Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur l'avenir des régions ultrapériphériques dans le cadre de l'Union européenne élargie, en Martinique le 31 octobre 2003.

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Circonstance : 9e Conférence des présidents des régions ultrapériphériques en Martinique le 31 octobre 2003

Texte intégral

Monsieur le commissaire,
Madame et messieurs les présidents de Régions,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs,
Je tiens à remercier tout d'abord le président Alfred MARIE-JEANNE pour son hospitalité et la parfaite organisation de cette Conférence. Dans le cadre magnifique de ce fleuron de l'infrastructure touristique martiniquaise, nos hôtes ont prouvé une fois de plus leur grande qualité d'accueil. Ce séjour, trop studieux sans doute, vous aura toutefois donné l'envie, je l'espère, de revenir à la Martinique dans un autre contexte.
Cette Conférence s'est déroulée à un moment particulièrement important pour l'avenir des régions ultrapériphériques de l'Union européenne.
Demain, l'Union européenne, élargie à 25 membres, aura un socle juridique unifié et rénové, une véritable constitution. Je me réjouis que les conventionnels, sous la présidence de Valéry GISCARD d'ESTAING, aient réalisé un si important et si judicieux travail. La France souhaite qu'il soit pleinement pris en compte par les Etats membres, actuels et futurs, réunis dans la Conférence intergouvernementale en cours. Pour ce qui nous concerne particulièrement aujourd'hui, il est capital que l'actuel article 299-2, introduit dans le droit primaire communautaire par le Traité d'Amsterdam, soit maintenu dans le futur " Traité constitutionnel " comme l'ont proposé les conventionnels. Nous souhaitons simplement en modifier la rédaction pour éviter toute interprétation juridique du terme générique et géographique de la notion de " département d'outre-mer " en énumérant désormais nos RUP à l'instar des îles Canaries, de Madère et des Açores. Il conviendra aussi d'y faire désormais figurer Mayotte qui a vocation à devenir une RUP après une période transitoire nécessaire à l'intégration de l'acquis communautaire.
L'Europe de demain, parce qu'elle sera encore plus diverse qu'aujourd'hui, aura encore plus besoin d'une politique de cohésion qui permette à chaque Européen d'avoir les mêmes chances d'épanouissement. Il ne faut pas pour cela bouleverser les fondements actuels de la politique régionale européenne qui a fait ses preuves, qui a tant apporté aux régions les plus en retard comme les RUP. Le commissaire BARNIER a eu raison de s'élever contre certaines initiatives dangereuses, qui risquent de remettre en cause l'une des grandes réussites de l'Union européenne et de réintroduire des lignes de fracture qui étaient en voie de réduction.
C'est dans la perspective d'un approfondissement de la politique de cohésion en faveur des RUP que la Commission a reçu mandat du Conseil européen de Séville de préparer un rapport pour la fin de cette année. Et pour appuyer la Commission dans sa démarche, l'ensemble des RUP et des Etats membres concernés (Espagne, Portugal, France) a présenté en juin dernier au commissaire BARNIER un mémorandum commun qui souligne la place particulière qu'occupe les RUP dans l'espace européen et qui suggère les voies et les moyens pour permettre leur développement au plus grand bénéfice de l'Europe toute entière.
Une politique adaptée aux RUP ne peut que prendre en compte la réalité de leur handicap qui ne se résume pas seulement à un critère statistique mais qui a des aspects structurels et permanents. Ainsi, prenons l'exemple de la Martinique où nous nous trouvons : des statisticiens nous annonceront peut être demain que, du fait essentiellement de l'élargissement, le PIB de l'île est supérieur aux 75 % de la moyenne communautaire nécessaire pour qu'elle soit classée dans les régions dite " d'objectif 1 ". Cela voudrait-il dire pour autant que la distance séparant Fort-de-France de Bruxelles se soit réduite ? Que le marché caribéen équivaut à celui du continent européen ?
Sauf à accepter l'absurdité, il est indispensable d'aborder les RUP avec une pleine conscience de leur spécificité : spécificité de leur situation dans l'Union européenne, spécificité de leur handicap, spécificité des mesures pour le compenser.
