Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Chacun mesure ici le contexte particulier dans lequel s'inscrit le projet de loi relatif à la politique de santé publique que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
Au mois d'août dernier, notre pays a été frappé par un phénomène d'une ampleur et d'une durée inégalées dans l'histoire de la météorologie des pays à climat tempéré. Les conséquences sanitaires en ont été majeures, notamment pour les personnes âgées de nos grands centres urbains.
Ce drame humain soulève bien des questions légitimes auxquelles nous sommes tous attachés à répondre. Une commission d'experts indépendants que j'ai missionnée a remis ses conclusions préliminaires affinant dès à présent constat et analyse. Une mission d'information vient d'être constituée par l'Assemblée nationale et elle m'auditionnera demain ; il lui appartient de faire le point sur les événements du mois d'août et, par conséquent, je n'y reviendrai pas maintenant, sinon pour vous dire que les dispositions de ce projet de loi doivent contribuer à éviter que de tels drames se reproduisent.
En effet, si l'ensemble des conséquences de cette canicule pouvaient difficilement être anticipées, il n'en reste pas moins que notre système de santé publique souffre de faiblesses structurelles profondes, sur lesquelles je n'ai pas cessé d'appeler l'attention depuis que je suis ministre et, auparavant, sur ces bancs, comme parlementaire.
Ma première analyse de ces événements dramatiques est qu'ils ont brutalement mis en lumière, en quelques jours, la plupart de ces faiblesses. Et si j'ai l'ambition que nous réalisions une profonde réforme du système de santé publique, ce n'est pas seulement pour être capables de faire face à la prochaine vague de chaleur. C'est pour que notre pays soit capable d'offrir à nos concitoyens la meilleure protection sanitaire possible en toutes circonstances, même les plus difficiles.
Quelles sont ces faiblesses ? A mon sens, il y en a trois : un profond déséquilibre entre le soin et la prévention, une responsabilité de l'Etat insuffisamment affirmée et définie dans le domaine de la santé publique et une extraordinaire dispersion des acteurs et des efforts, qui est responsable de nos mauvais résultats en termes de mortalité prématurée, définie comme celle qui survient avant l'âge de 60 ans.
En 1998, notre pays s'est doté d'un premier ensemble complet d'outils destinés à garantir la sécurité sanitaire de notre environnement, de notre alimentation et des produits de santé, tels les médicaments, et à organiser un réseau de veille sanitaire ; la création, à cette époque, des agences sanitaires correspond à une première étape sur la voie d'une meilleure approche du devoir de santé publique et le Parlement a, à ce moment déjà, joué un rôle prééminent.
Le projet de loi qui vous est soumis va plus loin en affirmant la responsabilité l'Etat en matière de santé publique. Ce faisant, le gouvernement rompt avec la politique longtemps prisée en France, faite d'annonces de plans successifs sans cohérence, pour lutter contre telle ou telle maladie, en fonction des pressions exercées par différents protagonistes, et il s'attaque à un défaut structurel de notre système de santé - défaut relevé par les ministres successifs mais pourtant jamais corrigé. Il s'agit donc d'une deuxième étape, plus structurante et plus aboutie que la première, qui porte en elle-même sa force et sa cohérence.
Car il y avait en la matière fort à faire.
La santé publique, en effet, n'a jamais été consacrée en tant que telle comme une responsabilité de l'Etat et un domaine prioritaire d'action des pouvoirs publics. En l'absence de politique d'ensemble, l'organisation actuelle est ainsi le résultat de réformes successives qui manquaient d'une vision globale et dont la prévention n'était pas l'objet principal.
L'idée même de santé publique est longtemps restée incomprise. Elle a trop souvent été vécue comme une intrusion de l'Etat dans l'intimité des personnes, voire dans le champ de compétence des professionnels de santé. La légitimité pour l'Etat d'intervenir dans les affaires de santé a toujours été questionnée.
