Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter transpose dans notre législation la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
En effet, cette importante directive européenne doit être transposée dans notre droit avant le 22 décembre 2003. Je tiens ce délai pour marquer la volonté du gouvernement de respecter nos engagements européens : en effet, trop de contentieux sont en cours à l'encontre de la France pour retard de transposition ou défaut d'application de directives.
Par cette directive, les Etats membres de l'Union européenne ont marqué leur volonté de mettre en uvre une stratégie de développement durable dans la gestion de l'eau.
Depuis 1975, une trentaine de directives ou décisions communautaires ont été adoptées selon une double approche, d'une part lutter contre les rejets de substances dangereuses dans l'environnement et, d'autre part, définir des normes de qualité concernant des zones particulières.
L'objet de la nouvelle directive est d'établir un cadre global pour la protection des eaux continentales, souterraines et côtières, en fixant des objectifs ambitieux et une méthode.
Les Etats membres doivent ainsi parvenir au terme de 2015 au bon état écologique des eaux. Pour certaines eaux (eaux fortement modifiées, canaux...), lorsque les coûts sont disproportionnés, les objectifs peuvent être fixés à un niveau moins exigeant. De plus, des reports d'échéances dûs à des raisons économiques et techniques peuvent être nécessaires.
Le texte prévoit la réduction, voire la suppression à terme, des rejets de substances dangereuses. La protection des eaux souterraines est renforcée par rapport à la situation précédente.
La directive introduit de plus un principe de récupération du coût des services liés à l'utilisation de l'eau, y compris des coûts environnementaux. Une tarification de l'eau incitative doit ainsi être mise en place pour contribuer à l'objectif général d'une bonne qualité du milieu naturel, tout en assurant la couverture des coûts des services, des coûts pour l'environnement et des coûts de la ressource. Cependant, dans l'application de ce principe, il est tenu compte des effets sociaux, environnementaux, et économiques, ainsi que des conditions géographiques et climatiques locales.
Elle crée également un cadre spatial pour conduire les actions de la protection des eaux, le district hydrographique, qui correspond à notre notion de bassin hydrographique. Des plans de gestion et des programmes de mesures sont prévus pour chaque district afin de répondre à l'objectif général de la directive.
La participation active du public à la mise en uvre de la politique de l'eau est fortement encouragée.
Elle introduit en outre des concepts novateurs, notamment la référence à l'état écologique des masses d'eau.
En effet, actuellement les experts qualifient essentiellement l'état des eaux à partir de données physico-chimiques passées au crible de critères de concentration de substances établies le plus souvent au niveau national, voire européen. C'est une représentation simpliste d'une réalité plus complexe, qui prête souvent à contestation et débats d'experts.
La directive propose une approche intégratrice en proposant de décrire directement les milieux aquatiques à partir des habitats et des espèces qui les composent. L'objectif à atteindre devient le bon état écologique, un état qui reste compatible avec une pression humaine raisonnable.
Cette directive, en introduisant autant de notions nouvelles, nécessite un lourd travail au niveau européen visant a en préciser les concepts, travail en cours actuellement sous l'égide des directeurs de l'eau des 15, qui associe largement les représentants des organisations non-gouvernementales et des usagers. En France, un groupe miroir associant la société civile vient d'être créée, de façon à asseoir les positions françaises sur les avis de l'ensemble des acteurs.
Par ailleurs, il s'agit bien d'une directive-cadre, c'est-à-dire qu'elle a vocation à être déclinée en directives particulières qui remplaceront progressivement les directives antérieures. La Commission européenne prépare actuellement deux directives-filles, concernant les eaux souterraines d'une part et les substances dangereuses d'autre part, qu'elle proposera dans les mois qui viennent au Conseil des ministres et au Parlement européen.
Comme vous pouvez le constater, cette directive est un texte fondateur majeur pour la politique des Etats membres de l'Union européenne en matière d'eau.
Si elle s'inspire largement du système français, elle en diffère sensiblement par plusieurs aspects, et notamment l'obligation de résultat, sous peine de contentieux, la prise en compte de la biologie dans la qualification de l'état des eaux, et la participation forte du public à tous les stades de la procédure.
