Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Depuis ma prise de responsabilité à la tête de ce grand ministère, c'est déjà la troisième occasion qui m'est offerte aujourd'hui de vous rencontrer dans cette configuration et surtout d'échanger avec vous !
A chacun de mes déplacements, j'ai l'occasion de rencontrer les personnels et les cadres dans les DDE. Je sais que la décentralisation comme la réforme de l'État sont toujours sources d'interrogations sur l'avenir. Aussi, avant de venir au principal sujet de notre réunion d'aujourd'hui, je voudrais vous réaffirmer quelques convictions.
Comme je vous l'indiquais le 18 février dernier, les attentes de la société à l'égard de notre ministère - de votre ministère - sont telles que je n'ai aucune hésitation sur le devenir de ses services déconcentrés.
J'en veux pour preuve les récents échanges de courriers avec Roselyne Bachelot, en charge de l'Écologie et Hervé Gaymard, en charge de l'Agriculture. Ces lettres ouvrent des perspectives nouvelles pour les services. Elles confirment que le niveau départemental est bien celui de l'interministériel, de la coopération avec les collectivités territoriales et de la mise en oeuvre opérationnelle des politiques
Bien entendu, je n'ignore pas que les projets de transfert de compétences ont un impact direct sur l'organisation des services. En particulier, il es évident, à l'image de la mise en application de l'article 7 de la loi de 1992, que le nombre de subdivisions territoriales diminuera. Cette reconfiguration des subdivisions qui gardent toute leur raison d'être, présente de réelles opportunités.
En ce qui concerne le niveau régional, vous savez que des réflexions sont en cours sur l'organisation territoriale de l'État. Les conclusions ne sont pas encore arrêtées. Mais dès à présent, je peux vous préciser qu'un pôle regroupant l'ensemble des services du ministère devrait être constitué dans le champ de l'équipement et de l'aménagement des territoires. J'insiste sur cet intitulé volontairement large " d'aménagement des territoires " qui réaffirme et légitime tout le rôle du ministère.
Ce pôle sera placé sous la responsabilité du directeur régional de l'équipement et
relèvera directement du préfet de région.
Je suis conscient qu'au-delà de ces perspectives favorables, il convient de décliner de façon concrète ce que signifie le repositionnement des services déconcentrés et de faire partager en interne ce projet. Je souhaite qu'un séminaire de cadres, notamment des services déconcentrés, puisse se tenir courant septembre sur ce thème. Il s'agira, selon l'avancement de la démarche de décentralisation, de préciser le positionnement des services du ministère aux différents niveaux territoriaux.
Sans entrer dans le détail pour ne pas trop sortir du cadre de cette réunion, je pourrais évoquer bien des sujets pour lesquels des propositions existent : o l'amélioration des parcours professionnels entre services publics de l'État et des collectivités territoriales ;
o symétriquement, l'ouverture aux collectivités territoriales du réseau scientifique et technique ;
o le renforcement de nos missions dans le domaine des risques et de l'environnement, à la fois comme État régalien, partenaire et prestataire ;
o l'ingénierie publique qui doit poursuivre sa modernisation ;
o l'assistance aux collectivités pour l'aménagement et de l'urbanisme ; etc
C'est ce dernier sujet, l'aménagement et l'urbanisme, qui nous occupe plus particulièrement aujourd'hui. A ce titre, après vous avoir présenté les grandes lignes de la loi Urbanisme et habitat et du " service après vote " que nous devons
assurer, je vous proposerai quelques perspectives dans ce domaine.
J'en viens à la loi Urbanisme et Habitat.
Quand j'ai été nommé ministre, je n'avais pas particulièrement l'intention de préparer une loi de plus dans le domaine de l'urbanisme. Je pense qu'il ne faut pas trop faire de lois.
Deux éléments m'ont fait changer d'avis :
o D'abord, de fortes tensions sur le foncier, en particulier dans les grandes agglomérations,
o Ensuite, de très fortes critiques des élus locaux et des parlementaires. Ces critiques, parfois très dures, portaient d'ailleurs autant sur la mise en oeuvre sur le terrain, que sur la loi elle-même.
C'est pour cette raison que j'attache une très grande importance au " service après vote " de la loi Urbanisme et habitat. Je suis convaincu d'une chose, la mise en oeuvre de cette loi repose sur vous, et sur l'ensemble des agents qui, dans les DDE, sont en charge de ce domaine. Avant le 14 juillet, je vous adresserai plusieurs circulaires, notamment une
circulaire d'orientation générale, dans l'esprit de celle que je vous ai adressée le
21 janvier.
