Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour la deuxième lecture du projet de loi de sécurité financière qui est, vous le savez, notre réponse à la crise de confiance dans les mécanismes du marché, et aux insuffisances de régulation dont le monde économique et financier a pris conscience depuis deux ans. Reconstruire le pacte de confiance dans l'économie de marché, faire de cette crise une opportunité pour progresser, c'est l'objectif de ce projet de loi que nous avons préparé avec mon collègue Dominique Perben.
Mais cette loi, quelle que soit son ambition, ne supprimera pas le risque, et c'est heureux, car le risque est un moteur nécessaire pour le mouvement de nos sociétés. L'investissement dans des titres de sociétés cotées présentera toujours un aléa, car l'entreprise doit faire des paris sur l'avenir et il y a toujours dans cette aventure des accidents de parcours. Par contre, ce qui n'est pas acceptable, c'est que l'épargnant prenne des risques inconsidérés car fondés sur des informations fausses qui interdisent une appréciation juste des situations.
Après un premier examen par votre Haute Assemblée et l'Assemblée Nationale, le texte dont nous avons aujourd'hui à débattre comprend désormais 134 articles, dont 89 restent en discussion. Il s'est enrichi de plusieurs dispositions importantes. Certaines vont directement dans le sens d'une plus grande sécurité financière, d'autres permettent dans le même temps une modernisation de notre cadre juridique et financier, également bienvenue.
I. Sans revenir sur le détail des dispositions, je rappelle que le projet s'articule autour de trois grandes idées : une surveillance des marchés renforcée, une meilleure protection des consommateurs et une démocratie actionnariale plus forte.
- Pour renforcer la surveillance des marchés, nous modernisons nos autorités de contrôle pour que les gendarmes du marché soient les plus efficaces possible.
La création de l'Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante, répond à cet objectif. L'AMF sera dotée de tous les moyens, juridiques et financiers, pour assurer sa triple mission de protection de l'épargne, d'information des investisseurs et de bon fonctionnement des marchés. Clé de voûte de notre système financier, dotée de prérogatives élargies à tous les acteurs qui jouent un rôle dans la chaîne de l'information financière, elle disposera de pouvoirs de sanction forts. Dans le secteur de l'assurance, qui joue un rôle majeur dans nos économies, la création d'une autorité de contrôle unique pour toutes les entreprises exerçant un métier d'assureur permettra également d'augmenter l'efficacité de nos dispositifs.
- Deuxième fil conducteur du projet de loi, le renforcement de la protection des consommateurs, qu'ils soient épargnants ou assurés. Il s'agit de sujets en apparence très techniques, mais qui ont un impact souvent déterminant sur la vie de nos concitoyens.
La sécurité de l'épargnant impliquait la réforme de notre législation sur le démarchage financier, vieille de 30 ans, et la création du statut des conseillers en investissements financiers. Les premiers débats entre les deux Assemblées ont permis d'améliorer le texte, dans l'intérêt de la nécessaire protection de nos concitoyens, mais sans imposer des contraintes bureaucratiques inutiles.
Deuxième innovation importante, la création d'un fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, pour combler un vide dans nos dispositifs de protection des assurés, dont nos concitoyens ont pu souffrir à l'occasion de la faillite de telle ou telle compagnie d'assurances.
Notre discussion aujourd'hui permettra aussi d'apporter deux éléments de progrès complémentaires.
Tout d'abord, pour tenir compte du souhait légitime exprimé par l'Assemblée Nationale, le gouvernement vous propose de renforcer la transparence de l'information sur les contrats d'assurance vie, dans l'intérêt des souscripteurs.
Ensuite, il nous faut combler le vide juridique récemment mis en évidence par le Conseil d'Etat s'agissant du contrôle des concentrations dans le secteur bancaire. Au terme d'une réflexion qui a associé votre rapporteur et le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée Nationale, je vous propose de confier ce contrôle aux autorités de droit commun, comme c'est le cas chez la plupart de nos partenaires, comme c'est aussi le cas pour tous les autres secteurs de l'économie dans notre pays. La spécificité du secteur bancaire sera néanmoins pleinement reconnue avec la saisine pour avis du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, autorité prudentielle dont la compétence est reconnue. Nous aurons ainsi dans des délais rapides remis sur pieds un dispositif indispensable au bon fonctionnement de notre secteur bancaire, dans son intérêt comme dans celui des consommateurs.
