Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre Pierre MAUROY,
Monsieur le Président de l'AMF Daniel HOEFFEL,
Monsieur le Vice-Président de l'AMF Jacques PELISSARD,
Monsieur le Président de l'ADCF Marc CENSI,
Je voudrais tout d'abord vous dire que je suis très heureux d'être ici avec vous. Et je souhaite remercier tout particulièrement le Président Daniel Hoeffel pour son invitation, en profitant de l'occasion qui m'est offerte pour lui rendre hommage.
Cher Daniel, je crois que chacun ici s'accorde à saluer votre action exemplaire à la tête de l'AMF, et à reconnaître toute la part que vous avez prise à cette grande réforme de la décentralisation, menée cette année. Vous avez été tout au long de ces débats un interlocuteur direct, sans concessions, engagé à 100% au service des communes, des maires, et de la vie locale. Et moi je voulais vraiment vous remercier de ce franc-parler, de cet engagement, car je crois qu'ils ont été à l'origine de beaucoup d'améliorations de ces textes fondateurs.
Et c'est pourquoi je suis le premier à reconnaître que cette réforme, elle est aussi la vôtre. Votre contribution a été absolument majeure et je veux redire à tous les Maires présents ici qu'ils ont eu un porte-parole hors pair !
Je souhaite à votre successeur, qui sera connu demain, un parcours aussi réussi que le tien. Pour ma part, je suis déterminé à poursuivre des relations franches et constructives avec l'AMF, parce que je pense que c'est dans l'intérêt de tous de se parler en toute liberté.
Car nous sommes les uns et les autres dans la même démarche : je suis ici comme Ministre délégué à l'Intérieur, mais je suis avant tout un élu local comme vous, l'élu d'une agglomération de près de 80 000 habitants, qui concentre à peu près tous les problèmes de la France d'aujourd'hui. Autant vous dire que vos préoccupations, vos problèmes de maires, d'élus locaux, je les connais. Et je les partage, parce que je les vis au quotidien.
Je sais que dans nos villes, nous avons tous à faire face aux mêmes problèmes :
- d'un côté une demande de plus en plus forte de nos administrés : sécurité, développement économique, action sociale, logement, environnement, et j'en passe !
- et d'un autre côté, des procédures compliquées, des réglementations contraignantes et des financements qui se transforment en véritables casse-tête ! - le tout avec une véritable obligation de résultat face à nos administrés, car on sait tous qu'au final, on sera jugé au résultat. Notre mandat, il repose sur la confiance : et cette confiance, elle naît évidemment du lien visible entre l'engagement et le résultat.
Alors c'est vrai que face à tout cela, eh bien on se sent souvent seul ! Bien sûr on a ses adjoints, son conseil municipal, mais au moment de la décision, on est dans une situation de solitude absolue, alors même qu'on engage sa commune et ses habitants pour 10 ou 20 ans ! Le mot-clé, c'est la solitude. Et aussi la responsabilité, à la fois personnelle, pénale et politique. Je sais comme vous à quel point tout cela est lourd ; tous ceux qui n'ont pas vécu cela ne peuvent pas réaliser ce que cela représente.
Cette réalité-là, j'en suis profondément conscient. Et je peux vous dire que cette décentralisation, je l'ai portée en pensant à tout cela : à cette condition d'élu, de maire, que nous connaissons tous. Je l'ai portée en pensant à vous, à tous les maires de France, à tous les élus locaux. Parce que je suis un des vôtres, et que cette réforme, elle s'adresse avant tous à vous : elle est faite pour vous.
Ne croyez pas qu'il y a d'un côté un Ministre, et d'un autre des élus locaux. Moi, je suis votre interlocuteur ; le cas échéant votre défenseur. Je suis engagé, aux côtés de Dominique de Villepin, pour vous appuyer, pour vous aider, et aussi pour répondre à toutes vos questions.
Et je sais qu'elles sont nombreuses, ces questions ! Je suis parfaitement conscient que la décentralisation provoque des inquiétudes, des doutes, des incompréhensions. Tout cela est absolument normal ; absolument légitime.
C'est pour cela que moi, je veux prendre le temps d'expliquer les choses, de vous apporter des réponses franches et précises. Et surtout de vous rassurer, car on entend beaucoup de choses à propos de la décentralisation, mais, pour être tout à fait honnête, beaucoup de choses fausses. Je crois que tout cela mérite qu'on s'y attarde et qu'on regarde les choses de très près.
