Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le déficit budgétaire et le remboursement de la dette publique, sur la discrimination positive, sur la gestion des finances locales, sur la réforme des services publics, sur la transmission des commerces et l'aide de l'État au financement des lieux de culte, Paris le 18 novembre 2004.

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Circonstance : 87ème Congrès des Maires et des Présidents de Communautés de France à Paris le 18 novembre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
D'abord, je suis très heureux que vous ayez choisi de faire le Congrès des maires avant la fin de ce mois, parce que sinon, je n'y serais pas allé, et cela m'aurait fait de la peine.
Ensuite, je me souviens très bien du congrès de l'an passé : j'avais un petit rendez-vous télévisé le soir même, et je vous remercie pour l'énergie que j'avais sentie ici ; j'avais essayé de l'emporter avec moi.
Alors, naturellement, j'ai un discours qui est préparé. Mon successeur le prononcera ; il ressemble comme un frère à celui qui avait été préparé l'année dernière, et il ne sera pas, en gros, très différent de celui qui sera préparé dans les années à venir.
Si vous me le permettez, je vais vous parler très librement ; d'ailleurs, plus ça va, plus j'ai envie de dire ce que je pense. Et honnêtement, cher Daniel, il faut maintenant qu'on arrête de poser des questions, il faut qu'on apporte des réponses. La vie politique devient un monument d'ennui, à force de commenter des problèmes insolubles, et celui qui arrive à un congrès en repart en se posant plus de questions qu'avant.
Alors, qu'il me soit d'abord permis de parler de la France. Pas des petites communes, pas des grandes, pas de la ruralité, pas des citadins : parler de la France, comme un ensemble, comme notre pays. Quels sont ses problèmes, et quelles peuvent être les solutions ?
Je n'ai pas un discours pour les maires, et un discours pour les autres. Il faut un seul discours, un discours pour notre pays : en vérité, en authenticité, dire ce que l'on pense, et faire ce que l'on dit. La vie politique ne doit pas s'organiser exclusivement autour de tabous et de petites lâchetés, à cause de quoi les problèmes perdurent de génération en génération, et plus on attend, et plus cela se complique : exactement le contraire de ce qu'on demande sur le terrain aux maires, qui eux n'ont pas les moyens de repousser cela aux générations futures.
Je ne suis pas un idéologue ; j'essaye d'être un pragmatique : qu'est-ce que la politique, et pourquoi sommes-nous élus ? Nous sommes élus pour trouver des marges de manuvre là où personne ne peut en trouver.
Quel est le premier problème de notre pays, et qui concerne les élus, Daniel ?
La France présente un budget en déficit depuis 24 ans consécutivement. C'est formidable !
Il y a à la tribune un certain nombre de mes amis personnels, et qui ne sont pourtant pas mes amis politiques. Lorsque j'ai présenté le budget 2005, il s'en est trouvé quelques-uns qui sont montés à la tribune pour dire : " Le budget de M. SARKOZY est un budget de rigueur ". Formidable pays que le nôtre : on dépense 23 % de plus que l'on n'a de recettes, et on vient vous dire que c'est un budget de rigueur !
Mes chers amis, quand le budget sera équilibré, comment le qualifiera-t-on ?
Parce que la France n'a pas un déficit de 3 % : cela, c'est par rapport à la richesse nationale ! Le budget de l'Etat est en déficit de 23 % ! 23 % de dépenses de plus que de recettes.
Qu'est-ce que c'est que la différence avec les 3 % ? C'est exactement comme si vous alliez chez votre banquier, et s'il vous dit : " dites donc, votre compte est en déficit " que vous lui répondiez : " certes, mais si vous ajoutez mon compte avec ceux des habitants de mon immeuble, on est créditeur ".
23 % de déficit ! Et je veux dire les choses avec franchise : toutes les majorités, cher Michel, cher André, cher Pascal, ont une part de responsabilité. Toutes ! A gauche, comme à droite !
Et s'il ne faut pas oublier le centre, on les met aussi dedans !
