Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
I- Lors de la refondation de ses institutions en 1946, la République a accueilli un certain nombre de droits économiques et sociaux nouveaux, relatifs à l'emploi, à la formation, à la culture et à la santé. Au frontispice de sa charte commune, elle a alors inscrit ce principe : " La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et au vieux travailleur la protection de la santé ". Il s'agit d'un des principes particulièrement nécessaires à notre temps auxquels a été reconnu valeur constitutionnelle.
Ce principe du préambule de la Constitution de 1946 consacre à mes yeux un droit fondamental de nos concitoyens, le droit à la protection de la santé. Il ne s'agit pas du tout du droit à la santé, formule incantatoire qui pourrait suggérer l'existence d'un droit individuel à vivre en bonne santé autorisant chacun à s'en prévaloir et, le cas échéant, à exiger réparation dans tous les cas où la jouissance de ce droit serait perturbée. Comment consacrer un tel droit quand les prédispositions naturelles et les hasards de l'existence rendent illusoire toute prétention à l'égalité dans ce domaine ?
A l'inverse, le droit à la protection de la santé, c'est le devoir qu'ont les pouvoirs publics de protéger collectivement les populations contre les risques qui pourraient menacer leur santé. A ce droit, qui s'inscrit dans une longue tradition, celle de la police sanitaire, s'attachent aujourd'hui une signification, une demande et une urgence nouvelles.
1- Une signification nouvelle, d'abord.
Longtemps, l'idée de prévention a progressé avec une force proportionnelle à la faiblesse des thérapeutiques disponibles. Tant qu'elles furent dépourvues des moyens de guérir les maladies, les populations, et c'est logique, ont cherché à les prévenir. Cette prévention des anciens temps a produit des effets remarquables, des lois révolutionnaires sur le nettoiement des bâtiments insalubres ou l'assèchement des marais aux progrès de l'hygiène qui ont permis à la population d'échapper en plus grand nombre et plus longtemps aux principales causes de mortalité - songeons aux mesures d'aseptie lors de l'accouchement.
Cette politique ancienne de prévention sanitaire était toutefois une politique marquée par des préoccupations d'ordre et de salubrité publics, qui s'était constituée comme une branche du pouvoir de police.
Mais les progrès scientifiques donnent aujourd'hui un sens tout-à-fait nouveau à la prévention. La prévention, vous le comprenez, ça n'est plus seulement l'isolement des villes dans lesquelles s'est déclarée une épidémie de peste. C'est le moyen de traiter très en amont les déterminants des maladies, grâce à des politiques de dépistage précoce et à des thérapeutiques performantes. C'est faire progresser l'éducation sanitaire de nos concitoyens afin qu'ils évitent des conduites qui nuisent gravement à leur santé. Enfin, les connaissances que la recherche biomédicale est en train d'accumuler pourraient donner naissance à une médecine prédictive qui, si l'on encadre ses dérives possibles, est une chance formidable pour la santé publique.
Vous le voyez, la politique de prévention a aujourd'hui un sens nouveau, parce qu'elle n'est plus un palliatif à l'impuissance médicale mais s'appuie sur les perspectives très prometteuses ouvertes par le progrès thérapeutique.
C'est cela la signification nouvelle.
2- La politique de santé publique fait ensuite l'objet d'une demande nouvelle de la part de nos concitoyens.
Longtemps, l'idée même de santé publique est restée incomprise. Elle a pâti, à l'époque contemporaine, des travers du mouvement hygiéniste qui avait permis son essor. L'intervention de l'Etat en matière sanitaire n'échappait jamais au soupçon qui la dénonçait comme moralisatrice, conçue comme un outil de redressement de comportements individuels jugés condamnables. Il est vrai qu'un certain hygiénisme voulait prévenir des affections telles que la syphilis, la tuberculose, les pathologies de l'alcoolisme ou la stérilité consécutive à des avortements clandestins non seulement en raison de leurs effets sur la santé, mais aussi parce qu'elles étaient issues des modes de vie qui, de son point de vue, méritaient réprobation.
La politique de santé publique a ainsi trop souvent été vécue comme une intrusion de l'Etat dans l'intimité des personnes, voire dans le champ de compétence des professionnels de santé.
Mais aujourd'hui, ces stigmates me semblent oubliés. La légitimité pour l'Etat d'intervenir dans les affaires de chacun pour protéger la population n'est plus questionnée. Chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'Etat et ses agents que les Français et les Françaises se tournent pour exiger une protection efficace. Aujourd'hui, le rôle de l'Etat n'est plus contesté, il est réclamé ; on ne suspecte plus l'Etat de vouloir, sous couvert de santé publique, redresser les individus et, à travers eux, la Nation. La politique de santé publique fait bien l'objet d'une demande nouvelle et pressante.
Et cela avec raison. L'actualité le dit assez : seul l'Etat peut organiser efficacement la lutte contre les épidémies comme le syndrome respiratoire aigu sévère, les méningites, le sida, la grippe ou l'hépatite B.
Ces exemples illustrent ce qu'est la politique de santé publique : non pas l'intrusion de l'Etat dans l'intimité de chacun, mais la nécessité de comprendre et de résoudre les problèmes de santé à l'échelle de la population. Car sans ce regard collectif, le système de santé est myope. Il ne peut pas se préparer à la compréhension et aux évolutions futures. Il n'est ni aussi juste ni aussi performant qu'il pourrait l'être.
En bref, l'approche individuelle des maladies, pour essentielle qu'elle soit, ne suffit pas. Si, en médecine, la personne est le centre de tout, qui pourrait croire qu'un système de santé n'est que la somme des actes pratiqués au niveau individuel ? Ce serait oublier le rôle de l'environnement - pensons à l'eau potable, à la qualité de l'air dont Hippocrate avait déjà bien pressenti le rôle ; ce serait oublier le rôle des comportements, le rôle des prises de risque plus ou moins volontairement consenties.
3- Une urgence nouvelle s'attache enfin à la politique de santé publique car, à cette demande de nos concitoyens, nous répondons de manière insuffisante ; des possibilités nouvelles et anciennes de la prévention, nous ne tirons pas assez parti.
Deux constats jettent une lumière malheureusement éloquente sur les conséquences de cette négligence dans laquelle a été tenue la santé publique.
Premièrement, la mortalité prématurée, définie comme celle qui survient avant l'âge de 65 ans, reste en France à un niveau anormalement élevé alors que les causes en sont connues et que l'on sait qu'elle est évitable. Les autres pays développés - l'Allemagne, l'Italie, le Japon - bénéficient d'une mortalité aux âges adultes inférieure à la nôtre. Ces résultats sont choquants, d'autant qu'ils contrastent avec la performance de nos professionnels et de nos établissements de santé.
Cette distorsion, qui s'est accentuée depuis les années 1970, est le fruit d'une carence de la politique de santé publique : l'Etat peut agir et les Français attendent qu'il le fasse ; agir sur l'environnement, les comportements ou les phénomènes de violence, et réduire ainsi la triste spécificité française en termes de morbidité précoce.
L' action que nous menons avec vigueur contre le tabac, principale cause de cancer et de mortalité évitable, a d'ores et déjà des résultats spectaculaires. Les ventes de cigarettes ont chuté de 8% depuis le début de l'année. Cette offensive nous l'avons commencée en augmentant de façon importante les taxes par la LFSS 2003. Nous l'avons poursuivie ensemble par la loi visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes et nous continuons cet effort par ce projet de loi. Je pourrais aussi citer la politique de réduction des risques chez les usagers de drogues, qui a fait chuter la prévalence des infections à VIH chez les toxicomanes. Enfin, chacun comprend aussi qu'il faut agir contre la consommation de drogues, qui constitue un comportement à risque majeur.
Deuxième constat, l'inégalité des Français devant la maladie et la mort est grande. Selon leur lieu d'habitation - la Vienne ou le Pas-de-Calais - selon leur milieu social, nos concitoyens ne sont pas exposés de la même façon aux maladies cardio-vasculaires ou aux cancers des voies aérodigestives supérieures et n'ont pas la même espérance de vie. L'absence de priorités de santé publique est supportée par les moins favorisés. Autre exemple qui heurte l'équité : j'ai trouvé, en prenant mes fonctions, une situation dans laquelle seul un tiers des départements offrait des programmes de dépistage des cancers du sein chez les femmes. La généralisation de ce dépistage avait pourtant été annoncée à différentes reprises. Ces inégalités, dont les causes sont multiples, ne peuvent que rappeler à l'Etat dans son rôle de garant de la santé de la population et de la solidarité nationale.
II- Il y a donc fort à faire et c'est la raison d'être du projet de loi que je vous présente au nom du gouvernement.
Chacun mesure ici le contexte particulier dans lequel il s'inscrit. Chacun de nous, à titre personnel, en raison de ses responsabilités, ou au nom de la fraternité qui unit les citoyens d'une même nation, est profondément marqué par les conséquences sanitaires de la canicule sans précédent qui a frappé notre pays au mois d'août dernier et, tout particulièrement, les personnes âgées des grands centres urbains.
Le phénomène climatique d'une ampleur et d'une durée inégalées dans l'histoire de la météorologie des pays à climat tempéré auquel nous avons été confrontés, a causé un drame humain, tout particulièrement en France, où la canicule a été la plus remarquable, mais aussi en Allemagne, aux Pays Bas ou dans des pays du Sud de l'Europe. Les villes du Nord de l'Italie ont ainsi enregistré une surmortalité comparable à celle que nous avons connue.
Ce drame humain soulève bien des questions légitimes auxquelles nous sommes tous attachés à répondre.
Nous commençons à y voir un peu plus clair, grâce au rapport de la commission d'experts indépendants coordonnée par le docteur Lalande, qui m'a été remis début septembre et au travail de la mission d'information constituée par votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a rendu ses conclusions il y a une semaine. Ce qu'il m'appartient de vous en dire ici, ce sont deux choses.