Si sa transposition ne nécessite que des aménagements législatifs relativement limités - c'est l'objet du projet de loi présenté aujourd'hui - cette mise en conformité institutionnelle ne doit pas cacher le haut niveau d'exigence des objectifs à atteindre. La qualité des milieux aquatiques, en France, est globalement en deçà de l'ambition affichée et des efforts soutenus seront nécessaires pour y parvenir.
A titre d'exemple, le rapport récent de l'Institut français de l'Environnement sur la pollution par les produits phytosanitaires décrit, à partir des données des années 1999-2000, une situation particulièrement préoccupante, à savoir une contamination généralisée des eaux de surface et littorales par certaines substances, les eaux souterraines étant moins touchées. Il est d'ores et déjà indispensable de renforcer le programme d'action lancé dans ce domaine en 2000. Les pistes à explorer pourraient être :
·- d'améliorer la connaissance des contaminations et de leurs effets ;
·- d'orienter la recherche publique sur la recherche de solutions alternatives aux produits chimiques ainsi que dans les domaines de l'épidémiologie et de l'écotoxicologie ;
·- de renforcer les mesures réglementaires, (contrôle obligatoire des pulvérisateurs, autorisation de mise sur le marché des produits, contrôle de l'utilisation, traçabilité des ventes et des utilisations) ;
·- de rendre plus incitative laTaxe générale sur les Activités polluantes ;
·- de réaffirmer l'utilité des actions préventives basées sur le volontariat ;
·- de renforcer les actions spécifiques aux départements d'outre-mer du fait d'une situation particulièrement préoccupante ;
·- de lancer une campagne de communication en direction du grand public et des utilisateurs non agricoles de produits.
La transposition législative de la directive-cadre, que nous examinons aujourd'hui n'est ainsi qu'un point de départ et en aucun cas une fin en soi.
A partir de cet aménagement législatif, c'est toute notre politique de l'eau qu'il faut réexaminer au regard des enjeux que révèle la directive-cadre sur l'eau.
Cette mise à plat de notre stratégie nationale et la définition d'un plan d'action d'ici 2015 à venir me paraît impliquer une exceptionnelle mobilisation, qui m'a conduite à reprendre la concertation sur la politique de l'eau sous la forme d'un véritable débat national et décentralisé durant l'année 2003 qui d'ailleurs s'y prêtait remarquablement, ayant été décrétée, par l'ONU "année mondiale de l'eau".
L'objectif est de retrouver l'élan consensuel des deux précédentes lois fondatrices de 1964 et de 1992 et de mobiliser l'ensemble des acteurs pour parvenir à des objectifs partagés. Dans le contexte d'une relance de la décentralisation, il est essentiel que les collectivités territoriales déjà très investies tant dans les services que les maîtrises d'ouvrage, ainsi que celles qui détiennent des responsabilités dans les politiques d'aménagement ou de développement interférant avec la politique de l'eau, soient parties prenantes de cette démarche.
Le débat ne se limite donc pas à la seule problématique d'une réforme législative que l'on sait d'avance nécessaire, mais il doit permettre d'établir un programme d'actions en vue notamment de satisfaire les objectifs de la directive.
Il abordera nécessairement d'autres thèmes en fonction des attentes des acteurs de l'eau ou des usagers, tels par exemple la préservation et la gestion des milieux aquatiques, l'organisation de la pêche en eau douce, ou la gestion du service public de l'eau et de l'assainissement. Ces thèmes ne sont d'ailleurs pas indépendants et trouveront naturellement à s'intégrer dans la stratégie future.
Ce débat se déroule en trois phases :
- Une première phase nationale, quasiment achevée, a permis des échanges fructueux avec les représentants nationaux des principaux acteurs institutionnels. Nous avons ainsi reçu plus de trente institutions représentatives.