I. Sur la décentralisation : nous tenons nos engagements
Vous vous en souvenez sûrement : il y deux ans, à l'automne 2002, Jean-Pierre Raffarin avait lancé les Assises de la décentralisation. Après ce premier travail de défrichage, tout restait à faire, et le nombre de rendez-vous à honorer était impressionnant ! Une révision constitutionnelle, trois lois organiques, la loi responsabilité et liberté locales
Et ce que je peux vous dire, c'est qu'on a tenu nos engagements : l'une après l'autre, on a franchi toutes les haies.
Pour autant, croyez-moi, cette réforme, il aura fallu batailler pour la faire : avec Dominique de Villepin, on a du vaincre les réticences des uns, les oppositions des autres, à gauche comme à droite d'ailleurs. Et le tout dans un contexte politique plutôt compliqué après les régionales !
Alors bien sûr, on aurait pu flancher, et puis laisser tomber. Beaucoup nous le conseillaient d'ailleurs, chez nos amis comme chez nos adversaires Mais franchement, en avait-on le droit alors que :
- depuis deux ans, on travaillait sur ce projet, auquel tous les partisans de la décentralisation à gauche (Mauroy) comme à droite (JPR) croient profondément
- et que, derrière ces transferts de compétences, il y avait des milliers d'hommes et de femmes concernés, qui se préparaient pour ces échéances.
A partir de là, avec Dominique de Villepin, on a fait un choix très clair : nous mobiliser pour faire aboutir les choses.
Car cette décentralisation, elle nous donne enfin les moyens de construire la France de demain. Qu'est-ce qu'on entend, quand est sur le terrain ? Vous le savez aussi bien que moi : on entend que les gens en ont ras-le-bol que tout vienne de Paris, que tout soit décidé loin d'eux, par des gens totalement déconnectés de la réalité locale. Alors on a voulu dessiner cette France décentralisée, où on donne enfin un vrai bol d'air aux élus locaux.
Avec trois mot-clés :
- contrat : c'est-à-dire un engagement financier clair
- territoire : parce qu'on ne fait pas la même chose dans une petite ville rurale de montagne que dans une ville de grande banlieue parisienne
- expérimentation : pour faire en sorte que quand un maire a une idée, il puisse y aller.
Et on est arrivé à une nouvelle organisation de la France, avec un vrai ancrage économique pour les régions, et social pour les départements. Et pour vous, des partenariats pour lesquels vous serez en première ligne.
Le tout en respectant un principe : pas d'atteinte de souveraineté, pas de tutelle d'une collectivité sur une autre.
Je crois qu'au final, on a atteint un point d'équilibre, satisfaisant, et susceptible de rassembler les élus de toutes sensibilités. Pour autant, je sais très bien que la mise en oeuvre de cette réforme suscite beaucoup de peurs et d'inquiétudes, notamment sur le volet financier. Vous avez, pour certains d'entre vous, exprimé des craintes fortes à ce sujet. Pas question pour moi de me défiler : je veux y répondre point par point.
II. Sur le volet financier, nous tiendrons parole
Sur ce volet financier et fiscal, je veux vous dire trois choses, sur lesquelles je m'engage :
1/ La décentralisation ne sera pas l'alibi des hausses d'impôts.
Vous entendez des Présidents de conseils généraux et de conseils régionaux annoncer qu'ils vont être obligés d'augmenter la fiscalité pour financer la décentralisation : c'est faux !
- D'abord parce que la montée en puissance du dispositif sera progressive jusqu'en 2007.
En ce qui concerne 2005, les compétences transférées aux Régions ne représentent que 2,8 % des dépenses des Régions (elles seront compensées à l'euro près : c'est inscrit dans le projet de loi de finances). Et pour les départements, cela représente à peine 0,3 % de leurs dépenses. Dans ces conditions, il n'y a aucune justification à d'éventuelles hausses d'impôts !
- Et pour la suite, les transferts seront compensés à l'euro près : c'est inscrit dans la Constitution ! Et tout sera contrôlé, en toute impartialité, par la commission d'évaluation des charges.
En réalité, les hausses d'impôt, s'il doit y en avoir, auront pour seule et unique cause le financement des promesses électorales : ordinateurs portables, gratuité des livres scolaires, emplois tremplins : autant de promesses respectables, mais qui ont un coût, et qu'il faudra assumer : ce ne seront donc rien d'autre que l'impôt Royal, l'impôt Huchon, etc
2/ je vous garantis l'autonomie financière
C'est un engagement fort du Gouvernement, inscrit dans la Constitution, et concrétisé par une loi organique : on peut difficilement donner plus de garanties ! Pour les communes et leurs groupements, la part déterminante de ressources propres en dessous de laquelle on ne pourra plus descendre est fixée à 56 %.