La France, depuis trop longtemps, est droguée à la dépense publique, et je voudrais vous poser une question, aux uns comme aux autres : dans vos communes, vous n'avez pas le droit de présenter des budgets en déficit. Alors j'aimerais qu'à un moment on veuille bien considérer qu'avant d'être porteur d'un intérêt catégoriel pour les organisations professionnelles, avant d'être l'élu d'un territoire, nous sommes d'abord des Français, qui regardons la situation telle qu'elle est, et quel que soit le ministre des Finances, je vous demande de me croire, quel qu'il soit, sa couleur politique, ses origines, son âge, son talent il est confronté à la même difficulté : on ne peut pas dépenser un argent qu'on n'a pas. D'autant plus, mes chers amis, que c'est l'argent du travail des Français. Eh bien, le ministre des Finances a un premier travail : ne pas dilapider l'argent du travail des Français !
Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est pour des dépenses utiles : c'est rare qu'on vienne me voir dans mon bureau pour me dire : " dites-moi, monsieur SARKOZY, donnez-moi de l'argent pour quelque chose que ne sert à rien ".
Ca commence toujours par : " c'est indispensable ", ça se poursuit toujours par : " c'est pour l'avenir ", et à l'arrivée, ça fait des additions plus grandes et des recettes qui se suivent pas. Et ça se traduit pas quoi ? Par plus d'impôts, plus de charges, donc plus de chômage, parce que moins de compétitivité.
Ce n'est peut-être ni très intelligent, ni très original, ce que je vous dis, mais d'abord, c'est cohérent, et ensuite, je le pense !
Et, mes chers amis, il ne faut pas aller de petites lâchetés en grandes compromissions, en pensant que c'est l'autre qui paiera. Non, ce sont tous vos territoires qui payent. Nous nous trouvons dans une situation qui est très simple : le deuxième budget de la nation, ce sont les intérêts de la dette. Nous payons, non pas pour rembourser la dette, mais pour payer les intérêts de la dette, 40 milliards d'euros par an. En payant 40 milliards d'euros par an, nous ne remboursons pas un centime de la dette de notre pays, nous payons les intérêts d'une dette de 1000 milliards d'euros !
Alors, il est peut-être temps que maintenant, tout de suite, nous nous rendions compte de cette réalité : 80 % des recettes annuelles de l'impôt sur le revenu - 80 % ! - servent à payer les intérêts de la dette. Qui peut penser qu'une telle situation peut perdurer ? En tout cas, pas moi. Et je ne veux pas qu'on chloroforme l'opinion publique en promettant plus de dépenses alors qu'on a tant de déficit. Et c'est la raison pour laquelle, et vous voyez, je l'assume, j'ai choisi de consacrer les recettes de la croissance à rembourser une partie de nos dettes : sur le budget 2005, par rapport à 2004, nous avons remboursé 10 milliards d'euros de dettes. Cela ne s'est jamais produit dans l'histoire budgétaire de la France.
Alors, la conséquence de cela, parce qu'il y a une conséquence, c'est que j'ai demandé - et je l'assume, parce qu'on ne pouvait pas faire les deux - à ce qu'on arrête le mouvement de baisse de l'impôt sur le revenu, parce que j'ai considéré, en mon âme et conscience, qu'il valait mieux rembourser nos dettes que de promettre des baisses d'impôt qu'on ne pouvait pas financer. Et je ne vais pas me cacher derrière les autres : je l'ai demandé, et je l'assume !
Et par ailleurs - et Gilles le sait parfaitement bien - j'ai demandé que l'on maintienne le niveau de l'augmentation de nos dépenses à 0 %, parce que j'estime qu'un pays qui a encore 45 milliards d'euros de déficit dans le budget doit faire des économies, et non pas dépenser sans compter.
Ecoutez, mes chers amis, quand la croissance est arrivée, à la fin des années 90, on s'est payé les 35 heures ; quand la croissance est partie, il restait les dépenses, mais pas les recettes. Eh bien ce n'est pas une bonne situation pour notre pays. Je ne le dis pas parce que je suis de droite, pour le reprocher à la gauche, je le dis parce que je suis attaché, comme vous, à mon pays, et qu'à un moment il faut dire les choses telles qu'elles se présentent, et non pas telles qu'on souhaiterait qu'elles soient. Et, croyez-moi, ce n'est nullement dans un esprit polémique : la situation est celle-ci.
