Interview de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, à Europe 1 le 30 septembre 2003, sur le transfert des compétences et des financements prévus dans le cadre de la réforme de la décentralisation, le projet de tramway à Paris, la préparation des élections régionales et Ile-de-France et le procès des "emplois fictifs" du RPR.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach-. Bonjour.
- "Bonjour."
Pour la décentralisation, voici l'heure du concret, c'est-à-dire le transfert des compétences et des euros de l'Etat aux départements et aux régions. Mais d'abord, P. Devedjian, le mariage Air France/KLM c'est probable, est-ce que l'Europe donne sa bénédiction ?
- "C'est un succès pour la France et c'est aussi un espoir pour l'Europe, et puis c'est aussi une belle réponse à ceux qui disent que la France est en décadence. Vous voyez, nous avons des succès, nous avons eu un succès avec Renault aussi quand ils ont pris Nissan et on voit bien le développement que ça a donné. Il y a des entreprises françaises qui font de beaux résultats."
On entend : c'est mauvais ou ce sera mauvais pour l'emploi en France.
- "Ce qui serait mauvais pour l'emploi, c'est de rester dans notre coin. Ce qui est important c'est d'avoir une grande compagnie européenne pour affronter la concurrence internationale et l'Europe, grâce à la France, va être dotée de cet outil."
Et en même temps c'est bon pour l'Etat vendeur de ses parts...
- "Bien sûr."
Air France sera privatisée, c'est-à-dire plus vite, et bientôt.
- "Air France sera privatisée sur un marché européen au lieu de rester sur le marché français. L'Etat pourra progressivement se libérer de sa participation, et récupérer un peu d'argent qui sera bien placé ailleurs."
Où ?
- "Il y a tellement de trous et il y a tellement de difficultés industrielles, que cet argent on en a besoin."
Vous voulez dire votre gouvernement fait des trous, des petits trous, des grands trous ?
- "Non, il les bouche surtout, parce qu'il en a hérité."
Oui, vous ne m'avez pas répondu, est-ce que ce sera bon ou mauvais pour l'emploi en France ?
- "Je crois que ce sera bon pour l'emploi parce qu'une entreprise qui est en expansion, c'est une entreprise qui crée des emplois et donc ce sera bon pour l'emploi."
J'ai dis d'abord mariage probable Air France/KLM. Ensuite, le chômage, il est en hausse, légère en août. On dit que le taux reste stable à 9,6%. Est-ce que les 10% c'est pour la fin de l'année, comme le dit le Parti socialiste ?
- "Le Parti Socialiste..."
Je n'aurais pas dû dire le Parti Socialiste.
- "Si, mais il aurait dû aussi se souvenir que le chômage avait commencé à augmenter avec lui, quand il était au pouvoir, et que nous nous sommes sur cette tendance, qui est d'ailleurs une tendance européenne. Par contre c'est vrai qu'il n'est pas bon le chiffre du chômage, mais il y a un espoir. Cet espoir, c'est un chiffre que parfois on ne voit pas : il y a 7,5% d'entreprises nouvelles qui se sont créées au premier trimestre 2003, et cette tendance c'est tout à fait nouveau dans l'économie française et ça, ça va créer des emplois. Alors on n'a pas les résultats la semaine prochaine, mais on les aura."
Il y aura un concurrent à l'ANPE, on entend dire, quand ? Vite ?
- "L'emploi est une chose trop importante pour que ce soit le monopole de quelqu'un. Je crois que tout le monde peut s'y mettre, c'est une bataille générale."
La décentralisation, P. Devedjian, demain c'est le début du passage à l'acte si on peut dire. Le Conseil des ministres va répartir la manne de l'Etat, c'est combien, pour qui ?
- "C'est 13 milliards d'euros, c'est 8 milliards à peu près pour les départements dont 5 milliards de RMI, c'est environ 4 milliards d'euros pour les régions, et le solde autour d'un petit milliard pour les communes et pour l'intercommunalité."