Mais chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'Etat et ses agents que les Français et les Françaises se tournent pour exiger une protection efficace. L'actualité est suffisamment éloquente : seul l'Etat peut organiser efficacement la lutte contre les épidémies comme le syndrome respiratoire aigu sévère, les méningites, la grippe ou l'hépatite B.
Ces exemples illustrent ce qu'est la politique de santé publique : non pas l'intrusion de l'Etat dans l'intimité de chacun, mais la nécessité de comprendre et de résoudre les problèmes de santé à l'échelle de la population. Car sans ce regard collectif, le système de santé est myope. Il ne peut pas se préparer correctement aux évolutions futures. Les efforts que nous déployons pour soigner les malades ne trouvent pas leur équivalent lorsqu'il s'agit de chercher à prévenir, éduquer, dépister.
En bref, l'approche individuelle des maladies, pour essentielle qu'elle soit, ne suffit pas. Nous devons disposer d'un regard et d'une analyse sur les groupes d'individus, sur les populations si nous voulons que le système de santé soit juste, efficace et performant. Si, en médecine, la personne est au centre de tout, qui pourrait croire qu'un système de santé n'est que la somme des actes pratiqués au niveau individuel ? Ce serait oublier le rôle de l'environnement - pensons à l'eau potable, à la qualité de l'air ; ce serait oublier le rôle des comportements, le rôle des prises de risque plus ou moins volontairement consenties.
Cet oubli, cette défiance à l'égard d'une approche collective de la santé par l'Etat expliquent les déséquilibres majeurs qui caractérisent notre système de santé et, notamment, le fait que l'essentiel des moyens consacrés à la santé dans notre pays vont au secteur curatif. Sur 150 milliards de dépenses de santé, seulement 3,6 milliards, soit 2,3%, sont consacrés à la prévention !
Deux constats jettent une lumière malheureusement éloquente sur les conséquences de cette négligence dans laquelle a été tenue la santé publique.
Premièrement, la mortalité prématurée reste en France à un niveau anormalement élevé alors que les causes en sont connues et que l'on sait qu'elle est évitable. Ces résultats sont choquants, d'autant qu'ils contrastent avec la performance de nos professionnels et de nos établissements de santé. L'Etat peut agir et les Français attendent qu'il le fasse : agir sur l'environnement, les comportements ou les phénomènes de violence, et réduire ainsi la triste spécificité française en termes de morbidité précoce.
La guerre sans merci que nous avons déclarée au tabac, principale cause de cancer et de mortalité évitable a d'ores et déjà des résultats spectaculaires sur les ventes de cigarettes, qui ont chutées de 8% depuis le début de l'année. Cette offensive contre le tabac nous l'avons commencée en augmentant de façon importante les taxes par la LFSS 2003. Nous l'avons poursuivie ensemble par la loi visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes et nous continuons cet effort par ce projet de loi. Autre exemple : la politique de réduction des risques chez les usagers de drogues qui a fait chuter la prévalence des infections à VIH chez les toxicomanes. Enfin, chacun comprend aussi qu'il faut agir contre la consommation de drogues, qui constitue un comportement à risque majeur.
Deuxièmement, il existe des disparités territoriales marquées par d'importants écarts d'espérance de vie d'une région à l'autre. Autre exemple qui heurte l'équité : j'ai trouvé, en prenant mes fonctions, une situation dans laquelle seuls un tiers des départements offraient des programmes de dépistage des cancers du sein chez les femmes. La généralisation de ce dépistage avait pourtant été annoncée par mes prédécesseurs. Ces inégalités, dont les causes sont multiples, interpellent aussi l'Etat dans son rôle de garant de la santé de la population et de la solidarité nationale.
Bien légitimement, l'attente à l'égard des pouvoirs publics ne fait donc que croître et, par contraste, leur capacité de réponse apparaît bien insuffisante. Le délaissement de la santé publique a en effet alimenté une situation caractérisée par trois faiblesses.