Vous dire d'abord que les dispositions de ce projet de loi doivent contribuer à éviter que de tels drames se reproduisent. Déposé dès le mois de mai au bureau de cette Assemblée, il avait l'ambition de donner à l'Etat les moyens de tenir son rôle de garant de la protection de la santé et il fait justice d'une compréhension des lacunes les plus graves qui ont handicapé notre système de santé cet été : profond déséquilibre entre le soin et la prévention, responsabilité de l'Etat mal affermie dans ce dernier domaine, dispersion des acteurs et des efforts. J'y reviendrai.
Vous dire ensuite que le travail de réflexion et d'analyse conduit ces dernières semaines me conduira à vous proposer d'amender ce texte afin de tirer rapidement un certain nombre de conclusions de la crise de l'été : les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour prévenir la réalisation de menaces sanitaires graves, l'organisation du circuit des certificats de décès, l'institution d'une obligation large de signalement des menaces sanitaires, sujets sur lesquels le projet de loi procédait déjà à des avancées, seront renforcées et améliorées. Des dispositions nouvelles vous seront en outre proposées en matière de veille et d'alerte sanitaires ou afin de donner aux préfets des moyens nouveaux pour répondre à l'urgence sanitaire et à l'afflux de victimes dans les hôpitaux.
Les événements dramatiques de cet été ont brutalement mis en lumière, en quelques jours, les faiblesses structurelles profondes dont souffre notre système de santé et sur lesquelles je n'ai pas cessé d'appeler l'attention depuis que je suis ministre et, auparavant, sur ces bancs, comme parlementaire. Il y en a trois, majeures.
La première tient au relatif délaissement de la prévention. La politique de santé publique, d'abord consacrée à la prévention, a basculé presque entièrement, depuis un demi-siècle, vers la médecine curative. Les efforts que nous déployons pour soigner les malades ne trouvent pas leur équivalent lorsqu'il s'agit de chercher à prévenir, éduquer, dépister. Sur 150 milliards de dépenses de santé, seulement 3,6 milliards, soit 2,3%, sont consacrés à la prévention ! Il s'agit d'un défaut relevé par les ministres successifs mais pourtant jamais corrigé.
La deuxième vient de ce que la responsabilité de l'Etat dans le domaine de la santé publique est mal définie et insuffisamment organisée.
C'est en effet à coup de catastrophes écologiques - le naufrage de l'Amoco Cadiz, de " scandales " - la vache folle, le sang contaminé - de paniques plus ou moins fondées scientifiquement - l'ozone - ou d'accidents hospitaliers (anesthésiques ou obstétriques) que l'Etat s'est trouvé pour ainsi dire acculé à trouver, à la hâte, de nouvelles formes d'intervention. La santé publique, en effet, n'a jamais été consacrée en tant que telle comme une responsabilité de l'Etat et un domaine prioritaire d'action des pouvoirs publics. En l'absence de politique d'ensemble, l'organisation actuelle est ainsi le résultat de réformes successives qui manquaient d'une vision globale et dont la prévention n'était pas l'objet principal.
La grande loi de 1902, qui, pour la première fois, rend obligatoire une vaccination, la vaccination anti-variolique, et impose la déclaration des maladies infectieuses apparaît ainsi comme un coup d'audace qui, depuis un siècle, n'a pas été renouvelé.
Avec le projet de loi dont vous allez débattre, le gouvernement se donne les moyens de rompre avec l'empirisme qui caractérise depuis des décennies la politique sanitaire en France. Plutôt que de n'intervenir qu'au coup par coup, pour régler des problèmes immédiats dont la nature ou l'ampleur n'avait pas été prévue, souvent à la suite d'accidents ou d'épidémies, ce projet de loi vise à fonder en France une politique pérenne de santé publique.
En 1998, notre pays s'est doté d'un premier ensemble complet d'outils destinés à garantir la sécurité sanitaire de notre environnement, de notre alimentation et des produits de santé, tels les médicaments, et à organiser un réseau de veille ; la création, à cette époque, des agences sanitaires correspond à une première étape sur la voie d'une meilleure approche du devoir de santé publique et le Parlement a, à ce moment déjà, joué un rôle déterminant.
Le projet de loi qui vous est soumis se veut une deuxième étape, plus structurante et plus aboutie que la première ; il affirme la responsabilité l'Etat en matière de santé publique et s'attelle à une tâche difficile, tirer le meilleur parti possible de l'extraordinaire dispersion des acteurs et des efforts qui caractérise le monde de la prévention.
III- L'objet premier du projet de loi que je vous présente au nom du gouvernement est ainsi de clarifier cette ambiguïté sur le rôle de l'Etat en matière de santé publique. L'intention politique qui nous anime est claire et je tiens à vous la redire, pour que s'apaisent certaines incertitudes.
L'Etat est le garant de la protection de la santé. Mais il n'a pas vocation à être l'acteur unique de la politique de santé publique. Le rôle que nous entendons donner aux pouvoirs publics en ce domaine est conforme à ce que doit faire un Etat moderne : garantir, plutôt que gérer toujours et partout. Organiser, impulser, mais non pas faire à la place des autres. Tracer la direction à suivre et évaluer les résultats, mais non marcher sur les brisées des acteurs de la santé publique sur le terrain.
Ce rôle de garant et de responsable de la politique de santé publique que les Français demandent à l'Etat de tenir doit se traduire de deux façons.
Premièrement, c'est à l'Etat qu'il appartient, après une large concertation, d'arrêter les priorités qu'il faut assigner à l'Etat pour améliorer l'état de santé des Français. Deuxièmement, si l'Etat n'a évidemment pas le monopole de l'action en matière de santé publique, il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat des différents acteurs publics et privés qui sont nombreux à concourir à l'amélioration de la santé.
1- Pour que chaque acteur puisse situer son rôle et comprendre le sens de son action, il doit pouvoir inscrire celle-ci dans un cadre de référence explicite ; il faut le mettre en mesure de se référer à une série d'objectifs pour juger si l'action va dans le bon sens. La mise sous objectifs du système de santé publique sur un horizon de cinq ans est ainsi le premier axe directeur de ce projet.
Jusqu'à présent, lorsque l'on parlait d'objectifs, l'on faisait référence aux dépenses d'assurance maladie. Cette logique est non seulement inflationniste par nature. Elle est encore appauvrissante. Car la vraie question est de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé de la population. C'est cette correspondance entre les moyens et les résultats que ce projet de loi veut organiser.
C'est pourquoi il fixe cinq grandes priorités, dont nous aurons à répondre dans cinq ans : la lutte contre le cancer, la santé environnementale incluant la santé au travail, la violence et les comportements à risque, les maladies rares et, enfin, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.
Par ailleurs, ce projet comporte un rapport annexé, qui propose une centaine d'objectifs qui ont vocation à constituer un tableau de bord pour améliorer le pilotage de notre système, pour mieux analyser ses forces et ses faiblesses et pour évaluer sa performance. Qu'on ne s'y trompe pas : ces objectifs n'ont pas vocation à être exhaustifs. Ce sont des marqueurs, des indicateurs qui doivent permettre périodiquement de faire le point sur les évolutions de la situation sanitaire du pays, c'est-à-dire à repérer les progrès et les manques. Ils ont été définis après une large concertation scientifique et en prenant pour référence les résultats qu'obtiennent les pays développés les plus performants, en matière de réduction des conduites à risques, d'organisation de la prise en charge des maladies chroniques, de maîtrise du risque infectieux. Lorsque cela a été possible, c'est-à-dire lorsque les systèmes d'information en matière de santé le permettaient, ces objectifs ont été quantifiés.
2- Le deuxième grand objectif de ce texte est d'organiser l'action sur le terrain car c'est sur le terrain que se gagne la bataille de la santé.
Comme je vous l'ai dit, l'Etat n'a pas vocation à développer une emprise sur tous ceux qui oeuvrent pour la santé publique. Il lui revient toutefois d'organiser, d'impulser et de coordonner l'action sur le terrain, pour rapprocher les professionnels du soin, rapprocher les professionnels de l'action sociale, les soins de ville et les soins hospitaliers. Rapprocher : la nécessité pressentie dans l'élaboration de cette loi s'est cruellement confirmée cet été.
Aujourd'hui, sauf telle ou telle exception locale que je tiens à saluer, cette coordination des efforts pour la réalisation d'objectifs communs est à peu près inexistante.
Devant les lacunes et les mauvais résultats que j'évoquais plus haut, il est tentant d'annoncer que les dépenses de santé publique doivent être augmentées. C'est vrai que de nombreux besoins restent insatisfaits et nous veillerons à améliorer la situation. Mais il faut avant tout mieux utiliser ce dont nous disposons, éviter le gaspillage d'énergie et de moyens ; il faut créer les conditions d'une véritable synergie entre les différents acteurs alors qu'aujourd'hui la dispersion des moyens est extrême.
A côté des deux grands acteurs que sont l'Etat, ses services, ses agences et l'assurance maladie avec ses caisses, coexistent une myriade de structures : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation pour la santé, multiples associations spécialisées, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail et d'autres. Entre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales - régions, départements, communes ou groupements de communes - les associations ou les entreprises, la répartition des responsabilités est pour le moins confuse. Ce projet de loi propose un mécanisme pour associer tous ceux qui souhaitent concourir à la politique de santé publique au niveau régional. Il faut de la cohérence, sans exclure personne. On a bien, au contraire, besoin de tout le monde, chacun à sa place, avec ses missions.
C'est pourquoi, pour mettre en oeuvre des objectifs simples et forts - agir en amont sur les déterminants des maladies, prévenir plutôt que guérir - nous devons nécessairement en passer par une traduction administrative et institutionnelle, que nous nous sommes efforcés de rendre aussi simple et efficace que possible, même si, je le concède, elle peut être de lecture rébarbative.
Dans la version initiale du projet présentée en conseil des ministres, j'avais envisagé, avec la volonté de simplifier un paysage institutionnel trop complexe, de substituer aux actuelles structures de concertation nationale et régionales un mécanisme périodique de débat sur la santé. Mais à l'occasion des différentes concertations menées durant l'été, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer le maintien dans la loi d'une instance permanente de débat permettant aux associations, aux professionnels, aux sociétés savantes de faire entendre leur voix. Vous vous en êtes faits l'écho et je vous en remercie. A la réflexion, je crois que cette revendication est juste et utile ; nous devons donc, ensemble, déterminer le meilleur moyen d'amender le projet actuel sur ce point, et je suis reconnaissant à la Commission des Affaires Sociales de son apport dans ce domaine.