- Une deuxième phase de débat local vient de commencer et s'étalera tout au long du deuxième trimestre 2003. Elle s'articule principalement autour des comités de bassin et de leurs commissions géographiques. Mais j'en appelle aussi à l'initiative des régions, des départements, voire de groupements de ces collectivités qui partageraient des préoccupations voisines, ainsi que des commissions locales de l'eau créées pour élaborer et suivre la mise en uvre des schémas d'aménagement et de gestion des eaux.
- Enfin une troisième phase associera le grand public dans le courant du deuxième semestre 2003, et sera clôturée sous la forme d'un symposium, en liaison je l'espère avec le Parlement. Le résultat en sera la synthèse des recommandations qui serviront de base à la construction d'une politique de l'eau rénovée et d'un plan d'actions partagé, dont, en particulier l'ossature d'un projet de loi qui pourrait venir en discussion au Parlement en 2004.
Le Gouvernement ne souhaite donc pas vous l'aurez compris que le débat parlementaire autour de ce texte vide de sens le débat citoyen en cours qui ne peut qu'enrichir vos propositions pour le projet de loi à venir en 2004.
Ainsi, le texte qui vous est proposé n'a pas voulu anticiper sur le résultat du débat concernant la décentralisation : l'autorité administrative, dont il est question à plusieurs reprises, s'entend par défaut comme une autorité d'Etat (ou la collectivité territoriale de Corse), et pourra être précisé en fonction des choix que nous ferons à l'issue du débat de 2003.
Ce temps laissé à la réflexion et à la concertation n'a pas empêché celui de l'action :
1. En matière de prévention des inondations. Il s'agit d'un sujet sur lequel il était urgent d'agir. Votre assemblée a examiné, il y a un peu plus d'un mois, en première lecture un projet de loi sur la prévention des risques naturels et technologiques qui a d'ailleurs repris des propositions issues de travaux de la précédente législature.
2. De même, à la suite de la notification des VIIIèmes programmes (2003-2006), les agences de l'eau ont approuvé fin 2002 leurs programmes d'intervention au cours desquels elles vont prioritairement devoir rattraper les situations les plus critiques, à savoir les engagements non tenus relatifs à la directive sur les eaux résiduaires urbaines de 1991 et à la directive nitrates de 1991 et qui nous valent des condamnations et une position inconfortable dans des contentieux de la Cour de Justice des Communautés européennes.
3. Par ailleurs j'envisage de proposer diverses mesures de simplifications administratives concernant les procédures d'autorisation ou de déclaration, dans le domaine de l'eau.
Le projet de loi que vous allez examiner comprend huit articles. Il modifie le code de l'environnement et le code de l'urbanisme.
Son économie repose pour l'essentiel sur la modification des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (les SDAGE) créés par la loi sur l'eau de 1992 qui vont dorénavant servir de supports juridiques aux plans de gestion de la directive-cadre.
L'article 1er indique que les coûts liés à l'usage de l'eau doivent être récupérés sur les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques, ainsi que des conditions géographiques et climatiques.
L'article 2 est au cur du dispositif de transposition.
Tout d'abord, il confie à l'Etat le soin de délimiter les districts hydrographiques qui correspondent aux actuels bassins ou groupements de bassins créés par la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964. Cette délimitation incombe au ministre de l'écologie qui fixera également la liste et la consistance des masses d'eau maritimes ou souterraines qui leur sont rattachées.
Lorsque tout ou partie de ces bassins est incluse dans un " district hydrographique ", une étroite concertation sera assurée avec les autorités étrangères compétentes.
Les comités de bassin établiront ensuite l'état des lieux des eaux, en utilisant notamment les résultats de la surveillance mise en place en application de l'article 4. Ils établiront et mettront à jour également les registres des zones soumises à une protection particulière ou des zones de captages actuelles ou futures destinées à l'alimentation en eau potable. Ces opérations devront avoir été réalisées au plus tard le 22 décembre 2004.
Mais surtout, l'article fait des SDAGE la clef de voûte de la transposition de la directive, en les érigeant en " plans de gestion " au sens de la directive.
