation, celui d'un des fondateurs de la Communauté, d'un pays au cur géographique et économique de l'Europe des Douze. Le Gouvernement ne relâchera pas ses efforts, dans les semaines à venir, pour que la Communauté puisse sortir de l'ornière et surmonter la crise actuelle. Mais il n'acceptera pas n'importe quel compromis ; il défendra avec opiniâtreté les intérêts de la France, à commencer par les intérêts légitimes de ses agriculteurs.
L'Europe ne peut pas se construire sur les débris de la politique agricole commune.
Je souhaite que tous nos partenaires travaillent avec cette même détermination et que la Commission fasse davantage preuve d'imagination et de souplesse pour favoriser l'ébauche du compromis nécessaire. J'ai confiance dans la Présidence allemande, dont je connais l'attachement à la construction européenne, la compétence et le sérieux. La France l'aidera de son mieux pour régler ces problèmes financiers, pour assainir la situation, pour donner à la Communauté les ressources dont elle a besoin et pour lui permettre, enfin, de se consacrer à sa tâche essentielle, pour ces prochaines années, à savoir : la réalisation du grand Marché Intérieur.
Nécessité pour l'Europe, le Marché Unique l'est aussi pour la France. Il offre à notre pays le grand marché qui lui est indispensable pour recueillir les fruits de ses efforts, ceux de la compétitivité retrouvée des entreprises, ceux de la formation technique et intellectuelle de notre jeunesse, ceux du retour à l'initiative et de la volonté. Nous sommes dans une situation analogue à celle de 1958-59 lorsque, sous l'impulsion du Général de Gaulle et à l'encontre de tous les experts, la France s'est lancée dans l'ouverture de frontières et la Communauté à six, montrant aussi sa capacité à relever les défis et se portant au 3ème rang mondial des pays exportateurs et au 1er rang mondial des pays investisseurs ! Ce défi est à nouveau devant nous et nous devons le relever, car nous savons que notre peuple a la capacité de le faire, à condition qu'il ne soit pas entravé par des charges et des réglementations superflues.
Je veux ajouter un mot concernant la procédure : le Conseil Européen de Copenhague a confirmé que la place des problèmes techniques est devenue abusivement importante dans ces rencontres.
Au lieu d'être l'occasion de donner des orientations et des impulsions nouvelles à la construction européenne, ces réunions tendent à se substituer au travail normal des conseils spécialisés de Ministres et s'enlisent dans des débats qui ne sont pas ceux des Chefs d'État et de Gouvernement.
Une de nos tâches sera, à coup sûr, de contribuer à retrouver l'esprit d'origine des conseils européens : la manifestation de l'entente politique des pays membres de la Communauté européenne sur les grands sujets du moment et sur ceux de notre avenir.
Pour continuer à bâtir l'Europe, malgré toutes les difficultés, tous les égoïsmes, pour maintenir le cap dans les tempêtes financières et boursières, pour faire avancer la France sur la voie de la modernisation, pour faire progresser encore la sécurité, j'ai besoin, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, de votre confiance et de votre soutien.
La force des démocraties réside dans les grandes échéances électorales, qui permettent aux peuples de choisir clairement leurs dirigeants, la politique qu'ils souhaitent voir conduire, les projets de société, dans lesquels peuvent se reconnaître les hommes et les femmes de notre temps.
La faiblesse des démocraties, ce sont ces mêmes échéances électorales, qui, des semaines et des mois avant le scrutin, perturbent vie publique, exacerbent les rivalités et les polémiques, occultent parfois ce qui doit primer en toutes circonstances : l'intérêt de la nation, le rassemblement des Français.
Je voudrais que la France, démocratie exemplaire, garde sa force surmonte ses faiblesses au cours des mois qui s'ouvrent devant nous. C'est un souhait. C'est surtout une nécessité. Qui ne se rend compte que dans la conjoncture mondiale actuelle, avec des marges de manuvres étroites, une compétitivité de plus en plus âpre, aucune nation ne peut se permettre de se présenter, affaiblie, dans les Conférences internationales, et d'offrir le spectacle de sa division à l'heure des difficultés ? C'est pour conforter notre force, notre crédibilité, que je vous demande votre confiance.
Voici vingt mois que le gouvernement et la majorité parlementaire travaillent ensemble, conduisent ensemble une même politique, poursuivent les mêmes objectifs qui sont, pour la plupart, des objectifs à moyen ou à long terme. Pourquoi ? Parce que pour l'essentiel nous communions dans un même projet pour la France.