A partir de ce moment, que peut-on faire, et comment le faire ?
J'ai fait un peu débat. Vous savez, dès que vous énoncez une idée un peu nouvelle
Mon travail, c'est de proposer ; pour d'autres, c'est de s'opposer Moi, je continuerai à proposer, parce que lorsqu'on est un homme libre, on a pour devoir de responsable politique de proposer.
Comme on ne peut pas promettre à tout le monde un argent que l'on n'a pas, j'affirme que la seule façon de s'en sortir, cher Daniel, c'est de faire des choix. Et c'est un grand malheur que celui qui consiste pour notre pays à penser que tout le monde a le droit dans les mêmes conditions à la solidarité : dès qu'on donne à quelques-uns, le voisin se lève pour dire : " et moi ? ". Moyennant quoi, au lieu de choisir, on veut donner à tout le monde, et sans argent, cela aboutit au nivellement, à l'assistanat et à l'égalitarisme. Ce ne sont pas les valeurs que je souhaite pour mon pays. Il faut choisir ! Et choisir, cela veut dire quoi ?
J'avais donc fait débat en parlant de la discrimination positive. Mon Dieu ! Oubliez la formulation, retenez l'idée qui est derrière. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l'égalité républicaine, ce n'est pas donner la même chose à chacun. L'égalité républicaine, c'est reconnaître à celui qui travaille plus que les autres le droit de gagner plus que les autres. Parce qu'il n'est pas normal que les salaires soient les mêmes alors que certains travaillent plus que d'autres. Mais à l'inverse, et j'en viens à la question posée par Daniel, je le dis parce que je le pense, il est des territoires comme des publics qui, cumulant plus de handicaps que les autres, doivent avoir de l'Etat davantage d'aides et de moyens que les autres : c'est cela, l'égalité républicaine !
Oui, il est des territoires qui ne pourront pas s'en sortir si on ne les aide pas davantage que les autres. Je suis, avec un certain nombre d'autres - Pascal BUCHET, Philippe LAURENT - élu d'un département, celui des Hauts-de-Seine. Eh bien, je vous le dis très simplement : je considère, pour prendre un exemple au hasard, que la Creuse doit être davantage aidée que les Hauts-de-Seine, parce que, si on n'aide pas la Creuse, et si l'Etat ne s'engage pas au service de ces départements, il n'y a aucune chance qu'ils s'en sortent. L'Etat doit davantage aider les départements comme la Creuse qu'un département comme les Hauts-de-Seine. Dire cela, c'est dire la vérité républicaine !
Et à partir de ce moment, on pourra dégager des marges de manuvre. Je dis d'ailleurs, et Pascal comme Philippe le savent bien, qu'à l'intérieur du même département des Hauts-de-Seine, on ne doit pas traiter toutes les communes de la même façon : faire des choix ! Assumer cette idée que pour arriver à l'égalité républicaine, il ne faut pas hésiter à faire un usage différencié des moyens de la République et des financements de la République.
Et c'est cela, finalement, la péréquation dont tu parlais, Daniel. Evidemment, si on part du principe que ce qui est à moi est à moi, et que ce qui va aux autres est à discuter
Eh bien, justement, l'Etat est là pour faire ses choix, pour donner plus aux uns, qui en ont plus besoin, qu'aux autres. Et qu'est-ce qui permettra de l'accepter ? C'est la transparence de la règle d'application. Ce n'est pas vrai que les Français soient jaloux, ce n'est pas vrai que les Français ne comprennent pas cela. Ce que les Français n'acceptent pas, c'est l'idée que la répartition différenciée de ces crédits se fasse selon des règles que personne ne contrôle, et que personne ne comprend : on veut connaître la règle du jeu, et souhaiter qu'elle ne bouge pas. L'effort, cher Daniel, ne doit pas être fait sur la réduction de cette différenciation, mais sur la transparence des décisions, sur la simplicité des décisions, parce qu'il faut bien dire ce qui est : plus personne n'y comprend rien !
De ce point de vue, quand je lis des notes de la Direction générale des collectivités locales, je peux vous dire que je m'accroche... et que j'abandonne !