Les SDAGE devront ainsi fixer les objectifs de qualité des eaux, correspondant à un bon état écologique ou à un bon potentiel écologique des eaux. Ces objectifs devront être atteints avant le 22 décembre 2015, sauf reports ou dérogations encadrés par le projet de loi et précisés par décret en Conseil d'Etat.
Les SDAGE indiqueront comment est opérée la récupération des coûts liés à l'usage de l'eau, en distinguant les divers secteurs d'activité économique. Il déterminera des dispositions nécessaires pour prévenir la détérioration de l'état des eaux de bonne qualité et pour atteindre les objectifs de qualité pour les autres.
Les SDAGE détermineront également les eaux intérieures ou territoriales, les sous-bassins ou groupements de sous-bassins pour lesquels un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), visé à l'article L. 212-3 du code de l'environnement ; est nécessaire pour respecter les orientations fondamentales et atteindre les objectifs fixés par le schéma directeur et le délai, dans lequel ce schéma doit être élaboré.
Enfin, leur portée juridique est renforcée.
L'article 3 traite de la procédure d'élaboration et des révisions des dits SDAGE.
Ceux ci seront élaborés comme actuellement par les comités de bassin. Le public sera associé aux différentes phases de la procédure d'élaboration.
Ils seront approuvés par l'autorité administrative, seront tenus à la disposition du public et remis à jour tous les six ans.
Cette participation du public constitue l'une des grandes innovations de la directive-cadre, dans le droit fil de la convention d'Aarhus. Bien loin d'y voir un alourdissement des procédures, nous mettons en oeuvre la nécessaire transparence de la politique de l'eau, transparence dont il faut admettre qu'elle n'est guère effective jusqu'à ce jour.
En cas de défaillance du comité de bassin pour assurer ses missions, le préfet coordonnateur de bassin pourra se substituer au comité de bassin dans des conditions qui seront fixées par décret. Cette disposition permet de s'assurer de l'approbation en temps utile des SDAGE qui devient un engagement de la France vis-à-vis de l'Union européenne.
L'article 4 met à la charge de l'autorité administrative, l'élaboration d'un programme de mesures prises en application de ce plan de gestion, pouvant comprendre des mesures de nature réglementaire, économique ou fiscale. Ce programme de mesures doit comprendre en particulier, là où des lacunes existent, les dispositions imposées par les directives européennes (par exemple obligations de traitement des eaux résiduaires urbaines, plans d'action pour réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole). Les programmes d'intervention pluriannuels des agences de l'eau s'intègrent dans ces programmes de mesures.
Il indique que l'autorité administrative établira également un programme de surveillance de l'état des eaux Les résultats de cette surveillance seront utilisés pour établir l'état initial des eaux préalable à l'élaboration des SDAGE et pour assurer notamment le suivi de leur mise en uvre.
L'article 5 précise dans quelles conditions l'autorité administrative peut se substituer à la commission locale de l'eau pour élaborer le SAGE en cas de carence constatée de cette dernière. Le SAGE est en effet dans certains cas un outil indispensable pour décliner localement les préconisations du SDAGE conformément à l'esprit de la directive cadre. Cette disposition permet d'éviter que l'élaboration des SAGE prioritaires visés à l'article 2 ne s'enlise.
L'article 6 fixe les délais à ne pas dépasser pour l'établissement de l'état initial des eaux et des registres des zones soumises à une protection particulière, ainsi que pour l'élaboration ou la mise à jour des SDAGE.
L'article 7 modifie le code de l'urbanisme. Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, et les cartes communales doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau définies par les SDAGE ainsi qu'avec les objectifs de protection définis par les SAGE.
L'article 8 définit les dispositions applicables à Mayotte.
Telle est l'économie du texte que le Gouvernement soumet à votre approbation.
Il constitue le socle de la politique de l'eau nationale pour les 20 à 30 ans qui viennent. Comme la directive qu'il transpose, ce texte est le point de départ du grand chantier de réforme de notre politique de l'eau dont vous aurez à examiner le volet législatif en 2004. Son aboutissement permettra à l'école française de l'eau de conserver sa place de leader au plan mondial.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 11 avril 2003)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter transpose dans notre législation la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
En effet, cette importante directive européenne doit être transposée dans notre droit avant le 22 décembre 2003. Je tiens ce délai pour marquer la volonté du gouvernement de respecter nos engagements européens : en effet, trop de contentieux sont en cours à l'encontre de la France pour retard de transposition ou défaut d'application de directives.