Vous connaissez, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le prix, l'importance de l'union ? Vous les connaissez depuis longtemps, car c'est grâce à son union que la majorité sénatoriale, dans un passé récent, a joué un rôle majeur dans certains grands combats qui touchaient aux libertés - je pense, par exemple, à la défense de la liberté de l'enseignement.
Depuis vingt mois, c'est grâce au soutien de la majorité que le gouvernement a pu engager le redressement de notre pays, et obtenir les succès que j'ai évoqué tout à l'heure.
Dans un proche avenir, ce sera encore grâce à son union que la majorité pourra convaincre, emporter l'adhésion, et permettre ainsi que, quels que soient les hommes, l'uvre entreprise soit poursuivie, ce qui est l'essentiel pour la nation.
La France n'a jamais été aussi adulte que maintenant. Il y a encore trente ou quarante ans, les Français se déchiraient sur des choix essentiels : la défense, le nucléaire, la politique étrangère, les Institutions. Peu à peu, le bon sens, la lucidité, la maturité politique, mais aussi la fierté nationale se sont imposés. Une adhésion toujours plus large s'est affirmée, et les hommes et les femmes de France, sur les choix de société, se sont mis à regarder, à espérer dans la même direction.
Qui ne comprend la force que donne à nos institutions le fait que plus personne ne les contrôle, et le consensus national en matière de défense aux actions de la France à l'extérieur, s'agissant de notre sécurité et de notre indépendance ? Personne ne conteste nos options générales en matière de construction européennes, d'aide aux pays en voie de développement, ni dans le domaine de la décentralisation, du moins dans nos objectifs essentiels. Personne ne discute plus aujourd'hui le rôle de l'entreprise. Ce sont des progrès considérables et notre responsabilité est d'élargir de plus en plus ces options de consentement afin de rassembler les Français, qui ne doivent plus perdre leur énergie à se battre entre eux, mais faire converger leurs efforts afin que notre pays redevienne le premier pays européen et l'un des premiers pays du monde !
Il y a dans notre pays, aujourd'hui, de merveilleuses capacités d'enthousiasme, de mobilisation, de solidarité. Il suffit pour s'en convaincre de voir ce qui s'est passé le week-end dernier lors de la campagne de lutte contre la myopathie.
Il y a dans notre pays, aujourd'hui, toute la force, le dynamisme, l'imagination nécessaire pour que la France crée, innove, donne l'exemple, et soit fidèle à toutes ses traditions : spécialement celles de générosité et d'ouverture aux autres - je pense en particulier aux peuples du Tiers-Monde.
Il y a dans notre pays, aujourd'hui, une jeunesse qui se sent très loin des clivages partisans et politiciens, qui estime ceux qui prennent des risques et qui gagnent pour la France, qui est révoltée par l'injustice, le mépris, le refus des différences ; une jeunesse qui sait que l'Europe est son espace naturel en même temps que son avenir.
C'est la responsabilité de la classe politique et de notre génération de se montrer dignes de ce que la France et les jeunes Français attendent : traiter les vrais problèmes, répondre aux vraies questions, avancer, innover, sans jamais oublier l'homme, ses aspirations morales et éthiques.
Cette double ambition, d'excellence et de générosité, peut, je crois, rassembler les Français, afin que les années 1990, mêmes si elles ne sont pas aussi "glorieuses" que les années 60, soient celles de la prospérité regagnée, du dynamisme retrouvé, de la fierté reconquise. C'est le vu que je forme pour l'avenir.
Dans l'immédiat, parce que mon gouvernement doit continuer à se battre, à construire, à faire progresser la France malgré les difficultés, je vous demande, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, de lui manifester votre confiance par votre vote.
Cela signifiera que vous approuvez de ce que nous avons fait ensemble depuis vingt mois, dans la droite ligne des engagements pris en mars 1986.
Cela signifiera que vous serez aux côtés du gouvernement dans les mois qui viennent, et que vous lui apporterez le soutien nécessaire à sa crédibilité comme à son efficacité.
Cela signifiera enfin que l'union de la majorité est, aujourd'hui comme hier, profonde et réelle, au service des intérêts supérieurs de la nation.
C'est dans cet esprit et cette attente que je demande à la Haute Assemblée d'approuver cette déclaration de politique générale, en application de l'article 49 dernier alinéa de notre Constitution.