Ensuite il y a la question des services publics : on va en parler !
Qu'est-ce c'est, d'abord, que cette maladie qui consiste à dire qu'on ne peut pas parler des choses ? Il faut en parler, et les maires, les élus, sont des gens suffisamment raisonnables et responsables pour qu'on puisse tout évoquer. Là encore, ce qui provoque les crispations, c'est le sentiment que là-haut, personne ne s'en occupe, tout le monde s'en moque, et qu'on ne voit pas les choses en face.
Que disent-ils, les élus ? Ils se tournent vers nous en disant : " écoutez, économiquement, nous avons tout perdu - je dirai un mot des délocalisations, d'ailleurs -, notre population vieillit et diminue. Si vous nous enlevez les services publics, il ne nous reste plus rien ! "
La vérité, c'est que ce ne sont pas tant les services publics eux-mêmes qui sont le symbole, c'est le fait qu'après avec perdu les activités économiques et de la population, que reste-t-il ?
Mais si on vous propose une entreprise, des activités économiques, des recettes pour vos communes, des enfants pour vos écoles, des familles pour vos villages, la question des services publics se pose différemment !
Est-il possible de réformer les services publics, c'est à dire de faire des économies, pour l'Etat, et en même temps de garder un service de proximité ? J'ai un exemple ! Il y a trois ans, vous m'aviez accueilli avec beaucoup de courtoisie, mais aussi une certaine vigilance. Rappelez-vous, on parlait alors de la réforme de la carte territoriale des gendarmeries et, André, tu t'en souviens, tu n'étais pas le plus indulgent avec moi sur cette question. Nous avons quand même réussi quelque chose qui n'était pas si facile : il existait des gendarmeries qui recevaient une personne par jour et avec les communautés de brigade, nous avons réussi, sans casse, à mettre plus de gendarmes sur le terrain, et à résoudre, je ne dis pas tout, mais un grand nombre de problèmes. Cela faisait des années qu'on en parlait, que jamais personne n'avait réussi à mettre en place la réforme. Je me suis beaucoup déplacé sur le terrain. Bien sûr, quand je fermais un commissariat, une brigade
Mais finalement, on a pu porter ce mouvement.
Eh bien, je l'affirme, pour les trésoreries, pour la Poste, pour un certain nombre de services publics, dans des départements où il n'y a plus rien, il ne faut pas appliquer les mêmes règles que dans les départements où il y a beaucoup. Il ne faut pas un schéma national plaqué par une administration d'en haut, il faut un schéma, comme on l'a fait pour les gendarmeries, adapté département par département, territoire par territoire, en y associant les maires, dans un système gagnant-gagnant. Que voulez-vous ? Qu'il y ait encore une activité, qu'on puisse faire quelque chose !
De mon point de vue, d'ailleurs, regardons l'expérience qui est tentée par la Poste, avec les points postes : permettez-moi de vous dire que dans un village, ou une petite commune, plutôt que d'avoir un commerce moribond et une poste qui ne reçoit personne, peut-être vaut-il mieux avoir un commerce conforté parce qu'il a lui aussi une activité de service public. Ainsi, on fera des économies pour le budget de l'Etat, et donc pour vous tous, Français, et en même temps on confortera une activité économique et un service de proximité dans vos pays, dans vos territoires et dans vos communes.
C'est possible si on veut bien arrêter de prendre des postures : d'un côté, à Bercy, " il n'y a plus d'argent ", de l'autre, chez les élus, " on ne discute de rien "... On peut être imaginatif, on peut trouver des solutions, et je sais bien une chose, moi, l'élu des villes, que le malheur de nos campagnes, aujourd'hui, ce sera le malheur de nos villes, demain : parce que dans nos villes il n'y a plus d'emplois, pas assez de logements, et trop de pollution. Et si on ne permet plus aux gens de vivre dans la ruralité, on rendra la vie impossible dans les villes. Il n'y a pas d'un côté les problèmes de la ruralité, et de l'autre, les problèmes de la ville. C'est un ensemble, et cet ensemble s'appelle la France. Et je suis sûr que l'on peut trouver des solutions adaptées pour vos trésoreries, pour la Poste, et pour l'ensemble des services publics sur le territoire.