Tout d'abord, la répartition des responsabilités en matière de santé publique n'est pas suffisamment précise.
Ensuite, la politique de santé publique ne procède pas à partir d'une programmation précise autour d'objectifs définis après un large dialogue.
Enfin, la coordination de l'ensemble des partenaires qui concourent aux actions de santé publique est insuffisante. J'estime, en particulier, que l'articulation entre les activités de soins et les activités de santé publique doit être améliorée.
Ces faiblesses sont anciennes. Je les ai déjà relevées dans mon rapport de 1996 sur la santé et l'environnement rédigé pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce projet de loi a l'ambition de les corriger.
L'objet premier du projet de loi que je vous présente au nom du gouvernement est ainsi de clarifier cette ambiguïté sur le rôle de l'Etat en matière de santé publique. L'Etat n'a pas le monopole de l'action dans ce domaine. Mais il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat associant les différents acteurs publics et privés qui sont nombreux à concourir à l'amélioration de la santé.
Pour que chaque acteur puisse situer son rôle et comprendre le sens de son action, ce partenariat doit s'inscrire dans un cadre de référence explicite. C'est au travers d'une série d'objectifs permettant de juger si l'action va dans le bon sens que ce partenariat doit s'organiser. La mise sous objectifs du système de santé publique sur un horizon de cinq ans est le deuxième axe directeur de ce projet.
Jusqu'à présent, lorsque l'on parlait d'objectifs, l'on faisait référence aux dépenses d'assurance maladie. Cette logique est non seulement inflationniste par nature. Elle est encore appauvrissante. Car la vraie question est de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé de la population. C'est cette correspondance entre les moyens et les résultats que ce projet de loi veut organiser.
C'est pourquoi il comporte un rapport annexé, qui propose une centaine d'objectifs correspondant aux principaux défis sanitaires. Il s'agit notamment de promouvoir des comportements favorables à la santé, de réduire les conduites à risques, d'organiser la prise en charge des maladies chroniques et de maîtriser le risque infectieux. Lorsque cela a été possible, c'est-à-dire lorsque les systèmes d'information en santé le permettaient, ces objectifs ont été quantifiés.
Ils constitueront un tableau de bord pour améliorer le pilotage de notre système, pour mieux analyser ses forces et ses faiblesses et pour évaluer sa performance. Qu'on ne s'y trompe pas : ces objectifs n'ont pas vocation à être exhaustifs. Ce sont des marqueurs, des indicateurs qui doivent permettre périodiquement de faire le point sur les évolutions de la situation sanitaire du pays.
Le troisième grand objectif de ce projet de loi est d'organiser l'action sur le terrain car c'est sur le terrain que se gagne la bataille de la santé. Mais il revient à l'Etat d'organiser, d'impulser et de coordonner l'action sur le terrain.
Aujourd'hui, sauf telle ou telle exception locale que je tiens à saluer, cette coordination des efforts pour la réalisation d'objectifs communs est à peu près inexistante.
En une décennie, le code de la santé publique a triplé de volume et commissions et procédures se sont multipliées à l'envi. Cela n'a pas empêché la catastrophe de cet été. La politique de santé publique doit donc servir à organiser l'action sur le terrain, pour rapprocher les professionnels du soin, rapprocher les professionnels de l'action sociale, les soins de ville et les soins hospitaliers. Rapprocher : la nécessité pressentie dans l'élaboration de cette loi s'est cruellement confirmée cet été.
Devant les lacunes que j'évoquais, il est tentant d'annoncer que les dépenses de santé publique doivent être augmentées. C'est vrai que de nombreux besoins restent encore à satisfaire. Mais il faut avant tout mieux utiliser ce dont nous disposons, éviter le gaspillage d'énergie et de moyens ; il faut créer les conditions d'une véritable synergie entre les différents acteurs alors qu'aujourd'hui la dispersion des moyens est extrême.