A partir de demain, des réunions seront organisées dans tous les CIFP pour que cette loi soit présentée et expliquée aux agents concernés de vos DDE.
Un document de synthèse présentera les principaux sujets de la loi. Une première version, encore provisoire, vous est remise aujourd'hui. Ceci doit vous permettre
de préparer votre travail en direction des élus et de répondre dès maintenant à leurs questions. Vos remarques permettront que la version définitive réponde le mieux possible à vos attentes.
Enfin, je vous demanderai, à l'automne, d'organiser, dans chaque Département, une réunion avec les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux. Je participerai personnellement à plusieurs d'entre elles.
Sur le fond, la loi Urbanisme et Habitat a pour première ambition d'apporter des réponses concrètes à des problèmes concrets. Si j'osais, je vous dirais qu'il ne s'agit pas de faire le " grand soir " de l'urbanisme, mais plutôt de " changement
dans la continuité ",..
Je reprends donc volontiers, à mon compte, deux apports de la loi SRU : la démarche de projet et le souci de la planification.
Le discours tenu à l'occasion de la loi SRU était " Il faut densifier les villes et limiter les constructions dans les campagnes pour éviter l'étalement urbain ".
Je suis conscient de la nécessité de faire vivre la ville avec une certaine densité. Je pense qu'il faut lutter contre l'étalement urbain anarchique en se concentrant sur les vrais problèmes : le même lotissement mille fois répété, les alignements de boîtes à chaussures, le mitage systématique de l'espace dans des secteurs à forte pression foncière.
En revanche, je ne suis pas opposé au développement des communes périurbaines ou rurales, s'il s'agit d'un développement organisé et de qualité. Il me semble qu'il est à la fois plus juste, plus efficace et plus mobilisateur pour les services, de tenir aux élus un discours exigeant sur la qualité, sur le soin apporté à l'aménagement, qu'un discours purement malthusien.
Sur les principaux sujets de la loi, il me semble important de vous donner des orientations de principe. Je laisserai la DGUHC vous les présenter de façon plus détaillée, tout en vous redisant que je compte sur vous pour veiller à une application attentive, je n'ai pas dit restrictive, de la loi.
Je vous parlerai des SCoT, des PLU et des communes rurales.
Concernant les SCcoT, trois choses :
o Les SCoT sont de bons outils de coopération et de cohérence entre les collectivités. Une aide financière sera mise en place pour soutenir cette démarche.
o Je crois à la proximité. Le SCoT doit être un document général de cohérence (pas un super PLU)
o Enfin, pour les périmètres, c'est aux élus de décider. Je ne crois pas aux mariages forcés. Vous avez un double devoir de conseil et de contrôle pour éviter les périmètres manifestement absurdes.
o Jouez ce rôle jusqu'au bout. Mais n'hésitez pas à faire preuve de souplesse et d'imagination pour des SCoT librement consentis.
Deuxième sujet, les PLU. Je retiendrai deux points :
o La démarche de projet n'est pas remise en cause, au contraire. A vous de faire adhérer les élus à cette démarche, en particulier en leur présentant le PADD pour ce qu'il doit être : l'expression du projet communal, et maintenant ce n'est plus un parcours semé d'embûches. Le PADD n'est pas opposable.
o Dans un souci de simplification et de responsabilisation des élus, la loi étend le champ de la procédure simple de modification.
Troisième sujet, les communes rurales.
Votre rôle est d'aider les collectivités à organiser leur développement. En particulier, je pense qu'il faut que vous facilitiez l'élaboration de cartes communales. Elles seront bientôt éligibles à la DGD.
Dans les communes, sans document d'urbanisme, je vous demande de veiller à une bonne application des possibilités de dérogation à la constructibilité limitée prévues, (pardon de cette précision technique) par l'article L 111-1-2 4 °.
La loi " urbanisme et Habitat "comporte également des innovations qui vont dans le sens de la qualité, notamment en matière de patrimoine rural.
Quitte à me répéter, j'attire votre attention sur cette question de qualité. Pour parler clair, pour moi la priorité c'est que vous passiez du temps à travailler avec les élus sur la qualité des lotissements, sur le soin qu'ils apportent à leur aménagement.
Enfin, des évolutions de la loi Montagne vont dans le sens d'une responsabilisation des élus. Elles visent à encourager les démarches de qualité. Là encore, je compte sur vous pour accompagner ce mouvement.
Concernant les communes rurales, je me dois de dire deux mots de la PVR. La loi permet qu'elle soit utilisée pour le financement des seuls réseaux, ce qui était une demande forte. Je sais que c'est un sujet très compliqué. Je compte sur vous pour faire oeuvre de pédagogie, d'autant plus que sur cette question, les réactions ont été très vives, mais la solution apportée par le texte est bien perçue.
