Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur la nécessité de garantir à tous l'accés au logement et de prévenir les expulsions des personnes en difficultés dans l'Union européenne, Paris, le 14 septembre 2000.

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Circonstance : Colloque du Forum européen du logement à l'UNESCO, à Paris, le 14 septembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est bien volontiers que j'ai répondu à votre invitation à ouvrir officiellement cette conférence européenne sur l'accès au logement dans l'Union européenne.
Ce second semestre 2000 qui voit la France assurer la Présidence de l'Union, est marqué par une série de rencontres et d'initiatives intéressantes dans le domaine du logement ; celle d'aujourd'hui est chronologiquement la première, et je tenais donc tout particulièrement à la saluer car je suis convaincu que cette conférence contribuera à enrichir les travaux qui suivront dans les mois à venir, à commencer par la rencontre des ministres du logement des quinze pays de l'Union européenne, que nous organisons dans une dizaine de jours.
Je me réjouis également de constater que de nombreux pays sont représentés dans l'assistance, par des responsables d'organismes, d'associations ou de collectivités, venus de toute l'Europe et même de plus loin encore.
C'est le signe que l'accès au logement dont vous avez fait le thème central de vos travaux, est une question universelle. Nous en avons nous-même fait le sujet de notre rencontre de ministres, et même si le logement n'est pas une compétence communautaire, nous avons tenu à affirmer dans les grandes orientations de la Présidence Française qu'une priorité serait donnée à la lutte contre les exclusions, exclusions par l'emploi, mais aussi par le logement, par la santé, et que dans ce cadre la France aimerait une réflexion commune et faciliterait des échanges d'expérience.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je suis conscient qu'il est bien difficile de traiter en quelques minutes un sujet aussi complexe, ne serait-ce que parce que les contextes économiques et institutionnels sont très différents d'un pays à l'autre, de même que les outils de la politique du logement.
Alors, c'est en tant que ministre, bien sûr, mais aussi en tant qu'élu local, confronté à ces questions au quotidien, que je voudrais vous faire part de quelques réflexions mais aussi de quelques convictions, car nous sommes bien là dans un domaine de volonté et d'engagement.
Vous avez prévu d'évoquer dans vos débats la campagne mondiale des Nations Unies sur la sécurité foncière et immobilière, qui s'inscrit pleinement dans le prolongement du sommet d'Istanbul "Habitat II", et dans la perspective du sommet dit "Habitat II + 5" qui devrait se tenir en 2001. Georges Cavalier, qui est le coordinateur français, sur ce sujet, interviendra dans vos débats et je me limiterai donc à deux remarques :
- la sécurité d'occupation concerne tous les pays, même ceux qui ont développé, et souvent de longue date, un dispositif juridique organisant et garantissant la propriété foncière. Mais pour les occupants, des logements en particulier , et quel que soit leur statut - propriétaire ou locataire - il est impératif que les politiques publiques du logement jouent un rôle d'amortisseur pour ceux qui sont touchés par des difficultés économiques ou personnelles. Avoir un logement, disposer d'une adresse, c'est souvent la condition première de l'accès à une série d'autres droits. Il est légitime que des dispositifs de prévention des expulsions, par exemple, que des fonds d'aide et de garantie puissent être mobilisés, pour éviter que des difficultés, qui souvent peuvent n'être que temporaires, ne débouchent sur une rupture, une exclusion parfois irréversible, du logement et de la vie sociale.
Ma deuxième remarque est un souhait : que le sommet "habitat II + 5" marque de réels progrès sur les deux orientations majeures qui avaient été identifiées à Istanbul : assurer un logement convenable pour tous, promouvoir un développement durable et équilibré des établissements humains. C'est là un enjeu de cohésion, de démocratie, et d'équilibre de notre planète.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais maintenant vous soumettre quelques pistes de réflexion sur la notion d'accès au logement, sur ses implications pour la collectivité, sur les moyens nécessaires et légitimes pour y parvenir.
Il faut non seulement permettre à chacun de se loger mais aussi lui offrir une certaine liberté de choix, en fonction de ses possibilités bien sûr mais aussi de ses aspirations ; c'est ce que l'on peut appeler l'accès, ou le droit à un logement autant que possible choisi. Cela suppose une offre suffisante en quantité mais aussi une offre diversifiée. Ensuite le logement doit constituer pour chacun un point d'ancrage et de bonne insertion, dans son environnement, proche et moins proche, le quartier avec ses relations et ses services de voisinage, la ville avec ses équipements et ses services urbains. C'est ce que l'on pourrait appeler le droit à une certaine qualité de la ville, c'est la condition de la solidarité et de la cohésion sociale.
