Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, sur les mesures de contrôle de la sécurité du transport aérien de voyageurs, avec notamment l'établissement d'un label de qualité, à Paris le 8 juin 2004.

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Circonstance : Audition sur la sécurité du transport aérien de voyageurs à l'Assemblée nationale le 8 juin 2004

Texte intégral

Madame la présidente,
Mesdames et messieurs les députés,
Nous sommes heureux de vous rencontrer aujourd'hui dans le cadre de l'importante mission qui vous a été confiée sur la sécurité du transport aérien. Ce travail contribue à la transparence que nous recherchons dans les actions du ministère dans ce domaine. Je sais que vous avez analysé de nombreuses facettes de ce sujet complexe, et je sais que vous avez auditionné de nombreux experts et acteurs essentiels du transport aérien. Vous comprendrez donc que nous attendons avec beaucoup d'intérêt, avec Léon BERTRAND et François GOULARD, vos conclusions. Le travail colossal que vous menez devrait aider le Gouvernement à dégager des pistes de réflexion pour continuer à améliorer la sécurité de tous.
Le 03 janvier dernier, un avion de la compagnie égyptienne " Flash Airlines " s'écrasait en mer au large de Charm-el Cheikh entraînant la mort des 148 passagers et membres d'équipage, parmi lesquels 135 de nos compatriotes.
Cet accident et la peine immense des familles restent très présents dans nos mémoires. Sous le contrôle des autorités égyptiennes, et avec le plus grand professionnalisme, l'enquête technique se poursuit. Plusieurs hypothèses ont pu être écartées mais la cause précise de cette tragédie n'est pas encore connue.
Cet accident a aussi soulevé beaucoup de questions sur la sécurité de l'aviation civile commerciale.
Pour les experts de l'aviation civile, comme pour nous, décideurs politiques, la sécurité reste une priorité absolue. Nous avons conscience qu'en matière de sécurité rien n'est définitivement acquis. Chaque nouvel accident est un drame pour les victimes ou leur famille. C'est aussi un échec du système de sécurité qui nous rappelle l'obligation de consolider encore les acquis et de progresser.
Comme vous le savez, j'ai, à la suite de cet accident, pris immédiatement un certain nombre de décisions.
La première a été la création d'un groupe de travail sur le label et la transparence dont l'objectif est de répondre à deux questions précises : la première question porte sur le sentiment des passagers qu'il existe de fortes disparités dans la manière dont les Etats et les compagnies s'acquittent des règles de sécurité et de leurs contrôles. Les règles de la convention de Chicago, les fameuses " normes et pratiques recommandées internationales en matière de sécurité ", sont inégalement appliquées par les compagnies et inégalement contrôlées par les Etats.
La seconde question, porte sur les moyens d'améliorer l'information des passagers aériens français qui ont acheté leur billet à un voyagiste français, et qui empruntent des compagnies aériennes, parfois sans en connaître l'identité. Je laisserai Léon BERTRAND vous exposer la situation et les propositions qui sont faites dans ce domaine.
Ce groupe de travail, que nous avions décidé avec Léon BERTRAND le 7 janvier, associait les professionnels du voyage, les administrations du tourisme et de l'aviation civile ainsi que des représentants des usagers. Il a tenu le délai de 5 mois que nous lui avions fixé, et il atteint ses objectifs, avec des propositions concrètes. C'est ces propositions que j'ai reprises dans ma communication en conseil des Ministres le 7 juin.
Concernant la première question, c'est à dire le volet sur la sécurité et la qualité, j'avais demandé d'étudié la faisabilité d'un label. Un label qui permettrait, au-delà des dispositifs de contrôle prévus en Europe et dans le monde par les Etats, de signaler les compagnies aériennes (régulières ou charters) qui offriraient les meilleures garanties en matière de professionnalisme et de sécurité.
Afin d'encourager et de valoriser ces efforts, nous proposons la mise en place dés 2005 d'un label qui sera obtenu par une démarche volontaire de certification. J'insiste sur ce choix du volontariat qui permet précisément sa mise en oeuvre rapide en évitant notamment un certain nombre d'écueils juridiques. Je suis convaincu que les compagnies qui feront cette démarche seront rapidement suivies par de nombreuses autres compagnies aériennes compte tenu de l'impact commercial positif de ce label vis-à-vis du public. L'obtention de ce label serait à la charge des entreprises concernées, dans la logique du volontariat.
Ce label, qui serait délivré par des organismes de certification accrédités, ne doit pas se substituer, même très partiellement, au contrôle que les Etats effectuent au titre de leurs obligations internationales, et, en particulier, à nos obligations, en France, de contrôle et de surveillance continue de nos compagnies aériennes : le label est une valeur ajoutée, il intègre des exigences de confort, de qualité, et de traitement du passager.
Un organisme indépendant et agréé de contrôle sera chargé de proposer avant la fin de l'année 2004 un référentiel de certification portant sur la sécurité et la qualité des compagnies aériennes.
