Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, à Radio Caraïbes International le 14 octobre 2003, sur le projet d'évolution institutionnelle des Antilles.

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Média : RCI Radio Caraibes International

Texte intégral

Radio Caraïbes International : Brigitte Girardin, vous sortez du conseil des Ministres. La Martinique, Saint-Barth et Saint-Martin seront consultés, qu'en est-il exactement ?
Brigitte Girardin : J'ai informé le conseil des ministres du calendrier possible pour cette consultation populaire sur trois dossiers qui sont bouclés actuellement, la Martinique, les îles du nord de la Guadeloupe tout en précisant que si, d'ici quelques jours, un consensus se dégage dans une démarche qui est en cours pour le reste de la Guadeloupe, la Guadeloupe serait également consultée. J'ai proposé que pour l'ensemble de ces collectivités où émergent un large accord des élus sur des propositions qui émanent d'eux, propositions d'évolution institutionnelle dans le cadre de la Constitution telle qu'elle a été révisée en mars dernier, que le 7 décembre, les populations concernées puissent être amenées à se prononcer sur un choix très clair, à savoir si les populations préfèrent le statu quo ou si elles préfèrent une évolution dont nous avons vérifié qu'elle était bien conforme à la Constitution, qu'elle ne comportait pas de dérives et sur lequel le gouvernement n'a pas à prendre de positions et ne prendra pas de positions ni en faveur du oui, ni en faveur du non. C'est un problème local, qui doit avoir une réponse locale. Ce sont les termes qui ont été employés ce matin en Conseil des ministres par le Président de la République.
Radio Caraïbes International : Et comment seront formulées les questions, quel sera le libellé exact ?
Brigitte Girardin : La question sera simple. Elle consistera à demander à la population si elle approuve ou non un document d'orientation très simple et qui présente en quelques lignes les évolutions sur lesquelles les élus se sont mis d'accord.
Radio Caraïbes International : Pour ce qui est de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, comment voyez-vous le processus de consultation ? Ces deux collectivités veulent un changement de statut, il faut préalablement une loi pour les consulter.
Brigitte Girardin : Il faut de toute façon en cas de réponse positive préparer une loi organique. Pour Saint-Martin et Saint-Barth, ces deux îles, qui ont délibéré en conseil municipal, ont exprimé le souhait de changer de régime législatif, de ne plus être rattaché au régime de l'article 73 qui est le régime de l'assimilation législative, mais d'être rattaché à l'article 74, un régime de spécialité législative puisque Saint-Barth et Saint-Martin souhaitent avoir notamment une autonomie dans le domaine fiscal.
Donc la Constitution prévoit que lorsqu'il est proposé aux électeurs un changement de régime, nous sommes tenus d'organiser au parlement un débat sans vote après une déclaration du gouvernement. Les dates de ce débat sont déjà arrêtées. Il aura lieu pour les îles du nord de la Guadeloupe le 6 novembre au Sénat et le 7 novembre à l'assemblée nationale. C'est différent pour la Martinique. Elle ne demande pas à changer de régime. Ses élus se sont mis d'accord sur une évolution qui se fasse dans le cadre de l'article 73 avec la création d'une collectivité unique résultant de la fusion du département et de la région. Pour la Martinique, il n'y a pas de changement de régime et donc pas de débat parlementaire.
Radio Caraïbes International : Quand démarrera et comment s'organisera la campagne pour ceux qui seront consultés ?
Brigitte Girardin : La procédure va être maintenant la suivante. Nous attendons l'avis du Conseil d'Etat qui va se prononcer d'ici quelques jours. Quand nous aurons cet avis, je représenterai en conseil des ministres une proposition de décret à la signature du Président de la République pour convoquer les électeurs pour le 7 décembre prochain. Dans l'hypothèse de la signature de ce décret - vous comprendrez que je ne peux pas faire comme si le Président de la République avait déjà signé ce décret- je proposerai formellement fin octobre en conseil des ministres. La campagne électorale pourrait alors commencer le 24 novembre.
Radio Caraïbes International : Pensez-vous que vous êtes dans les temps pour amorcer cette procédure ? Après le non au référendum Corse cet été, certains élus ont montré une certaine impatience.