- Le troisième objectif de ce projet de loi, c'est le renforcement de la démocratie actionnariale, ce que l'on appelle souvent le gouvernement d'entreprise. J'entends parfois que la loi serait muette sur ce point, ou qu'elle pêcherait par absence d'ambition. Je rappelle ici que nous avons fait le choix de poser des principes forts, dans plusieurs domaines, et que les débats parlementaires ont permis de faire progresser le texte dans une direction que je partage.
Pour renforcer la profession comptable, nous posons des règles claires et exigeantes, qui n'ont rien à envier à celles mises en place aux Etats-Unis par la loi Sarbanes Oxley. Ceux qui nous encouragent à transposer ses dispositions me semblent devoir y regarder de plus près.
S'agissant de ce que l'on appelle le gouvernement d'entreprise, la loi doit fixer les principes fondamentaux, mais résister à la tentation du pointillisme. Un gouvernement d'entreprise fort est en effet l'une des principales réponses à la crise de confiance, mais il ne faut pas croire que tout dans ce domaine relève de la loi. Le projet pose donc un certain nombre de principes, qui permettront notamment de renforcer le rôle de l'assemblée générale, lieu fondamental de l'expression du contrôle des décisions du management. Le Sénat a de ce point de vue apporté des compléments utiles, comme par exemple l'obligation faite aux sociétés de gestion de voter en assemblée générale ou d'expliquer les raisons de leur abstention.
Mais, je le répète encore une fois, tout ne peut être prévu par la loi, dont le rôle n'est pas de recopier dans le détail les recommandations émises par les entreprises elles-mêmes dans les rapports Viénot ou Bouton. Ceci n'implique pas pour autant que nous nous désintéressions du rôle que doivent jouer des administrateurs indépendants ou les comités du conseil d'administration, qui sont indispensables à une bonne gouvernance, mais il serait illusoire de penser qu'un seul modèle permettrait de tout régler.
La sécurité financière intéresse enfin d'autres acteurs que le projet initial avait laissé de côté mais qui, au terme de nos débats, me paraissent avoir trouvé une juste place. Le projet de loi crée ainsi les conditions pour que les analystes et les agences de notation fassent l'objet d'un contrôle ou d'un suivi par l'Autorité des marchés financiers. Je pense qu'après avoir beaucoup discuté avec les deux assemblées nous parviendrons à un accord qui permettra d'adresser un signal clair au marché. Les acteurs qui jouent un rôle majeur dans notre économie n'échappent pas à l'attention des pouvoirs publics, mais il nous faut rester pragmatiques, car nous savons tous que nous intervenons dans un cadre qui dépasse nos frontières. Ce débat, nous le portons également auprès de nos collègues européens et au G8, et vous savez que nos thèses progressent, comme le sommet des Chefs d'Etat à Evian vient encore de le démontrer. Ne pensez donc pas que l'Europe reste inerte, ce n'est pas le cas, elle avance, et plusieurs initiatives récentes de la Commission européenne sont là pour en attester, notamment en matière de gouvernement d'entreprise.
II. Enfin, je note que le projet du Gouvernement s'est enrichi au fil des discussions, et notamment au Sénat, de plusieurs articles qui renforcent aussi la compétitivité et l'attractivité de notre place financière. Le Gouvernement a soutenu ces initiatives, dans la mesure où elles restaient cohérentes avec l'axe fondamental du texte.
Pour prendre quelques exemples, la modernisation du droit de la titrisation, des sociétés de crédit foncier, des OPCVM, ou la réforme du droit de l'assurance de responsabilité civile, permettent une avancée très utile de notre cadre juridique. Je pense que les avantages qu'il faut en attendre justifient amplement quelques digressions par rapport au thème central de la loi, à la condition d'en respecter l'esprit.
Au total, toutes ces dispositions constituent un ensemble cohérent pour moderniser notre système juridique et renforcer la protection de l'épargne publique. Avec cette loi, notre pays se dotera d'un ensemble de règles au meilleur niveau des standards internationaux et nous permettant de poursuivre le dialogue avec nos partenaires en disposant d'une position forte.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le texte dont nous discutons aujourd'hui est un texte technique, mais il répond à un défi politique. J'ai le sentiment que nos débats et vos propositions, ainsi que celles de l'Assemblée Nationale, permettront d'installer rapidement les nouvelles institutions et les nouvelles règles qui apporteront un progrès important pour la confiance dans le marché et le bon fonctionnement de notre économie. Il nous restera aussi à faire preuve de pédagogie et à poursuivre nos efforts, car, encore une fois, tout ne peut être fait par la loi.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 6 juin 2003)
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour la deuxième lecture du projet de loi de sécurité financière qui est, vous le savez, notre réponse à la crise de confiance dans les mécanismes du marché, et aux insuffisances de régulation dont le monde économique et financier a pris conscience depuis deux ans. Reconstruire le pacte de confiance dans l'économie de marché, faire de cette crise une opportunité pour progresser, c'est l'objectif de ce projet de loi que nous avons préparé avec mon collègue Dominique Perben.