3/ je serai à vos côtés dans les réformes à venir : TP et taxe sur le foncier non bâti
Nous sommes conscients, les uns et les autres, de la nécessité de repenser ces deux taxes, dont nous connaissons les effets négatifs :
- pour la TP : elle pénalise l'emploi et l'investissement
- pour la taxe sur le foncier non bâti : elle pèse lourdement sur les exploitants agricoles et compromet le dynamisme de notre monde rural.
Ce diagnostic est connu. Pour autant, il y a deux choses qui me paraissent absolument essentielles :
- pas question de remettre en cause le lien entre l'activité économique et les territoires. Moi je n'envisage pas une refonte de la TP qui ne respecterait pas ce principe.
- pas question non plus de sacrifier la liberté de vote des taux : en tout état de cause, la formule retenue, pour la TP comme pour le foncier non bâti, devra préserver l'autonomie financière des collectivités et intégrer la liberté de vote des taux. Vous avez entendu le Premier Ministre hier : je crois qu'il a été très clair en indiquant que la TP ne serait pas remplacée par un impôt national à taux unique sur l'ensemble du territoire.
Vous le savez, ces réformes sont étudiées de près en ce moment, notamment par la commission Fouquet pour la TP. Elles seront donc élaborées dans la concertation, et moi, dans ce cadre-là je serai à vos côtés à 100 %. Je connais vos inquiétudes et vos interrogations. Et ce que je veux vous dire, c'est que vous avez un Ministre, qui s'engagera pleinement sur ces dossiers, pour vous donner les garanties que vous attendez.
Car mon obsession, c'est de retrouver des relations de confiance entre l'Etat et les collectivités locales. Vous l'avez compris : depuis mon arrivée au Ministère délégué à l'Intérieur, c'est le principe qui anime toute mon action.
III. Vous allez profiter de la réforme des dotations
Et le premier témoignage de cet engagement et de cette considération envers les collectivités locales, c'est un bon budget 2005, (au moment où on serre la vis sur toutes les autres dépenses de l'Etat), et une réforme des dotations avantageuse. Sur un sujet compliqué, où personne n'avait fait autre chose que des colloques depuis des années et des années, je crois que pour la première fois depuis longtemps, on a réussi à enclencher une vraie réforme des dotations, où personne n'est perdant, et où beaucoup sont gagnants.
1°) progression de la DGF des communes
* elle va progresser de 3,3 % en 2005 (c'est-à-dire bien plus que l'inflation)
* son architecture est revue, avec trois grands principes : simplicité / lisibilité / équité :
- création d'une dotation de base de 60 à 120 euros par habitant permettant de mieux prendre en compte la population dans le calcul de la dotation
- création d'une dotation proportionnelle à la superficie de 3 euros par hectare pour tenir compte notamment des communes à grande superficie et à faible densité de population.
- Enfin, ce qu'il faut retenir de cette réforme, c'est que personne n'y perdra. Le complément de garantie assure à chaque commune qu'elle conservera le niveau de dotation forfaitaire qu'elle percevait avant la réforme. Et dans le cas précis qui vous concerne, les simulations montrent que de très nombreuses communes vont y gagner.
2°) Une réforme fortement péréquatrice
Pour être efficace, on a choisi de beaucoup simplifier ces dotations de péréquation, et de faire un effort sans précédent de progression de ces dotations :
- plus 20 % pour la DSR et la DSU en 2005 (concrètement cela représente 80 millions de plus pour la DSR en 2005 et 120 millions de plus pour la DSU)
- l'effort est concentré là on en a le plus besoin : les bourgs-centres pour la DSR, et les communes ayant une forte population en ZUS pour la DSU.
Et en même temps, on se donne enfin les moyens de répondre à un enjeu majeur : l'avenir de nos zones rurales, et de leurs services publics.
3°) Des moyens pour maintenir les Services publics en milieu rural
Car là encore, sachez que j'ai entendu vos inquiétudes. Et le Gouvernement a pris toute la mesure des craintes qui ont pu s'exprimer. Croyez-moi, sur le sujet des services publics, nous avons reçu le message 5 sur 5. Et nous sommes totalement mobilisés sur ce dossier : le Premier Ministre en a fait la démonstration ici même hier, en annonçant la prochaine création d'une Conférence nationale sur les services publics en milieu rural, pour réfléchir aux solutions d'avenir.
- Car nous avons un objectif : parvenir à un bon équilibre, où un service public modernisé soit assuré partout.
- et nous avons une méthode : le pragmatisme. Parce qu'il n'est pas question de se voiler la face et d'ignorer que certaines situations sont tout de même un peu limites : quand on voit par exemple des trésoreries qui font deux actes par semaine, on mesure qu'il y a un vrai travail à mener, ensemble, de façon réaliste et pragmatique.
Alors quelle peut être la solution ?