Accès à un logement autant que possible choisi, accès à la qualité de la ville : ces préoccupations sont, je le crois, partagées par les quinze pays de l'Union européenne, même si les formulations sont différentes, même si les contextes institutionnels et notamment les niveaux de compétences des différentes collectivités publiques varient d'un pays à l'autre, et même si la combinaison des différents leviers d'action est elle aussi propre à chaque pays, entre les aides à la pierre, les aides à la personne et les aides fiscales, entre le développement du secteur public et la stimulation du secteur privé. Je pourrais illustrer cela par le cas que je connais le mieux - celui de la France - et vous décrire la politique d'offre diversifiée de logements que nous nous efforçons de mener depuis trois ans.
Mais je voudrais surtout insister sur les points communs, les fondamentaux qui me paraissent conditionner toutes les politiques d'accès au logement :
En premier lieu, il nous faut constater que, si la reprise économique, et son corollaire la diminution du chômage, sont désormais bien établis dans nos pays, il n'en demeure pas moins un risque d'oubli, d'exclusion de toute une frange de population, qui serait restée trop longtemps à l'écart. Nous ne pouvons évidemment pas accepter cela, et la collectivité, les pouvoirs publics ont d'autant plus le devoir de se mobiliser que le retour global à une meilleure fortune peut atténuer chez nombre de nos concitoyens la conscience de ces difficultés, de cette exclusion, qu'éprouvent encore les plus fragiles ou les moins favorisés d'entre eux, tout particulièrement pour leur logement.
En conséquence, il me semble que la régulation collective, publique, sera toujours indispensable dans le logement pour atténuer la dureté des phénomènes de marché.
Il faudra toujours mobiliser une offre sociale qu'elle soit publique ou privée, qu'elle résulte de la construction de nouveaux logements, ou de la réutilisation de biens qui existent. Je pense notamment aux logements vacants dont le nombre a tendance à se développer dans nombre de nos villes alors même qu'une demande insatisfaite y existe. Et des toits qui n'abritent personne alors que des personnes sont encore sans toit, c'est non seulement une situation extrêmement choquante mais c'est aussi une menace de perte de vitalité, d'animation, de convivialité pour nos rues et nos quartiers, nos bourgs et nos villes.
Il nous faut combattre sans hésiter ce phénomène, avec les moyens appropriés.
Permettre l'accès au logement ne suffit pas, il faut aussi garantir autant que possible le maintien dans les lieux, et donc solvabiliser l'occupant et prévoir les garanties pour qu'il puisse faire face aux aléas de l'existence sans que soit pour autant pénalisé celui qui lui a loué le logement, ou celui qui lui a prêté l'argent nécessaire pour l'acquérir.
Le succès de nos politiques du logement repose aussi sur la méthode : ce n'est qu'en fédérant les efforts et les actions des différents acteurs - en développant le partenariat comme nous disons en France - que l'on peut espérer des résultats tangibles en matière d'accès au logement. Partenariat entre les Etats et les collectivités, les communes en particulier, partenariat avec les opérateurs du secteur immobilier et foncier, partenariat enfin avec les travailleurs sociaux et tout le tissu associatif qui se mobilise contre les exclusions.
Pour finir, je voudrais vous faire part de ma conviction que l'un des grands défis des décennies à venir pour nos cités européennes, sera la capacité que nous aurons à renouveler et améliorer en permanence l'offre de logement ; cela signifie des politiques de réhabilitation soutenues, ou des actions de renouvellement urbain ambitieuses, mais qui ne se traduisent pas par l'éviction des populations les plus fragiles qui y résident.
Il faudra savoir refaire la ville sur la ville sans lui enlever ce qui en a fait depuis des siècles le creuset de la démocratie et de la solidarité : sa diversité, sa capacité à mélanger, à rapprocher les hommes et les idées.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je me réjouis que les organisations non gouvernementales, qui se sont fédérées dans le Forum Européen du logement, se mobilisent sur ces thèmes si importants pour l'avenir de nos sociétés.
Je vous souhaite des travaux fructueux tout au long de ces deux jours, des travaux dont nous avons bien sûr prévu d'évoquer les conclusions lors de la prochaine rencontre de ministres.
C'est par vos témoignages, c'est par vos réflexions, c'est par votre action sur le terrain que nous pourrons collectivement améliorer les conditions de logement de tous nos concitoyens.
Car nous partageons les mêmes objectifs : faire progresser, encore et toujours la cause du logement pour tous, un logement décent et qui contribue à l'épanouissement de chacun et à la cohésion de nos sociétés !
Merci de votre invitation et plein succès au Forum européen du logement !

(source http://www.equipement.gouv.fr, le 20 septembre 2000)