A partir de janvier 2004, dans trois, quatre mois, les départements vont gérer le RMI. S'il y a des fermetures d'entreprises, c'est-à-dire plus de chômeurs et plus de érémistes, est-ce que c'est le département qui va se débrouiller tout seul ?
- "D'abord on fera les comptes à la fin de l'année, l'Etat va transférer.."
A la fin de chaque année.
- "A la fin de l'année 2004, mais ensuite le département va gérer lui-même certainement beaucoup mieux le RMI puisque aujourd'hui entre l'argent qui est dépensé pour l'insertion et l'argent qui est dépensé pour les allocations, c'est aujourd'hui deux caisses, maintenant ça va être une seule caisse. Quand le département investira pour l'insertion, il fera des économies pour l'allocation."
Des élus locaux ont déjà augmenté des impôts et beaucoup pensent que la décentralisation c'est l'envolée de la fiscalité, que vous disiez le contraire ou pas c'est la même chose.
- "Oui, mais c'est le contraire tout de même. D'abord les quatre départements qui ont le plus augmenté leur fiscalité, c'est quatre départements de gauche. S'il y a une contribution socialiste aux impôts, c'est bien celle-là."
Faisons autre chose que de la politique..
- "Non mais je réponds parce que la gauche dit ça et elle a tort de dire ça parce qu'il y a 17 départements qui ont gardé leur fiscalité stable, et si un certain nombre de départements et de communes ont dû augmenter leurs impôts, c'est parce que sous le gouvernement précédent on a transféré les 35 heures, la prestation autonomie, les emplois-jeunes, les services incendies, sans les compenser. Aujourd'hui la Constitution, et grâce à nous, elle interdit ce type de pratique."
Vous jurez qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts ?
- "C'est la Constitution qui l'interdit, ce n'est pas moi qui ai besoin de jurer."
Le Parlement est d'accord maintenant pour des référendums locaux, P. Devedjian. Pour Paris aussi ?
- "Pourquoi pas, si Paris le veut, ils peuvent le faire."
Par exemple, J.-F. Copé et les élus Parisiens de droite ne veulent pas du tramway nommé Delanoë. Est-ce que vous êtes pour le tramway d'abord ?
- "En tout cas il n'est pas nommé Désir. Non mais un tramway, tout dépend de ce qu'on en fait. Le problème du tramway, c'est qu'il est en site propre et qu'il ne laisse que trois points de passage pour les banlieusards afin d'entrer dans Paris, ça devient une muraille. Un tramway c'est fait pour relier, celui là est fait pour diviser."
Non mais attendez, vous n'êtes tout de même pas en train de nous dire ou de prétendre que le Maire de Paris, Delanoë, le PS et les Verts, veulent empêcher l'accès de Paris aux banlieusards ?
- "Si, bien sûr."
Non.
- "Toutes les portes de Paris sont rétrécies, la porte d'Orléans, que je franchis souvent le matin, il y avait trois voies, il n'y en a plus qu'une, résultat il y a 5 kilomètres de queue. Delanoë, il veut conserver Paris pour les Parisiens et les banlieusards, nous dit-il, n'ont qu'à prendre les transports en commun. Il n'y a qu'un malheur, c'est qu'il devrait les prendre plus souvent. Dans les transports en commun, on est comprimé, il faut vraiment une bonne forme physique pour prendre le RER le matin."
Vous voulez dire que votre tramway il traverserait Paris ?
- "Alors non, le tramway de Delanoë c'est un véritable barrage, c'est bien un tramway, seulement celui-ci a pour but d'empêcher le passage des voitures parce qu'il est sur un site propre, et donc on pourra encore moins entrer dans Paris. Paris va être finalement réservé à ceux qui font du patin à roulettes et les autres n'ont qu'à moisir dans leurs voitures."
Ohé !, B. Delanoë, il faudra venir répondre. Vous êtes donc favorable à un référendum pour le tramway, éventuellement.