La région apparaît comme le meilleur niveau pour mettre en oeuvre la politique de santé publique. C'est à cette échelle, d'une part, que les objectifs nationaux doivent être déclinés en tenant compte des spécificités locales et, d'autre part, que tous les acteurs de la santé publique peuvent et doivent travailler ensemble.
Il est important de bien comprendre qu'une des principales entraves à la performance de notre système de santé publique tient à l'extrême dispersion des acteurs de terrain. En même temps, la multiplicité de ces acteurs, leur diversité est une richesse. Comment concilier ces deux aspects ? Plutôt que de créer une institution supplémentaire, plutôt que d'étatiser la santé publique, je propose un mécanisme souple d'association au sein d'un groupement d'intérêt public, instance opérationnelle chargée de la mise en oeuvre du plan régional de santé publique. Tout en respectant la personnalité et l'identité de chacun des acteurs, ce GIP doit permettre de mutualiser les financements au niveau régional. Il garantira la coordination des actions sur la base de priorités établies par son conseil d'administration, où siégeront, outre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales qui le voudront et l'ARH.
3- Le troisième objet de ce projet de loi est la création d'une grande école de santé publique. Car c'est bien un objectif de santé publique majeur que d'assurer la meilleure formation possible des professionnels de la santé aux problèmes de la prévention, dans toutes ses facettes.
Nous disposons actuellement des ressources des facultés de médecine et de celles de l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes. Cette dernière forme les agents de l'Etat et de la fonction publique hospitalière oeuvrant dans le domaine sanitaire et social, dont les personnels de direction et d'encadrement des hôpitaux. Les facultés de médecine ne forment que les médecins tandis que l'ENSP ne délivre pas de diplômes reconnus au plan universitaire.
Nous sommes donc convenus, avec Luc Ferry et François Fillon, de créer un grand établissement d'enseignement supérieur permettant d'animer un réseau national de santé publique, de mettre en commun les expériences et les compétences et de hisser notre système de formation au meilleur niveau. Nous voyons bien que notre pays manque quantitativement de compétences dans les différents métiers de la santé publique ; il faut que nous nous donnions les moyens de les acquérir et de professionnaliser le champ de la santé publique. Il s'agit de choses aussi diverses et nécessaires que de former des techniciens du bruit ou de la qualité des eaux et d'offrir aux professionnels de la santé une formation continue en matière de sécurité sanitaire, au sein d'un établissement disposant d'une visibilité internationale et nous hissant au niveau de nos partenaires les plus performants, anglais et belges notamment.
La création de cette école devrait ainsi profiter à l'ensemble des professionnels aujourd'hui formés à l'ENSP. Celle-ci ne sera atteinte ni dans sa mission ni dans sa localisation. Elle gagnera toutefois en notoriété, en attrait et en visibilité internationale puisqu'elle conduira à des diplômes nationaux et qu'elle sera adossée à un réseau performant d'enseignement universitaire en matière de santé publique.
4- Enfin, ce projet de loi procède à une révision importante des dispositions relatives aux recherches biomédicales, issues de la loi du 20 décembre 1988 dite loi Huriet-Sérusclat. J'y reviendrai.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les grandes orientations de ce projet.
Avant d'en venir à une rapide présentation de ses quatre titres, je voudrais encore vous dire que je me suis aussi attaché à porter au plan international le message du caractère primordial de la santé publique. Au cours des derniers mois, grâce à l'intervention de la France, trois sujets ont pu déboucher ou progresser significativement : nous avons vaincu les dernières hésitations de nos partenaires pour permettre, en décembre dernier, l'adoption d'une directive interdisant la publicité transfrontalière du tabac. C'est encore à l'initiative de la France que les ministres de la santé européens ont adopté, en mai dernier, un certain nombre de recommandations qui ont été décisives pour contrôler l'épidémie naissante de SRAS. Enfin, depuis ma prise de fonctions, je m'emploie à ce que voit le jour en Europe un Centre européen de contrôle des maladies transmissibles, sur le modèle du CDC d'Atlanta, afin de doter l'Europe d'une capacité opérationnelle pour répondre efficacement aux grands enjeux des épidémies et maladies transmissibles. Le texte décidant de sa création devrait être officiellement adopté en décembre prochain, et ce Centre serait ainsi opérationnel début 2006.
Nous prévoyons enfin d'aboutir dans les prochains mois à la conclusion d'une vaste convention de coopération avec l'OMS qui traite les principaux sujets de santé publique.
IV- Le projet de loi comporte quatre titres dont je vais vous donner une très rapide présentation.
Le titre I est relatif à la politique de santé publique. Il définit le périmètre de celle-ci, clarifie les responsabilités et simplifie les instances impliquées dans la politique de santé publique.
Au plan national, le souhait du gouvernement est de parvenir à une architecture efficace et beaucoup plus simple que celle que nous connaissons actuellement. Il faut tout d'abord un mécanisme de consultation national, permettant aux différents acteurs de la santé publique, professionnels, associations, industriels, chercheurs d'éclairer le gouvernement lors du choix des objectifs et plans nationaux de santé publique. Ensuite, un organisme d'expertise technique unique, le Haut Conseil de santé publique, qui reprend les missions du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et celles du Haut comité de la santé publique. Enfin, une instance de coordination interministérielle et de gestion politique, le Comité national de la santé publique de façon à garantir l'efficacité de l'action gouvernementale. J'ajoute en un mot que, ce faisant, nous simplifions notablement le paysage institutionnel actuel.
Grâce aux travaux de ces instances, le gouvernement soumettra tous les cinq ans à l'approbation du Parlement une loi fixant les priorités de la politique de santé publique.
Au niveau régional, on trouve une architecture proche : un niveau de concertation et de coordination comprenant, outre l'Etat, l'assurance maladie et les collectivités locales, les différents acteurs de terrain ; une instance opérationnelle, le groupement régional de santé publique, qui associe les différents financeurs des actions de santé publique, est chargée de mettre en oeuvre ce plan régional en choisissant les opérations qu'elle finance ou co-finance. Nous prévoyons enfin que le Conseil régional puisse développer des actions particulières complémentaires de la politique portée par l'Etat.
Le titre II est relatif aux outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Il établit de nouvelles dispositions relatives à la politique vaccinale. Il précise les mesures à mettre en oeuvre en cas de menaces sanitaires graves, notamment d'alerte épidémique. Il renforce les contrôles sur la production et l'utilisation de microorganismes et de leurs toxines, en particulier dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. Il permet de renforcer les systèmes d'information sanitaire, en ménageant un équilibre entre la nécessité d'avoir accès à des données importantes pour la protection de la santé et celle de protéger la vie privée.
Il est évidemment indispensable d'apporter ici des réponses aux questions soulevées pendant l'été.
Les travaux sont d'ores et déjà engagés et ces réponses s'organisent selon les trois volets suivants.
Premièrement, certaines réponses demandent un temps de réflexion et de concertation avec les professionnels concernés. C'est le cas en matière d'urgence hospitalière et de politique à l'égard des personnes âgées :
Les travaux sur l'organisation des urgences ont abouti à un plan qui vient d'être présenté. Outre les investissements prévus dans le plan " Hôpital 2007 ", ce plan d'ensemble prend en compte l'amont, et donc la permanence des soins, puis l'accueil des patients lui-même, ainsi que les services de porte et le renforcement des services d'urgence ; enfin, et tout aussi important, la création de lits de suite et d'aval en quantité suffisante. Bien entendu, cela nécessite aussi le développement de lits de court séjour gériatriques.
Concernant les personnes âgées, les services de mon ministère sont activement engagés dans la réflexion coordonnée par François Fillon et Hubert Falco pour la construction du plan " vieillissement et solidarités ", en particulier pour ce qui touche aux aspects sanitaires. Là encore les mesures seront annoncées très prochainement.
Deuxièmement, des décisions immédiates ont été prises pour tirer les leçons de la crise et apporter des réponses très précises.
Tout d'abord, comme cela existe dans un certain nombre de villes et d'Etats, nous devons disposer d'un plan de prévention, d'alerte et de gestion de crise en cas de chaleur extrême, qui prévoie l'implication des services sanitaires, des services sociaux et des collectivité locales, afin que la situation de cet été ne se reproduise pas : j'ai demandé au directeur général de la santé de préparer un plan opérationnel pour l'été prochain, qui, d'ici là, aura été éprouvé par des exercices de simulations.
Ensuite, notre système de vigilance et d'alerte doit permettre de prévenir des risques sanitaires qui ne seraient pas nécessairement identifiés a priori. En effet, notre pays, qui a mis au point des systèmes de vigilance d'extrême qualité pour les risques infectieux, transfusionnels ou pharmaceutiques, n'est pas organisé pour prévenir les risques de morbidité ou de mortalité résultant de facteurs non identifiés, en particulier climatiques. J'ai demandé au directeur de l'Institut de veille sanitaire, dont c'est la mission, de me faire à brefs délais des propositions concrètes sur trois points : la mise en place d'un bulletin quotidien d'analyse des alertes sanitaires ; la mise en oeuvre d'un dispositif de vigilance et d'alerte appuyé sur les données de morbidité et de mortalité, mais également sur des connexions avec les services d'urgence, SAMU, sapeurs pompiers, urgentistes, libéraux, et ceci en liaison avec les services météorologiques, ceux de l'environnement, de l'équipement et de l'intérieur ; et enfin l'organisation d'une réflexion à plus long terme sur les menaces potentielles et les moyens d'y faire face.
Troisièmement, je souhaite aussi que votre Assemblée puisse, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de santé publique, prendre les mesures immédiatement identifiables qui relèveraient du champ législatif.