Sur la base des principaux standards déjà utilisés, le référentiel intégrera les audits et les certifications déjà existants de manière à simplifier et à assurer la réussite de la démarche. Ce référentiel, dont nous financerons la création, sera bien entendu public et accessible à tous.
La partie sécurité du référentiel s'appuiera sur les annexes 6 et 1 de la convention de l'OACI. Pour les Etats de l'Union Européenne et pour les transporteurs aériens dont le certificat a été délivré par des Etats ayant des accords techniques bilatéraux avec la France, l'aspect sécurité du label sera considéré comme acquis.
La partie qualité du référentiel devra, elle, être centrée sur les éléments de nature à rassurer les passagers sur l'état général de l'appareil, la qualité de service et d'accueil et les procédures de gestion d'incidents ou de crise. Le référentiel qualité doit aussi permettre de vérifier que les transporteurs aériens sont assurés conformément à leurs obligations ;
Ce référentiel, une fois connu et publié au Journal officiel au plus tard au premier semestre 2005, permettra à chaque voyagiste de demander à ses compagnies partenaires de se faire auditer par un cabinet accrédité pour obtenir la certification et donc le label.
Le label sera valable deux ans. Afin de renouveler le label, le transporteur aérien devra avoir été audité par un organisme accrédité au plus tôt 6 mois et au moins 1 mois avant l'arrivée à échéance de son label ;
C'est l'organisme certificateur qui établira annuellement, sur la base des rapports d'audit et au fur et à mesure des certifications, une liste de l'ensemble des compagnies labellisées et leur nationalité. Celles-ci feront l'objet ensuite d'une utilisation prioritaire par les opérateurs et distributeurs français du voyage à forfait et d'une information régulière auprès de la clientèle.
Notre souhait est que cette démarche de certification puisse aboutir un jour sur une norme européenne. L'expérience française sera d'ailleurs présentée aux Etats-membres lors du conseil européen des ministres des transports de juillet prochain.
Enfin, dans le prolongement du groupe de travail, un Comité pour la Sécurité, la Qualité et la Transparence sera créé. Il associera les principaux partenaires publics et privés dans le but de :
- choisir l'organisme certificateur,
- participer à l'élaboration du cahier des charges,
- promouvoir le dispositif,
- diffuser la " liste bleue " actualisée des compagnies labellisées aux voyagistes, aux agents de voyages et aux clients qui en feraient la demande.
D'autre part, en plus de ce groupe de travail, nous avons insisté sur le renforcement des actions que les Etats européens, dont la France, peuvent avoir concernant les compagnies des Etats tiers. Je pense au programme dénommé SAFA et à ses prolongements. J'entends bien qu'il ne s'agit pas de se substituer aux États responsables, ce ne serait ni raisonnable ni possible.
Je rappelle qu'il s'agit, avec le programme SAFA, de renforcer les contrôles ponctuels menés sur les aéroports européens, afin de détecter d'éventuelles défaillances, et d'en tirer les conséquences notamment en interpellant les autorités de l'État dont relèvent les compagnies concernées.
D'ores et déjà, les États à l'origine de ce programme au niveau élargi de la Conférence européenne de l'Aviation Civile ont pris des mesures en vue de mieux coordonner leurs actions dans ce domaine, anticipant en cela les dispositions de la directive européenne qui vient d'être adoptée à ce sujet.
Lors de vos échanges et de vos entretiens, vous avez en effet remarqué que, par nature, la question de sécurité aérienne se pose au niveau mondial ; les véritables réponses doivent donc aussi se décliner au niveau mondial.
Je souhaite à ce sujet évoquer le programme de supervision de la sécurité de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) qui mesure le degré d'application des normes internationales dans la réglementation des États et dans leurs dispositifs de contrôle nationaux. Ce programme initié il y a 6 ans a donné de bons résultats, il a permis des audits complets des administrations de l'aviation civile du monde entier, suivis d'un nouvel audit après la mise en oeuvre d'un plan de correction.
Toutefois, ce programme a aujourd'hui atteint ses limites en ce qui concerne les pays qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre leurs plans d'action. Un mécanisme d'assistance a été mis en place, mais il faut reconnaître que les ressources financières de l'aide internationale sont insuffisantes pour alimenter ce soutien. Il conviendrait donc que l'OACI réoriente son programme de façon à prendre de nouvelles responsabilités en la matière, allant au-delà du simple constat.
La prochaine Assemblée de l'OACI à l'automne prochain sera l'occasion d'évoquer cette question et j'entends uvrer pour que l'Europe y fasse des propositions.
Toutefois, je voudrais mettre l'accent sur le point suivant qui me parait important :
L'accident égyptien a pu attirer l'attention sur la sécurité des vols des compagnies étrangères. Je ne voudrais pas pour autant que nous mettions trop l'accent sur ce qui se passe à l'extérieur, - je rappelle que les causes réelles de l'accident ne sont pas connues. De notre côté en France et en Europe, nous devons tout mettre en oeuvre pour améliorer toujours la sécurité.