Par cette directive, les Etats membres de l'Union européenne ont marqué leur volonté de mettre en uvre une stratégie de développement durable dans la gestion de l'eau.
Depuis 1975, une trentaine de directives ou décisions communautaires ont été adoptées selon une double approche, d'une part lutter contre les rejets de substances dangereuses dans l'environnement et, d'autre part, définir des normes de qualité concernant des zones particulières.
L'objet de la nouvelle directive est d'établir un cadre global pour la protection des eaux continentales, souterraines et côtières, en fixant des objectifs ambitieux et une méthode.
Les Etats membres doivent ainsi parvenir au terme de 2015 au bon état écologique des eaux. Pour certaines eaux (eaux fortement modifiées, canaux...), lorsque les coûts sont disproportionnés, les objectifs peuvent être fixés à un niveau moins exigeant. De plus, des reports d'échéances dûs à des raisons économiques et techniques peuvent être nécessaires.
Le texte prévoit la réduction, voire la suppression à terme, des rejets de substances dangereuses. La protection des eaux souterraines est renforcée par rapport à la situation précédente.
La directive introduit de plus un principe de récupération du coût des services liés à l'utilisation de l'eau, y compris des coûts environnementaux. Une tarification de l'eau incitative doit ainsi être mise en place pour contribuer à l'objectif général d'une bonne qualité du milieu naturel, tout en assurant la couverture des coûts des services, des coûts pour l'environnement et des coûts de la ressource. Cependant, dans l'application de ce principe, il est tenu compte des effets sociaux, environnementaux, et économiques, ainsi que des conditions géographiques et climatiques locales.
Elle crée également un cadre spatial pour conduire les actions de la protection des eaux, le district hydrographique, qui correspond à notre notion de bassin hydrographique. Des plans de gestion et des programmes de mesures sont prévus pour chaque district afin de répondre à l'objectif général de la directive.
La participation active du public à la mise en uvre de la politique de l'eau est fortement encouragée.
Elle introduit en outre des concepts novateurs, notamment la référence à l'état écologique des masses d'eau.
En effet, actuellement les experts qualifient essentiellement l'état des eaux à partir de données physico-chimiques passées au crible de critères de concentration de substances établies le plus souvent au niveau national, voire européen. C'est une représentation simpliste d'une réalité plus complexe, qui prête souvent à contestation et débats d'experts.
La directive propose une approche intégratrice en proposant de décrire directement les milieux aquatiques à partir des habitats et des espèces qui les composent. L'objectif à atteindre devient le bon état écologique, un état qui reste compatible avec une pression humaine raisonnable.
Cette directive, en introduisant autant de notions nouvelles, nécessite un lourd travail au niveau européen visant a en préciser les concepts, travail en cours actuellement sous l'égide des directeurs de l'eau des 15, qui associe largement les représentants des organisations non-gouvernementales et des usagers. En France, un groupe miroir associant la société civile vient d'être créée, de façon à asseoir les positions françaises sur les avis de l'ensemble des acteurs.
Par ailleurs, il s'agit bien d'une directive-cadre, c'est-à-dire qu'elle a vocation à être déclinée en directives particulières qui remplaceront progressivement les directives antérieures. La Commission européenne prépare actuellement deux directives-filles, concernant les eaux souterraines d'une part et les substances dangereuses d'autre part, qu'elle proposera dans les mois qui viennent au Conseil des ministres et au Parlement européen.
Comme vous pouvez le constater, cette directive est un texte fondateur majeur pour la politique des Etats membres de l'Union européenne en matière d'eau.
Si elle s'inspire largement du système français, elle en diffère sensiblement par plusieurs aspects, et notamment l'obligation de résultat, sous peine de contentieux, la prise en compte de la biologie dans la qualification de l'état des eaux, et la participation forte du public à tous les stades de la procédure.