Ce projet comporte déjà, dans ses articles 10, 11 et 13, des dispositions relatives à la prévention et à la gestion des crises sanitaires qui permettront d'améliorer notablement les transmissions d'information et la mobilisation des moyens en cas de menace de crise sanitaire. Cependant, je proposerai au Parlement plusieurs amendements, regroupés dans un nouveau titre, afin de renforcer ou de compléter les mesures prévues, à la lumière de la crise de cet été. Ce titre comportera trois chapitres :
1- Notre système de veille et d'alerte sanitaires, cinq ans après sa création, appelle des renforcements et des précisions. Les missions de l'Institut de veille sanitaire sont aujourd'hui définies par la loi d'une manière fort large mais peu lisible. Aussi le gouvernement souhaite-t-il, sans en changer le périmètre, mieux préciser les différentes tâches que l'on attend de cet organisme et, notamment, manifester que cet organisme doit mener une réflexion prospective sur les facteurs de risque sanitaire non identifié et compléter son approche par pathologie par une approche par population à risque. Par ailleurs, il sera clairement écrit que l'INVS doit bâtir des systèmes d'information lui permettant d'élaborer des indicateurs d'alerte.
A l'article 11, l'obligation faite aux médecins et aux établissements publics de signaler aux autorités sanitaires les risques sanitaires dont ils auraient connaissance sera étendue à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale. De même, je proposerai que ce signalement soit fait d'abord auprès du préfet, dont la responsabilité de coordination sur le terrain doit être claire, pour éviter les actions redondantes ou désordonnées. Il appartiendra au préfet de prévenir immédiatement la cellule de veille de l'INVS.
2- Les moyens d'action des pouvoirs publics pour prévenir une menace sanitaire grave ou atténuer l'impact d'une crise sanitaire seront nettement renforcés.
L'article 10 donne au ministre de la santé la capacité de prescrire les dispositions appropriées en cas de crise sanitaire grave, y compris lorsqu'il ne s'agit pas d'un risque infectieux, et d'habiliter le préfet à mettre en oeuvre au plan local ces prescriptions en prenant, dans des conditions strictement encadrées, les mesures individuelles et collectives qui s'imposent.
Nous souhaitons que le plan régional de santé publique prévu à l'article 2 comporte un volet spécifique relatif au dispositif de prévention, d'alerte et de gestion sanitaire.
Enfin, il vous sera proposé de donner une base légale au plan blanc hospitalier, de préciser les conditions dans lesquelles ce plan peut être déclenché en cas d'afflux de victimes ou de situation sanitaire exceptionnelle et de donner au préfet la possibilité de recourir à des plans blancs " élargis ". Il s'agit d'associer, selon les besoins, de requérir le concours des établissements privés, de la médecine de ville, des infirmières libérales, des transports sanitaires et des établissements médico-sociaux en cas de crise grave.
3- Enfin, une dernière série d'articles sont consacrés aux systèmes d'information et au système de remontée des certificats de décès, depuis le médecin qui constate le décès, jusqu'au centre d'analyse des décès de l'INSERM. Ici, l'objectif est double : d'une part, simplifier le circuit afin de permettre son informatisation et, par là même, la remontée presque en temps réel des cas de décès constatés ; d'autre part, permettre à l'INVS de s'appuyer sur ce circuit, pour construire un dispositif d'alerte et de mesure au jour le jour des décès constatés. C'est sur la base d'un circuit de ce type, complété par des dispositifs sentinelles auprès de services d'urgence et de centres de sapeurs pompiers notamment, que nous pourrons mettre en place le système d'alerte sanitaire dont j'ai commandé la réalisation à l'Institut de veille sanitaire.
Le titre III comporte les dispositions relatives aux cinq plans de santé publique nationaux, qui sont les priorités que le gouvernement assigne à son action. Le projet de loi prévoit une démarche de programmation stratégique liant les objectifs aux moyens dans cinq domaines la lutte contre le cancer, la santé environnementale, la violence et les comportements à risque, les maladies rares et, enfin, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.
Dans le domaine du cancer, nous créons l'Institut national du cancer conformément aux engagements annoncés le 24 mars dernier par le Président de la République. Cet Institut permettra de mieux coordonner les acteurs du cancer ; il sera, en quelque sorte, la " tour de contrôle " du dispositif de lutte contre le cancer, capable d'en embrasser tous les aspects, veillant à la mise en oeuvre et au bon déroulement du plan cancer, de la prévention au soin, de l'observation à la participation à l'organisation de la formation médicale, à la coordination et au financement des actions de recherche, dans un souci constant de développer les synergies européennes et internationales. Il sera la maison commune des patients et des soignants.
Dans le domaine de la recherche, cet Institut permettra ainsi, sans évidemment se substituer à elles, de renforcer le potentiel des institutions de recherche comme l'INSERM, le CNRS et les structures hospitalo-universitaires, en finançant des programmes d'action coordonnés au niveau national, et en aidant à la structuration régionale des cancéropôles.
Nous renforçons aussi l'arsenal de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, en tenant compte de la loi qui a été adoptée en juillet dernier.
Dans le domaine de l'environnement, comme l'a demandé le Président de la République, un plan national en santé-environnement sera élaboré ; il comportera un volet relatif aux situations météorologiques extrêmes. Compte tenu de la complexité de ces problèmes, nous avons installé il y a quinze jours avec Roselyne BACHELOT et François FILLON une commission d'experts chargée d'élaborer des premières propositions. Par ailleurs, nous facilitons la surveillance épidémiologique en milieu de travail. Nous actualisons les dispositions relatives à la préservation de la qualité de l'eau et simplifions les autorisations d'exploitation des sources d'eaux minérales naturelles et thermales. Enfin, le texte de loi prévoit de renforcer, il en est temps, les mesures de lutte contre le saturnisme.
Les dispositions du titre IV ont trait à la recherche et à la formation en santé.
Elles créent, en premier lieu, l'Ecole des hautes études en santé publique.
En deuxième lieu, le projet de loi actualise le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales. Cette révision s'impose par la nécessité de transposer en droit interne la directive 2001/20/CE relative aux essais cliniques de médicaments, mais aussi par le besoin, exprimé précisément par tous les acteurs de la recherche en santé, auxquels ont fait écho divers travaux parlementaires, d'adapter le dispositif existant, quinze ans après.
La directive nous conduit sur le terrain des principes et des droits fondamentaux de la personne ; le gouvernement a donc souhaité définir, au-delà du médicament, des règles et un cadre communs à toutes les recherches biomédicales.
Le projet de loi procède à trois modifications principales. Il remplace l'actuel régime déclaratif par un régime d'autorisation. Il supprime la distinction entre recherche sans bénéfice individuel direct et recherche avec bénéfice individuel direct, souvent difficile à manier et trompeuse pour les personnes qui se prêtent à la recherche, au profit de l'appréciation plus fine bénéfice-risque. Il organise enfin la participation à la recherche des personnes vulnérables ou hors d'état d'exprimer leur consentement, afin qu'elles puissent bénéficier mieux qu'aujourd'hui du progrès scientifique et médical - je songe, en particulier, aux personnes atteintes d'affections neuro-dégénératives comme la maladie d'Alzeimer.
En dernier lieu, ce projet de loi simplifie le dispositif de formation médicale continue. La formation continue des médecins - comme d'ailleurs celle de tous les autres professionnels de santé - est une des conditions du succès de la politique de qualité des soins que je souhaite enraciner au coeur de notre système de santé.
Le but de la FMC est revu, car elle ne saurait être limitée au " perfectionnement des connaissances ", mais doit viser comme le dit l'article 52 du projet de loi, " l'amélioration de la qualité des soins ".
En réalité, les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Je souhaite lier l'obligation de formation médicale continue à des mécanismes d'incitation et de valorisation professionnelle, qui devront se développer dans une politique conventionnelle bien comprise.
Ainsi, l'accès à certaines fonctions de responsabilité ou de représentation professionnelle pourrait être conditionné par le respect de l'obligation de formation. Cela pourrait être le cas des fonctions électives dans les CME des établissements de santé ou dans les unions de médecins libéraux ou de certaines fonctions pédagogiques par exemple maître de stage. Les primes d'assurances professionnelles pourraient être modulées dès lors que les praticiens s'engageraient à s'acquitter de l'obligation de formation - des discussions préliminaires sont d'ores et déjà ouvertes avec les assureurs dans ce sens.
J'en finis en indiquant que nous simplifions l'organisation administrative nationale et régionale de la formation médicale continue.
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Mesdames et Messieurs les députés, l'histoire de l'interventionnisme sanitaire de l'Etat est celle d'une quadruple aventure.
Aventure scientifique, tout d'abord, car si la réglementation est toujours, par la force des choses, à la remorque du progrès des sciences de la vie et de la nature, je crois que l'Etat peut, selon qu'il investit ou qu'il néglige la santé publique, stimuler ou au contraire freiner ce progrès.
Aventure administrative, ensuite, car l'adaptation simultanée des structures administratives aux attentes du public, à celles des professionnels et à celles des responsables politiques est, en matière sanitaire plus qu'ailleurs, un perpétuel recommencement, qui nourrit bien des renoncements et des solutions hâtives.
Aventure économique, car, plus encore qu'en d'autres domaines, l'Etat est prié de faire toujours davantage en dépensant moins.
Aventure juridique, enfin, car l'Etat y déploie toutes les facettes de ses compétences : il informe, il réglemente, il autorise, il interdit, il oriente, il délègue, il contrôle, il incite
Selon les époques et les circonstances, les formes de l'intervention de l'Etat en matière de santé publique ont été plus ou moins ponctuelles, plus ou moins imaginatives, plus ou moins fécondes et utiles. Le gouvernement vous invite aujourd'hui à prendre part à cette aventure en écrivant dans l'histoire de la politique de santé publique une page qu'il veut structurante ; à marquer une étape qui réponde aux faiblesses structurelles de notre système et qui donne à tous les acteurs de la santé publique les moyens d'améliorer significativement l'état de santé des Français.
J'attends donc beaucoup de ce débat parlementaire qui sera un moment fort pour signifier l'engagement de la Nation pour la protection et l'amélioration de la santé. Le Gouvernement est ouvert à différents amendements ici ou là pour améliorer notre système. Ce texte, je le redis, peut sortir amélioré de ce débat.