A côté des deux grands acteurs que sont l'Etat, ses services, ses agences et l'assurance maladie avec ses caisses, coexistent une myriade de structures : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation pour la santé, multiples associations spécialisées, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail et d'autres. Entre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales - régions, départements, communes ou groupements de communes - les associations ou les entreprises, la répartition des responsabilités est confuse. Ce projet de loi propose un mécanisme pour associer tous ceux qui souhaitent concourir à la politique de santé publique au niveau régional. Il faut de la cohérence, sans exclure personne. On a bien, au contraire, on l'a vu besoin de tout le monde, chacun à sa place, avec ses propres missions.
C'est pourquoi, pour mettre en oeuvre des objectifs simples et forts - agir en amont sur les déterminants des maladies, prévenir plutôt que guérir - nous devons nécessairement en passer par une traduction administrative, réglementaire et institutionnelle, que nous nous sommes efforcés de rendre aussi simple et efficace que possible, même si, je le concède, elle peut vous paraître rébarbative, certains disent technocratique.
Dans la version initiale du projet présentée en Conseil des ministres, j'avais envisagé, avec la volonté de simplifier un paysage institutionnel beaucoup trop complexe, de substituer aux actuelles structures de concertation nationale et régionales un mécanisme périodique de débat sur la santé. Mais à l'occasion des différentes concertations menées durant l'été, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer le maintien dans la loi d'une instance permanente de débat permettant aux associations, aux professionnels, aux sociétés savantes de faire entendre leur voix. Vous vous en êtes faits l'écho et je vous en remercie. A la réflexion, je crois que cette revendication est juste et utile ; nous devons donc, ensemble, déterminer le meilleur moyen d'amender le projet actuel sur ce point.
La région apparaît comme le meilleur niveau pour mettre en oeuvre la politique de santé publique. C'est à cette échelle, d'une part, que les objectifs nationaux doivent être déclinés en tenant compte des spécificités locales et, d'autre part, que tous les acteurs de la santé publique peuvent et doivent travailler ensemble.
Il est important de bien comprendre qu'une des principales entraves à la performance de notre système de santé publique tient à l'extrême dispersion des acteurs de terrain. En même temps, la multiplicité de ces acteurs, leur diversité est une richesse. Comment concilier ces deux aspects ? Plutôt que de créer un mécanisme compliqué, une institution supplémentaire, je propose un mécanisme souple d'association au sein d'un groupement d'intérêt public, chargé de la mise en oeuvre du plan régional de santé publique. Tout en respectant la personnalité et l'identité de chacun des acteurs, ce GIP doit permettre de mutualiser les financements au niveau régional. Il garantira la coordination des actions sur la base de priorités établies par son conseil d'administration, où siégeront, outre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales qui le voudront et l'ARH.
Enfin, la quatrième orientation de ce projet de loi est la création d'une grande école de santé publique. Car c'est bien un objectif de santé publique majeur que d'assurer la meilleure formation possible des professionnels de la santé aux problèmes de la prévention, dans toutes ses facettes.
Nous disposons actuellement des ressources des facultés de médecine et de celles de l'Ecole nationale de la santé publique. Cette dernière forme les agents de l'Etat oeuvrant dans le domaine sanitaire et social, dont les personnels de direction et d'encadrement des hôpitaux. Les facultés de médecine ne forment que les médecins tandis que l'ENSP ne délivre pas de diplômes reconnus au plan universitaire.