Mais cette loi, quelle que soit son ambition, ne supprimera pas le risque, et c'est heureux, car le risque est un moteur nécessaire pour le mouvement de nos sociétés. L'investissement dans des titres de sociétés cotées présentera toujours un aléa, car l'entreprise doit faire des paris sur l'avenir et il y a toujours dans cette aventure des accidents de parcours. Par contre, ce qui n'est pas acceptable, c'est que l'épargnant prenne des risques inconsidérés car fondés sur des informations fausses qui interdisent une appréciation juste des situations.
Après un premier examen par votre Haute Assemblée et l'Assemblée Nationale, le texte dont nous avons aujourd'hui à débattre comprend désormais 134 articles, dont 89 restent en discussion. Il s'est enrichi de plusieurs dispositions importantes. Certaines vont directement dans le sens d'une plus grande sécurité financière, d'autres permettent dans le même temps une modernisation de notre cadre juridique et financier, également bienvenue.
I. Sans revenir sur le détail des dispositions, je rappelle que le projet s'articule autour de trois grandes idées : une surveillance des marchés renforcée, une meilleure protection des consommateurs et une démocratie actionnariale plus forte.
- Pour renforcer la surveillance des marchés, nous modernisons nos autorités de contrôle pour que les gendarmes du marché soient les plus efficaces possible.
La création de l'Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante, répond à cet objectif. L'AMF sera dotée de tous les moyens, juridiques et financiers, pour assurer sa triple mission de protection de l'épargne, d'information des investisseurs et de bon fonctionnement des marchés. Clé de voûte de notre système financier, dotée de prérogatives élargies à tous les acteurs qui jouent un rôle dans la chaîne de l'information financière, elle disposera de pouvoirs de sanction forts. Dans le secteur de l'assurance, qui joue un rôle majeur dans nos économies, la création d'une autorité de contrôle unique pour toutes les entreprises exerçant un métier d'assureur permettra également d'augmenter l'efficacité de nos dispositifs.
- Deuxième fil conducteur du projet de loi, le renforcement de la protection des consommateurs, qu'ils soient épargnants ou assurés. Il s'agit de sujets en apparence très techniques, mais qui ont un impact souvent déterminant sur la vie de nos concitoyens.
La sécurité de l'épargnant impliquait la réforme de notre législation sur le démarchage financier, vieille de 30 ans, et la création du statut des conseillers en investissements financiers. Les premiers débats entre les deux Assemblées ont permis d'améliorer le texte, dans l'intérêt de la nécessaire protection de nos concitoyens, mais sans imposer des contraintes bureaucratiques inutiles.
Deuxième innovation importante, la création d'un fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, pour combler un vide dans nos dispositifs de protection des assurés, dont nos concitoyens ont pu souffrir à l'occasion de la faillite de telle ou telle compagnie d'assurances.
Notre discussion aujourd'hui permettra aussi d'apporter deux éléments de progrès complémentaires.
Tout d'abord, pour tenir compte du souhait légitime exprimé par l'Assemblée Nationale, le gouvernement vous propose de renforcer la transparence de l'information sur les contrats d'assurance vie, dans l'intérêt des souscripteurs.
Ensuite, il nous faut combler le vide juridique récemment mis en évidence par le Conseil d'Etat s'agissant du contrôle des concentrations dans le secteur bancaire. Au terme d'une réflexion qui a associé votre rapporteur et le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée Nationale, je vous propose de confier ce contrôle aux autorités de droit commun, comme c'est le cas chez la plupart de nos partenaires, comme c'est aussi le cas pour tous les autres secteurs de l'économie dans notre pays. La spécificité du secteur bancaire sera néanmoins pleinement reconnue avec la saisine pour avis du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, autorité prudentielle dont la compétence est reconnue. Nous aurons ainsi dans des délais rapides remis sur pieds un dispositif indispensable au bon fonctionnement de notre secteur bancaire, dans son intérêt comme dans celui des consommateurs.