Je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 3 octobre 2003)
Mesdames et Messieurs les députés,
I- Lors de la refondation de ses institutions en 1946, la République a accueilli un certain nombre de droits économiques et sociaux nouveaux, relatifs à l'emploi, à la formation, à la culture et à la santé. Au frontispice de sa charte commune, elle a alors inscrit ce principe : " La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et au vieux travailleur la protection de la santé ". Il s'agit d'un des principes particulièrement nécessaires à notre temps auxquels a été reconnu valeur constitutionnelle.
Ce principe du préambule de la Constitution de 1946 consacre à mes yeux un droit fondamental de nos concitoyens, le droit à la protection de la santé. Il ne s'agit pas du tout du droit à la santé, formule incantatoire qui pourrait suggérer l'existence d'un droit individuel à vivre en bonne santé autorisant chacun à s'en prévaloir et, le cas échéant, à exiger réparation dans tous les cas où la jouissance de ce droit serait perturbée. Comment consacrer un tel droit quand les prédispositions naturelles et les hasards de l'existence rendent illusoire toute prétention à l'égalité dans ce domaine ?
A l'inverse, le droit à la protection de la santé, c'est le devoir qu'ont les pouvoirs publics de protéger collectivement les populations contre les risques qui pourraient menacer leur santé. A ce droit, qui s'inscrit dans une longue tradition, celle de la police sanitaire, s'attachent aujourd'hui une signification, une demande et une urgence nouvelles.
1- Une signification nouvelle, d'abord.
Longtemps, l'idée de prévention a progressé avec une force proportionnelle à la faiblesse des thérapeutiques disponibles. Tant qu'elles furent dépourvues des moyens de guérir les maladies, les populations, et c'est logique, ont cherché à les prévenir. Cette prévention des anciens temps a produit des effets remarquables, des lois révolutionnaires sur le nettoiement des bâtiments insalubres ou l'assèchement des marais aux progrès de l'hygiène qui ont permis à la population d'échapper en plus grand nombre et plus longtemps aux principales causes de mortalité - songeons aux mesures d'aseptie lors de l'accouchement.
Cette politique ancienne de prévention sanitaire était toutefois une politique marquée par des préoccupations d'ordre et de salubrité publics, qui s'était constituée comme une branche du pouvoir de police.
Mais les progrès scientifiques donnent aujourd'hui un sens tout-à-fait nouveau à la prévention. La prévention, vous le comprenez, ça n'est plus seulement l'isolement des villes dans lesquelles s'est déclarée une épidémie de peste. C'est le moyen de traiter très en amont les déterminants des maladies, grâce à des politiques de dépistage précoce et à des thérapeutiques performantes. C'est faire progresser l'éducation sanitaire de nos concitoyens afin qu'ils évitent des conduites qui nuisent gravement à leur santé. Enfin, les connaissances que la recherche biomédicale est en train d'accumuler pourraient donner naissance à une médecine prédictive qui, si l'on encadre ses dérives possibles, est une chance formidable pour la santé publique.
Vous le voyez, la politique de prévention a aujourd'hui un sens nouveau, parce qu'elle n'est plus un palliatif à l'impuissance médicale mais s'appuie sur les perspectives très prometteuses ouvertes par le progrès thérapeutique.
C'est cela la signification nouvelle.
2- La politique de santé publique fait ensuite l'objet d'une demande nouvelle de la part de nos concitoyens.
Longtemps, l'idée même de santé publique est restée incomprise. Elle a pâti, à l'époque contemporaine, des travers du mouvement hygiéniste qui avait permis son essor. L'intervention de l'Etat en matière sanitaire n'échappait jamais au soupçon qui la dénonçait comme moralisatrice, conçue comme un outil de redressement de comportements individuels jugés condamnables. Il est vrai qu'un certain hygiénisme voulait prévenir des affections telles que la syphilis, la tuberculose, les pathologies de l'alcoolisme ou la stérilité consécutive à des avortements clandestins non seulement en raison de leurs effets sur la santé, mais aussi parce qu'elles étaient issues des modes de vie qui, de son point de vue, méritaient réprobation.
La politique de santé publique a ainsi trop souvent été vécue comme une intrusion de l'Etat dans l'intimité des personnes, voire dans le champ de compétence des professionnels de santé.
Mais aujourd'hui, ces stigmates me semblent oubliés. La légitimité pour l'Etat d'intervenir dans les affaires de chacun pour protéger la population n'est plus questionnée. Chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'Etat et ses agents que les Français et les Françaises se tournent pour exiger une protection efficace. Aujourd'hui, le rôle de l'Etat n'est plus contesté, il est réclamé ; on ne suspecte plus l'Etat de vouloir, sous couvert de santé publique, redresser les individus et, à travers eux, la Nation. La politique de santé publique fait bien l'objet d'une demande nouvelle et pressante.
Et cela avec raison. L'actualité le dit assez : seul l'Etat peut organiser efficacement la lutte contre les épidémies comme le syndrome respiratoire aigu sévère, les méningites, le sida, la grippe ou l'hépatite B.
Ces exemples illustrent ce qu'est la politique de santé publique : non pas l'intrusion de l'Etat dans l'intimité de chacun, mais la nécessité de comprendre et de résoudre les problèmes de santé à l'échelle de la population. Car sans ce regard collectif, le système de santé est myope. Il ne peut pas se préparer à la compréhension et aux évolutions futures. Il n'est ni aussi juste ni aussi performant qu'il pourrait l'être.
En bref, l'approche individuelle des maladies, pour essentielle qu'elle soit, ne suffit pas. Si, en médecine, la personne est le centre de tout, qui pourrait croire qu'un système de santé n'est que la somme des actes pratiqués au niveau individuel ? Ce serait oublier le rôle de l'environnement - pensons à l'eau potable, à la qualité de l'air dont Hippocrate avait déjà bien pressenti le rôle ; ce serait oublier le rôle des comportements, le rôle des prises de risque plus ou moins volontairement consenties.
3- Une urgence nouvelle s'attache enfin à la politique de santé publique car, à cette demande de nos concitoyens, nous répondons de manière insuffisante ; des possibilités nouvelles et anciennes de la prévention, nous ne tirons pas assez parti.
Deux constats jettent une lumière malheureusement éloquente sur les conséquences de cette négligence dans laquelle a été tenue la santé publique.
Premièrement, la mortalité prématurée, définie comme celle qui survient avant l'âge de 65 ans, reste en France à un niveau anormalement élevé alors que les causes en sont connues et que l'on sait qu'elle est évitable. Les autres pays développés - l'Allemagne, l'Italie, le Japon - bénéficient d'une mortalité aux âges adultes inférieure à la nôtre. Ces résultats sont choquants, d'autant qu'ils contrastent avec la performance de nos professionnels et de nos établissements de santé.
Cette distorsion, qui s'est accentuée depuis les années 1970, est le fruit d'une carence de la politique de santé publique : l'Etat peut agir et les Français attendent qu'il le fasse ; agir sur l'environnement, les comportements ou les phénomènes de violence, et réduire ainsi la triste spécificité française en termes de morbidité précoce.
L' action que nous menons avec vigueur contre le tabac, principale cause de cancer et de mortalité évitable, a d'ores et déjà des résultats spectaculaires. Les ventes de cigarettes ont chuté de 8% depuis le début de l'année. Cette offensive nous l'avons commencée en augmentant de façon importante les taxes par la LFSS 2003. Nous l'avons poursuivie ensemble par la loi visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes et nous continuons cet effort par ce projet de loi. Je pourrais aussi citer la politique de réduction des risques chez les usagers de drogues, qui a fait chuter la prévalence des infections à VIH chez les toxicomanes. Enfin, chacun comprend aussi qu'il faut agir contre la consommation de drogues, qui constitue un comportement à risque majeur.
Deuxième constat, l'inégalité des Français devant la maladie et la mort est grande. Selon leur lieu d'habitation - la Vienne ou le Pas-de-Calais - selon leur milieu social, nos concitoyens ne sont pas exposés de la même façon aux maladies cardio-vasculaires ou aux cancers des voies aérodigestives supérieures et n'ont pas la même espérance de vie. L'absence de priorités de santé publique est supportée par les moins favorisés. Autre exemple qui heurte l'équité : j'ai trouvé, en prenant mes fonctions, une situation dans laquelle seul un tiers des départements offrait des programmes de dépistage des cancers du sein chez les femmes. La généralisation de ce dépistage avait pourtant été annoncée à différentes reprises. Ces inégalités, dont les causes sont multiples, ne peuvent que rappeler à l'Etat dans son rôle de garant de la santé de la population et de la solidarité nationale.
II- Il y a donc fort à faire et c'est la raison d'être du projet de loi que je vous présente au nom du gouvernement.
Chacun mesure ici le contexte particulier dans lequel il s'inscrit. Chacun de nous, à titre personnel, en raison de ses responsabilités, ou au nom de la fraternité qui unit les citoyens d'une même nation, est profondément marqué par les conséquences sanitaires de la canicule sans précédent qui a frappé notre pays au mois d'août dernier et, tout particulièrement, les personnes âgées des grands centres urbains.
Le phénomène climatique d'une ampleur et d'une durée inégalées dans l'histoire de la météorologie des pays à climat tempéré auquel nous avons été confrontés, a causé un drame humain, tout particulièrement en France, où la canicule a été la plus remarquable, mais aussi en Allemagne, aux Pays Bas ou dans des pays du Sud de l'Europe. Les villes du Nord de l'Italie ont ainsi enregistré une surmortalité comparable à celle que nous avons connue.
Ce drame humain soulève bien des questions légitimes auxquelles nous sommes tous attachés à répondre.
Nous commençons à y voir un peu plus clair, grâce au rapport de la commission d'experts indépendants coordonnée par le docteur Lalande, qui m'a été remis début septembre et au travail de la mission d'information constituée par votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a rendu ses conclusions il y a une semaine. Ce qu'il m'appartient de vous en dire ici, ce sont deux choses.