Nous sommes donc convenus, avec Luc Ferry et François Fillon, de créer un grand établissement d'enseignement supérieur permettant d'animer un réseau national de formation en santé publique, de mettre en commun les expériences et les compétences et de hisser notre système de formation au meilleur niveau. Nous voyons bien que notre pays manque quantitativement de compétences dans les différents métiers de la santé publique ; il faut que nous nous donnions les moyens de les acquérir et de professionnaliser le champ de la santé publique. Il s'agit de choses aussi diverses et nécessaires que de former des techniciens du bruit ou de la qualité des eaux et d'offrir aux professionnels de la santé une formation continue en matière de sécurité sanitaire, au sein d'un établissement disposant d'une visibilité internationale et nous hissant au niveau de nos partenaires les plus performants, anglais et belges notamment. La création de cette école devrait ainsi profiter à l'ensemble des professionnels aujourd'hui formés à l'ENSP.
Enfin, ce projet de loi procède à une révision importante des dispositions relatives aux recherches biomédicales, issues de la loi du 20 décembre 1988 dite loi Huriet-Sérusclat. J'y reviendrai.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les grandes orientations de ce projet.
Avant d'en venir à une rapide présentation de ses quatre titres, je voudrais encore vous dire que je me suis aussi attaché à porter au plan international le message du caractère primordial de la santé publique. Au cours des derniers mois, grâce à l'intervention de la France, trois sujets ont pu déboucher ou progresser significativement : nous avons vaincu les dernières hésitations de nos partenaires pour permettre, en décembre dernier, l'adoption d'une directive interdisant la publicité transfrontalière du tabac. C'est encore à l'initiative de la France que les ministres de la santé européens ont adopté, en mai dernier, un certain nombre de recommandations qui ont été décisives pour contrôler l'épidémie naissante de SRAS. Enfin, depuis ma prise de fonctions, je m'emploie à ce que voit le jour un Centre européen de contrôle des maladies transmissibles, sur le modèle du CDC d'Atlanta, afin de doter l'Europe d'une capacité opérationnelle pour répondre efficacement aux enjeux des grandes épidémies et maladies transmissibles. Le texte décidant de sa création devrait être officiellement adopté en décembre prochain, et ce Centre serait ainsi opérationnel début 2006.
Nous prévoyons enfin d'aboutir dans les prochains mois à la conclusion d'une vaste convention de coopération avec l'OMS qui traite les principaux sujets de santé publique.
Le projet de loi comporte quatre titres dont je vais vous donner une très rapide présentation.
Le titre I est relatif à la politique de santé publique. Il clarifie les responsabilités et simplifie les instances impliquées dans la politique de santé publique.
Au plan national, nous aurons un mécanisme de consultation national, destiné à éclairer le gouvernement lors du choix des objectifs et plans nationaux de santé publique ; un organisme d'expertise technique unique, le Haut Conseil de santé publique, qui reprend les missions du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et celles du Haut comité de la santé publique, et une instance de coordination interministérielle et de gestion politique, le Comité national de la santé publique. J'ajoute en un mot que, ce faisant, nous simplifions notablement le paysage institutionnel actuel.
Au niveau régional, on trouve une architecture proche : un niveau de concertation et de coordination comprenant, outre l'Etat, l'assurance maladie et les collectivités locales, les différents acteurs de terrain ; une instance opérationnelle, le groupement régional de santé publique, qui associe les différents financeurs des actions de santé publique, est chargée de mettre en oeuvre ce plan régional en choisissant les opérations qu'elle finance ou co-finance. Nous aurons ensemble à préciser comment est pilotée cette structure ; pour des raisons de cohérence de l'organisation territoriale de l'Etat, elle doit être dirigée par le DRASS ; quant à la présidence de son conseil d'administration, peut-être devons nous ensemble déterminer quelle est la solution la meilleure pour l'Etat et ses partenaires, conseil régional et assurance maladie. Nous prévoyons enfin que le Conseil régional puisse développer des actions particulières complémentaires de la politique portée par l'Etat.
