Déclarations de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la réforme du cadre réglementaire de la politique de l'eau, à Nantes le 23 juin 2003.

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Circonstance : Troisièmes Assises de l'Eau au Pays-de-la-Loire, à Nantes le 23 juin 2003

Texte intégral

Ouverture du colloque des 3èmes Assises de l'eau en Pays-de-la-Loire
Mesdames, Messieurs,
Cette troisième édition des Assises de l'Eau en Pays-de-la-Loire s'inscrit dans un contexte particulièrement riche :2003 a été proclamée année internationale de l'eau, le troisième forum mondial de l 'eau s'est tenu à Kyoto du 16 au 23 mars 2003, le G8 a adopté un programme d'actions pour l'eau, et la rénovation de la politique française de l 'eau, dans la foulée de la transposition de la directive-cadre européenne sur l'eau, constitue un des axes majeurs de travail du Ministère de l 'écologie et du développement durable.
Il était donc opportun que ces assises portent un regard global sur la problématique de l 'eau, à travers un fil conducteur qui est celui de la recherche. Je remercie Claudie HAIGNERE, Ministre de la Recherche et des Nouvelles technologies, d'avoir bien voulu parrainé cette manifestation et d'y participer en ouvrant les travaux de cet après-midi. En effet, les politiques de l'eau sont d'une extrême complexité, et requièrent professionnalisme et technicité non pour se réfugier dans des débats d'esthètes mais pour mieux asseoir un vrai débat démocratique.
Les thématiques retenues pour ce colloque constituent de véritables enjeux pour la région Pays de la Loire et sont autant de défis pour une gestion durable de l 'eau : le cadre de vie et la santé, la gestion des milieux humides, la production agricole et conchylicole. Des élus, des responsables associatifs, des experts, viendront nous appeler l 'importance d'une démarche scientifique pour trouver des solutions innovantes.
Ces axes de réflexion nous conduiront naturellement à traiter du contexte réglementaire de la politique de l 'eau, et des évolutions nécessaires pour atteindre les objectifs de la directive-cadre européenne.
La région des Pays-de-la-Loire, tant par son histoire, sa configuration géographique - l'eau est un élément capital du paysage ligérien - que par ses engagements environnementaux - un outil tel que le Conservatoire des Rives de la Loire en témoigne - a véritablement vocation à être un acteur majeur de ce débat. Sa participation illustre aussi la volonté d'une concertation très décentralisée sur tous ces sujets, nécessaire pour aboutir à la définition d'une politique de l'eau rénovée, dans la perspective d'un projet de loi qui sera soumis au Parlement, en 2004.
La conciliation du développement économique et de la sauvegarde de l'environnement est un enjeu majeur, et les débats de ce colloque s'inscriront dans une perspective ambitieuse de gestion de cette ressource vitale.
Les travaux seront organisés ce matin autour de quatre ateliers :
· qualité des eaux et cadre de vie,
· quels outils pour une meilleure gestion des zones humides ?
· qualité des eaux et activités conchylicoles et agricoles,
· le contexte juridique et ses implications opérationnelles .
Après l'intervention de Claudie HAIGNERE, les rapporteurs des quatre ateliers nous restitueront les travaux, et j'aurai le plaisir de participer à une table ronde avec d'éminents représentants des acteurs de l'eau pour une réflexion globale sur la gestion durable de l'eau.
Vos contributions et leurs éclairages respectifs sur les divers enjeux serviront à consolider les fondations de notre politique de l 'Eau.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 24 juin 2003)
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Clôture des 3èmes Assises de l'eau en Pays-de-la-Loire
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs
Les précédentes Assises de 2001 étaient centrées sur les inondations : cette forte mobilisation de la région Pays-de-Loire a largement porté ses fruits. Ce thème a en effet constitué l'une de mes priorités après ma nomination dans le Gouvernement et j'ai eu le plaisir d'annoncer jeudi dernier, à Compiègne, les résultats de l'appel à projet qui consacrent une part importante à la région. Avec le bassin de la Maine c'est en effet un programme considérable de 25 millions d'euros, avec un taux de financement de 28 % de l'Etat, soit une somme de près de 7 millions d'euros. Si on ajoute une petite partie du projet de la Vilaine et l'approfondissement des études pour les cinquante-six communes du bassin de la Sèvre nantaise, je ne crains pas d'affirmer que vous avez été entendus !
Ces Troisièmes Assises s'inscrivent dans un contexte nouveau, certes, mais vous pouvez être assurés que votre contribution, vos préoccupations seront encore une fois largement entendues et utiles pour fixer le nouveau cap de la politique française de l'eau.