- On a vu que le moratoire n'était pas une bonne solution : il a d'ailleurs été supprimé par Lionel Jospin.
- Moi, je crois qu'il faut retenir une deuxième piste, c'est le rôle central donné au Préfet :
- pour permettre la concertation, en amont de toute réorganisation
- pour suspendre les projets de " restructuration sauvage "
- pour coordonner les efforts d'organisation et de modernisation de nos services publics. Le tout évidemment en tenant compte des spécificités locales, et en liaison avec les Ministères de tutelle concernés.
- A tout cela, il y a naturellement un corollaire : c'est de se donner les moyens financiers de notre action. Et là, je vous le disais, c'est un effort sans précédent qui est prévu dès 2005 pour la DSR (+ 20 %). Et cette augmentation sera particulièrement sensible dans les 1600 bourgs-centres situées en ZRR, c'est-à-dire dans les cantons les plus défavorisés, qui vont voir leur dotation croître dans une fourchette de 40 à 60 % !
Je crois que tout cela est de nature à répondre aux inquiétudes, et à permettre une action d'envergure en direction de nos territoires ruraux.
IV. Une intercommunalité qui préserve les identités communales
Autre inquiétude : la préservation des identités de chacun, au sein d'une intercommunalité en pleine progression. Je sais que vos tables-rondes se sont penchées longuement sur la question. Permettez-moi d'ajouter quelques mots à ce sujet.
D'abord parce que je suis un fervent partisan de l'intercommunalité. C'est pour cela que je me suis personnellement battu pour que figure dans la loi de décentralisation un titre sur l'intercommunalité. Avec un ensemble de mesures appropriées pour rendre l'intercommunalité plus fluide ; plus lisible ; plus accessible. Toutes ces mesures résultent d'ailleurs d'échanges approfondis avec les élus, et s'articulent autour de trois idées :
- simplifier l'intercommunalité
- lui donner plus de moyens
- tout en respectant les identités communales.
=> L'intercommunalité, elle ne se fera pas contre vous, mais pour vous, et avec vous. Et je m'adresse tout particulièrement aux élus de petites communes, qui ont pu craindre de perdre leur âme, pour les rassurer à ce point de vue.
J'ajoute pour être tout à fait complet, qu'un effort tout particulier a été fait pour encourager l'intercommunalité en milieu rural, avec trois mesures qui concernent les dotations :
- un rapprochement de la dotation d'intercommunalité des communautés de communes (CC) de celle des communautés d'agglomération. Je pense que ce mouvement de réduction d'écart peut correspondre à vos attentes ;
- la suppression de l'écrêtement subi par les communautés de communes 4 taxes lorsque leur dotation d'intercommunalité augmentait de plus de 20 % ;
- la suppression de la notion de dépenses de transferts actuellement prises en compte dans le coefficient d'intégration fiscale (CIF) pour les communautés de communes 4 taxes.
=> Bref, l'intercommunalité, doit être pour vous un outil, pas un carcan. Nous avons, en effet, souhaité favoriser une intercommunalité où les petites villes ne perdront pas leur âme. Au contraire, elles y trouveront de nouveaux moyens pour :
- développer l'activité économique, notamment le tourisme, ou le secteur agroalimentaire
- favoriser la protection des espaces naturels proches des villes
- renforcer l'attractivité des territoires (en matière de logement, d'installation de professionnels de santé)
=> Alors faut-il aujourd'hui aller plus loin ? Moi, je ne le crois pas et je veux à ce titre répondre en toute transparence à la question de l'identité politique de l'intercommunalité. Moi, je vais vous dire les choses comme je les pense : pour moi, l'heure n'est pas à l'élection au suffrage universel des présidents d'intercommunalités. Personnellement, j'y suis tout à fait hostile. Et je pense que les esprits ne sont pas prêts.
Vous l'avez vu, beaucoup de travail a été fait. Sur les transferts de compétences, sur l'autonomie financière, sur les dotations, nous avons tenu notre parole. Et je compte bien poursuivre sur cette lancée, pour les chantiers qui nous attendent en 2005 : la mise en oeuvre des lois de décentralisation, la réforme de la TP, la réforme de la taxe sur le foncier non bâti, la modernisation de la fonction publique territoriale Sur tous ces chantiers, je compte sur vous pour rester des partenaires francs, directs et constructifs. Vous pourrez compter sur moi en retour pour être un interlocuteur disponible, à l'écoute et dévoué à la cause des élus locaux.