Vous dire d'abord que les dispositions de ce projet de loi doivent contribuer à éviter que de tels drames se reproduisent. Déposé dès le mois de mai au bureau de cette Assemblée, il avait l'ambition de donner à l'Etat les moyens de tenir son rôle de garant de la protection de la santé et il fait justice d'une compréhension des lacunes les plus graves qui ont handicapé notre système de santé cet été : profond déséquilibre entre le soin et la prévention, responsabilité de l'Etat mal affermie dans ce dernier domaine, dispersion des acteurs et des efforts. J'y reviendrai.
Vous dire ensuite que le travail de réflexion et d'analyse conduit ces dernières semaines me conduira à vous proposer d'amender ce texte afin de tirer rapidement un certain nombre de conclusions de la crise de l'été : les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour prévenir la réalisation de menaces sanitaires graves, l'organisation du circuit des certificats de décès, l'institution d'une obligation large de signalement des menaces sanitaires, sujets sur lesquels le projet de loi procédait déjà à des avancées, seront renforcées et améliorées. Des dispositions nouvelles vous seront en outre proposées en matière de veille et d'alerte sanitaires ou afin de donner aux préfets des moyens nouveaux pour répondre à l'urgence sanitaire et à l'afflux de victimes dans les hôpitaux.
Les événements dramatiques de cet été ont brutalement mis en lumière, en quelques jours, les faiblesses structurelles profondes dont souffre notre système de santé et sur lesquelles je n'ai pas cessé d'appeler l'attention depuis que je suis ministre et, auparavant, sur ces bancs, comme parlementaire. Il y en a trois, majeures.
La première tient au relatif délaissement de la prévention. La politique de santé publique, d'abord consacrée à la prévention, a basculé presque entièrement, depuis un demi-siècle, vers la médecine curative. Les efforts que nous déployons pour soigner les malades ne trouvent pas leur équivalent lorsqu'il s'agit de chercher à prévenir, éduquer, dépister. Sur 150 milliards de dépenses de santé, seulement 3,6 milliards, soit 2,3%, sont consacrés à la prévention ! Il s'agit d'un défaut relevé par les ministres successifs mais pourtant jamais corrigé.
La deuxième vient de ce que la responsabilité de l'Etat dans le domaine de la santé publique est mal définie et insuffisamment organisée.
C'est en effet à coup de catastrophes écologiques - le naufrage de l'Amoco Cadiz, de " scandales " - la vache folle, le sang contaminé - de paniques plus ou moins fondées scientifiquement - l'ozone - ou d'accidents hospitaliers (anesthésiques ou obstétriques) que l'Etat s'est trouvé pour ainsi dire acculé à trouver, à la hâte, de nouvelles formes d'intervention. La santé publique, en effet, n'a jamais été consacrée en tant que telle comme une responsabilité de l'Etat et un domaine prioritaire d'action des pouvoirs publics. En l'absence de politique d'ensemble, l'organisation actuelle est ainsi le résultat de réformes successives qui manquaient d'une vision globale et dont la prévention n'était pas l'objet principal.
La grande loi de 1902, qui, pour la première fois, rend obligatoire une vaccination, la vaccination anti-variolique, et impose la déclaration des maladies infectieuses apparaît ainsi comme un coup d'audace qui, depuis un siècle, n'a pas été renouvelé.
Avec le projet de loi dont vous allez débattre, le gouvernement se donne les moyens de rompre avec l'empirisme qui caractérise depuis des décennies la politique sanitaire en France. Plutôt que de n'intervenir qu'au coup par coup, pour régler des problèmes immédiats dont la nature ou l'ampleur n'avait pas été prévue, souvent à la suite d'accidents ou d'épidémies, ce projet de loi vise à fonder en France une politique pérenne de santé publique.
En 1998, notre pays s'est doté d'un premier ensemble complet d'outils destinés à garantir la sécurité sanitaire de notre environnement, de notre alimentation et des produits de santé, tels les médicaments, et à organiser un réseau de veille ; la création, à cette époque, des agences sanitaires correspond à une première étape sur la voie d'une meilleure approche du devoir de santé publique et le Parlement a, à ce moment déjà, joué un rôle déterminant.
Le projet de loi qui vous est soumis se veut une deuxième étape, plus structurante et plus aboutie que la première ; il affirme la responsabilité l'Etat en matière de santé publique et s'attelle à une tâche difficile, tirer le meilleur parti possible de l'extraordinaire dispersion des acteurs et des efforts qui caractérise le monde de la prévention.
III- L'objet premier du projet de loi que je vous présente au nom du gouvernement est ainsi de clarifier cette ambiguïté sur le rôle de l'Etat en matière de santé publique. L'intention politique qui nous anime est claire et je tiens à vous la redire, pour que s'apaisent certaines incertitudes.
L'Etat est le garant de la protection de la santé. Mais il n'a pas vocation à être l'acteur unique de la politique de santé publique. Le rôle que nous entendons donner aux pouvoirs publics en ce domaine est conforme à ce que doit faire un Etat moderne : garantir, plutôt que gérer toujours et partout. Organiser, impulser, mais non pas faire à la place des autres. Tracer la direction à suivre et évaluer les résultats, mais non marcher sur les brisées des acteurs de la santé publique sur le terrain.
Ce rôle de garant et de responsable de la politique de santé publique que les Français demandent à l'Etat de tenir doit se traduire de deux façons.
Premièrement, c'est à l'Etat qu'il appartient, après une large concertation, d'arrêter les priorités qu'il faut assigner à l'Etat pour améliorer l'état de santé des Français. Deuxièmement, si l'Etat n'a évidemment pas le monopole de l'action en matière de santé publique, il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat des différents acteurs publics et privés qui sont nombreux à concourir à l'amélioration de la santé.
1- Pour que chaque acteur puisse situer son rôle et comprendre le sens de son action, il doit pouvoir inscrire celle-ci dans un cadre de référence explicite ; il faut le mettre en mesure de se référer à une série d'objectifs pour juger si l'action va dans le bon sens. La mise sous objectifs du système de santé publique sur un horizon de cinq ans est ainsi le premier axe directeur de ce projet.
Jusqu'à présent, lorsque l'on parlait d'objectifs, l'on faisait référence aux dépenses d'assurance maladie. Cette logique est non seulement inflationniste par nature. Elle est encore appauvrissante. Car la vraie question est de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé de la population. C'est cette correspondance entre les moyens et les résultats que ce projet de loi veut organiser.
C'est pourquoi il fixe cinq grandes priorités, dont nous aurons à répondre dans cinq ans : la lutte contre le cancer, la santé environnementale incluant la santé au travail, la violence et les comportements à risque, les maladies rares et, enfin, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.
Par ailleurs, ce projet comporte un rapport annexé, qui propose une centaine d'objectifs qui ont vocation à constituer un tableau de bord pour améliorer le pilotage de notre système, pour mieux analyser ses forces et ses faiblesses et pour évaluer sa performance. Qu'on ne s'y trompe pas : ces objectifs n'ont pas vocation à être exhaustifs. Ce sont des marqueurs, des indicateurs qui doivent permettre périodiquement de faire le point sur les évolutions de la situation sanitaire du pays, c'est-à-dire à repérer les progrès et les manques. Ils ont été définis après une large concertation scientifique et en prenant pour référence les résultats qu'obtiennent les pays développés les plus performants, en matière de réduction des conduites à risques, d'organisation de la prise en charge des maladies chroniques, de maîtrise du risque infectieux. Lorsque cela a été possible, c'est-à-dire lorsque les systèmes d'information en matière de santé le permettaient, ces objectifs ont été quantifiés.
2- Le deuxième grand objectif de ce texte est d'organiser l'action sur le terrain car c'est sur le terrain que se gagne la bataille de la santé.
Comme je vous l'ai dit, l'Etat n'a pas vocation à développer une emprise sur tous ceux qui oeuvrent pour la santé publique. Il lui revient toutefois d'organiser, d'impulser et de coordonner l'action sur le terrain, pour rapprocher les professionnels du soin, rapprocher les professionnels de l'action sociale, les soins de ville et les soins hospitaliers. Rapprocher : la nécessité pressentie dans l'élaboration de cette loi s'est cruellement confirmée cet été.
Aujourd'hui, sauf telle ou telle exception locale que je tiens à saluer, cette coordination des efforts pour la réalisation d'objectifs communs est à peu près inexistante.
Devant les lacunes et les mauvais résultats que j'évoquais plus haut, il est tentant d'annoncer que les dépenses de santé publique doivent être augmentées. C'est vrai que de nombreux besoins restent insatisfaits et nous veillerons à améliorer la situation. Mais il faut avant tout mieux utiliser ce dont nous disposons, éviter le gaspillage d'énergie et de moyens ; il faut créer les conditions d'une véritable synergie entre les différents acteurs alors qu'aujourd'hui la dispersion des moyens est extrême.
A côté des deux grands acteurs que sont l'Etat, ses services, ses agences et l'assurance maladie avec ses caisses, coexistent une myriade de structures : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation pour la santé, multiples associations spécialisées, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail et d'autres. Entre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales - régions, départements, communes ou groupements de communes - les associations ou les entreprises, la répartition des responsabilités est pour le moins confuse. Ce projet de loi propose un mécanisme pour associer tous ceux qui souhaitent concourir à la politique de santé publique au niveau régional. Il faut de la cohérence, sans exclure personne. On a bien, au contraire, besoin de tout le monde, chacun à sa place, avec ses missions.
C'est pourquoi, pour mettre en oeuvre des objectifs simples et forts - agir en amont sur les déterminants des maladies, prévenir plutôt que guérir - nous devons nécessairement en passer par une traduction administrative et institutionnelle, que nous nous sommes efforcés de rendre aussi simple et efficace que possible, même si, je le concède, elle peut être de lecture rébarbative.
Dans la version initiale du projet présentée en conseil des ministres, j'avais envisagé, avec la volonté de simplifier un paysage institutionnel trop complexe, de substituer aux actuelles structures de concertation nationale et régionales un mécanisme périodique de débat sur la santé. Mais à l'occasion des différentes concertations menées durant l'été, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer le maintien dans la loi d'une instance permanente de débat permettant aux associations, aux professionnels, aux sociétés savantes de faire entendre leur voix. Vous vous en êtes faits l'écho et je vous en remercie. A la réflexion, je crois que cette revendication est juste et utile ; nous devons donc, ensemble, déterminer le meilleur moyen d'amender le projet actuel sur ce point, et je suis reconnaissant à la Commission des Affaires Sociales de son apport dans ce domaine.