L'éligibilité automatique des RUP à l'objectif 1 est assurément la solution la plus adaptée à la réduction de leurs handicaps qui ont un caractère permanent. A moins qu'il faille envisager, en plus des quatre fonds structurels existants, un fonds supplémentaire et spécifique aux RUP plus particulièrement destiné à compenser les surcoûts liés au handicap de l'ultrapériphéricité.
S'il est un secteur où cet handicap est évident, c'est bien celui des transports. Il est au centre des problématiques de développement des RUP. Le concept de développement durable passe pour elles par la garantie du principe de continuité territoriale, que la France vient de reconnaître pour l'outre-mer dans la loi-programme adoptée l'été dernier et qu'il convient aujourd'hui d'ériger en axe majeur de la politique commune des transports. Plusieurs pistes sont à explorer qui ont été avancées dans le mémorandum du 2 juin notamment l'assouplissement des possibilités d'octroi d'aides d'Etat en faveur des liaisons de transport entre RUP et Etats tiers géographiquement voisins -ce qui ne peut qu'affecter de façon très marginale les échanges entre les Etats membres- ou l'adaptation de la réglementation des obligations de service public (OSP) permettant la mobilisation de fonds structurels dans des dispositifs de continuité territoriale.
Souplesse et adaptation doivent également prévaloir dans la politique commune en matière de concurrence notamment dans le cadre d'un futur règlement sur les aides à finalité régionale. Et j'ajouterai à ces deux impératifs celui de la simplification des procédures de notification afin notamment d'accélérer l'approbation des dispositifs notifiés.
Nous savons que nous avons avec Michel BARNIER, qui fait aux RUP l'honneur de sa présence à cette Conférence, une oreille attentive. Nous connaissons son sens de la justice et son affection particulière pour nos régions. Nous lui devons déjà beaucoup. A la DG Régio, nous avons l'impression d'être écoutés et entendus, et nous savons que cette Direction relaie nos préoccupations auprès des autres directions générales. Je me félicite ainsi que les RUP aient pu être exclues des mesures de découplage prévues dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) et que leur situation particulière ait pu être reconnue dans le cadre de la réforme de l'OCM (Organisation Commune du Marché) sucre. J'espère que le même souci de préserver des filières aussi déterminantes que fragiles pour l'économie des RUP inspirera la Commission dans le rapport qu'elle remettra fin 2004 dans la perspective de la révision de l'OCM Banane. De même, la Politique Commune de la Pêche (PCP) réformée devra pérenniser un régime spécifique aux RUP et j'espère, là encore, que la DG Régio pourra relayer les suggestions que nous avons faites dans le mémorandum du 2 juin.
Je souhaite qu'à l'avenir tous les Etats membres, actuels et futurs, comprennent que l'ultrapériphérie de l'Union est aussi importante que son centre. Une Union européenne, qui ne se soucierait que de la prospérité de quelques unes de ses régions pour laisser péricliter les autres sous prétexte de leur éloignement par rapport aux centres de décision, faillirait tout simplement à sa raison d'être. Dans le cas de nos RUP, elle s'automutilerait en se privant de bases avancées dans l'océan Atlantique, les Caraïbes, l'Amérique latine, l'océan Indien
Vous comprendrez, Monsieur le commissaire, que nous attendons avec impatience le contenu du rapport que la Commission devrait présenter au prochain Sommet européen. Il sera déterminant, en ces moments où l'Europe semble hésiter quant au chemin à emprunter, pour l'avenir de la politique régionale, de la politique de cohésion, de la place des RUP au sein de l'Union et, finalement, pour l'idée que l'Europe se fait d'elle-même. Son destin est d'être l'un des pôles majeurs du monde de demain. Pas celui de devenir une forteresse continentale à la population murée dans ses égoïsmes.
Les RUP, et particulièrement celles de l'outre-mer français, ont une ambition européenne et sont prêtes à relever le défi. Le niveau des travaux, qui ont été menés depuis deux jours aussi bien lors du forum partenarial auquel j'ai tenu à participer que lors de la Conférence des présidents et du Comité de suivi, en est la preuve. La mobilisation des élus, des socio-professionnels, des fonctionnaires, a montré que les RUP se sont bien appropriés les questions qui déterminent leur avenir et qu'elles le font, non pas en position d'assistées, mais dans un esprit de réel partenariat. Dans cette démarche, elles peuvent compter sur l'entier soutien du Gouvernement français.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 4 novembre 2003)