Je crois que c'est ce dialogue continu qui permettra de faire avancer les choses sur le terrain, au service de trois grandes idées qui nous rassemblent :
- le courage politique
- l'efficacité publique
- la fidélité aux valeurs de la République.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 19 novembre 2004)
Monsieur le Président de l'AMF Daniel HOEFFEL,
Monsieur le Vice-Président de l'AMF Jacques PELISSARD,
Monsieur le Président de l'ADCF Marc CENSI,
Je voudrais tout d'abord vous dire que je suis très heureux d'être ici avec vous. Et je souhaite remercier tout particulièrement le Président Daniel Hoeffel pour son invitation, en profitant de l'occasion qui m'est offerte pour lui rendre hommage.
Cher Daniel, je crois que chacun ici s'accorde à saluer votre action exemplaire à la tête de l'AMF, et à reconnaître toute la part que vous avez prise à cette grande réforme de la décentralisation, menée cette année. Vous avez été tout au long de ces débats un interlocuteur direct, sans concessions, engagé à 100% au service des communes, des maires, et de la vie locale. Et moi je voulais vraiment vous remercier de ce franc-parler, de cet engagement, car je crois qu'ils ont été à l'origine de beaucoup d'améliorations de ces textes fondateurs.
Et c'est pourquoi je suis le premier à reconnaître que cette réforme, elle est aussi la vôtre. Votre contribution a été absolument majeure et je veux redire à tous les Maires présents ici qu'ils ont eu un porte-parole hors pair !
Je souhaite à votre successeur, qui sera connu demain, un parcours aussi réussi que le tien. Pour ma part, je suis déterminé à poursuivre des relations franches et constructives avec l'AMF, parce que je pense que c'est dans l'intérêt de tous de se parler en toute liberté.
Car nous sommes les uns et les autres dans la même démarche : je suis ici comme Ministre délégué à l'Intérieur, mais je suis avant tout un élu local comme vous, l'élu d'une agglomération de près de 80 000 habitants, qui concentre à peu près tous les problèmes de la France d'aujourd'hui. Autant vous dire que vos préoccupations, vos problèmes de maires, d'élus locaux, je les connais. Et je les partage, parce que je les vis au quotidien.
Je sais que dans nos villes, nous avons tous à faire face aux mêmes problèmes :
- d'un côté une demande de plus en plus forte de nos administrés : sécurité, développement économique, action sociale, logement, environnement, et j'en passe !
- et d'un autre côté, des procédures compliquées, des réglementations contraignantes et des financements qui se transforment en véritables casse-tête ! - le tout avec une véritable obligation de résultat face à nos administrés, car on sait tous qu'au final, on sera jugé au résultat. Notre mandat, il repose sur la confiance : et cette confiance, elle naît évidemment du lien visible entre l'engagement et le résultat.
Alors c'est vrai que face à tout cela, eh bien on se sent souvent seul ! Bien sûr on a ses adjoints, son conseil municipal, mais au moment de la décision, on est dans une situation de solitude absolue, alors même qu'on engage sa commune et ses habitants pour 10 ou 20 ans ! Le mot-clé, c'est la solitude. Et aussi la responsabilité, à la fois personnelle, pénale et politique. Je sais comme vous à quel point tout cela est lourd ; tous ceux qui n'ont pas vécu cela ne peuvent pas réaliser ce que cela représente.
Cette réalité-là, j'en suis profondément conscient. Et je peux vous dire que cette décentralisation, je l'ai portée en pensant à tout cela : à cette condition d'élu, de maire, que nous connaissons tous. Je l'ai portée en pensant à vous, à tous les maires de France, à tous les élus locaux. Parce que je suis un des vôtres, et que cette réforme, elle s'adresse avant tous à vous : elle est faite pour vous.
Ne croyez pas qu'il y a d'un côté un Ministre, et d'un autre des élus locaux. Moi, je suis votre interlocuteur ; le cas échéant votre défenseur. Je suis engagé, aux côtés de Dominique de Villepin, pour vous appuyer, pour vous aider, et aussi pour répondre à toutes vos questions.
Et je sais qu'elles sont nombreuses, ces questions ! Je suis parfaitement conscient que la décentralisation provoque des inquiétudes, des doutes, des incompréhensions. Tout cela est absolument normal ; absolument légitime.
C'est pour cela que moi, je veux prendre le temps d'expliquer les choses, de vous apporter des réponses franches et précises. Et surtout de vous rassurer, car on entend beaucoup de choses à propos de la décentralisation, mais, pour être tout à fait honnête, beaucoup de choses fausses. Je crois que tout cela mérite qu'on s'y attarde et qu'on regarde les choses de très près.