Brigitte Girardin : Nous respectons le calendrier que j'ai toujours annoncé. Encore une fois, c'est le Président de la République qui signe le décret qui permet cette convocation. J'ai toujours dit que cette décision se prendrait avant la fin de l'automne 2003. L'automne à Paris se termine le 21 décembre. Vous voyez que nous sommes dans le calendrier annoncé puisque la consultation est envisagée pour le 7 décembre. Il n'y a donc eu ni retardement ni accélération. J'ai toujours dit que, dans cette affaire, nous suivions les accords qui se dégageaient au sein des élus et que nous ne faisions aucune sorte de pression. A partir du moment où les dossiers sont prêts, nous suivons la procédure. Ces procédures n'ont rien à voir avec la Corse. En Corse, le gouvernement avait un projet sur lequel il a fait campagne, sur lequel il s'est engagé. Le seul projet que le gouvernement avait sur l'Outre-mer, c'était la révision de la Constitution pour permettre en toute sécurité des évolutions pour les collectivités qui le souhaitaient. Cette révision constitutionnelle, qui était un engagement du Président de la République, a été menée à bien dans des temps relativement courts. Et maintenant que ce cadre constitutionnel a été rénové, il appartient aux élus et à eux seuls de dire ce qu'ils souhaitent et de faire des propositions. C'est ce qu'ils ont fait. Ils ont fait des propositions et le rôle du gouvernement s'est limité à vérifier leur conformité à la Constitution. Il ne nous appartenait pas de juger en opportunité, dire s'il fallait ici ou là, une assemblée unique ou deux assemblées. C'est la population qui tranchera. Ce gouvernement a donné la possibilité à la population de s'exprimer, ce qui est nouveau. Et moi, j'incite tous nos compatriotes d'Outre-mer à ne pas laisser passer cette chance qu'ils ont, de pouvoir dire ce qu'ils pensent et de se mobiliser pour participer à cette consultation. On leur donne la parole, qu'ils la prennent ! Quant aux élus, c'est tout à leur honneur de vérifier à partir de leurs propositions que leurs électeurs souhaitent changer de statu quo. Et au bout du compte, il n'y aura ni vainqueur, ni vaincu dans cette affaire, le seul vainqueur sera la population, et donc la démocratie.
Radio Caraibes International : Mais n'avez vous pas l'impression que la campagne a déjà commencé. Chaque formation politique y va de sa petite musique. On note qu'au sein des forces martiniquaises de progrès, c'est le non qui prévaut ; à gauche, en Guadeloupe, les positions ne sont pas très tranchées
Brigitte Girardin : Ecoutez, chacun prend ses responsabilités, chacun fera campagne comme il le souhaite. Je souhaite juste dire dans cette affaire que je tiens à mettre en garde ceux qui feront campagne sur un point : ceux qui diront qu'il y aura un risque d'aventure, de relâchement du lien avec la République, mentiront à la population. Encore une fois, nous avons changé de politique par rapport au gouvernement précédent. Nous avons révisé la Constitution pour que les évolutions se fassent dans ce cadre constitutionnel. Ces collectivités ont un ancrage sans précédent dans la République. Leur nom figure dans la Constitution, ce qui n'était pas le cas auparavant. Encore une fois, toutes les évolutions qui peuvent être proposées par les élus ne sont en aucun cas des dangers de sortie de la République. Et quand j'entends dire que telle ou telle réponse, pourrait être un premier pas vers l'autonomie ou vers l'indépendance, je le rappelle, on trompe la population en tenant de tels propos.
Radio Caraïbes international : Et comment voyez vous le calendrier de 2004. Si les réponses sont positives lors de la consultation du mois de décembre, la date des élections régionales bougera-t-elle ?
Brigitte Girardin : Il est clair que dans le cas d'un vote positif, le gouvernement est libre de donner suite ou non à ce vote. On peut imaginer que s'il y avait seulement 10% de participation avec un oui à 50,1%, le gouvernement ne serait pas enclin à poursuivre le processus. Si nous avons une réponse positive et très claire, il y aura un engagement politique et moral du gouvernement pour donner suite. In fine, c'est le Parlement qui tranchera. Mais vous voyez bien qu'avec une consultation le 7 décembre, si nous voulons faire une loi organique avec un nouveau statut compte tenu du fait que cette loi devra s'élaborer dans la concertation, qu'il faut régler beaucoup de problèmes, notamment de modes de scrutins qui agitent beaucoup les élus Donc il y aura un travail à faire qui ne pourra être réalisé en deux mois, janvier et février précédant les élections cantonales et régionales. D'autant plus que l'ordre du jour parlementaire est chargé. Nous prévoirons le cas échéant que nous puissions prolonger de plusieurs mois le mandat des conseillers généraux et régionaux, par le biais d'une simple loi ordinaire pour avoir tout le temps nécessaire, jusqu'en octobre 2004 pour bien préparer sérieusement les éventuelles lois organiques.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 15 octobre 2003)