Le titre II est relatif aux outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Il prévoit l'organisation régionale en matière de santé publique. Il établit de nouvelles dispositions relatives à la politique vaccinale. Il précise les mesures à mettre en oeuvre en cas de menaces sanitaires graves. Il renforce les contrôles sur la production et l'utilisation de microorganismes et de leurs toxines, en particulier dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. Il permet de renforcer les systèmes d'information sanitaire, en ménageant un équilibre entre la nécessité d'avoir accès à des données importantes et celle de protéger la vie privée.
Il est évidemment indispensable d'apporter ici des réponses aux questions soulevées pendant l'été. Toutes les propositions du rapport coordonné par le docteur Lalande, qui vient d'être rendu public, seront mises en oeuvre. Les travaux sont d'ores et déjà engagés.
Ces réponses s'organisent selon les trois volets suivants.
· Premièrement, certaines réponses demandent un temps de réflexion et de concertation avec les professionnels concernés. C'est le cas en matière d'urgence hospitalière et de politique à l'égard des personnes âgées :
Les travaux sur l'organisation des urgences s'inscrivent dans le programme du groupe " urgences " qui se réunit tous les quinze jours sous l'égide de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. Outre les investissements prévus dans le plan " Hôpital 2007 ", il s'agit de construire un plan d'ensemble prenant en compte l'amont, et donc la permanence des soins ; puis l'accueil des patients lui-même ainsi que les services de porte et le renforcement des services d'urgence ; enfin, et tout aussi important, la création de lits de suite et d'aval en quantité suffisante. Bien entendu, cela nécessite aussi le développement de lits de court séjour gériatriques. Je présenterai ce plan dès le début du mois d'octobre.
Concernant les personnes âgées, les services de mon ministère sont activement engagés dans la réflexion coordonnée par François Fillon pour la construction du plan " vieillissement et solidarités ", en particulier pour ce qui touche aux aspects sanitaires. Là encore les mesures pourront être annoncées début octobre.
· Deuxièmement, des décisions immédiates ont été prises pour tirer les leçons de la crise et apporter des réponses très précises à certaines des insuffisances constatées cet été.
Tout d'abord, comme cela existe dans un certain nombre de villes et d'Etats, nous devons disposer d'un plan de prévention, d'alerte et de gestion de crise en cas de chaleur extrême, qui prévoie l'implication des services sanitaires, des services sociaux et des collectivité locales, afin que la situation de cet été ne puisse se reproduire : j'ai demandé au directeur général de la santé de préparer ce plan qui devra être disponible et avoir été éprouvé par des exercices de simulation pour l'été prochain.
Ensuite, notre système de vigilance et d'alerte doit permettre de prévenir des risques sanitaires qui ne seraient pas nécessairement identifiés a priori. En effet, notre pays, qui a mis au point des systèmes de vigilance de très grande qualité pour les risques infectieux, transfusionnels ou pharmaceutiques, n'est pas organisé pour prévenir les risques de morbidité ou de mortalité résultant de facteurs non identifiés, en particulier climatiques. J'ai demandé au directeur de l'Institut de veille sanitaire, dont c'est la mission, de me faire à brefs délais des propositions concrètes sur trois points : la mise en place d'un bulletin quotidien d'analyse des alertes sanitaires ; la mise en oeuvre d'un dispositif de vigilance et d'alerte appuyé sur les données de morbidité et de mortalité, mais également sur des connexions avec les services d'urgence, SAMU, sapeurs pompiers, urgentistes, libéraux, et ceci en liaison avec les services météorologiques, ceux de l'environnement, de l'équipement et de l'intérieur ; et enfin l'organisation d'une réflexion à plus long terme sur les menaces potentielles et les moyens d'y faire face.
· Troisièmement, je souhaite aussi que votre Assemblée puisse, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de santé publique, prendre les mesures immédiatement identifiables qui relèveraient du champ législatif.