I. Sur la décentralisation : nous tenons nos engagements
Vous vous en souvenez sûrement : il y deux ans, à l'automne 2002, Jean-Pierre Raffarin avait lancé les Assises de la décentralisation. Après ce premier travail de défrichage, tout restait à faire, et le nombre de rendez-vous à honorer était impressionnant ! Une révision constitutionnelle, trois lois organiques, la loi responsabilité et liberté locales
Et ce que je peux vous dire, c'est qu'on a tenu nos engagements : l'une après l'autre, on a franchi toutes les haies.
Pour autant, croyez-moi, cette réforme, il aura fallu batailler pour la faire : avec Dominique de Villepin, on a du vaincre les réticences des uns, les oppositions des autres, à gauche comme à droite d'ailleurs. Et le tout dans un contexte politique plutôt compliqué après les régionales !
Alors bien sûr, on aurait pu flancher, et puis laisser tomber. Beaucoup nous le conseillaient d'ailleurs, chez nos amis comme chez nos adversaires Mais franchement, en avait-on le droit alors que :
- depuis deux ans, on travaillait sur ce projet, auquel tous les partisans de la décentralisation à gauche (Mauroy) comme à droite (JPR) croient profondément
- et que, derrière ces transferts de compétences, il y avait des milliers d'hommes et de femmes concernés, qui se préparaient pour ces échéances.
A partir de là, avec Dominique de Villepin, on a fait un choix très clair : nous mobiliser pour faire aboutir les choses.
Car cette décentralisation, elle nous donne enfin les moyens de construire la France de demain. Qu'est-ce qu'on entend, quand est sur le terrain ? Vous le savez aussi bien que moi : on entend que les gens en ont ras-le-bol que tout vienne de Paris, que tout soit décidé loin d'eux, par des gens totalement déconnectés de la réalité locale. Alors on a voulu dessiner cette France décentralisée, où on donne enfin un vrai bol d'air aux élus locaux.
Avec trois mot-clés :
- contrat : c'est-à-dire un engagement financier clair
- territoire : parce qu'on ne fait pas la même chose dans une petite ville rurale de montagne que dans une ville de grande banlieue parisienne
- expérimentation : pour faire en sorte que quand un maire a une idée, il puisse y aller.
Et on est arrivé à une nouvelle organisation de la France, avec un vrai ancrage économique pour les régions, et social pour les départements. Et pour vous, des partenariats pour lesquels vous serez en première ligne.
Le tout en respectant un principe : pas d'atteinte de souveraineté, pas de tutelle d'une collectivité sur une autre.
Je crois qu'au final, on a atteint un point d'équilibre, satisfaisant, et susceptible de rassembler les élus de toutes sensibilités. Pour autant, je sais très bien que la mise en oeuvre de cette réforme suscite beaucoup de peurs et d'inquiétudes, notamment sur le volet financier. Vous avez, pour certains d'entre vous, exprimé des craintes fortes à ce sujet. Pas question pour moi de me défiler : je veux y répondre point par point.
II. Sur le volet financier, nous tiendrons parole
Sur ce volet financier et fiscal, je veux vous dire trois choses, sur lesquelles je m'engage :
1/ La décentralisation ne sera pas l'alibi des hausses d'impôts.
Vous entendez des Présidents de conseils généraux et de conseils régionaux annoncer qu'ils vont être obligés d'augmenter la fiscalité pour financer la décentralisation : c'est faux !
- D'abord parce que la montée en puissance du dispositif sera progressive jusqu'en 2007.
En ce qui concerne 2005, les compétences transférées aux Régions ne représentent que 2,8 % des dépenses des Régions (elles seront compensées à l'euro près : c'est inscrit dans le projet de loi de finances). Et pour les départements, cela représente à peine 0,3 % de leurs dépenses. Dans ces conditions, il n'y a aucune justification à d'éventuelles hausses d'impôts !
- Et pour la suite, les transferts seront compensés à l'euro près : c'est inscrit dans la Constitution ! Et tout sera contrôlé, en toute impartialité, par la commission d'évaluation des charges.
En réalité, les hausses d'impôt, s'il doit y en avoir, auront pour seule et unique cause le financement des promesses électorales : ordinateurs portables, gratuité des livres scolaires, emplois tremplins : autant de promesses respectables, mais qui ont un coût, et qu'il faudra assumer : ce ne seront donc rien d'autre que l'impôt Royal, l'impôt Huchon, etc
2/ je vous garantis l'autonomie financière
C'est un engagement fort du Gouvernement, inscrit dans la Constitution, et concrétisé par une loi organique : on peut difficilement donner plus de garanties ! Pour les communes et leurs groupements, la part déterminante de ressources propres en dessous de laquelle on ne pourra plus descendre est fixée à 56 %.