Si sa transposition ne nécessite que des aménagements législatifs relativement limités - c'est l'objet du projet de loi présenté aujourd'hui - cette mise en conformité institutionnelle ne doit pas cacher le haut niveau d'exigence des objectifs à atteindre. La qualité des milieux aquatiques, en France, est globalement en deçà de l'ambition affichée et des efforts soutenus seront nécessaires pour y parvenir.
A titre d'exemple, le rapport récent de l'Institut français de l'Environnement sur la pollution par les produits phytosanitaires décrit, à partir des données des années 1999-2000, une situation particulièrement préoccupante, à savoir une contamination généralisée des eaux de surface et littorales par certaines substances, les eaux souterraines étant moins touchées. Il est d'ores et déjà indispensable de renforcer le programme d'action lancé dans ce domaine en 2000. Les pistes à explorer pourraient être :
·- d'améliorer la connaissance des contaminations et de leurs effets ;
·- d'orienter la recherche publique sur la recherche de solutions alternatives aux produits chimiques ainsi que dans les domaines de l'épidémiologie et de l'écotoxicologie ;
·- de renforcer les mesures réglementaires, (contrôle obligatoire des pulvérisateurs, autorisation de mise sur le marché des produits, contrôle de l'utilisation, traçabilité des ventes et des utilisations) ;
·- de rendre plus incitative laTaxe générale sur les Activités polluantes ;
·- de réaffirmer l'utilité des actions préventives basées sur le volontariat ;
·- de renforcer les actions spécifiques aux départements d'outre-mer du fait d'une situation particulièrement préoccupante ;
·- de lancer une campagne de communication en direction du grand public et des utilisateurs non agricoles de produits.
La transposition législative de la directive-cadre, que nous examinons aujourd'hui n'est ainsi qu'un point de départ et en aucun cas une fin en soi.
A partir de cet aménagement législatif, c'est toute notre politique de l'eau qu'il faut réexaminer au regard des enjeux que révèle la directive-cadre sur l'eau.
Cette mise à plat de notre stratégie nationale et la définition d'un plan d'action d'ici 2015 à venir me paraît impliquer une exceptionnelle mobilisation, qui m'a conduite à reprendre la concertation sur la politique de l'eau sous la forme d'un véritable débat national et décentralisé durant l'année 2003 qui d'ailleurs s'y prêtait remarquablement, ayant été décrétée, par l'ONU "année mondiale de l'eau".
L'objectif est de retrouver l'élan consensuel des deux précédentes lois fondatrices de 1964 et de 1992 et de mobiliser l'ensemble des acteurs pour parvenir à des objectifs partagés. Dans le contexte d'une relance de la décentralisation, il est essentiel que les collectivités territoriales déjà très investies tant dans les services que les maîtrises d'ouvrage, ainsi que celles qui détiennent des responsabilités dans les politiques d'aménagement ou de développement interférant avec la politique de l'eau, soient parties prenantes de cette démarche.
Le débat ne se limite donc pas à la seule problématique d'une réforme législative que l'on sait d'avance nécessaire, mais il doit permettre d'établir un programme d'actions en vue notamment de satisfaire les objectifs de la directive.
Il abordera nécessairement d'autres thèmes en fonction des attentes des acteurs de l'eau ou des usagers, tels par exemple la préservation et la gestion des milieux aquatiques, l'organisation de la pêche en eau douce, ou la gestion du service public de l'eau et de l'assainissement. Ces thèmes ne sont d'ailleurs pas indépendants et trouveront naturellement à s'intégrer dans la stratégie future.
Ce débat se déroule en trois phases :
- Une première phase nationale, quasiment achevée, a permis des échanges fructueux avec les représentants nationaux des principaux acteurs institutionnels. Nous avons ainsi reçu plus de trente institutions représentatives.