La région apparaît comme le meilleur niveau pour mettre en oeuvre la politique de santé publique. C'est à cette échelle, d'une part, que les objectifs nationaux doivent être déclinés en tenant compte des spécificités locales et, d'autre part, que tous les acteurs de la santé publique peuvent et doivent travailler ensemble.
Il est important de bien comprendre qu'une des principales entraves à la performance de notre système de santé publique tient à l'extrême dispersion des acteurs de terrain. En même temps, la multiplicité de ces acteurs, leur diversité est une richesse. Comment concilier ces deux aspects ? Plutôt que de créer une institution supplémentaire, plutôt que d'étatiser la santé publique, je propose un mécanisme souple d'association au sein d'un groupement d'intérêt public, instance opérationnelle chargée de la mise en oeuvre du plan régional de santé publique. Tout en respectant la personnalité et l'identité de chacun des acteurs, ce GIP doit permettre de mutualiser les financements au niveau régional. Il garantira la coordination des actions sur la base de priorités établies par son conseil d'administration, où siégeront, outre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales qui le voudront et l'ARH.
3- Le troisième objet de ce projet de loi est la création d'une grande école de santé publique. Car c'est bien un objectif de santé publique majeur que d'assurer la meilleure formation possible des professionnels de la santé aux problèmes de la prévention, dans toutes ses facettes.
Nous disposons actuellement des ressources des facultés de médecine et de celles de l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes. Cette dernière forme les agents de l'Etat et de la fonction publique hospitalière oeuvrant dans le domaine sanitaire et social, dont les personnels de direction et d'encadrement des hôpitaux. Les facultés de médecine ne forment que les médecins tandis que l'ENSP ne délivre pas de diplômes reconnus au plan universitaire.
Nous sommes donc convenus, avec Luc Ferry et François Fillon, de créer un grand établissement d'enseignement supérieur permettant d'animer un réseau national de santé publique, de mettre en commun les expériences et les compétences et de hisser notre système de formation au meilleur niveau. Nous voyons bien que notre pays manque quantitativement de compétences dans les différents métiers de la santé publique ; il faut que nous nous donnions les moyens de les acquérir et de professionnaliser le champ de la santé publique. Il s'agit de choses aussi diverses et nécessaires que de former des techniciens du bruit ou de la qualité des eaux et d'offrir aux professionnels de la santé une formation continue en matière de sécurité sanitaire, au sein d'un établissement disposant d'une visibilité internationale et nous hissant au niveau de nos partenaires les plus performants, anglais et belges notamment.
La création de cette école devrait ainsi profiter à l'ensemble des professionnels aujourd'hui formés à l'ENSP. Celle-ci ne sera atteinte ni dans sa mission ni dans sa localisation. Elle gagnera toutefois en notoriété, en attrait et en visibilité internationale puisqu'elle conduira à des diplômes nationaux et qu'elle sera adossée à un réseau performant d'enseignement universitaire en matière de santé publique.
4- Enfin, ce projet de loi procède à une révision importante des dispositions relatives aux recherches biomédicales, issues de la loi du 20 décembre 1988 dite loi Huriet-Sérusclat. J'y reviendrai.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les grandes orientations de ce projet.
Avant d'en venir à une rapide présentation de ses quatre titres, je voudrais encore vous dire que je me suis aussi attaché à porter au plan international le message du caractère primordial de la santé publique. Au cours des derniers mois, grâce à l'intervention de la France, trois sujets ont pu déboucher ou progresser significativement : nous avons vaincu les dernières hésitations de nos partenaires pour permettre, en décembre dernier, l'adoption d'une directive interdisant la publicité transfrontalière du tabac. C'est encore à l'initiative de la France que les ministres de la santé européens ont adopté, en mai dernier, un certain nombre de recommandations qui ont été décisives pour contrôler l'épidémie naissante de SRAS. Enfin, depuis ma prise de fonctions, je m'emploie à ce que voit le jour en Europe un Centre européen de contrôle des maladies transmissibles, sur le modèle du CDC d'Atlanta, afin de doter l'Europe d'une capacité opérationnelle pour répondre efficacement aux grands enjeux des épidémies et maladies transmissibles. Le texte décidant de sa création devrait être officiellement adopté en décembre prochain, et ce Centre serait ainsi opérationnel début 2006.
Nous prévoyons enfin d'aboutir dans les prochains mois à la conclusion d'une vaste convention de coopération avec l'OMS qui traite les principaux sujets de santé publique.
IV- Le projet de loi comporte quatre titres dont je vais vous donner une très rapide présentation.
Le titre I est relatif à la politique de santé publique. Il définit le périmètre de celle-ci, clarifie les responsabilités et simplifie les instances impliquées dans la politique de santé publique.
Au plan national, le souhait du gouvernement est de parvenir à une architecture efficace et beaucoup plus simple que celle que nous connaissons actuellement. Il faut tout d'abord un mécanisme de consultation national, permettant aux différents acteurs de la santé publique, professionnels, associations, industriels, chercheurs d'éclairer le gouvernement lors du choix des objectifs et plans nationaux de santé publique. Ensuite, un organisme d'expertise technique unique, le Haut Conseil de santé publique, qui reprend les missions du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et celles du Haut comité de la santé publique. Enfin, une instance de coordination interministérielle et de gestion politique, le Comité national de la santé publique de façon à garantir l'efficacité de l'action gouvernementale. J'ajoute en un mot que, ce faisant, nous simplifions notablement le paysage institutionnel actuel.
Grâce aux travaux de ces instances, le gouvernement soumettra tous les cinq ans à l'approbation du Parlement une loi fixant les priorités de la politique de santé publique.
Au niveau régional, on trouve une architecture proche : un niveau de concertation et de coordination comprenant, outre l'Etat, l'assurance maladie et les collectivités locales, les différents acteurs de terrain ; une instance opérationnelle, le groupement régional de santé publique, qui associe les différents financeurs des actions de santé publique, est chargée de mettre en oeuvre ce plan régional en choisissant les opérations qu'elle finance ou co-finance. Nous prévoyons enfin que le Conseil régional puisse développer des actions particulières complémentaires de la politique portée par l'Etat.
Le titre II est relatif aux outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Il établit de nouvelles dispositions relatives à la politique vaccinale. Il précise les mesures à mettre en oeuvre en cas de menaces sanitaires graves, notamment d'alerte épidémique. Il renforce les contrôles sur la production et l'utilisation de microorganismes et de leurs toxines, en particulier dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. Il permet de renforcer les systèmes d'information sanitaire, en ménageant un équilibre entre la nécessité d'avoir accès à des données importantes pour la protection de la santé et celle de protéger la vie privée.
Il est évidemment indispensable d'apporter ici des réponses aux questions soulevées pendant l'été.
Les travaux sont d'ores et déjà engagés et ces réponses s'organisent selon les trois volets suivants.
Premièrement, certaines réponses demandent un temps de réflexion et de concertation avec les professionnels concernés. C'est le cas en matière d'urgence hospitalière et de politique à l'égard des personnes âgées :
Les travaux sur l'organisation des urgences ont abouti à un plan qui vient d'être présenté. Outre les investissements prévus dans le plan " Hôpital 2007 ", ce plan d'ensemble prend en compte l'amont, et donc la permanence des soins, puis l'accueil des patients lui-même, ainsi que les services de porte et le renforcement des services d'urgence ; enfin, et tout aussi important, la création de lits de suite et d'aval en quantité suffisante. Bien entendu, cela nécessite aussi le développement de lits de court séjour gériatriques.
Concernant les personnes âgées, les services de mon ministère sont activement engagés dans la réflexion coordonnée par François Fillon et Hubert Falco pour la construction du plan " vieillissement et solidarités ", en particulier pour ce qui touche aux aspects sanitaires. Là encore les mesures seront annoncées très prochainement.
Deuxièmement, des décisions immédiates ont été prises pour tirer les leçons de la crise et apporter des réponses très précises.
Tout d'abord, comme cela existe dans un certain nombre de villes et d'Etats, nous devons disposer d'un plan de prévention, d'alerte et de gestion de crise en cas de chaleur extrême, qui prévoie l'implication des services sanitaires, des services sociaux et des collectivité locales, afin que la situation de cet été ne se reproduise pas : j'ai demandé au directeur général de la santé de préparer un plan opérationnel pour l'été prochain, qui, d'ici là, aura été éprouvé par des exercices de simulations.
Ensuite, notre système de vigilance et d'alerte doit permettre de prévenir des risques sanitaires qui ne seraient pas nécessairement identifiés a priori. En effet, notre pays, qui a mis au point des systèmes de vigilance d'extrême qualité pour les risques infectieux, transfusionnels ou pharmaceutiques, n'est pas organisé pour prévenir les risques de morbidité ou de mortalité résultant de facteurs non identifiés, en particulier climatiques. J'ai demandé au directeur de l'Institut de veille sanitaire, dont c'est la mission, de me faire à brefs délais des propositions concrètes sur trois points : la mise en place d'un bulletin quotidien d'analyse des alertes sanitaires ; la mise en oeuvre d'un dispositif de vigilance et d'alerte appuyé sur les données de morbidité et de mortalité, mais également sur des connexions avec les services d'urgence, SAMU, sapeurs pompiers, urgentistes, libéraux, et ceci en liaison avec les services météorologiques, ceux de l'environnement, de l'équipement et de l'intérieur ; et enfin l'organisation d'une réflexion à plus long terme sur les menaces potentielles et les moyens d'y faire face.
Troisièmement, je souhaite aussi que votre Assemblée puisse, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de santé publique, prendre les mesures immédiatement identifiables qui relèveraient du champ législatif.