Je voudrais exprimer également - et je te rejoins, Daniel - ce sentiment qu'il ne peut pas y avoir de décision sans discussion. Et croyez bien, y compris quand on est ministre, on a le sentiment, parfois, que des décisions se prennent à un niveau qu'on n'arrive pas toujours à identifier. Et cette méthode qui consiste à décider sans demander l'avis de ses partenaires, c'est une méthode qui braque tout le monde, et de ce point de vue, il y a énormément de progrès à faire.
Je voudrais également dire un mot de la réforme de la fiscalité locale. Je me méfie beaucoup du changement en la matière : je vous le dis comme je le pense. Je suis de très près les travaux de la Commission Fouquet, en tant que ministre des Finances, mais également dans mon travail de dans dix jours. Je m'opposerai à ce qu'il y ait une rupture du lien entre les entreprises et les collectivités territoriales, car si on rompt le lien fiscal et financier entre les entreprises et les collectivités territoriales, vous n'aurez plus une seule commune qui voudra accueillir sur son territoire une usine et une entreprise. Et ainsi, on aura créé les conditions d'une catastrophe économique. On ne voudra faire que des jardins dans sa commune !
Mais l'ambition que vous avez pour vos enfants, c'est qu'ils trouvent un emploi. Et donc il faut garder ce lien économique entre le financement des collectivités territoriales et les entreprises.
Deuxième chose pour laquelle je me battrai, parce que j'y crois : il faut conserver la liberté de fixation du taux, parce qu'il est des élus qui se battent pour leur territoire et leur commune, qui sont plus dynamiques que les autres. Il est normal qu'ils en aient la récompense et disposent de l'autonomie. L'autonomie des collectivités territoriales, ce n'est pas de vous obliger à être tous en retard, au lieu de laisser quelques-uns arriver à l'heure. L'autonomie, c'est que si vous investissez, si vous vous donnez du mal pour attirer, ici un commerce, là une profession libérale, là une petite entreprise, vous en ayez le bénéfice.
Et de ce point de vue, je veux également être très vigilant sur les annonces de réforme du foncier non bâti. Je le dis d'ailleurs, je crois profondément à l'agriculture comme activité économique sur notre territoire. Mais les agriculteurs veulent vivre du prix des produits qu'ils produisent ; ils ne veulent pas devenir des fonctionnaires de la ruralité, à coup de subventions ou de suppression artificielle d'impôts. Ils veulent être respectés pour leur travail, et ils ne demandent pas davantage de subventions, ils demandent des prix qui correspondent à l'effort de production qui est le leur. Et on n'arrangera pas la situation des agriculteurs en déstabilisant les finances des collectivités, et notamment des petites communes.
S'agissant du PLF 2005, la DGF augmente de 3,29 %. On peut toujours dire qu'on fait mieux, mais vous connaissez le proverbe : " quand je m'ausculte, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure ".
3,29 % : depuis 1996, pratiquement 10 ans, cela a été aussi bien à deux reprises seulement. Je veux quand même dire les choses telles qu'elles sont ! On ne peut pas dire qu'il y a un mécontentement gravissime concernant le budget de la nation et la DGF, car dans le contexte des finances dont je vous ai parlé, et que vous pouvez vérifier, arriver à faire augmenter la DGF de 3,29 %, ce n'est pas si facile. A qui va cette DGF ? A vous !
Il est vrai qu'ensuite, il y a la part minimale, mais il faut savoir ce qu'on veut : veut-on ou non de la péréquation ? Il n'est pas interdit pour vous aussi d'être cohérents dans l'expression de vos positions. L'enveloppe globale augmente de 3,29 %, à l'intérieur, fait-on augmenter tout le monde de ce taux, ou donne-t-on plus à ceux qui ont plus besoin ?
Je suis pour qu'on donne plus à ceux qui ont plus besoin, mais je n'ai pas à rougir du budget des collectivités territoriales tel que je l'ai organisé dans le PLF 2005, et ces chiffres que je vous donne sont aisément vérifiables. Vous verrez à ce moment que je ne vous raconte pas de balivernes !