Certes, le niveau de sécurité de l'aviation commerciale au niveau mondial ne cesse de s'améliorer depuis l'après guerre, il se stabilise en termes de nombre d'accident et de victimes annuels depuis 10 ans alors que le trafic ne cesse de croître.
La conception de la chaîne de sécurité dans le transport aérien est une référence en matière de gestion de système technique complexe. La sécurité dans le transport aérien ne se limite pas aux compagnies, elle va de la certification des matériels jusqu'à l'exploitation des avions en passant par la qualification des personnels, par les redondances multiples, par les analyses de sécurité...
Mais précisément, la banalisation des voyages par avion font que les risques sont de moins en moins acceptés, et, par ailleurs, la croissance du trafic nécessite une vigilance particulièrement soutenue.
L'harmonisation des règles techniques et des méthodes de surveillance qui est en cours en Europe est une voie de progrès importante.
Nous avons créé l'autorité européenne de sécurité aérienne : elle permettra de faciliter les processus de certification des avions, d'éviter les redondances dans le travail des experts, d'améliorer l'efficacité du système dans son ensemble.
Elle permettra aussi de reprendre sous une forme plus claire et plus homogène les importants travaux accomplis, de façon volontaire, depuis de nombreuses années, par les autorités conjointes de l'aviation européennes. Elle permettra enfin d'améliorer les échanges d'information et d'expériences entre les États.
Il en est ainsi du report et de l'analyse des incidents de l'aviation. De l'avis des experts, paradoxalement, le nombre d'accident et donc d'analyse est trop petit, pour que les recommandations de sécurité formulées par les enquêteurs puissent faire progresser la sécurité de manière significative. Clairement, je préfère naturellement cette situation que l'inverse ! Les experts étudient donc les moyens d'avoir plus d'informations sur les écarts, anomalies, défauts, en bref les incidents au quotidien dans cette chaîne de sécurité. Le premier enjeu est de fiabiliser la source de ces précieuses informations. C'est l'objet de la directive 2003/42 (CE) du 13 juin 2003, en cours de transposition dans les Etats membres.
L'harmonisation et la formalisation des procédures ne concernent pas, au plan international, que les éléments de sécurité qui touchent aux avions et aux compagnies aériennes. Ces dernières années ont vu, tant au plan mondial qu'au plan européen, ce type de démarche s'étendre au domaine de la sécurité des aéroports, à celui de la navigation aérienne, sans parler de celui de la sûreté suite aux attentats du 11 septembre.
L'évolution est conjointe aux plans européen et mondial. Dans ces domaines, la principale nouveauté est dans l'organisation, avec des entités séparées, et avec des méthodes de contrôle externe.
J'ai fait en sorte avec Francois GOULARD que l'organisation de notre administration de l'aviation civile s'adapte à ces évolutions. Ainsi, la DGAC française prépare une réorganisation en profondeur qui séparera en trois pôles distincts le prestataire de services, le régulateur, et le pôle de surveillance.
La surveillance de la conformité aux règlements s'exercera au sein d'une même direction sur tous les domaines qui touchent à la sécurité. Par ailleurs, je souhaite dans ce nouveau contexte préserver le financement des activités de surveillance par un budget annexe qui sera alimenté par des redevances à créer. Il s'agit d'un chantier important de modernisation de l'administration.
L'ensemble de ces propositions nous semble constituer une démarche pragmatique d'amélioration de la qualité, de la sécurité et de la transparence du transport aérien notamment dans le cadre des voyages à forfait pour ce qui concerne le Label.
Le succès de cette dernière démarche repose bien sûr sur l'engagement de l'ensemble du monde du voyage.
Il repose également sur la mise en oeuvre d'un partenariat étroit et durable entre les pouvoirs publics et les différentes professions.
Il implique enfin une mobilisation plus large des acteurs européens afin qu'ils constituent, par leur implication rapide dans le processus de certification, autant d'exemples pour l'ensemble des pays et compagnies des grandes destinations touristiques internationales. La mise en place du label devrait constituer pour le voyageur aérien, une première réponse significative à ses attentes légitimes.
Il convient néanmoins de lui rappeler, de façon pédagogique, qu'il est lui-même un acteur de sa propre sécurité : par son acceptation d'une part des dispositifs de sûreté et de sécurité au sol comme à bord, par son comportement d'autre part, face aux éventuels incidents d'exploitation ou aux situations de crise qui peuvent lui causer des désagréments lors de son voyage. Le voyageur devra donc se sentir demain lui-même partenaire de la démarche qui s'engage et, à ce titre, devra être associé de la façon la plus appropriée à l'ensemble de notre démarche.
Je vous remercie de votre attention, et je laisse la parole à Léon BERTRAND et François GOULARD.
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 17 juin 2004)