- Le troisième objectif de ce projet de loi, c'est le renforcement de la démocratie actionnariale, ce que l'on appelle souvent le gouvernement d'entreprise. J'entends parfois que la loi serait muette sur ce point, ou qu'elle pêcherait par absence d'ambition. Je rappelle ici que nous avons fait le choix de poser des principes forts, dans plusieurs domaines, et que les débats parlementaires ont permis de faire progresser le texte dans une direction que je partage.
Pour renforcer la profession comptable, nous posons des règles claires et exigeantes, qui n'ont rien à envier à celles mises en place aux Etats-Unis par la loi Sarbanes Oxley. Ceux qui nous encouragent à transposer ses dispositions me semblent devoir y regarder de plus près.
S'agissant de ce que l'on appelle le gouvernement d'entreprise, la loi doit fixer les principes fondamentaux, mais résister à la tentation du pointillisme. Un gouvernement d'entreprise fort est en effet l'une des principales réponses à la crise de confiance, mais il ne faut pas croire que tout dans ce domaine relève de la loi. Le projet pose donc un certain nombre de principes, qui permettront notamment de renforcer le rôle de l'assemblée générale, lieu fondamental de l'expression du contrôle des décisions du management. Le Sénat a de ce point de vue apporté des compléments utiles, comme par exemple l'obligation faite aux sociétés de gestion de voter en assemblée générale ou d'expliquer les raisons de leur abstention.
Mais, je le répète encore une fois, tout ne peut être prévu par la loi, dont le rôle n'est pas de recopier dans le détail les recommandations émises par les entreprises elles-mêmes dans les rapports Viénot ou Bouton. Ceci n'implique pas pour autant que nous nous désintéressions du rôle que doivent jouer des administrateurs indépendants ou les comités du conseil d'administration, qui sont indispensables à une bonne gouvernance, mais il serait illusoire de penser qu'un seul modèle permettrait de tout régler.
La sécurité financière intéresse enfin d'autres acteurs que le projet initial avait laissé de côté mais qui, au terme de nos débats, me paraissent avoir trouvé une juste place. Le projet de loi crée ainsi les conditions pour que les analystes et les agences de notation fassent l'objet d'un contrôle ou d'un suivi par l'Autorité des marchés financiers. Je pense qu'après avoir beaucoup discuté avec les deux assemblées nous parviendrons à un accord qui permettra d'adresser un signal clair au marché. Les acteurs qui jouent un rôle majeur dans notre économie n'échappent pas à l'attention des pouvoirs publics, mais il nous faut rester pragmatiques, car nous savons tous que nous intervenons dans un cadre qui dépasse nos frontières. Ce débat, nous le portons également auprès de nos collègues européens et au G8, et vous savez que nos thèses progressent, comme le sommet des Chefs d'Etat à Evian vient encore de le démontrer. Ne pensez donc pas que l'Europe reste inerte, ce n'est pas le cas, elle avance, et plusieurs initiatives récentes de la Commission européenne sont là pour en attester, notamment en matière de gouvernement d'entreprise.
II. Enfin, je note que le projet du Gouvernement s'est enrichi au fil des discussions, et notamment au Sénat, de plusieurs articles qui renforcent aussi la compétitivité et l'attractivité de notre place financière. Le Gouvernement a soutenu ces initiatives, dans la mesure où elles restaient cohérentes avec l'axe fondamental du texte.
Pour prendre quelques exemples, la modernisation du droit de la titrisation, des sociétés de crédit foncier, des OPCVM, ou la réforme du droit de l'assurance de responsabilité civile, permettent une avancée très utile de notre cadre juridique. Je pense que les avantages qu'il faut en attendre justifient amplement quelques digressions par rapport au thème central de la loi, à la condition d'en respecter l'esprit.
Au total, toutes ces dispositions constituent un ensemble cohérent pour moderniser notre système juridique et renforcer la protection de l'épargne publique. Avec cette loi, notre pays se dotera d'un ensemble de règles au meilleur niveau des standards internationaux et nous permettant de poursuivre le dialogue avec nos partenaires en disposant d'une position forte.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le texte dont nous discutons aujourd'hui est un texte technique, mais il répond à un défi politique. J'ai le sentiment que nos débats et vos propositions, ainsi que celles de l'Assemblée Nationale, permettront d'installer rapidement les nouvelles institutions et les nouvelles règles qui apporteront un progrès important pour la confiance dans le marché et le bon fonctionnement de notre économie. Il nous restera aussi à faire preuve de pédagogie et à poursuivre nos efforts, car, encore une fois, tout ne peut être fait par la loi.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 6 juin 2003)