Ce projet comporte déjà, dans ses articles 10, 11 et 13, des dispositions relatives à la prévention et à la gestion des crises sanitaires qui permettront d'améliorer notablement les transmissions d'information et la mobilisation des moyens en cas de menace de crise sanitaire. Cependant, je proposerai au Parlement plusieurs amendements afin de renforcer ou de compléter les mesures prévues, à la lumière de la crise de cet été :
Le premier porte sur l'élaboration, au niveau régional, du plan régional de santé publique prévu à l'article 2 : je souhaite que ce plan comporte un volet spécifique relatif au dispositif de prévention, d'alerte et de gestion des crises sanitaires.
Le deuxième concerne l'article 10 et la capacité pour le ministre de la santé à prescrire des dispositions appropriées en cas de crise sanitaire grave, y compris lorsqu'il ne s'agit pas d'un risque infectieux, et à habiliter le préfet à mettre en oeuvre au plan local ces prescriptions.
Le troisième, à l'article 11, étend l'obligation qui est faite au médecins de signaler aux autorités sanitaires les risques sanitaires dont ils auraient connaissance à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale. De même, je propose que ce signalement soit fait d'abord auprès du préfet, dont la responsabilité de coordination sur le terrain doit être absolument claire, pour éviter les actions redondantes ou désordonnées. Il appartient au préfet de prévenir immédiatement la cellule de veille de l'INVS.
Le quatrième amendement que je propose donne une base légale et précise les conditions dans lesquelles le plan blanc hospitalier peut être déclenché par le directeur ou demandé par le préfet, et prévoit la possibilité de recourir à des plans blancs " élargis ", associant la médecine de ville, soit sur une base volontaire, soit par réquisition, en cas de crise grave.
Un cinquième amendement, à l'article 13, est relatif au système de remontée des certificats de décès, depuis le médecin qui constate le décès, jusqu'au centre d'analyse des décès de l'INSERM. Son objectif est double : d'une part, simplifier le circuit afin de permettre son informatisation et, par là même, la remontée presque temps réel des cas de décès constatés ; d'autre part, permettre à l'INVS de s'appuyer sur ce circuit, pour construire un dispositif d'alerte et de mesure au jour le jour des décès constatés. C'est sur la base d'un circuit de ce type, complété par des dispositifs sentinelles auprès de services d'urgence et de centres de sapeurs pompiers notamment, que l'on pourra mettre en place le système d'alerte sanitaire dont j'ai commandé la réalisation à l'Institut de veille sanitaire.
Enfin, je souhaite que nous précisions les missions de l'INVS afin d'indiquer explicitement, d'une part, qu'il est chargé de l'alerte climatique et, d'autre part, qu'il lui revient d'organiser un système de veille lui permettant de savoir ce qui se passe dans les services d'urgence et d'organiser en conséquence ses dispositifs d'alerte.
Le titre III comporte les dispositions relatives aux plans de santé publique nationaux. Il prévoit une démarche de programmation stratégique liant les objectifs aux moyens sur le modèle du chantier présidentiel sur le cancer. Quatre autres domaines sont visés : la santé environnementale incluant la santé au travail ; la violence et les comportements à risque ; les maladies rares ; enfin, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques. Les événements de l'été me conduiront à vous proposer un plan de protection de la santé des personnes vulnérables.
Dans le domaine du cancer, nous créons l'Institut national du cancer conformément aux engagements annoncés le 24 mars dernier par le Président de la République. Cet Institut permettra de mieux coordonner les acteurs du cancer ; il sera, en quelque sorte, la " tour de contrôle " du dispositif de lutte contre le cancer, capable d'en embrasser tous les aspects, veillant à la mise en oeuvre et au bon déroulement du plan cancer, de la prévention au soin, de l'observation à la participation à l'organisation de la formation médicale, à la coordination et au financement des actions de recherche, dans un souci constant de développer les synergies européennes et internationales. Il sera la maison commune des patients et des soignants.