Ce projet comporte déjà, dans ses articles 10, 11 et 13, des dispositions relatives à la prévention et à la gestion des crises sanitaires qui permettront d'améliorer notablement les transmissions d'information et la mobilisation des moyens en cas de menace de crise sanitaire. Cependant, je proposerai au Parlement plusieurs amendements, regroupés dans un nouveau titre, afin de renforcer ou de compléter les mesures prévues, à la lumière de la crise de cet été. Ce titre comportera trois chapitres :
1- Notre système de veille et d'alerte sanitaires, cinq ans après sa création, appelle des renforcements et des précisions. Les missions de l'Institut de veille sanitaire sont aujourd'hui définies par la loi d'une manière fort large mais peu lisible. Aussi le gouvernement souhaite-t-il, sans en changer le périmètre, mieux préciser les différentes tâches que l'on attend de cet organisme et, notamment, manifester que cet organisme doit mener une réflexion prospective sur les facteurs de risque sanitaire non identifié et compléter son approche par pathologie par une approche par population à risque. Par ailleurs, il sera clairement écrit que l'INVS doit bâtir des systèmes d'information lui permettant d'élaborer des indicateurs d'alerte.
A l'article 11, l'obligation faite aux médecins et aux établissements publics de signaler aux autorités sanitaires les risques sanitaires dont ils auraient connaissance sera étendue à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale. De même, je proposerai que ce signalement soit fait d'abord auprès du préfet, dont la responsabilité de coordination sur le terrain doit être claire, pour éviter les actions redondantes ou désordonnées. Il appartiendra au préfet de prévenir immédiatement la cellule de veille de l'INVS.
2- Les moyens d'action des pouvoirs publics pour prévenir une menace sanitaire grave ou atténuer l'impact d'une crise sanitaire seront nettement renforcés.
L'article 10 donne au ministre de la santé la capacité de prescrire les dispositions appropriées en cas de crise sanitaire grave, y compris lorsqu'il ne s'agit pas d'un risque infectieux, et d'habiliter le préfet à mettre en oeuvre au plan local ces prescriptions en prenant, dans des conditions strictement encadrées, les mesures individuelles et collectives qui s'imposent.
Nous souhaitons que le plan régional de santé publique prévu à l'article 2 comporte un volet spécifique relatif au dispositif de prévention, d'alerte et de gestion sanitaire.
Enfin, il vous sera proposé de donner une base légale au plan blanc hospitalier, de préciser les conditions dans lesquelles ce plan peut être déclenché en cas d'afflux de victimes ou de situation sanitaire exceptionnelle et de donner au préfet la possibilité de recourir à des plans blancs " élargis ". Il s'agit d'associer, selon les besoins, de requérir le concours des établissements privés, de la médecine de ville, des infirmières libérales, des transports sanitaires et des établissements médico-sociaux en cas de crise grave.
3- Enfin, une dernière série d'articles sont consacrés aux systèmes d'information et au système de remontée des certificats de décès, depuis le médecin qui constate le décès, jusqu'au centre d'analyse des décès de l'INSERM. Ici, l'objectif est double : d'une part, simplifier le circuit afin de permettre son informatisation et, par là même, la remontée presque en temps réel des cas de décès constatés ; d'autre part, permettre à l'INVS de s'appuyer sur ce circuit, pour construire un dispositif d'alerte et de mesure au jour le jour des décès constatés. C'est sur la base d'un circuit de ce type, complété par des dispositifs sentinelles auprès de services d'urgence et de centres de sapeurs pompiers notamment, que nous pourrons mettre en place le système d'alerte sanitaire dont j'ai commandé la réalisation à l'Institut de veille sanitaire.
Le titre III comporte les dispositions relatives aux cinq plans de santé publique nationaux, qui sont les priorités que le gouvernement assigne à son action. Le projet de loi prévoit une démarche de programmation stratégique liant les objectifs aux moyens dans cinq domaines la lutte contre le cancer, la santé environnementale, la violence et les comportements à risque, les maladies rares et, enfin, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.
Dans le domaine du cancer, nous créons l'Institut national du cancer conformément aux engagements annoncés le 24 mars dernier par le Président de la République. Cet Institut permettra de mieux coordonner les acteurs du cancer ; il sera, en quelque sorte, la " tour de contrôle " du dispositif de lutte contre le cancer, capable d'en embrasser tous les aspects, veillant à la mise en oeuvre et au bon déroulement du plan cancer, de la prévention au soin, de l'observation à la participation à l'organisation de la formation médicale, à la coordination et au financement des actions de recherche, dans un souci constant de développer les synergies européennes et internationales. Il sera la maison commune des patients et des soignants.
Dans le domaine de la recherche, cet Institut permettra ainsi, sans évidemment se substituer à elles, de renforcer le potentiel des institutions de recherche comme l'INSERM, le CNRS et les structures hospitalo-universitaires, en finançant des programmes d'action coordonnés au niveau national, et en aidant à la structuration régionale des cancéropôles.
Nous renforçons aussi l'arsenal de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, en tenant compte de la loi qui a été adoptée en juillet dernier.
Dans le domaine de l'environnement, comme l'a demandé le Président de la République, un plan national en santé-environnement sera élaboré ; il comportera un volet relatif aux situations météorologiques extrêmes. Compte tenu de la complexité de ces problèmes, nous avons installé il y a quinze jours avec Roselyne BACHELOT et François FILLON une commission d'experts chargée d'élaborer des premières propositions. Par ailleurs, nous facilitons la surveillance épidémiologique en milieu de travail. Nous actualisons les dispositions relatives à la préservation de la qualité de l'eau et simplifions les autorisations d'exploitation des sources d'eaux minérales naturelles et thermales. Enfin, le texte de loi prévoit de renforcer, il en est temps, les mesures de lutte contre le saturnisme.
Les dispositions du titre IV ont trait à la recherche et à la formation en santé.
Elles créent, en premier lieu, l'Ecole des hautes études en santé publique.
En deuxième lieu, le projet de loi actualise le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales. Cette révision s'impose par la nécessité de transposer en droit interne la directive 2001/20/CE relative aux essais cliniques de médicaments, mais aussi par le besoin, exprimé précisément par tous les acteurs de la recherche en santé, auxquels ont fait écho divers travaux parlementaires, d'adapter le dispositif existant, quinze ans après.
La directive nous conduit sur le terrain des principes et des droits fondamentaux de la personne ; le gouvernement a donc souhaité définir, au-delà du médicament, des règles et un cadre communs à toutes les recherches biomédicales.
Le projet de loi procède à trois modifications principales. Il remplace l'actuel régime déclaratif par un régime d'autorisation. Il supprime la distinction entre recherche sans bénéfice individuel direct et recherche avec bénéfice individuel direct, souvent difficile à manier et trompeuse pour les personnes qui se prêtent à la recherche, au profit de l'appréciation plus fine bénéfice-risque. Il organise enfin la participation à la recherche des personnes vulnérables ou hors d'état d'exprimer leur consentement, afin qu'elles puissent bénéficier mieux qu'aujourd'hui du progrès scientifique et médical - je songe, en particulier, aux personnes atteintes d'affections neuro-dégénératives comme la maladie d'Alzeimer.
En dernier lieu, ce projet de loi simplifie le dispositif de formation médicale continue. La formation continue des médecins - comme d'ailleurs celle de tous les autres professionnels de santé - est une des conditions du succès de la politique de qualité des soins que je souhaite enraciner au coeur de notre système de santé.
Le but de la FMC est revu, car elle ne saurait être limitée au " perfectionnement des connaissances ", mais doit viser comme le dit l'article 52 du projet de loi, " l'amélioration de la qualité des soins ".
En réalité, les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Je souhaite lier l'obligation de formation médicale continue à des mécanismes d'incitation et de valorisation professionnelle, qui devront se développer dans une politique conventionnelle bien comprise.
Ainsi, l'accès à certaines fonctions de responsabilité ou de représentation professionnelle pourrait être conditionné par le respect de l'obligation de formation. Cela pourrait être le cas des fonctions électives dans les CME des établissements de santé ou dans les unions de médecins libéraux ou de certaines fonctions pédagogiques par exemple maître de stage. Les primes d'assurances professionnelles pourraient être modulées dès lors que les praticiens s'engageraient à s'acquitter de l'obligation de formation - des discussions préliminaires sont d'ores et déjà ouvertes avec les assureurs dans ce sens.
J'en finis en indiquant que nous simplifions l'organisation administrative nationale et régionale de la formation médicale continue.
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Mesdames et Messieurs les députés, l'histoire de l'interventionnisme sanitaire de l'Etat est celle d'une quadruple aventure.
Aventure scientifique, tout d'abord, car si la réglementation est toujours, par la force des choses, à la remorque du progrès des sciences de la vie et de la nature, je crois que l'Etat peut, selon qu'il investit ou qu'il néglige la santé publique, stimuler ou au contraire freiner ce progrès.
Aventure administrative, ensuite, car l'adaptation simultanée des structures administratives aux attentes du public, à celles des professionnels et à celles des responsables politiques est, en matière sanitaire plus qu'ailleurs, un perpétuel recommencement, qui nourrit bien des renoncements et des solutions hâtives.
Aventure économique, car, plus encore qu'en d'autres domaines, l'Etat est prié de faire toujours davantage en dépensant moins.
Aventure juridique, enfin, car l'Etat y déploie toutes les facettes de ses compétences : il informe, il réglemente, il autorise, il interdit, il oriente, il délègue, il contrôle, il incite
Selon les époques et les circonstances, les formes de l'intervention de l'Etat en matière de santé publique ont été plus ou moins ponctuelles, plus ou moins imaginatives, plus ou moins fécondes et utiles. Le gouvernement vous invite aujourd'hui à prendre part à cette aventure en écrivant dans l'histoire de la politique de santé publique une page qu'il veut structurante ; à marquer une étape qui réponde aux faiblesses structurelles de notre système et qui donne à tous les acteurs de la santé publique les moyens d'améliorer significativement l'état de santé des Français.
J'attends donc beaucoup de ce débat parlementaire qui sera un moment fort pour signifier l'engagement de la Nation pour la protection et l'amélioration de la santé. Le Gouvernement est ouvert à différents amendements ici ou là pour améliorer notre système. Ce texte, je le redis, peut sortir amélioré de ce débat.
Je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 3 octobre 2003)