- "Ça c'est la responsabilité des élus de Paris. Ce que je déplore, vraiment, c'est l'égoïsme de Paris, qui, finalement, est de plus en plus gérés pour quelques bobos parisiens et qui ignore tout le reste de la banlieue, qui est vécu comme des pestiférés."
Pour la région Ile-de-France, les candidats sont déjà nombreux, à droite surtout, qu'est-ce qui est préférable selon vous au premier tour ? Une liste commune UMP/ UDF, même si vous avez du mal à convaincre M. Santini, ou M. Bayrou ; ou deux listes, Copé, et une autre, Santini ?
- "C'est bien de n'avoir qu'une seule liste, sauf que si nous faisons alliance dès le premier tour avec l'UDF c'est sympathique, mais il faudrait s'assurer qu'il n'y aura pas une autre liste dissidente à droite, parce que.."
Donc il vaut mieux deux ?
- " Donc, ce n'est pas un drame s'il y a deux listes."
On raconte que J.-F. Copé aura sur sa liste Cécilia Sarkozy, vous le confirmez ?
- "Je ne confirme pas, c'est à Cécilia Sarkozy qu'il faut demander ça, mais ça serait une bonne candidate oui, parce qu'elle a du tempérament."
Oui, et puis comme ça il y aura deux Sarkozy.
- "Il y avait bien deux CLINTON et les Français admiraient ça, pourquoi il n'y aurait pas deux Sarkozy."
La comparaison ça va faire plaisir à beaucoup de monde : deux Sarkozy pour J.-F. Copé tout seul, c'est bien. On parlera peut-être de la Corse si on a le temps. La première journée du procès des 27 prévenus dont A . Juppé, il se déroule comment ce procès ? Pour un ex RPR.
- "Il se déroule avec retard parce qu'il s'agit d'affaires qui ont 15 ans, comme disait l'ancien président de la Cour de cassation, M. Pierre Dray, la justice apporte des solutions mortes à des problèmes morts. Toutes ces affaires, que tout le monde a partagées, ont été jugées pour les autres, depuis très longtemps, et même certains, beaucoup même ont été amnistiés. Pour le malheur de Juppé, ça vient un peu tard."
La corruption, vous jureriez que c'est fini aujourd'hui ?
- "Je crois que c'est fini, réellement je crois que c'est fini, d'abord parce que le financement public aujourd'hui est à la hauteur et qu'il y a beaucoup d'argent qui est versé au profit des partis politiques, donc ces moyens auxquels ils étaient acculés autrefois, ils sont absolument inutiles."
Qu'est-ce que vous pensez P. Devedjian des propos de l'inimitable F. de Panafieu, " A . Juppé est un rouage, c'est le lampiste qui trinque ". Qui est le patron du lampiste ?
- "Je crois qu'elle a voulu dire que nous étions finalement tous solidaires et tous aussi responsables de ce qui se faisait au RPR à ce moment là, et que Juppé il paye pour nous tous."
Mais elle parle un peu comme le PS pour lequel il manque le maire de Paris, de l'époque, au procès.
- "Moi je vais vous dire. J. Chirac ne s'occupait pas de l'intendance du RPR, pas plus que Mitterrand ne s'occupait de l'intendance du Parti Socialiste. A. Montebourg doit le comprendre ça."
Est-ce qu'à terme le procès et le verdict vont affaiblir A. Juppé dans sa majorité, dans la vie politique, ou au contraire le libérer plus tard ?
- "Je crois que ça va le libérer, parce que ce sont des affaires anciennes et qu'il est temps de tourner définitivement la page. Aujourd'hui, les temps ont complètement changés. C'est une vieille histoire, et A . Juppé est le dernier de toute la série politique à qui on demande des comptes aujourd'hui. C'est normal qu'on lui demande des comptes, mais ça vient vraiment très tard. Je vous dis, les autres en sont sortis, pourquoi lui n'en sortira pas."
Mais l'épreuve est dure, et longue.
- "L'épreuve est pénible, surtout pour quelqu'un dont l'honnêteté n'est pas en cause."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 septembre 2003)