Je vous l'ai dit en introduction, la loi " Urbanisme et habitat " et le projet de loi de décentralisation sont l'occasion de repenser votre rôle dans le domaine de l'aménagement et de l'urbanisme.
Sur un plan général, j'insiste sur deux missions :
o L'explication de la loi pour permettre aux élus d'exercer leurs compétences pas pour les restreindre,
o La pédagogie de la qualité.
Vous intervenez au titre de l'État, à travers le porter à connaissance et l'association. Vous intervenez également au titre du conseil. Je laisserai François Delarue entrer dans le détail de ces trois fonctions pour insister sur ce qui me semble constituer votre valeur ajoutée :
o La connaissance du droit, ce qui, à une époque où le contentieux devient la règle, est très précieux
o La capacité à appréhender les problèmes à une échelle de temps et d'espace plus large, qui vous permet d'aider les élus à " mettre en perspective " leur réflexion
o La neutralité, qui vous permet d'apporter votre caution à des coopérations entre élus qui ne sont pas toujours faciles
o Enfin, l'expertise propre des services et du réseau équipement.
Sans rien renier de votre rôle d'État garant, je vous demande vraiment d'être, le plus possible, conseillers des élus. Je suis convaincu que c'est la meilleure voie d'excellence.
Ceci vaut également, bien sûr, concernant la " mise à disposition ". Privilégiez le conseil et l'assistance, et réservez les travaux en régie aux cartes communales dans une logique de solidarité.
Concernant l'instruction des permis de construire, la logique est un peu la même. Il me semble souhaitable de réorienter l'activité sur ce qui est stratégique : la solidarité avec les petites collectivités, le conseil et l'animation.
Le projet de loi de décentralisation retient deux mesures : l'une supprime la mise à disposition gratuite des DDE pour l'instruction des actes d'urbanisme dans les communes de plus de 10 000 habitants. L'autre prévoit que, même dans les communes qui ont la charge de l'instruction, vous avez un devoir de conseil et d'assistance.
Bien sûr cette mesure est soumise à l'avis du Conseil d'État et c'est le Parlement qui en décidera. Mais il me semble que ce projet du Gouvernement marque bien la direction que je souhaite donner. Vingt ans après la décentralisation de l'urbanisme, il est en effet anormal que les communes qui en auraient les moyens n'instruisent par leurs permis. Je vous invite donc à entreprendre ou à poursuivre un effort de conviction auprès des maires concernés.
Bien entendu, cette incitation à une pleine prise de responsabilité par les collectivités, ne doit pas être un abandon. Vous devez aider les collectivités à former de nouveaux instructeurs. Une fois le transfert réalisé, vous devez faire bénéficier ces communes du " réseau équipement " :
o En les associant à vos réunions ADS,
o En leur ouvrant vos formations internes,
o En leur diffusant les nouveaux textes.
Vous pouvez également maintenir, de façon durable ou transitoire, une assistance ponctuelle sur des dossiers importants. Vous pouvez compter sur mon soutien sur les actions que vous mènerez, bien sûr avec mesure en fonction des spécificités locales, dans l'esprit que je viens d'indiquer.
Je vous invite aussi à inciter les structures intercommunales à prendre en main l'instruction des permis de construire.
Bien sûr, une importante activité d'instruction proprement dite demeurera, pour le compte de l'État et dans les petites communes. Cette mission restera importante ;
vous avez donc le devoir d'assurer un service public de qualité attentif aux usagers.
Mais le sens donné, confirmé par la loi de décentralisation, c'est :
o Moins d'instruction, les communes ou les intercommunalités doivent reprendre cette mission à leur compte, mais avec votre soutien,
o Plus de solidarité avec les petites communes,
o Plus de conseil et d'animation.
Bien sûr, ces orientations seront précisées sur la base du rapport que remettra l'instance d'évaluation présidée par Agnès de Fleurieu, sur l'intervention des DDE en matière d'ADS.
Mais d'ores et déjà, j'ai demandé à la DGUHC, en liaison avec la DPSM, de mettre en place un véritable pilotage de la fonction ADS, et de prendre le cas échéant les mesures d'organisation interne nécessaires.
Les réflexions que, dans bon nombre de vos départements, vous aurez à mener pour réorganiser le réseau des subdivisions devront bien évidemment intégrer pleinement cette préoccupation d'un service ADS performant et renouvelé.
Je vous remercie.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 20 juin 2003)