Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur un amendement pour l'extinction de la polyganie à Mayotte et sur l'abaissement des cotisations sociales des transporteurs aériens pour assurer la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole, à l'Assemblée nationale le 30 juin 2003.

Prononcé le

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des finances,
Messieurs les rapporteurs
Mesdames et Messieurs les députés,
Nous voici arrivés à l'ultime étape de l'examen par votre assemblée des dispositions du projet de loi de programme pour l'outre-mer.
La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 19 juin dernier, a en effet trouvé un accord sur le texte qui, aujourd'hui, est soumis à votre vote. A cet égard, il est un point sur lequel je souhaiterais revenir :
La commission mixte paritaire a décidé de supprimer l'article 47 nouveau du projet de loi. Cet article, adopté par votre Assemblée sur la proposition courageuse de Mansour KAMARDINE, député de Mayotte et avec l'accord du Gouvernement, est consacré à la modernisation du statut personnel des Mahorais.
Messieurs Arthuis et Méhaignerie m'avaient écrit pour m'indiquer que la commission mixte paritaire souhaitait que " le Gouvernement puisse proposer aux deux assemblées un nouveau texte, dont les dispositions auront donné lieu à une analyse approfondie de tous les ministres concernés ".
C'est aujourd'hui chose faite et, vous le savez, j'ai défendu devant les sénateurs, qui l'ont approuvé à l'unanimité, un amendement du Gouvernement rédigé dans des termes très proches de celui adopté par votre assemblée, et qui n'altèrent en aucune façon son contenu et sa portée.
J'aurai donc l'honneur de défendre devant vous, dans quelques instants, le même amendement
Le Gouvernement considère en effet que l'on ne peut que souscrire à l'extinction de la polygamie et de la répudiation unilatérale de l'épouse par le mari, à l'égalité des enfants devant l'héritage ou encore à la liberté qui pourrait être donnée aux Mahorais de statut personnel de droit local, de choisir de porter leurs litiges devant le juge ordinaire ou devant le cadi.
En confirmant le vote du Sénat, votre Assemblée confortera l'ancrage de Mayotte au sein de la Nation dans le respect des principes qui sont ceux de la République.
L'adoption des dispositions du projet de loi de programme pour l'outre-mer marquera la réalisation du deuxième engagement pris par le Président de la République et par le Gouvernement en faveur de nos collectivités ultramarines.
Après la réforme constitutionnelle, en effet, qui fixe le cadre dans lequel les collectivités d'outre-mer pourront désormais choisir d'évoluer au plan institutionnel, ces dispositions visent à créer les conditions de leur développement économique durable. A ce titre, elles s'inscrivent dans une durée de quinze ans, destinée à instaurer le climat de confiance dont les acteurs économiques ont besoin pour agir et créer de l'emploi durable. Certaines de ces dispositions sont particulièrement novatrices.
Je veux insister plus particulièrement sur les deux dispositions qui visent à assurer une meilleure continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole : l'allègement des charges sociales pour les compagnies aériennes desservant l'outre-mer, et l'octroi à chaque collectivité ultramarine d'une dotation de continuité territoriale, destinée à contribuer au financement d'une aide au passage aérien des résidents, dans des conditions qu'elle déterminera.
Ce dernier dispositif repose sur un critère objectif et rationnel, celui de la résidence dans une collectivité d'outre-mer. Ce critère est le seul qui puisse être retenu sans porter atteinte au principe constitutionnel d'égalité. En effet, retenir un autre critère, tel que celui "d'originaires" de l'outre-mer, pourrait conduire à une violation de ce principe, tant il est délicat de déterminer la notion d'originaire : ainsi, la naissance, la parenté, ou même une certaine durée de résidence outre-mer dans le passé ne sauraient constituer, même combinés entre eux, des critères suffisants ou déterminants pour répondre à la situation envisagée : ils encourraient au contraire le risque d'arbitraire, et ruineraient la cohérence de la mesure.
Pour la première fois, la nécessité d'assurer une meilleure continuité territoriale avec la métropole est posée, et des mesures concrètes pour y parvenir sont définies.
Le développement de l'outre-mer et l'accès à l'égalité économique avec la métropole passe en effet non seulement par l'allègement des charges sociales des entreprises et l'abaissement du coût des investissements, mais aussi, et c'est notre conviction, par une meilleure desserte des collectivités et la possibilité, pour celles et ceux qui y résident, de disposer de moyens de transport à des prix plus abordables qu'actuellement. Tel est l'objectif que le Gouvernement se fixe résolument, en créant les conditions d'une meilleure continuité territoriale entre la métropole et l'outre-mer et au sein même de ces collectivités.
Pour conclure, j'aimerais vous dire combien j'ai apprécié la qualité du travail de votre assemblée sur ce texte.
A cet égard, je tiens à remercier tout particulièrement les rapporteurs devant les différentes commissions : M. AUBERGER et M. BEAUGENDRE, qui tous deux ont apporté leur analyse éclairée et pertinente sur l'outre-mer.
Je voudrais également remercier M. le Président de la commission des finances, M. MEHAIGNERIE. Certaines de ses demandes n'ont à ce stade, pas obtenu les réponses qu'il juge satisfaisantes. Les sujets qu'il a évoqués doivent être largement débattus. Tout ce qui s'élabore ou est mis en place dans nos collectivités d'outre-mer ne peut l'être, en effet, que dans le cadre du consensus, si l'on ne veut pas risquer de rompre des équilibres qui demeurent souvent fragiles. C'est la raison pour laquelle, j'invite le Président Méhaignerie, comme j'ai eu l'occasion de lui dire, à se rendre dans les collectivités d'outre-mer pour y rencontrer les acteurs du développement économique et les décideurs politiques. Les conclusions qu'il pourra tirer de ces échanges seront précieuses pour le Gouvernement, tant sur la méthode à privilégier pour aborder certains sujets, que sur leur traitement de fond.
L'adoption de la loi de programme pour l'outre-mer par votre assemblée marquera une étape décisive pour nos compatriotes ultramarins. La mise en uvre des mesures qu'elle contient doit leur permettre, en effet, après avoir accédé à l'égalité sociale, de parvenir à l'égalité économique avec la métropole.
Tel est l'engagement pris par le Président de la République et que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'honore de pouvoir tenir aujourd'hui.

(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 4 juillet 2003)