Son thème : " Quels Défis pour une Gestion durable ? " s'inscrit logiquement dans la démarche du Gouvernement qui a souhaité inscrire la protection de l'Environnement et de nos ressources naturelles, dans une perspective nouvelle, sortant des ornières des conflits ou des rancoeurs, qui se fonde sur des bases renouvées : ces bases qui sont d'une part la Charte de l'Environnement et le projet de loi constitutionnelle que je vais présenter après demain en Conseil des Ministres, d'autre part la stratégie nationale du développement durable.
L'eau en est bien évidemment un point d'application concret et qui concerne directement tous les citoyens. La problématique de la recherche et des progrès de connaissance est également une composante importante d'une politique de gestion durable de l'eau : elle s'exprime très clairement en filigrane de certains des principes fondateurs de la Charte " précaution ", " prévention " bien sûr, mais également " réparation ".
Vos réflexions sont donc intervenues de façon opportune dans un calendrier particulièrement chargé pour ce qui concerne le domaine de l'eau, dont je rappelais les principaux éléments dans mon introduction matinale.
On ne peut concevoir une bonne politique qu'étayée sur des fondements scientifiquement assurés. Je souhaite donc que la communauté scientifique s'implique dans l'élaboration et l'évaluation de la politique de l'eau. Cela ne dépend évidemment pas que d'elle, mais aussi des acteurs de l'eau. C'est pourquoi l'initiative du Conseil Régional des Pays-de-Loire, Monsieur le Président, me paraît opportune et je remercie Claudie HAIGNERE d'avoir bien voulu s'y associer.
Dans ce concert international, l'Union européenne va jouer un rôle majeur dans la mise en oeuvre d'une stratégie de développement durable dans la gestion de l'eau. Elle a en effet adopté le 23 octobre 2000 une directive établissant un cadre pour une politique communautaire ambitieuse.
Depuis 1975, une trentaine de directives ou décisions communautaires ont été adoptées selon une double approche, consistant d'une part en une lutte contre les rejets de substances dangereuses dans l'environnement et, d'autre part, en une définition de normes de qualité concernant des zones particulières.
L'objet de la nouvelle directive est d'établir un cadre plus général pour la protection des eaux continentales, souterraines et côtières.
Les Etats membres doivent parvenir à terme de quinze ans au bon état écologique des eaux. Pour certaines eaux (eaux fortement modifiées, canaux...), lorsque les coûts sont disproportionnés, les objectifs peuvent être fixés à un niveau moins exigeant. De plus, les reports d'échéances dus à des raisons économiques et techniques peuvent être nécessaires.
Le texte prévoit également la réduction, voire la suppression à terme, des rejets de substances dangereuses. La protection des eaux souterraines est renforcée par rapport à la situation précédente.
La directive introduit un principe de récupération du coût des services liés à l'utilisation de l'eau, y compris des coûts environnementaux. Une tarification de l'eau incitative doit être mise en place pour contribuer à l'objectif général d'une bonne qualité du milieu naturel, tout en assurant la couverture des coûts des services, des coûts pour l'environnement et des coûts de la ressource. Cette tarification doit tenir compte du principe pollueur-payeur. Dans l'application de ce principe, il est tenu compte des effets sociaux, environnementaux, et économiques, ainsi que des conditions géographiques et climatiques locales.
Elle crée également un cadre spatial pour conduire les actions de la protection des eaux, le district hydrographique. Des plans de gestion et des programmes de mesures sont prévus pour chaque district hydrographique afin de répondre à l'objectif général de la directive.
Enfin, la participation active du public à la mise en oeuvre de la politique de l'eau est fortement encouragée.
La directive pose un cadre général. De nombreux points restent à préciser pour son application, dans un contexte scientifique encore incertain. C'est pourquoi j'appelle de mes vux la communauté scientifique à se mobiliser au niveau européen comme au niveau national pour aider la collectivité européenne des acteurs de l'eau à appliquer cette directive.
De manière plus générale, la directive cadre ne sera bien mise en oeuvre qu'au prix d'une concertation étroite et permanente avec l'ensemble des acteurs de l'eau.
L'organisation institutionnelle française dans le domaine de l'eau est issue de la loi sur l'eau du 16 décembre 1964, qui a créé les organismes de bassin (comités de bassins, agences de l'eau). Elle a fortement inspiré le contenu de la directive. Toutefois des aménagements législatifs sont nécessaires pour la transposer dans le droit français avant le 22 décembre 2003. L'Assemblée Nationale a approuvé en première lecture le 10 avril un projet de loi en ce sens que le Sénat examinera, je l'espère, au début de l'automne.