Dans le domaine de la recherche, cet Institut permettra ainsi, sans évidemment se substituer à elles, de renforcer le potentiel des institutions de recherche comme l'INSERM, le CNRS, et les structures hospitalo-universitaires, en finançant des programmes d'action coordonnés au niveau national, et en aidant à la structuration régionale des cancéropôles.
Nous renforçons aussi l'arsenal de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, en tenant compte de la loi qui a été adoptée le août 2003.
Dans le domaine de l'environnement, comme l'a demandé le Président de la République, un plan national en santé-environnement sera élaboré ; il comportera un volet relatif aux situations météorologiques extrêmes. Compte tenu de la complexité de ces problèmes, nous allons dès la semaine prochaine installer avec Roselyne BACHELOT et François FILLON une commission d'experts chargée d'élaborer des premières propositions. Par ailleurs, nous facilitons la surveillance épidémiologique en milieu de travail. Nous actualisons les dispositions relatives à la préservation de la qualité de l'eau et simplifions les autorisations d'exploitation des sources d'eaux minérales naturelles et thermales. Enfin, le texte de loi prévoit de renforcer les mesures de lutte contre le saturnisme et l'amiante.
Le titre IV concerne la recherche et la formation en santé.
Il crée, en premier lieu, l'Ecole des hautes études en santé publique.
En deuxième lieu, il actualise le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales. Cette révision s'impose par la nécessité de transposer en droit interne la directive 2001/20/CE relative aux essais cliniques de médicaments, mais aussi par le besoin, exprimé précisément par tous les acteurs de la recherche en santé , auxquels ont fait écho divers travaux parlementaires, d'adapter le dispositif existant.
La directive nous conduit sur le terrain des principes et des droits fondamentaux de la personne ; le gouvernement a donc souhaité définir, au-delà du médicament, des règles et un cadre commun à toutes les recherches biomédicales plutôt que d'instaurer différents régimes de protection.
Le projet de loi procède à trois modifications principales. Il remplace l'actuel régime déclaratif par un régime d'autorisation. Il supprime la distinction entre recherche sans bénéfice individuel direct et recherche avec bénéfice individuel direct, souvent difficile à manier et trompeuse pour les personnes qui se prête à la recherche, au profit de l'appréciation plus fine d'un bilan bénéfice-risque. Il organise enfin la participation à la recherche des personnes vulnérables ou hors d'état d'exprimer leur consentement, afin qu'elles puissent bénéficier mieux qu'aujourd'hui du progrès scientifique et médical.
En dernier lieu, ce projet de loi simplifie le dispositif de formation médicale continue. La formation continue des médecins - comme celle de tous les autres professionnels de santé - est une des conditions du succès de la politique de qualité des soins que je souhaite enraciner au cur de notre système de santé.
Le but de la FMC est revue, car elle ne saurait être limitée au " perfectionnement des connaissances ", mais doit viser comme le dit l'article 52 du projet, " l'amélioration de la qualité des soins ".
En réalité, les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Je souhaite inscrire l'obligation de FMC dans des perspectives d'incitation et de valorisation professionnelle, qui devront se développer dans une politique conventionnelle bien comprise.
J'en finis en indiquant que nous simplifions l'organisation administrative nationale et régionale de la FMC.
Tel est le projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre. Il a fait l'objet d'un ensemble de consultations régionales l'automne dernier. Le rapport annexé a fait l'objet d'une consultation dans les milieux académiques et les associations ont pu s'exprimer. Plus de 140 experts y ont participé. J'attends beaucoup de ce débat parlementaire qui sera un moment fort pour signifier l'engagement de la Nation pour la protection et l'amélioration de la santé.
En l'état, il constitue à la fois une réponse à nos faiblesses structurelles en santé publique mais il témoigne aussi de notre volonté de tirer sans attendre les premières leçons du drame de la canicule de cet été.
La santé est dans notre société une valeur et un bien suprêmes. Ce projet de loi en est la traduction concrète.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 15 septembre 2003)