- Une deuxième phase de débat local vient de commencer et s'étalera tout au long du deuxième trimestre 2003. Elle s'articule principalement autour des comités de bassin et de leurs commissions géographiques. Mais j'en appelle aussi à l'initiative des régions, des départements, voire de groupements de ces collectivités qui partageraient des préoccupations voisines, ainsi que des commissions locales de l'eau créées pour élaborer et suivre la mise en uvre des schémas d'aménagement et de gestion des eaux.
- Enfin une troisième phase associera le grand public dans le courant du deuxième semestre 2003, et sera clôturée sous la forme d'un symposium, en liaison je l'espère avec le Parlement. Le résultat en sera la synthèse des recommandations qui serviront de base à la construction d'une politique de l'eau rénovée et d'un plan d'actions partagé, dont, en particulier l'ossature d'un projet de loi qui pourrait venir en discussion au Parlement en 2004.
Le Gouvernement ne souhaite donc pas vous l'aurez compris que le débat parlementaire autour de ce texte vide de sens le débat citoyen en cours qui ne peut qu'enrichir vos propositions pour le projet de loi à venir en 2004.
Ainsi, le texte qui vous est proposé n'a pas voulu anticiper sur le résultat du débat concernant la décentralisation : l'autorité administrative, dont il est question à plusieurs reprises, s'entend par défaut comme une autorité d'Etat (ou la collectivité territoriale de Corse), et pourra être précisé en fonction des choix que nous ferons à l'issue du débat de 2003.
Ce temps laissé à la réflexion et à la concertation n'a pas empêché celui de l'action :
1. En matière de prévention des inondations. Il s'agit d'un sujet sur lequel il était urgent d'agir. Votre assemblée a examiné, il y a un peu plus d'un mois, en première lecture un projet de loi sur la prévention des risques naturels et technologiques qui a d'ailleurs repris des propositions issues de travaux de la précédente législature.
2. De même, à la suite de la notification des VIIIèmes programmes (2003-2006), les agences de l'eau ont approuvé fin 2002 leurs programmes d'intervention au cours desquels elles vont prioritairement devoir rattraper les situations les plus critiques, à savoir les engagements non tenus relatifs à la directive sur les eaux résiduaires urbaines de 1991 et à la directive nitrates de 1991 et qui nous valent des condamnations et une position inconfortable dans des contentieux de la Cour de Justice des Communautés européennes.
3. Par ailleurs j'envisage de proposer diverses mesures de simplifications administratives concernant les procédures d'autorisation ou de déclaration, dans le domaine de l'eau.
Le projet de loi que vous allez examiner comprend huit articles. Il modifie le code de l'environnement et le code de l'urbanisme.
Son économie repose pour l'essentiel sur la modification des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (les SDAGE) créés par la loi sur l'eau de 1992 qui vont dorénavant servir de supports juridiques aux plans de gestion de la directive-cadre.
L'article 1er indique que les coûts liés à l'usage de l'eau doivent être récupérés sur les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques, ainsi que des conditions géographiques et climatiques.
L'article 2 est au cur du dispositif de transposition.
Tout d'abord, il confie à l'Etat le soin de délimiter les districts hydrographiques qui correspondent aux actuels bassins ou groupements de bassins créés par la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964. Cette délimitation incombe au ministre de l'écologie qui fixera également la liste et la consistance des masses d'eau maritimes ou souterraines qui leur sont rattachées.
Lorsque tout ou partie de ces bassins est incluse dans un " district hydrographique ", une étroite concertation sera assurée avec les autorités étrangères compétentes.
Les comités de bassin établiront ensuite l'état des lieux des eaux, en utilisant notamment les résultats de la surveillance mise en place en application de l'article 4. Ils établiront et mettront à jour également les registres des zones soumises à une protection particulière ou des zones de captages actuelles ou futures destinées à l'alimentation en eau potable. Ces opérations devront avoir été réalisées au plus tard le 22 décembre 2004.
Mais surtout, l'article fait des SDAGE la clef de voûte de la transposition de la directive, en les érigeant en " plans de gestion " au sens de la directive.