J'ajoute un mot sur les commerces dans vos communes : la mesure que j'ai fait voter au mois de mai, concernant l'exonération des plus-values sur les fonds de commerce, et l'exonération des droits de mutation pour celui qui vend à un artisan de la même catégorie, savez-vous qu'elle marche bien ?
Dans vos communes, depuis dix ans, il y a 38 % de boucheries en moins, il y a 33 % de charcuteries en moins, il y a 28 % de merceries en moins...
Que se passe-t-il ? Quand un artisan ou un commerçant part à la retraite, il joue le confort de sa retraite sur la vente du fonds. Il a cotisé toute sa vie, mais sa retraite ne sera pas terrible. S'il vend son commerce à bon prix, sa retraite sera un peu plus confortable, elle sera faible sinon. Il va donc vendre au plus offrant.
Qui est capable de mettre le plus d'argent ? C'est la banque, l'agence immobilière, ou la compagnie d'assurance, et vous ne pouvez pas en vouloir au commerçant de leur vendre son fonds. J'ai donc décidé que si un boucher vend à un autre commerce de bouche, on supprime l'imposition des plus-values. Comme cela atteint 25 %, on rééquilibre ainsi l'offre du boucher qui voudra succéder à son confrère, par rapport à celle de la banque ou de la compagnie d'assurance.
Entre juillet et octobre, il y a eu 6 700 cessions de cette nature, et c'est comme cela qu'on va sauver le petit commerce. Cela ne dégrade pas mon déficit, et me semble-t-il, en ayant un peu réfléchi, nous avons trouvé une bonne solution.
Vous avez compris que je veux parler avec les convictions qui sont les miennes. Il faut aussi laisser les maires et les élus organiser leur travail, prendre leurs responsabilités avec davantage de liberté. Des quantités de problèmes nouveaux se posent. On ne résoudra pas ceux que connaîtra la France dans vingt ans avec les idée d'il y a cinquante ans !
Sur un certain nombre de sujets qui me tiennent à coeur - je vous avais parlé de la sécurité, l'année dernière - nous avons fait des progrès, et il y en a bien d'autres à faire, mais - pour parler d'un sujet d'actualité - je ne veux pas que dans nos quartiers, il y ait des imams qui ne parlent pas un mot de français, avec des idées qui n'ont rien à voir avec les idées de la République, et je ne veux pas non plus qu'il y ait des lieux de culte, dans nos communes, qui soient payés par l'argent de l'étranger, parce que nous voyons bien à quoi il sert, cet argent, et au service de quelles idées il se trouve. Eh bien si on ne le veut pas, il faut bien que l'on puisse s'en occuper, de façon à contrôler les choses, et que la République soit présente sur tout le territoire de la nation. Et pour cela, il faut se tourner vers des idées de l'avenir, et non pas des idées du passé !
Et je voudrais terminer par cela. Il faut bien dire que, de tempérament, je ne suis pas très impressionnable, en tout cas pas par la pensée unique. Vous êtes des femmes et des hommes engagés, au bon sens du terme, c'est à dire que vous auriez pu vivre dans vos communes sans vous en occuper. Vous avez une vie de famille, vous une vie professionnelle, et de plus, vous vous occupez des autres. Que veut une femme ou un homme engagé ? Il veut trouver des solutions, il veut espérer que ce soit possible de faire mieux, et de faire plus.
Trop longtemps, on a dit que faire mieux, c'était avoir plus d'argent. Eh bien moi, je pense que faire mieux, c'est avoir plus d'idées. Dans les années 70, il y avait ce précepte " on n'a pas de pétrole, mais on a des idées ". Il ne faut pas avoir peur des idées, des débats. Il fait imaginer de nouvelles solutions pour que tous nos territoires aient le droit de se développer et de voir se créer des richesses. Si on agit comme avant, ce sont toujours les mêmes qui auront les richesses, et toujours les mêmes qui gèreront la pénurie. Il faut inventer, il faut innover, il faut oser !
Mesdames et messieurs, je ne savais pas que j'allais vous dire cela, mais ça m'a fait très plaisir de vous le faire partager.
(Source http://www.amf.asso.fr, le 25 novembre 2004)