3/ je serai à vos côtés dans les réformes à venir : TP et taxe sur le foncier non bâti
Nous sommes conscients, les uns et les autres, de la nécessité de repenser ces deux taxes, dont nous connaissons les effets négatifs :
- pour la TP : elle pénalise l'emploi et l'investissement
- pour la taxe sur le foncier non bâti : elle pèse lourdement sur les exploitants agricoles et compromet le dynamisme de notre monde rural.
Ce diagnostic est connu. Pour autant, il y a deux choses qui me paraissent absolument essentielles :
- pas question de remettre en cause le lien entre l'activité économique et les territoires. Moi je n'envisage pas une refonte de la TP qui ne respecterait pas ce principe.
- pas question non plus de sacrifier la liberté de vote des taux : en tout état de cause, la formule retenue, pour la TP comme pour le foncier non bâti, devra préserver l'autonomie financière des collectivités et intégrer la liberté de vote des taux. Vous avez entendu le Premier Ministre hier : je crois qu'il a été très clair en indiquant que la TP ne serait pas remplacée par un impôt national à taux unique sur l'ensemble du territoire.
Vous le savez, ces réformes sont étudiées de près en ce moment, notamment par la commission Fouquet pour la TP. Elles seront donc élaborées dans la concertation, et moi, dans ce cadre-là je serai à vos côtés à 100 %. Je connais vos inquiétudes et vos interrogations. Et ce que je veux vous dire, c'est que vous avez un Ministre, qui s'engagera pleinement sur ces dossiers, pour vous donner les garanties que vous attendez.
Car mon obsession, c'est de retrouver des relations de confiance entre l'Etat et les collectivités locales. Vous l'avez compris : depuis mon arrivée au Ministère délégué à l'Intérieur, c'est le principe qui anime toute mon action.
III. Vous allez profiter de la réforme des dotations
Et le premier témoignage de cet engagement et de cette considération envers les collectivités locales, c'est un bon budget 2005, (au moment où on serre la vis sur toutes les autres dépenses de l'Etat), et une réforme des dotations avantageuse. Sur un sujet compliqué, où personne n'avait fait autre chose que des colloques depuis des années et des années, je crois que pour la première fois depuis longtemps, on a réussi à enclencher une vraie réforme des dotations, où personne n'est perdant, et où beaucoup sont gagnants.
1°) progression de la DGF des communes
* elle va progresser de 3,3 % en 2005 (c'est-à-dire bien plus que l'inflation)
* son architecture est revue, avec trois grands principes : simplicité / lisibilité / équité :
- création d'une dotation de base de 60 à 120 euros par habitant permettant de mieux prendre en compte la population dans le calcul de la dotation
- création d'une dotation proportionnelle à la superficie de 3 euros par hectare pour tenir compte notamment des communes à grande superficie et à faible densité de population.
- Enfin, ce qu'il faut retenir de cette réforme, c'est que personne n'y perdra. Le complément de garantie assure à chaque commune qu'elle conservera le niveau de dotation forfaitaire qu'elle percevait avant la réforme. Et dans le cas précis qui vous concerne, les simulations montrent que de très nombreuses communes vont y gagner.
2°) Une réforme fortement péréquatrice
Pour être efficace, on a choisi de beaucoup simplifier ces dotations de péréquation, et de faire un effort sans précédent de progression de ces dotations :
- plus 20 % pour la DSR et la DSU en 2005 (concrètement cela représente 80 millions de plus pour la DSR en 2005 et 120 millions de plus pour la DSU)
- l'effort est concentré là on en a le plus besoin : les bourgs-centres pour la DSR, et les communes ayant une forte population en ZUS pour la DSU.
Et en même temps, on se donne enfin les moyens de répondre à un enjeu majeur : l'avenir de nos zones rurales, et de leurs services publics.
3°) Des moyens pour maintenir les Services publics en milieu rural
Car là encore, sachez que j'ai entendu vos inquiétudes. Et le Gouvernement a pris toute la mesure des craintes qui ont pu s'exprimer. Croyez-moi, sur le sujet des services publics, nous avons reçu le message 5 sur 5. Et nous sommes totalement mobilisés sur ce dossier : le Premier Ministre en a fait la démonstration ici même hier, en annonçant la prochaine création d'une Conférence nationale sur les services publics en milieu rural, pour réfléchir aux solutions d'avenir.
- Car nous avons un objectif : parvenir à un bon équilibre, où un service public modernisé soit assuré partout.
- et nous avons une méthode : le pragmatisme. Parce qu'il n'est pas question de se voiler la face et d'ignorer que certaines situations sont tout de même un peu limites : quand on voit par exemple des trésoreries qui font deux actes par semaine, on mesure qu'il y a un vrai travail à mener, ensemble, de façon réaliste et pragmatique.
Alors quelle peut être la solution ?