Les SDAGE devront ainsi fixer les objectifs de qualité des eaux, correspondant à un bon état écologique ou à un bon potentiel écologique des eaux. Ces objectifs devront être atteints avant le 22 décembre 2015, sauf reports ou dérogations encadrés par le projet de loi et précisés par décret en Conseil d'Etat.
Les SDAGE indiqueront comment est opérée la récupération des coûts liés à l'usage de l'eau, en distinguant les divers secteurs d'activité économique. Il déterminera des dispositions nécessaires pour prévenir la détérioration de l'état des eaux de bonne qualité et pour atteindre les objectifs de qualité pour les autres.
Les SDAGE détermineront également les eaux intérieures ou territoriales, les sous-bassins ou groupements de sous-bassins pour lesquels un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), visé à l'article L. 212-3 du code de l'environnement ; est nécessaire pour respecter les orientations fondamentales et atteindre les objectifs fixés par le schéma directeur et le délai, dans lequel ce schéma doit être élaboré.
Enfin, leur portée juridique est renforcée.
L'article 3 traite de la procédure d'élaboration et des révisions des dits SDAGE.
Ceux ci seront élaborés comme actuellement par les comités de bassin. Le public sera associé aux différentes phases de la procédure d'élaboration.
Ils seront approuvés par l'autorité administrative, seront tenus à la disposition du public et remis à jour tous les six ans.
Cette participation du public constitue l'une des grandes innovations de la directive-cadre, dans le droit fil de la convention d'Aarhus. Bien loin d'y voir un alourdissement des procédures, nous mettons en oeuvre la nécessaire transparence de la politique de l'eau, transparence dont il faut admettre qu'elle n'est guère effective jusqu'à ce jour.
En cas de défaillance du comité de bassin pour assurer ses missions, le préfet coordonnateur de bassin pourra se substituer au comité de bassin dans des conditions qui seront fixées par décret. Cette disposition permet de s'assurer de l'approbation en temps utile des SDAGE qui devient un engagement de la France vis-à-vis de l'Union européenne.
L'article 4 met à la charge de l'autorité administrative, l'élaboration d'un programme de mesures prises en application de ce plan de gestion, pouvant comprendre des mesures de nature réglementaire, économique ou fiscale. Ce programme de mesures doit comprendre en particulier, là où des lacunes existent, les dispositions imposées par les directives européennes (par exemple obligations de traitement des eaux résiduaires urbaines, plans d'action pour réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole). Les programmes d'intervention pluriannuels des agences de l'eau s'intègrent dans ces programmes de mesures.
Il indique que l'autorité administrative établira également un programme de surveillance de l'état des eaux Les résultats de cette surveillance seront utilisés pour établir l'état initial des eaux préalable à l'élaboration des SDAGE et pour assurer notamment le suivi de leur mise en uvre.
L'article 5 précise dans quelles conditions l'autorité administrative peut se substituer à la commission locale de l'eau pour élaborer le SAGE en cas de carence constatée de cette dernière. Le SAGE est en effet dans certains cas un outil indispensable pour décliner localement les préconisations du SDAGE conformément à l'esprit de la directive cadre. Cette disposition permet d'éviter que l'élaboration des SAGE prioritaires visés à l'article 2 ne s'enlise.
L'article 6 fixe les délais à ne pas dépasser pour l'établissement de l'état initial des eaux et des registres des zones soumises à une protection particulière, ainsi que pour l'élaboration ou la mise à jour des SDAGE.
L'article 7 modifie le code de l'urbanisme. Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, et les cartes communales doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau définies par les SDAGE ainsi qu'avec les objectifs de protection définis par les SAGE.
L'article 8 définit les dispositions applicables à Mayotte.
Telle est l'économie du texte que le Gouvernement soumet à votre approbation.
Il constitue le socle de la politique de l'eau nationale pour les 20 à 30 ans qui viennent. Comme la directive qu'il transpose, ce texte est le point de départ du grand chantier de réforme de notre politique de l'eau dont vous aurez à examiner le volet législatif en 2004. Son aboutissement permettra à l'école française de l'eau de conserver sa place de leader au plan mondial.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 11 avril 2003)