Mais, cette conformité institutionnelle ne doit pas cacher l'extrême exigence des objectifs à atteindre.
A partir de cet aménagement législatif, c'est toute notre politique de l'eau qu'il faut réexaminer au regard des enjeux que révèle la directive-cadre sur l'eau.
Cette mise à plat de notre stratégie nationale et la définition d'un plan d'action pour les quinze ans à venir me paraît tout autant impliquer une exceptionnelle mobilisation que les ambitions mondiales que j'ai évoquées. C'est cette mobilisation qui m'a conduite à reprendre la concertation sous la forme d'un véritable débat national et décentralisé sur notre politique de l'eau.
L'objectif est de retrouver l'élan consensuel des deux précédentes lois fondatrices de 1964 et de 1992 et de mobiliser l'ensemble des acteurs pour parvenir à des objectifs partagés. En particulier, et plus encore dans le contexte politique d'une relance de la décentralisation, il est essentiel que les collectivités territoriales déjà très investies tant dans les services que les maîtrises d'ouvrage, ainsi que celles qui détiennent des responsabilités dans les politiques d'aménagement ou de développement interférant avec la politique de l'eau, soient parties prenantes de cette démarche.
Le débat ne se limite donc pas à la seule problématique d'une réforme législative que l'on sait d'avance nécessaire, mais il doit permettre d'établir un programme d'actions en vue notamment de satisfaire les objectifs de la directive.
Il doit ainsi aborder nécessairement d'autres thèmes en fonction des attentes des acteurs de l'eau ou des usagers, par exemple la préservation et la gestion des milieux aquatiques, l'organisation de la pêche en eau douce, ou la gestion du service public de l'eau et de l'assainissement. Ces thèmes ne sont d'ailleurs pas indépendants et trouveront naturellement à s'intégrer dans la stratégie future.
Le débat se déroule en trois phases :
- Une première phase nationale, maintenant achevée, a permis des contacts bilatéraux avec les représentants nationaux institutionnels et représentatifs afin de préciser les enjeux et le champ du débat local.
- Une deuxième phase de débat local s'achèvera la semaine prochaine avec des réunions de synthèse des comités de bassin. Elle s'est articulée principalement autour de ces comités et de leurs commissions géographiques. La Région Pays-de-la-Loire s'y associe aujourd'hui et je m'en réjouis.
- Enfin une troisième phase, dans le courant du deuxième semestre 2003, associera le grand public par la mise à disposition de ce public de la synthèse des débats dans les comités de bassin et d'un questionnaire sur la politique de l'eau. Ce questionnaire sera utilisé également pour faire un sondage sur un échantillon représentatif.
Une " conférence des citoyens " sera organisée cet automne sur un thème qui sera apparu comme dominant dans la synthèse que je viens d'évoquer.
- A la fin de l'année, un symposium fera la synthèse des recommandations qui serviront de base à la construction d'une politique de l'eau rénovée et d'un plan d'action partagé par tous les acteurs (en particulier l'ossature d'un projet de loi qui pourrait venir en discussion au Parlement, en 2004).
Sans attendre les résultats de ce débat national, diverses initiatives législatives sont apparues nécessaires, au-delà de la transposition juridique de la directive cadre sur l'eau, pour régler des problèmes urgents.
En premier lieu, des avancées significatives seront obtenues en matière de prévention contre les inondations avec le projet de loi que l'assemblée nationale doit examiner en deuxième lecture la semaine prochaine.
Le projet de loi que prépare Hervé GAYMARD sur l'aménagement rural devrait à mon initiative proposer des mesures nouvelles pour la protection des zones humides dont l'importance n'est maintenant plus contestée grâce en particulier aux travaux des chercheurs.
Enfin Jean-Claude MATTEI vient de faire approuver par le Conseil des ministres un projet de loi qui améliore la protection des captages d'eau potable.
En conclusion, l'initiative de ce colloque, Monsieur le Président, le choix du thème, la haute tenue des interventions et la qualité des débats sont pour moi une introduction extrêmement profitable à la série des réunions des six Comités de Bassin auxquelles je vais participer ces prochaines semaines.
Je vous remercie tous de vos contributions. J'espère, comme c'est le cas à la suite des précédentes Assise, que vous pourrez vous féliciter en constatant que vous avez été largement entendus.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 24 juin 2003)