- On a vu que le moratoire n'était pas une bonne solution : il a d'ailleurs été supprimé par Lionel Jospin.
- Moi, je crois qu'il faut retenir une deuxième piste, c'est le rôle central donné au Préfet :
- pour permettre la concertation, en amont de toute réorganisation
- pour suspendre les projets de " restructuration sauvage "
- pour coordonner les efforts d'organisation et de modernisation de nos services publics. Le tout évidemment en tenant compte des spécificités locales, et en liaison avec les Ministères de tutelle concernés.
- A tout cela, il y a naturellement un corollaire : c'est de se donner les moyens financiers de notre action. Et là, je vous le disais, c'est un effort sans précédent qui est prévu dès 2005 pour la DSR (+ 20 %). Et cette augmentation sera particulièrement sensible dans les 1600 bourgs-centres situées en ZRR, c'est-à-dire dans les cantons les plus défavorisés, qui vont voir leur dotation croître dans une fourchette de 40 à 60 % !
Je crois que tout cela est de nature à répondre aux inquiétudes, et à permettre une action d'envergure en direction de nos territoires ruraux.
IV. Une intercommunalité qui préserve les identités communales
Autre inquiétude : la préservation des identités de chacun, au sein d'une intercommunalité en pleine progression. Je sais que vos tables-rondes se sont penchées longuement sur la question. Permettez-moi d'ajouter quelques mots à ce sujet.
D'abord parce que je suis un fervent partisan de l'intercommunalité. C'est pour cela que je me suis personnellement battu pour que figure dans la loi de décentralisation un titre sur l'intercommunalité. Avec un ensemble de mesures appropriées pour rendre l'intercommunalité plus fluide ; plus lisible ; plus accessible. Toutes ces mesures résultent d'ailleurs d'échanges approfondis avec les élus, et s'articulent autour de trois idées :
- simplifier l'intercommunalité
- lui donner plus de moyens
- tout en respectant les identités communales.
=> L'intercommunalité, elle ne se fera pas contre vous, mais pour vous, et avec vous. Et je m'adresse tout particulièrement aux élus de petites communes, qui ont pu craindre de perdre leur âme, pour les rassurer à ce point de vue.
J'ajoute pour être tout à fait complet, qu'un effort tout particulier a été fait pour encourager l'intercommunalité en milieu rural, avec trois mesures qui concernent les dotations :
- un rapprochement de la dotation d'intercommunalité des communautés de communes (CC) de celle des communautés d'agglomération. Je pense que ce mouvement de réduction d'écart peut correspondre à vos attentes ;
- la suppression de l'écrêtement subi par les communautés de communes 4 taxes lorsque leur dotation d'intercommunalité augmentait de plus de 20 % ;
- la suppression de la notion de dépenses de transferts actuellement prises en compte dans le coefficient d'intégration fiscale (CIF) pour les communautés de communes 4 taxes.
=> Bref, l'intercommunalité, doit être pour vous un outil, pas un carcan. Nous avons, en effet, souhaité favoriser une intercommunalité où les petites villes ne perdront pas leur âme. Au contraire, elles y trouveront de nouveaux moyens pour :
- développer l'activité économique, notamment le tourisme, ou le secteur agroalimentaire
- favoriser la protection des espaces naturels proches des villes
- renforcer l'attractivité des territoires (en matière de logement, d'installation de professionnels de santé)
=> Alors faut-il aujourd'hui aller plus loin ? Moi, je ne le crois pas et je veux à ce titre répondre en toute transparence à la question de l'identité politique de l'intercommunalité. Moi, je vais vous dire les choses comme je les pense : pour moi, l'heure n'est pas à l'élection au suffrage universel des présidents d'intercommunalités. Personnellement, j'y suis tout à fait hostile. Et je pense que les esprits ne sont pas prêts.
Vous l'avez vu, beaucoup de travail a été fait. Sur les transferts de compétences, sur l'autonomie financière, sur les dotations, nous avons tenu notre parole. Et je compte bien poursuivre sur cette lancée, pour les chantiers qui nous attendent en 2005 : la mise en oeuvre des lois de décentralisation, la réforme de la TP, la réforme de la taxe sur le foncier non bâti, la modernisation de la fonction publique territoriale Sur tous ces chantiers, je compte sur vous pour rester des partenaires francs, directs et constructifs. Vous pourrez compter sur moi en retour pour être un interlocuteur disponible, à l'écoute et dévoué à la cause des élus locaux.
Je crois que c'est ce dialogue continu qui permettra de faire avancer les choses sur le terrain, au service de trois grandes idées qui nous rassemblent :
- le courage politique
- l'efficacité publique
- la fidélité aux valeurs de la République.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 19 novembre 2004)